Le souvenir.
assilem
Amour, J'aime à croire que tout était écrit. Même la fin, malgré tout.
La guerre m'a condamné. Bien avant le corps, elle m'avait pris l'âme. Elle vous prend tout, cette guerre; par son horreur, par sa folie, par la tristesse, par la solitude, par la fatigue, par la violence, par la torture, par la mort. Elle vous prend tout. Elle s'empare de vous tout entier et vous pousse dans l'abysse damnée qui tue votre innocence. J'aime à savoir que tu n'iras jamais à la guerre. Car c'est une souffrance que d'y aller; la mort vous paraît douce face à elle. La mort n'est rien quand elle est vôtre. Mais tuer, c'est faire vivre la mort à travers vous; c'est là l'essence même de l'horreur. Je ne suis pas le seul. Les soldats pleurent, hurlent, deviennent fous. L'horreur réside en nous désormais. Aussi bien en actes qu'en souvenirs. La guerre nous a prit en ses serfs; elle nous tiens et nous connaît. Nous les soldats, avons peur. C'est cette peur qui fais tuer et qui tue. La rage côtoie la vésanie; et ainsi nous, les soldats, sombrons dans la démence . Les cadavres parlent et les fusils chantent. La mort nous guette et la folie nous prend.
La guerre m'a condamné. Quand la guerre m'a pris la tête, je n'étais plus qu'une arme égarée. Je ne sais plus. La poudre m'a trahi, sans doute. Le conseil de guerre m'a condamné. Il n'était pas à moi ce fusil. Il a tiré, seul, il me semble. Ce n'est pas vrai. Je ne sais plus. L'ignorance me comble ainsi de joie; je ne veux pas savoir.
La guerre m'a condamné; quand elle m'a prie ta voix, ton corps, tes bras, tes yeux. Je t'aime, mon ange, et ce n'est qu'un adieu. Tu as déjà pleuré, amour, quand les armes m'ont pris. Les larmes sont passées et les sanglots sont loin; les soupirs de ton amour se doivent de mourir avec moi. Sais-tu seulement que j'irais à la guerre pour tes beaux yeux, mon ange? Même en connaissant son horreur, j'irais en enfer. C'est ainsi que je t'aime, d'une manière indescriptible et personnelle que je ne peux moi-même comprendre. Je t'aime d'une manière ineffable, et je te laisse à aimer la vie.
A toi, mon amie d'enfance, amante de la nuit, amour de ma vie qui fais perdurer l'amour durant la mort.
De l'amoureux, de l'homme, qui se doit de n'être plus qu'un souvenir.