Le Vieux

My Martin

Il n'y a personne qui soit tout à fait mien

Léon Trotsky -Lev Davidovitch Bronstein

né le 26 octobre 1879 à Ianovka, Ukraine, Petite Russie (dénomination en usage sous l'Empire russe). Famille juive des environs de Kherson, dans le sud de l'Ukraine

mort assassiné le 21 août 1940, à Coyoacán, Mexico, Mexique

révolutionnaire communiste et homme politique

Sépulture. Museo Casa de León Trotski, Mexico, Mexique

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Épouses. Alexandra Sokolovskaïa (1872 - morte lors des Grandes Purges, en 1938). Mariage rompu en 1902



    Enfants. Zinaida Volkova 1901 - Berlin, 1933. Élevée par sa tante Yelizaveta, sœur de Trotsky, après la séparation de ses parents. Sa sœur cadette, Nina, est restée avec sa mère



    Nina Nevelson 1902 - Irkutsk Oblast, Russie, 1928

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Natalia Sedova (1882 - Corbeil-Essonnes -chez son médecin cancérologue-, 1962). Vie de deuils marquée par l'assassinat de leurs deux fils. Vie de traques. Ses cendres sont à Mexico, avec celles de Léon

Natalia Sedova milite dans le groupe révolutionnaire communiste « Iskra » (« Étincelle ») et en 1903, se marie avec Trotsky, qu'elle a rencontré à Paris l'année précédente. Le mariage n'est pas officiellement enregistré car Trotsky est déjà marié avec Alexandra Sokolovskaïa, qu'il a laissée en Sibérie, avec ses deux filles



    Enfants. Sergueï Sedov 1908 - Vorkouta, Russie, 1937 Sergueï Lvovitch Sedov, né le 21 mars 1908 et mort le 29 octobre 1937 à Vorkouta, est le plus jeune fils de Léon Trotsky (1879-1940), né de sa seconde femme, Natalia Sedova. Emprisonné et assassiné pendant les Grandes Purges



    Lev Sedov 1906 - Paris, 1938 Lev (Ljova / Léon) Lvovitch Sedov, né à Saint-Pétersbourg le 24 février 1906. L'un des principaux collaborateurs de Trotsky

mort (32 ans) -circonstances troubles- à Paris, le 16 février 1938. Clinique, 7 rue Narcisse Diaz (16e). Appendicite, délire, accès de fièvre, opérations. Incompétence du chirurgien ? Action des services secrets soviétiques ?



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Saint-Palais- sur-Mer, près de Royan (Charente-Maritime)

Durant un été, Léon Trotsky en exil séjourne à Saint-Palais

Il réside dans une villa (détruite depuis), près de la plage du Platin



André Malraux, dans ses Mémoires. Entretien avec Trotsky



Trotsky part pour la Norvège puis le Mexique



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Figure de la révolution russe de 1917, Trotsky est le principal organisateur de l'Armée rouge, l'artisan de la victoire des bolcheviques dans la guerre civile



Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine (d'après le nom du fleuve Léna), trois attaques cérébrales

10 mars 1923, la dernière attaque, avant le XIIe Congrès du Parti qui aurait pu se révéler décisif dans l'affrontement de Lénine avec Staline. Lénine perd l'usage de la parole et se retire du Politburo. Il réfléchit à sa succession

En vue de la prise du pouvoir, les luttes intestines s'exacerbent, entre Staline -Lénine juge sa politique trop brutale- et Trotsky

Décembre 1922-janvier 1923, Lénine rédige son "Testament" (derniers écrits politiques) et meurt le 21 janvier 1924. Staline -Koba, L'Homme de Fer- conquiert le pouvoir



Lénine souhaitait être enterré. 1924. Le corps embaumé -méthode exclusive- de Vladimir Ilitch Lénine, révolutionnaire, premier dirigeant de l'Union soviétique, est exposé au public dans un mausolée, sur la place Rouge, adossé aux murailles du Kremlin



Trotsky s'oppose à la vision stalinienne du communisme. Il conteste le règne de la bureaucratie, prône la démocratie et la liberté de débat au sein du Parti communiste

Construire un parti ouvrier révolutionnaire, internationalisme, dictature du prolétariat. Base de l'auto-émancipation de la classe ouvrière et de la démocratie directe



