L'éclairagiste

Adèline Klay

 

 

   Ils sont en retard alors que je suis arrivé une heure en avance pour être sûr que tout était près. J'ai vérifié le matériel, les loges... Être régisseur d'une salle de spectacle, c'est du boulot, mais j'adore ça.  J'ai décroché ce poste l'année dernière. Je n'avais que 25 ans et j'ai dû me démener pour prouver que je le méritais. Le seul problème dans ce métier c'est de devoir côtoyer des artistes qui se croient au-dessus de tout le monde et des techniciens incompétents. Heureusement, ils ne sont pas tous comme ça, et parfois je rencontre des gens formidables.

   La troupe de théâtre que j'accueille ce matin vient du Maroc et leur éclairagiste est une femme. Sans vouloir être macho, ça ne me rassure pas vraiment.  C'est un univers essentiellement masculin et la dernière fois que j'ai eu affaire à un individu de sexe féminin, ça a été une véritable catastrophe. Elle n'arrêtait pas de se promener dans la salle avec ses talons aiguilles et cela faisait un bruit particulièrement agaçant sur le parquet. Le pire c'est qu'elle ne connaissait pas le matériel. J'ai été obligé de faire tout le boulot à sa place, mais elle a quand même trouvé le moyen de brûler des filtres de couleur que l'on met devant les projecteurs, en poussant les machines à fond. En plus je n'ai même pas eu le droit à un merci. J'ai peur d'être de nouveau confronté à une empotée.

   Je fais les 100 pas dans le grand hall vitré de la salle lorsque j'aperçois enfin un bus se garer sur le parking. Je sors et me dirige vers lui.

   Les passagers descendent du véhicule. Ils ont l'air épuisés. Une jolie jeune femme attire tout de suite mon regard. Son style est plutôt simple, jean foncé, veste en cuir sur un haut bleu marine. Elle n'a pas besoin d'artifice pour être craquante avec ses grands yeux de  biche, sa peau couleur caramel et ses longs cheveux noirs qui descendent en cascade dans son dos. Elle doit faire partie des acteurs.  Elle me remarque et s'avance vers moi. Elle est vraiment charmante, même si son visage porte les marques d'une nuit peu reposante.

- Bonjour, vous êtes  Thomas Landri, le régisseur de la salle? me demande-t-elle.

- Oui tout à fait, c'est bien moi.

- Je suis Leyla Benjaoui, c'est avec moi que vous communiquiez par mail.

   C'est donc elle l'éclairagiste. Mon gros défaut, c'est de juger les gens sur leur apparence. Quand je regarde cette femme, je me dis que, vu son physique (loin d'être déplaisant à regarder, je l'admets), ses compétences techniques ne doivent pas être très impressionnantes. Par contre je suis étonné, je n'ai pas entendu le moindre accent.

   J'invite la troupe à me suivre et je leur fais visiter la salle. Ils sont drôles et pas du tout snobinards. C'est la première fois que j'accueille des artistes d'un pays étranger. J'avais un peu peur que ça se passe mal, mais je pense que mes craintes n'étaient pas fondées, il ne reste plus qu'à voir ce que vaut cette petite Leyla.

   Les acteurs partent à l'hôtel pour se reposer un peu, mais la jeune éclairagiste a envie de rester pour se mettre au boulot. 

   Au bout d'une heure, je m'en veux d'avoir été aussi médisant. Leyla est une véritable professionnelle, elle pourrait même m'en apprendre. Je suis complètement bluffé.  Mon côté macho en prend un sacré coup. Elle est gentille, drôle, compétente, jolie, je n'arrive pas à lui trouver de défaut. Elle n'est là que depuis 2 heures et je craque déjà. Ça ne m'arrive jamais de craquer pour une fille... D'habitude je ne regarde que leur physique et je ne pense qu'à une chose. Oui, je suis ce genre de mec... Me pauser, vivre en couple, être fidèle, ce n'est pas pour moi. Ma philosophie c'est: pourquoi se mettre au régime quand il y a tant de plat délicieux à goûter.  Je n'ai jamais compris ceux qui se contentent d'une seule partenaire, alors que nous vivons dans un monde où il y a plein de belles femmes. Je n'ai jamais été amoureux et quand je vois à quel point ça peut détruire certaines personnes,  je suis sûr d'avoir raison.  Alors pourquoi je ne regarde pas Leyla de la même façon que je regarde les autres? En tout cas, ça ne me plait pas.

   Pendant qu'elle installe les lumières, je fais les branchements pour le son.

Je suis en train de faire les derniers tests et réglages à la console, lorsqu'elle vient me voir.

- