le silence

Odile Rousseau

Emotions liées au silence

Silence !

Avez-vous déjà entendu le silence ?

Alors, qu'est ce que le silence ?

-la nuit ?

-le noir ?

-la tranquillité ?

-la mort ?

Rien de tout cela, sauf peut-être la mort mais je ne peux l'affirmer aujourd'hui ! Alors disons que lorsque mes oreilles sont débarrassées de tous les bruits de la journée, quand je crois ne plus rien entendre, c'est le silence Mais non !!!! Le silence EST peut-être lorsque je dors et n'entends plus les bruits extérieurs. C est alors le silence dans ma tête… et encore !!! Moi , je n'aime pas le « silence ».

Quand je suis couchée, quand plus rien ne fonctionne autour de moi, dans la maison (sauf la VMC donc déjà ce n'est plus le silence), je n'aime pas entendre le craquement des poutres, le moustique qui siffle au dessus du lit, une latte de parquet qui craque, une bûche qui s'effrite dans la cheminée, un objet qui tombe parce que je ne l'ai pas rangé correctement. Je n'aime pas entendre des bruits, même identifiés, la nuit plus que le jour. Une autre raison, plus subjective, mais tout autant angoissante est le bruit de mon cerveau. Si le silence s'installe dans la maison ( pas de radio, pas de télévision, pas de lave-vaisselle…) mon cerveau et mes pensées ne sont plus détournés Plus il y a de silence dehors, plus il y a de bruit dans ma tête.

Je crois être une personne sociable, sympathique, légère, parfois drôle c'est en tout cas ce que je pense renvoyer de moi vers les autres. Mais je sais que je cache une autre facette plus secrète, triste, douloureuse, angoissée que je n'aime pas voir surgir de mon conscient. Quand les bruits disparaissent, quand un « relatif » silence s'installe, quand mon esprit n'entend plus les parasites sonores, mon cerveau s'éveille sur des moments chargés émotionnellement, moments de ma petite enfance, de mon adolescence : moments retrouvés je ne sais où dan ma tête et qui enflamment mon esprit. Je n'aime pas que ces pensées ressurgissent. En écrivant ces lignes, la radio fonctionne ; je l'entends, je ne l'écoute pas mais cela me permet de ne pas me jeter « dans la gueule du loup ».

Le silence n'est pas mon ami.

Si je n'entends plus rien, je risque de percevoir un bruit qui me fera peur. Poser ces mots me fait monter une angoisse que je connais, mais que je n'ai jamais su maitriser. Trop de choses de mon passé, trop d'émotions négatives. Je les reconnais, je les identifie quand ÇA se réveille mais je n'ai jamais su les apprivoiser. Et voilà je suis passée du silence aux angoisses. Petite fille, seule dans la chambre chez mes grands parents, couchée, j'entendais le vent hurler : les volets semblaient se gonfler dans le mince espace flottant des crochets, les fenêtres en bois laissaient passer des masses d'air qui couraient sur le lino et faisaient rouler les particules de poussière, de sable qu'on avait répandues dans la journée. Pour moi, ces petits bruits de glisse irréguliers s'associaient à des pas d'homme qui s'approchait du lit. J'étais enfouie dans les draps, sous les couvertures, immobile, figée dans ma peur. Guère plus âgée, j'avais le « privilège » d'aller à la cave ou sous le hangar, à la nuit tombée pour aller chercher une bouteille ou une bûche. J entendais le chuintement de la chouette sans savoir identifier ce bruit à cette époque et l'associais à un homme qui me soufflait dans le dos et me poursuivait… Poser du bruit sur du silence me rassure. Je n'entends alors plus les nuisances sonores qui pourraient devenir des agressions cérébrales.

Il y a une seule situation où j'aime me croire au milieu du silence : quand les volets encore fermés renvoient les bruits étouffés de l'extérieur, je sais qu'il neige. Le « silence » que provoquent les flocons de neige qui tombent au sol, me lave de toutes mes angoisses. La neige me purifie de l'intérieur. Je cherche le lieu où plus rien n'arrivera à mes oreilles et ne dérangera pas mon cerveau. Je cherche l'atmosphère purifiante d'un environnement blanc, serein et silencieux. J'ai aimé me promener le soir dans des lieux isolés, avec pour seule compagnie : la neige. Si le silence n'existe pas, à ce moment, la douceur de la neige et son silence me sécurisent complètement. 

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