En 1929, Trotsky est expulsé d'Union soviétique par Staline



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Trotsky, quatre ans en Turquie

1929-1933. En février 1929, Trotsky est conduit à Constantinople/Istanbul

Il est placé en résidence surveillée sur l'île de Büyükada, au large de Constantinople. Archipel des îles des Princes (Prinkipo)

Après quatre années passées en Turquie, il séjourne en France -premier gouvernement d'Édouard Daladier (31 janvier 1933 au 24 octobre 1933. Parti radical, IIIe République)



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Le 24 juillet 1933 matin, en provenance de Constantinople, le vapeur italien Bulgaria stoppe en mer, sur instruction de la police marseillaise

A bord, Trotsky, son épouse Natalia et ses collaborateurs

Le vapeur est rejoint au large par une vedette de la police, à bord de laquelle est monté Lev Sedov, le fils de Trotsky et Natalia

Évitant les journalistes qui les attendent au débarquement à Marseille, le groupe accoste dans le port de pêche de Cassis

Un commissaire de la Sûreté générale notifie à Trotsky un permis de séjour en France (région parisienne interdite)



Ils repartent aussitôt en voiture, avec

deux membres de l'organisation de "l'organisation trotskiste" française

Raymond Leprince, un collaborateur de Raymond Molinier

Raymond Molinier (né en 1904 à Paris, mort en 1994) était l'un des deux leaders du trotskisme en France lors de l'entre-deux-guerres

et un jeune étudiant en médecine, Jean Lastérade de Chavigny 1910-1986

Lastérade participe à la protection de Trotsky, à Saint-Palais



Destination secrète en France

Saint-Palais, près de Royan, via Aix-en-Provence et Montpellier

Après un repos d'une nuit à Tonneins (Café & Grand Hôtel du Centre. Lot-et-Garonne), ils arrivent à Saint-Palais dans l'après-midi du 25 juillet 1933



Anonymat assuré, pistes brouillées

Les envoyés spéciaux des journaux parisiens se rendent dans la station thermale de Royat, Puy-de-Dôme (au lieu de Royan), où une « fuite » annonce la présence de Trotsky. Certains journalistes assurent qu'ils l'ont vu, avec le dirigeant et diplomate soviétique Maksim Litvinov



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"L'ingénieur" Raymond Molinier loue la villa "Les Embruns", à Saint-Palais, station balnéaire, à 7 kilomètres de Royan

La propriété appartient à Émile Pillet, maire d'Arvert (Charente-Maritime)

Villa « Les Embruns ». Falaise, à proximité d'une plage



Natalia Trotsky " Édifiée au bord de l'océan, la maisonnette portait bien son nom, " les Embruns ". Nous venions d'y arriver quand un incendie y éclata. Pendant que les pompiers le maîtrisaient, nous restâmes dans une auto, sur la route. Nous demeurâmes à Saint-Palais environ deux mois, notre présence n'étant connue que des autorités administratives et d'un petit nombre d'amis qui se hâtèrent de venir nous voir. La santé de Trotsky était mauvaise ; elle donnait, par moments, des inquiétudes ; nous décidâmes d'aller jusqu'aux Pyrénées, nous arrêtant à Bagnères-de-Bigorre où nous restâmes deux semaines. "



Incendie provoqué par les flammèches échappées d'une locomotive (proche voie ferrée du tramway) embrase les broussailles, retarde l'installation, inquiète les arrivants



Endroit retiré, au Concié, à 2 kilomètres de Saint-Palais. Face à l'océan, Pont du Diable, Puits de l'Auture. Dans les écrits, le puits est identifié par le nom de "Fossa lupatura" (cartulaire de Vaux) ou "Fosse loubière". Le seigneur de Didonne et de Royan (dont le sceau de 1227 arbore un loup) se servait du puits dans ses battues contre les loups. Il les poursuivait, les acculait, les forçait à se jeter dans le gouffre

A proximité de la plage du Concié, la villa Primavera. Castel néo-roman (1905) de Marie-Gabrielle et Jean- Louis d'Auby Bordeaux 1856, Saint-Palais-sur-Mer 1928. Économiste et banquier installé à Paris (1er), n° 16, Place Vendôme. Fausse crypte


"Les Embruns", villa détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, à l'époque de la construction des fortifications nazies



25 juillet au 1er octobre 1933

Trotsky (54 ans), son épouse Natalia Sedova (51 ans)

Lev Davidovitch Bronstein, dit Léon Trotsky, dirigeant soviétique en exil, arrive dans un total anonymat à la villa "Les Embruns" à Saint-Palais, où il séjourne deux mois



Jeanne Martin des Pallières (36 ans) et Véra Lanis, la compagne de Raymond Molinier, prennent en charge la cuisine et le ménage



Trotsky vit dans la villa avec Natalia, sa compagne et plusieurs secrétaires occasionnels / gardes du corps

Jean Van Heijenoort (21 ans), son secrétaire personnel 1932-1939

Rudolf Klement (25 ans), jeune bolchevik-léniniste allemand. 1908 - assassiné à Paris, 1938

Yvan Craipeau (22 ans), un des animateurs des Jeunesses de l'Opposition

l'étudiant en médecine Jean Lastérade de Chavigny (22 ans)

le métallo Savall

le maître d'internat Jean Beaussier (21 ans). Pour ne pas provoquer la suspicion, encore membre du Parti communiste, Beaussier entre à la cellule locale de Saint-Palais

Sara Jacobs (33 ans), dite Sara Weber (1900‑1976). Secrétaire à Prinkipio, Saint-Palais puis Coyoacàn



Les militants montent la garde et effectuent des rondes

Chaque fois que Trotsky sort, ils l'accompagnent. "Le Vieux" n'accepte pas sans protester, cette vigilance. Il est prisonnier perpétuel



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A Saint-Palais, guéri de son lumbago, Trotsky connaît plusieurs semaines de bonne santé et de forte activité

Il sort pour de brèves promenades en voiture sur les chemins entre les vignes. Il bavarde avec le secrétaire du moment, écoute avec bienveillance, discute, argumente

Il passe du temps dans le jardin, où il donne la pâtée aux deux bergers allemands amenés par Raymond Molinier pour la garde, Benno et Stella

Trotsky organise sa vie systématiquement, aucune minute n'est perdue. Il déteste le désordre, le laisser-aller, la bohême



Fin d'août 1933, il est pris par des accès de fièvre

Jusqu'à présent, il n'a souffert de ce mal que dans les moments de tension, au cours des affrontements politiques

Il passe des journées entières au lit, ruisselant de sueur



Il écrit à Natalia, partie pour se soigner et visiter des amis, des lettres mélancoliques



Après des mois d'angoisse, Trotsky retrouve avec joie son fils Ljova, qui était en Allemagne. Quant au tournant de l'Internationale Communiste, leurs divergences politiques semblent aplanies

Le 19 septembre 1933, à la veille du départ de Ljova pour Paris, Trotsky écrit à Natalia

« Je regrette que Ljova s'en aille ; ici, on me traite très bien, mais, tout de même, il n'y a personne qui soit tout à fait mien. »



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Depuis les années 1920, le Parti Communiste Français est aux ordres de l'URSS. Secrétaire général de 1930 à 1964, Maurice Thorez. Stalinisation du Parti. Léon Trotsky est l'homme à abattre



Raymond Molinier va chercher à Paris des responsables politiques, des militants et les conduit à Saint-Palais, sans leur révéler au préalable la destination du voyage



7 août 1933. André Malraux (32 ans) -romancier, militant antifasciste- rend visite à Trotsky, de nuit. Deux entretiens. Malraux est impressionné par l'intelligence de Trotsky

Lunettes, chevelure blanche. Sur son bureau en guise de presse-papier, un revolver

Gérard Roche, homme politique. Informations communiquées par André Malraux, Jean van Heijenoort et Jean Beaussier. Les deux hommes parlent de l'art, du cinéma et de la danse, du christianisme, des rapports entre communisme et individualisme, de la campagne de Pologne en 1921, de la situation mondiale, de la mort

La mort. Trotsky voit « un décalage d'usure, celle du corps et celle de l'esprit », sans quoi il n'y aurait pas de résistance et la mort serait simple



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1er octobre 1933. Trotsky est autorisé à résider dans la région parisienne -la Seine et la Seine-et-Oise restent interdites

Novembre 1933 à 1934. Barbizon paraît commode. En bordure de la forêt, maison relativement isolée

