Le verre à moitié vide

sylvie_tellor

Chapitre 1 - Janvier (extrait 2). Juliette est une pétillante parisienne de 29 ans, mariée et sans enfant...

J'avais décidé de m'amuser. Mes cheveux mi-longs détachés, je m'étais fait belle. Sans être trop maquillée, j'avais opté pour un œil charbonneux et un peu de gloss sur les lèvres. Je portais mon nouveau petit haut rose acheté en soldes avec une jupe noire, classique et plutôt avantageuse. En somme je me sentais séduisante et souriais à mon reflet dans la baie vitrée quand Marc est venu interrompre le cours de mes pensées :

-        Tu es plus souriante que tout à l'heure. Ça va mieux ?

-        De quoi tu parles ? – répondis-je innocemment, alors que je savais très bien de quoi il parlait.

-        Quand Nath' et François ont fait leur annonce, tu n'avais pas l'air au top de la sincérité dans tes « félicitations ».

De quoi se mêlait-il ?

-        Eh bien…, permets-moi de te dire que je te trouve assez gonflé de me dire ça. Premièrement, on ne se connaît pas. Deuxièmement, toi non plus tu n'avais pas l'air au top de l'enthousiasme, si je ne m'abuse.

-        Ce n'est pas faux.

Le regard interrogateur, je l'ai incité à m'en dire plus.

-        Je ne suis pas très branché femme enceinte – ironisa-t-il. Et si tu veux tout savoir, je me suis séparé de ma copine il y a peu de temps, alors…

-        Désolée. Que s'est-il passé ?

-        Peu importe, c'est une affaire classée. Mais j'admets qu'en ce moment, les annonces de mariage et de bébé ne déclenchent pas chez moi un débordement d'enthousiasme. Je préfèrerais autant me changer les idées plutôt que l'on m'étale sous le nez les mièvreries du bonheur conjugal.

-        Je comprends.

-        Et toi, alors ? Pourquoi Juliette fait-elle la moue quand on parle bébé ? Tu es mariée, non ? Ça ne devrait pas te répugner plus que ça. Il paraît que c'est dans l'ordre des choses.

Je fixais mon regard sur la plage, feignant de contempler la mer à travers la baie vitrée pour ne pas croiser son regard chaleureux et inquisiteur.

-        Exact, mais ces annonces de grossesses en cascade me filent le bourdon. Je ne comprends pas ce qu'elles ont toutes à être obnubilées par leur désir d'enfant. Je trouve ça ennuyeux, en fait. « L'ordre des choses », ce n'est pas trop mon truc, tu vois ?

Je devenais maître dans l'art de la dissimulation. Enfin, c'est ce que je croyais en tout cas.

-        Je vois. Mais on vieillit, que veux-tu ? C'est l'âge.

-        T'as raison – dis-je, en attrapant la bouteille de vodka. Mais pour l'heure, reprenons un verre et trinquons à notre vie insouciante et sans enfant !

Nous nous sommes souri avec un air de défi, un sourire un peu plus appuyé qu'il n'aurait dû l'être, les yeux dans les yeux. Troublée, je crois avoir été la première à détourner le regard lorsque Clément et toute la clique ont fait irruption dans la pièce. 

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