Le Siècle Des Néons
maita
Date : 03/03/2016 – 12h32
Objet : Enfin …
Ma chère amie, Me voilà enfin en capacité de vous écrire, vu qu'il m'a été possible de trouver une connexion dans cette ville de misère. Comme je vous l'ai conté dernièrement, je m'y ennuie toujours terriblement ... Au point que je prends du plaisir à me saisir de mon clavier pour vous envoyer cette lettre instantanée. Je me découvre une prose littéraire et j'aspire à devenir la Montesquieu des temps modernes ... Rien de bien nouveau dans ce Nord que j'habite maintenant. J'attends de vos nouvelles pour me divertir et m'éclairer en ces temps d'obscurantisme (ah ah que d'effort pour farfouiller dans ce qu'il me reste de savoir au sujet du siècle des lumières)
Je vous embrassouille, ma fripouille
Date : 04/03/2016 – 00h26
Objet : Parce que ... Montesquieu ?
Pourquoi Montesquieu ? Je vois ma chère que votre mémoire vous fait défaut. Il faut sans doute vous rappeler qu'en ces temps difficiles de première ES, vous étiez dévouée à une autre cause que la littérature. Il me semble qu'elle se nommait Nicolas ou Pierre ou Jacques ... Néanmoins, ma réponse est roman épistolaire. Je ne vous éclaire pas sur tout et vous laisse googliser ces nombreux indices pour rafraîchir votre mémoire plus si vive malgré votre jeune âge. J'ai vécu rencontre fort agaçante aujourd'hui mais je suis fatiguée, je vous raconte cela dès que la faculté m'aura rendue ma liberté en fin de journée. (De rimes ! Je m'exprime !)
Votre dévouée
Date : 04/03/2016 – 18h37
Objet : Le sort s'acharne
Bonjour mon amie, Quel plaisir j'ai à vous lire et à découvrir vos nouvelles proses après cette journée sous le signe de l'apprentissage ... Vos mots me divertissent et me procurent joie et plaisir. Il est vrai que vous aviez perdu raison lors de notre année de première pour un jeune puceau du nom de Nicolas. Je suis ravie de vous l'avoir rappelée à votre bon souvenir. J'ai beaucoup ri quand vous m'avez dépeint cette scène où, une nuit, où vous dormiez chez ses parents, pensant qu'ils étaient absents, vous vous êtes levée dans l'obscurité nue pour uriner et vous êtes tombée nez à nez (où nue à nu) avec le père du dit Nicolas qui ignorait votre existence. Un bref moment d'intimité comme on en partage peu avec nos beaux-parents. Vous êtes de celles qui se livrent facilement ... Ce souvenir reste un des plus mythiques noté dans mon grimoire des plus belles hontes ! Je souhaitais vous conter ma nouvelle mésaventure. Hier, je me suis rendue comme bon nombre de mes compatriotes étudiants au lavoir pour rafraîchir l'ensemble de mes tenues. Il y avait peu de monde en ce début d'après-midi ensoleillé (une fois n'est pas coutume...). J'ai donc lancé une machine à trente degrés et je me suis installée sur une de ces désagréables chaises en plastique, sans me découvrir d'un fil, car il fait toujours un froid de canard dans ce lieu peu propice à la détente. J'ai sorti un quelconque roman et je me suis donc mise à lire ... L'époque ne nous apprend pas à apprécier les temps d'attente et j'ai vite eu l'impression d'être l'otage de mon propre linge. En effet, celui-ci prenait plaisir à flirter et j'avais comme l'impression que nous n'étions pas prêt de pouvoir partir. J'observais ma robe rouge s'enlacer autour de mon pull jaune moutarde. Mes culottes à froufrous s'engouffraient dans mes chaussettes . Mon jean se frottait sans gêne contre le hublot