Le sourire de Savannah

Aujourd’hui, Savannah ne sourit pas. Ses lèvres sont closes, comme cousues l’une à l’autre, et elle reste impassible. Ça me rend triste. Son sourire, c’est la seule chose sur laquelle je compte pour être sûr de passer une bonne journée. Le sourire de Savannah, c’est le bonheur. Son essence. Sa pureté. Le sourire de Savannah vous donne envie de chanter, de danser, de voler. Il vous transporte au-delà de la ville grise et maussade, vous emmène à l’autre bout du monde. Le sourire de Savannah est lumineux, comme le soleil des îles. Le sourire de Savannah est sucré, comme les fruits exotiques des archipels lointains. Le sourire de Savannah a des reflets presque invisibles du turquoise de la mer des atolls. Le sourire de Savannah est éclatant sous ses lèvres mates et pulpeuses qui ornent son visage brun.

Savannah a de grands yeux noirs qui sourient, eux aussi. Ils pétillent, étincellent tels des étoiles. Mais aujourd’hui, Savannah ne sourit pas. Ses lèvres sont closes, et ses yeux ne scintillent pas. Elle se tait, ne glisse pas un mot. Savannah ne reste pas silencieuse très longtemps, d’ordinaire. Dans les mots de Savannah, il y a de la chaleur et de la douceur. Et puis, quand elle ne parle pas, elle sourit. Son sourire exprime toutes ses pensées. Grâce à lui, elle fait passer toutes ses émotions. Mais aujourd’hui, elle ne sourit pas.

Aujourd’hui, Savannah est inexpressive, et c’est glaçant. « Qu’est-ce que tu as ? » je lui demande. Je suis inquiet. Ma Savannah, souris pour moi. Elle ne répond pas. « A quoi penses-tu ? » je lui demande. Elle ne répond pas. Ma Savannah, souris pour moi. « Tu ne souris pas. » Ses yeux assombris tombent sur les miens. Elle opine du chef, machinalement. « Je n’aime pas ça, quand tu ne souris pas. » Elle détourne son regard d’encre du bleu vert de mes iris. « Savannah. » Ma voix est peut-être un peu plus dure que je ne le désirerai, soudain. Je m’adoucis. « Savannah, ma Savannah... » Elle soupire, elle réagit ; elle s’exaspère peut-être, aussi. « Savannah. Savannah, souris pour moi. » Elle soupire, elle réagit ; elle s’exaspère, c’est certain. Elle me regarde, et sourit de toutes ses belles dents blanches et droites. Puis tire la langue. Et éclate de son rire contagieux, de son rire qui fait sourire mon cœur.