Événements de février 1934. 6 février 1934, les ligues d'extrême-droite appellent à défiler. Près du Palais Bourbon, les affrontements avec les forces de l'ordre font 16 morts et 2 300 blessés Place de la Concorde (Paris)



Pour ne pas provoquer un mouvement insolite autour de l'habitation à Barbizon, Trotsky se rend souvent à Paris, chez des amis qui préparent ses entretiens



Gaston Doumergue, Président du Conseil, gouvernement d'union nationale (radicaux de centre droit). 12 avril 1934, un incident compromet la situation et remet en cause l'autorisation de séjour. Le jeune communiste chargé du courrier - par précaution reçu et expédié depuis Paris - est victime d'un accident de motocyclette. Les gendarmes interviennent. Interrogent.

Le secret du lieu de sa résidence est éventé. Les rédactions des journaux entrent en effervescence. Les politiques s'échauffent. à Barbizon, manifestants staliniens et fascistes



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L'Écho de Paris : « Le sinistre bourreau de la Russie, avait, depuis quelque temps établi sa résidence ou plutôt son Quartier général aux portes de la capitale. L'homme de Brest-Litovsk, celui qui, en 1917, signa la trahison russe et, prolongea de dix-huit mois au moins les horreurs de la Grande Guerre, le féroce bolcheviste qui s'est donné la tâche de fomenter la révolution mondiale et d'abolir toute civilisation chrétienne, vivait sous les frais ombrages de la forêt de Fontainebleau ! Allez vous faire pendre ailleurs que dans notre forêt, vous en déshonoreriez les arbres ! »



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Partir. Vie errante à travers la France

Aucun État en Europe ne souhaite accepter sur son sol, le chef révolutionnaire



Trotsky. La Terre est « la planète sans visa »



1935-1937. Après des mois, la Norvège consent à accueillir l'exilé. 19 mars 1935 au 25 juin 1945, gouvernement travailliste, Premier ministre Johan Nygaardsvold

Trotsky quitte la France. Cinq ans à vivre


10 juin 1935. Plusieurs journaux publient sa "Lettre ouverte aux travailleurs français"



Chers camarades,

Je quitte aujourd'hui la France et cette circonstance me donne, enfin, la chance de m'expliquer ouvertement devant vous : tant que je restais sur le sol français, j'étais condamné au silence.

...

Ouvriers et ouvrières de France ! Aussi longtemps que mes forces physiques me le permettront, je suis prêt, à n'importe quel moment à répondre par la parole et par l'acte à votre appel révolutionnaire !

Permettez‑moi donc de vous serrer fraternellement les mains et de finir la lettre par ce cri qui, depuis près de quarante ans, a guidé mes pensées et mes actes :

Vive la révolution prolétarienne mondiale !



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3 septembre 1938. Grange près de Paris, à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne), prêtée par Alfred Rosmer, syndicaliste

Face au constat qu'il est impossible de militer dans le mouvement communiste officiel, désormais verrouillé par la bureaucratie stalinienne, la Quatrième internationale, organisation communiste (trotskiste), est fondée par Léon Trotsky, à la suite

de l'exclusion violente des Oppositions communistes de la IIIe Internationale,

à la répression qui s'est abattue sur les opposants en URSS



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20 août 1940 à 17 heures. Coyoacán, faubourg de Mexico. Léon Trotsky (61 ans) est assassiné par Ramón Mercader (27 ans) 1913 - La Havane, 1978

Militant communiste espagnol devenu agent du NKVD, la police politique de Staline

Coup de pic à glace, au sommet du crâne



Mercader est condamné à 20 ans de prison, peine maximale prévue par la loi au Mexique à cette époque, pour un tel crime. La police -Mercader prétend s'appeler Ramon Lopez- met 10 ans à découvrir sa véritable identité et ne parvient pas à prouver qu'il a agi sur l'ordre du NKVD

6 mai 1960. Dirigeant Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev septembre 1953-octobre 1964. "Ramon Lopez" est décoré de l'ordre de Lénine, pour avoir (de sa propre initiative) éliminé un ennemi du socialisme

Le 18 octobre 1978, il meurt à La Havane, d'un cancer des os, à l'âge de 65 ans

Ses cendres se trouvent au cimetière de Kountsevo à Moscou. « Ramon Ivanovitch Lopez, Héros de l'Union soviétique »



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