de la machine … J'avais donc abandonné mon livre bien peu intéressant, observant les frasques de mes frusques quand arriva un jeune homme, téléphone à l'oreille, le verbe haut. Il avait dans sa main droite un sac poubelle qu'il déversa au-dessus de la machine voisine de la mienne. Un mont de vêtements s'en échappa sans aucune grâce pendant que l'intrus expliquait à son interlocuteur à quel point la soirée d'hier avait été une réussite selon bien-sûr ses propres critères : « Putain, je me suis couché à 8h. J'étais stone. Je me suis réveillé habillé et la porte de chez oim ouverte. Laisse tomber le casse tête ce matin entre trou noir et gueule de bois, je savais plus trop quoi. » Tout en déblatérant son histoire, l'individu enfourna son linge dans la gueule du loup et saisit ma lessive pour en remplir le tiroir de sa machine. D'un bond, je me suis donc levée et je lui ai expliqué qu'il venait de commettre un vol car cette poudre m'appartenait. J'ai senti l'individu sûr de lui. Il m'a alors regardé et a marqué un temps d'arrêt. Son attitude exprimait sa surprise comme s'il se demandait qui j'étais pour le déranger : « Ça va ma grande ! C'est de la poudre à lessive que j'ai pris et pas de la cocaïne. Je n'avais pas prévu de commettre un crime. J'ai pas fait exprès. » Du tac au tac, je lui ai répondu :« Ah ouais et tu pensais que la poudre tombait du ciel ? Que ta marraine la bonne fée l'avait déposée pour toi ? » Le criminel s'est mis à rire mais quand il a vu que je ne partageais pas son euphorie et que ma colère n'était pas feinte, son ton à changé. « C'est bon, tu exagères, non ? Tu veux quoi deux euros ? Une dose de lessive ? Que je te paye l'essorage ? » Tout en finissant sa phrase, il posa alors deux euros sur la machine. L'ambiance électrique a dû couper toute envie à mes habits, car à ce moment là, leur ronde amoureuse prit fin. Saisie de colère, je remplis mon sac de toutes mes affaires encore chaudes et humides de leurs ébats. Je pris la pièce de deux euros et la balança à la tête du vaurien et partis. J'ai mis beaucoup de temps à me calmer de ma colère. J'ai regretté le jet de la pièce, j'aurais préféré toucher l'autre en plein verbes, en pleine phrases ... Ne pas me rabaisser avec un geste de violence qui peut avec du recul, je l'avoue, paraître puéril ... Je l'ai d'autant plus regretté que ce matin au TD « histoire de l'éducation » (aucune ironie mais juste un fait réel), j'ai eu le déplaisir de retrouver le délinquant. Il m'a regardé avec haine mais ne m'a pas adressé la parole, j'en suis forte aise. Je vous entends déjà me parler de mes accès de colère, de ma difficulté à gérer mes frustrations, de mon incapacité à exprimer mes contrariétés et de mon impatience légendaire. C'est pourquoi, je préfère pour ce soir mettre fin à ce courrier et vous rappeler ma très chère que Rome ne s'est pas construite en un jour ... J'aurai besoin d'un peu plus de temps pour apprendre. Vous me manquez.
Votre amie contrariée.
Date : 05/03/2016 – 8h27
Objet : Ironie
Un mot rapide car le savoir n'attend pas. J'apprécie de vous avoir fait rire. Par contre, je sens de l'ironie derrière vos interrogations : « Que pense Montesquieu de mon attitude ? Suis-je digne du siècle des lumières ? ». Je vais dès ce soir organiser une vidéo conférence avec Mont', Voltaire et Rousseau. J'aborderai le sujet et ne manquerai pas de vous tenir informée.
Bonne journée !
Date : 07/03/2016 – 20h30
Objet : Adoucissant
Ma chère Mathilde,
J'ai eu de nouveau ce matin un TD avec le jeune homme que j'appelais vaurien et qui se prénomme Julian. Je ne lui ai pas adressé la parole bien qu'il me semble que je lui dois des excuses pour mon geste mais je n'en ai pas le courage, puis après tout, il s'agit d'un voleur ... Je baisse donc le regard dès que je le croise. Mais il se trouve que ce soir, en rentrant de l'université, je me suis installée à ma table pour travailler et j'ai donc retiré l'ensemble de mes affaires de mon sac. En ouvrant mon bloc-notes pour commencer mon dur labeur, j'y ai trouvé un échantillon ... Un échantillon d'adoucissant ! Si j'évoque ce fait, c'est bien entendu que cet échantillon ne m'appartient pas ... Il ne peut s'agir selon moi que d'un message codé du dénommé Julian ? Qu'en pensez-vous ? Comment dois-je réagir ? J'ai bien pensé à demander à Mont' et toute sa bande mais ils n'ont point de connexion là où ils se trouvent alors je vous prie mon amie, point d'ironie. Je souhaiterai un conseil avisé.
Votre amie désappointée ..
Date : 07/03/2016 – 20H42
Objet : Superficiel
Le sujet doit approcher les 1m90. Il porte des cheveux blonds, frisés mais courts. Il a les yeux bleus. Ni gros, ni maigre, il doit être dans son bon IMC. On imagine même un torse musclé et des fesses rebondies. Une fois ma colère passée, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer qu'il n'est pas dénué de charme.
Date : 07/03/2016 – 21h03
Objet : Le plan
J'ai bien lu toutes vos suggestions et je pense en effet qu'il faut que mon message exprime mon envie de m'excuser et de me montrer amicale (au moins dans un premier temps ;-) ). Je ne pense pas pouvoir mettre en œuvre toutes vos propositions :
- Baril de lessive rempli de cocaïne : bien trop coûteux et je ne suis même pas sûr que Monsieur soit un consommateur.
- Glisser une petite culotte avec comme message brodé « excuse moi » : je ne sais pas coudre et j'ai peur que le personnage me prenne pour une cochonne. Même si le message me semble plus clair qu'avec la première option, je ne sais pas ce que je préfère passer pour une dévergondée ou pour une toxicomane ?
- Une invitation à lui payer une machine à l'occasion. J'aime l'idée et elle semble beaucoup plus convenir à la philosophe des néons (c'est plus moderne que lumières) que j'aspire à devenir. Mais cette proposition peut se transformer en piège. Savez-vous ma chère amie qu'en cycle long une machine peut durer plus d'une heure quarante ? De plus, une fois que le linge a commencé son ballet, nous ne pouvons l'arrêter. Le temps peut sembler très long si mon nouvel ami et moi-même ne partageons rien en commun. J'imagine d'ici la scène, nos regards perdus, à fixer les hublots, nous demandant pourquoi et comment nous en sommes arrivés là. Partageant un looonnnnnng moment dans un décor sinistre où il fait cinq degrés maximum. Je vais donc réfléchir à une autre action moins périlleuse mais que j'espère tout aussi amusante que celle de mon futur prince (Oulà je m'emballe, l'adoucissant fait des miracles). Je ne manquerai pas de vous tenir informée, ma chère amie. Vous êtes un peu mon Robin.
Votre acolyte qui se met à rêver.
Date 09/03/2016 – 22h22
Objet : Bilan
Comme convenu dans notre échange de courtes lettres téléphoniques, j'ai donc été ce matin au TD avec un carton neuf de doses de lessive. Cela me semblait moins encombrant qu'un baril de poudre. J'ai choisi un carton avec un fond blanc pour y inscrire mon message. J'ai été brève mais directe : « Désolée pour les deux euros. Merci pour l'échantillon, je pense à investir ». J'y ai tout de même ajouté mon numéro de téléphone. A la fin du TD, j'ai donc été vers Julian. Mon cœur marquait le rythme. Il tambourinait très fortement. Comme vous pouvez l'imaginer, vous qui me connaissez si bien, j'ai commencé à suer telle une joggeuse en plein mois d'août au Sénégal. Je l'ai regardé dans les yeux et je lui ai tendu le carton. Dès qu'il l'a eu dans ses mains, j'ai tourné les talons et je me suis enfuie. Je dois avouer que ma sortie manquait de classe et d'assurance. Depuis, je regarde mon téléphone et je m'impatiente, fébrile, telle une vache qui attend le printemps pour pouvoir brouter de l'herbe. Affamée et un peu stressée, l'hiver me semble long ... L'attente me rend fiévreuse et j'en perds ma prose lumineuse … Je touche le fond en mode « l'amour est dans le près ». La nuit me permettra de récupérer mes esprits.
Je vous embrasse
Date 10/03/2016 – 1h32
Objet : ...
Toujours rien.
Date 10/03/2016 – 18h33
Objet : AAAHHHH
Ma chère Mathilde, Je perds pieds, je perds tête, je perds tout ... Je vous explique, j'ai reçu une première missive de Julian : « Bonjour. Merci pour la lessive. J'ai donc pu laver mes vêtements sans commettre aucun crime. Mes vêtements te disent merci, ils ont rarement senti aussi bon. J'imagine que l'adoucissant a fait effet, tu avais l'air moins agressive à notre dernier TD ». A la lecture de ce message, j'ai bien cru qu'il se moquait de moi et j'ai répondu sans réfléchir de manière brève et peut-être pas très approprié « Je t'emmerde ». Puis après, en réfléchissant, je me suis dit que je m'étais peut-être un peu enflammée, que le Monsieur avait voulu faire preuve d'humour et que je lui avais de nouveau répondu avec fougue ... J'apprends vraiment très lentement, je sais ... J'ai donc envoyé un nouveau message « Comme tu as pu le lire, un échantillon n'est pas forcément suffisant … Je vais dès maintenant m'en acheter un bidon complet et pour m'excuser, je suis prête à t'offrir un détachant, un essorage, un verre ? ». Depuis, aucune réponse ... J'ai appelé Rousseau, Diderot, Montesquieu ... Aucun d'eux n'a réussi à me calmer. J'ai tout fait foirer. Je pense à changer de filière pour ne plus le croiser aux prochains TD ...
Vous me manquez ma fripouille
Date 11/03/2016 – 3h42
Objet : AAAAAAAAAAHHHHH
Je n'ai pas su me raisonner. Je n'ai pas mis mon portable sur silencieux, espérant être réveillée par sa sonnerie, et une réponse de l'objet de mes désirs (c'est que vraiment mon Julian est des plus beaux). Bref, j'ai donc reçu un message et depuis je ne peux me rendormir ! « Si tu as pris une dose d'adoucissant suffisante, c'est avec plaisir que je ferai connaissance de la justicière passionnée que tu es. Rendez-vous à 16h, tout à l'heure ». AAAAAAAAHHHHHHHHH J'espère qu'il a d'autres passions que les lessives ... J'espère que je ne vais pas de nouveau montrer mes crocs ... J'espère qu'il va continuer à me faire rêver et qu'il va m'embrasser. AAAAAAAAHHHHHHHHH Croyez-vous au prince charmant ?
Date 11/03/2016 – 03h52
Objet : Zen soyons zen
Vous avez raison, je fais preuve de peu de retenue et je me jette de nouveau dans cette histoire sans aucune retenue. Je ne sais pas si je sais fonctionner autrement ... Je vais essayer de dormir pour laisser mes cernes sous l'oreiller. Pensez à moi quand les cloches sonneront 16h, peut-être qu'il sera venu le temps de l'amour pour votre plus fidèle compagne.
Date 12/03/2016 – 1h36
Objet : C'est arrivé ...
Ses lèvres ont le goût de l'espoir, ses mains ont laissé sur moi des promesses, ses mots ont caressé mes pensées et effleuré mes rêves.
Votre amie touchée par la magie.