Le vœu de mai
My Martin
D'après le livre "Appia" (2015)
de Paolo Rumiz. Italien, né en 1947, à Trieste. Écrivain voyageur
312 av. J.-C. La Via Appia (Voie appienne) a été construite, à l'initiative d'Appius Claudius Caecus. Politicien et auteur romain (340 à 273 avant J.-C.)
580 km. Ligne droite, du nord vers le sud. Voie indestructible, pavée de lourde dalles de basalte
La voie part de Rome, longe la côte tyrrhénienne (entre Sardaigne et péninsule italienne), traverse les terres de la Campanie et de la Basilicate
et se termine dans les Pouilles, à Brindisi -ville portuaire, sur la mer Adriatique (talon de la botte italienne, en face de l'Albanie)
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Italie, le volcanisme. La frontière entre les plaques continentales eurasienne (nord) et africaine (sud) traverse le pays ; plus lourde, la plaque africaine plonge sous la plaque eurasienne
Etna, plus de 500 000 ans. Vésuve, entre 400 et 300 000 ans. Stromboli, 15 000 ans
Dès avant l'époque romaine, vénérée dans le centre et le sud de l'Italie, Méfitis est la déesse samnite et romaine des gaz nauséabonds de la terre. Le sanctuaire principal est sur le volcan Ampsanctus, à Samnium
A l'origine, déesse des sources souterraines, telles les sources naturelles ; de nombreuses sources sont sulfureuses, d'où l'association de la divinité avec les gaz nocifs
Vénérée à Pompéi, Méfitis est identifiée aux volcans
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Samnium, sud des Apennins. Province d'Avellino
Hirpini -de "hirpus", loup, en osque. Les Hirpins sont l'une des quatre peuplades constituant la ligue des samnites
Rocca San Felice (300 km au sud de Rome)
Lago Mefite. Dioxyde de carbone, acide sulfurique
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Sandra est à l'aise avec l'ailleurs. Excellente archéologue, elle connaît les secrets des sulfureuses divinités d'outre-tombe. Elle nous ouvre la route de la Méfite, le cratère bouillonnant d'exhalaisons, où habite la divinité italique du même nom -protectrice de la fertilité, gardienne des portes séparant la vie de la mort
En Europe, la plus forte émission gazeuse de ce type ; à lui seul, le cratère exhale plus de gaz carbonique que mis ensemble, le Stromboli et l'île de Vulcano -îles Éoliennes, nord de la Sicile
"Nun ci jate ! Se more" (n'y allez pas ! On meurt). Une habitante âgée de Rocca San Felice m'avertit jadis, à qui je demande de m'indiquer la route de l'Averno -lac volcanique Averne
Récemment, une Allemande s'approche trop près et succombe aux exhalaisons
En quête de pièces archéologiques, un couple d'Italiens
Un berger raconte. De l'endroit, je tire le corps d'un homme de cent-vingt kilos
Sans crainte, Sandra descend au-delà de l'écriteau "Pericolo di morte"
Bousculée par le vent, envol de blouse et de cheveux cuivrés, suivie par un chien errant
La gueule de la marmite. Le chien recule
Dans les profondeurs, la machine des siècles ronfle, se démène
Au fond, des cadavres putréfiés de sangliers, renards, chiens. Les animaux flairent le terrain, mettent leur museau dans la strate gazeuse la plus basse, la plus meurtrière. Avant les êtres humains, ils succombent
Le gouffre hirpin souffle ses miasmes. Siffle, tel un nid de serpents. Tonne, bouillonne de boues d'un gris argenté
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Empire romain. Entre la fin du Ier siècle et la fin du IVe siècle. Le culte de Mithra
Introduite dans l'Empire romain depuis l'Anatolie (Turquie), Mithra est une divinité originaire de la Perse (Iran)
La grotte. La source. Mithra sacrifie un taureau, dont le corps permet le renouveau de la nature. Mithra sauve, régénère le monde
De nature privée, le culte étranger repose sur un ensemble de petites communautés d'adeptes. En fonction de leur rôle, les initiés (exclusivement des hommes) sont organisés en sept grades
28 février 380. Édit de Thessalonique (Grèce, ville portuaire sur la mer Égée). Fin du IVe siècle. Théodose Ier, le dernier empereur à régner sur l'Empire romain unifié (379 à 395 après J.-C.). Il interdit les cultes et religions, autres que le christianisme -religion officielle
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Les Pouilles (Puglia, en italien). Près du talon de la botte italienne, à 63 km de Bari, ville portuaire sur la mer Adriatique
Gravina in Puglia. Habitations troglodytiques creusées à flanc de montagne
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La vieille ville de Gravina est un parfait labyrinthe
Le gouffre est parcouru par des rapaces en plein vol
Le ravin n'a pas été choisi au hasard. Depuis les époques protohistoriques, il y a de l'eau
Vito traverse les boyaux, pénètre dans les cours des maisons privées, se fraye un chemin le long des raides escaliers intérieurs
Ainsi que Matera (Basilicate) et Laterza (Pouilles, province de Tarente), la ville est construite par strates jusqu'au "piano" (plan, uni). Sur lequel se trouve la partie la plus noble, la plus commode, où siégeait la civitas (ville)
Par les escaliers, on accède directement au quartier le plus pauvre. Les gens humbles qui se rendaient à la cathédrale pour les offices sacrés, prenaient ces raccourcis. Afin de ne pas faire le tour de la place
Il arrive qu'on ne parvienne pas à distinguer les ouvertures créées par la nature, de celles qui ont été adaptées ou creusées, à l'intérieur du ravin
Pino. Dans un lieu aussi inaccessible, l'homme se sent protégé. Il vit l'accès à sa grotte, "un retour à l'utérus maternel"
Jadis se déroulait un rite, d'abord païen, puis chrétien, destiné aux femmes qui ne pouvaient avoir d'enfants. Comme dans les souterrains du dieu Mithra, un parcours initiatique complet
Grâce à la présence des moines, le miracle s'accomplissait
Vito. Pour recevoir la grâce, les pèlerines apportent quelque chose qui leur appartient. Elles entament leur pérégrination, parcourent les tunnels
Elles arrivent dans une vaste salle à double abside, creusée dans le tuf
Une vasque. Une seule issue
Enfin l'ultime salle, où se déroule le rite
Avec la bénédiction de Dieu, les moines se livrent à de véritables bacchanales
Le Saint-Esprit, le Père éternel accordent la grâce
Le rite a été célébré jusqu'aux années 1960. Au mois de mai, les femmes faisaient "le fioretto" (vœu). On l'appelait ainsi