Le voile
My Martin
Lyon, musée des Beaux-Arts. Exposition "Poussin et l'amour"
Une quarantaine de tableaux et dessins
D'après un article du magazine "Les Échos Week-End" - Poussin, années érotiques. Judith Benhamou-Huet
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Michel-Ange 1575-1664. "Léda et le cygne" (1530)
François Sublet de Noyers 1589-1645, protégé du Père Joseph, l'éminence grise du cardinal de Richelieu. Austère mécène, protecteur des Jésuites. Surintendant des bâtiments du roi
Sur les rives de l'Eurotas, Zeus séduit Léda sous la forme d'un cygne. Le résultat de cette union est un œuf, d'où naissent la belle Hélène et Pollux ; Castor, le frère jumeau de Pollux naît de Tyndare, l'époux de Léda, la nuit même où l'œuf a éclos
Léda, le cygne aux ailes déployées lové contre elle
Sublet fait détruire le tableau
Tableau connu par des études préparatoires de la main de Michel-Ange et par des copies -National Gallery, Londres
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Guido Reni, peintre baroque (Italie, Bologne) 1575-1642. "Bacchus et Ariane"
Assise sur un rocher, abandonnée par Thésée, Ariane se morfond sur l'île de Naxos. Les yeux vers le ciel, la tête sur son bras gauche, elle ne se console pas de son bel amour perdu -les bateaux, à l'horizon
Couronne de feuilles de vigne, dieu du vin, Bacchus debout près d'elle, cape rouge
Séduit par Ariane, il va lui demander de l'épouser
Trop suggestif. Destruction ordonnée par l'italien Michel Particelli d'Emery 1596-1650, collectionneur et conseiller de Richelieu sous Louis XIII
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Nicolas Poussin Les Andelys (Normandie. 40 km de Rouen), 1594 - Rome (attaque de paralysie), 1665 71 ans
Issu d'une famille de notaires de Soissons, et de Marie de Laisement, fille d'un échevin
Formé à Paris. A partir de 1624, Poussin (30 ans) exerce principalement à Rome
1624-1665. 41 ans à Rome
XVIIᵉ siècle. Le classicisme à son apogée. Contre le maniérisme et le baroque. Inspiration chez les maîtres de la Renaissance (Michel-Ange et Raphaël) et dans l'Antiquité
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Étienne Charles de Loménie de Brienne 1727-1794. Collectionneur, prélat (archevêque), homme politique français. "Mémoires"
"Depuis quelques jours j'ai fait couvrir un tableau de Vénus, qui est à la vérité trop cru et trop immodeste, mais que j'ai rendu, en coupant et en couvrant la figure de Vénus, supportable aux yeux chastes. J'ai fait couper le tableau en deux [...]. J'ai fait effacer les belles jambes de la déesse et replacer sa tête du côté où étaient ses pieds"
Tableau disparu
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Mickaël Szanto, historien d'art, co-commissaire de l'exposition de Lyon. Plusieurs tableaux ont été mutilés
Radiographie de l'une de ses "Vénus épiée par deux satyres" (1626). Elle a subi un fort coup de poing, au niveau des personnages dénudés. Le tableau a été restauré
Sous-bois. Yeux, clos, emportée par son plaisir, Vénus se caresse. Voile blanc. A genoux près d'elle, un satyre soulève le voile
Derrière un arbre, un satyre suit la scène
A Lyon, trois versions de "Vénus épiée par deux satyres"
Kunsthaus. Suisse, Zurich
National Gallery. Royaume-Uni, Londres
Collection privée
Tout est symbole ; sur le tronc de l'arbre, la vigne, l'étreinte amoureuse
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Poussin (32 ans) s'inspire d'une série de gravures. "Les Lascives" (1590-1596). Agostino Carracci / Augustin Carrache 1557-1602, peintre de la Renaissance italienne
Treize pièces lascives de Carracci. L'autrichien Adam von Bartsch dit "très rares, particulièrement celles qui sont les plus libres"
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Anthony Blunt 1907-1983, Britannique, historien de l'art
1960. Rétrospective, Louvre (1960). Blunt expose la version de Zurich
L'année suivante, il juge la toile trop suggestive
1966. Il retire l'œuvre de son catalogue raisonné (Walter Friedlaender - Anthony Blunt)
Depuis cinquante ans, Pierre Rosenberg (né en 1936), historien de l'art, travaille sur le catalogue raisonné de l'artiste. Longtemps les historiens spécialistes du sujet ont voulu préserver l'image de rigueur associée au peintre. La représentation du plaisir, de la jouissance, est mal acceptée. "Vénus épiée par deux satyres" est longtemps restée dans les sous-sols de la National Gallery. Son attribution est mise en doute
Pierre Rosenberg inclut les tableaux érotiques dans son catalogue raisonné -à paraître à la fin de l'année 2023 ; quatre volumes
Pour certains spécialistes, Poussin choisit ce thème à des fins commerciales
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Pendant six ans (1624 - mariage en 1630), période érotique. Volupté ; Vénus, nymphes, nature
Les tableaux exposés à Lyon semblent d'un abord moins complexe qu'à l'accoutumée. Des symboles ; l'ange décoche les flèches de l'amour
Le chien, la fidélité ; le cygne, un attribut de Vénus ; deux colombes, sentiments partagés
1625. "Mars et Vénus". La déesse, son amant. Au loin, Adonis patiente
Aphrodite (Vénus), épouse d'Héphaïstos (Vulcain), le trompe avec Arès (Mars), son amant. Elle tombe amoureuse du bel Adonis
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Mickaël Szanto. Cette obsession a pour origine le poète italien Giambattista Marino, Le cavalier Marin 1569-1625. Célèbre, libertin, protégé de Marie de Médicis à la cour de France
"L'Adone" (1623), (Adonis), poème de 40 000 vers, l'histoire de Vénus et Adonis. Mythologie chrétienne et mythologie païenne, érotisme et mysticisme
Adonis ("seigneur", en hébreu), fils de Myrrha et de Théias, roi de Syrie
Myrrha ne rend aucun culte à Vénus, par ailleurs jalouse de sa beauté. Vénus frappe Myrrha, transformée en arbre à myrrhe ("parfum")
La déesse recueille Adonis. La beauté d'Adonis subjugue les femmes -dont Vénus, sa mère adoptive
Mars, l'amant de Vénus, est jaloux. Vénus met en garde Adonis. Insouciant, accompagné de ses chiens, il part à la chasse
Mars envoie un sanglier contre son rival. Adonis est tué
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Premier protecteur et commanditaire, le cavalier Marin
La création, sous le règne de la fureur ; la fureur de l'amour
Il inspire le peintre (36 ans), qui le représente dans "L'Inspiration du poète" (1629-1630)
A droite, un homme, le poète latin Virgile, sous l'inspiration d'Apollon. A gauche, une femme, Calliope, Muse de la poésie épique, ou Euterpe, Muse de la musique
Les modèles, la perspective, la composition rigoureuse, la lumière. Un manifeste de la peinture classique
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Le cavalier Marin commande à Poussin une suite de dessins illustrant les Métamorphoses d'Ovide -tout début du Ier siècle, sous le règne de l'empereur Auguste. Ovide, poète latin 43 avant J.-C.-18 après J.-C.
Les Métamorphoses d'Ovide, inépuisable source d'inspiration ; les amours tragiques des dieux
1624-1625. "Le triomphe d'Ovide" donne forme à l'admiration du peintre (31 ans) pour l'Ovide contemporain, son ami Marin
Le poète assis au milieu d'une ribambelle d'angelots. Près de lui, une nymphe endormie. Un angelot presse le sein de la nymphe ; le lait gicle. Un angelot humecte la pointe d'une flèche, qu'il aiguise sur une pierre
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Dès 1624, le cavalier Marin introduit le peintre (30 ans) à Rome, dans les milieux artistiques et érudits. En particulier auprès de mécènes influents, dont la puissante famille Barberini -le cardinal Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII
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Poussin puise dans la verve de Titien - école vénitienne 1488-1576
"La Vénus d'Urbin" (1534), Florence. Allongée, légèrement en appui sur le bras droit, la déesse Vénus. Avec douceur, sa main gauche sur son sexe
"Danaé" (1560-1565). Madrid. Emprisonnée par son père Acrisios, le roi d'Argos. Danaé est enlevée par Zeus, qui l'approche sous la forme d'une pluie d'or
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Pourquoi, un temps, cette obsession ? Dans sa correspondance, ni amourette, ni passion enflammée
Pierre Rosenberg. Jeune, le peintre contracte la syphilis (?). Santé délicate. En 1630, à 36 ans, il se marie avec l'italienne Anna-Maria Dughet 1612-1664. Il adopte les deux frères d'Anna-Maria
Léonard de Vinci 1452-1519. "Arte e una cosa mentale". L'art est une chose mentale. L'important, avant l'exécution de l'œuvre elle-même, ce qui se passe dans la pensée
Pierre Rosenberg. Moïse, Vénus, toujours Poussin. Le sexe intellectuel
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Poussin (30 ans) s'apprête à partir, pour s'installer. Il peint des femmes, voluptueuses, alanguies, des hommes excités. Derrière l'arbre, pas l'ombre du serpent du péché
L'illustre Français passe la majeure partie de sa vie, à Rome ; à plusieurs reprises, il est l'objet de la censure des partisans de la morale
Admiré par les artistes, les historiens, l'artiste laisse le souvenir d'un intellectuel -son autoportrait (1650), au Louvre. 56 ans. Mi-corps, en buste, de trois quarts. Le regard perdu dans le lointain, il tourne un visage à l'expression sévère vers le spectateur. Vêtu d'un ample manteau, sa main droite est posée sur un portefeuille qui renferme des dessins. La recherche en peinture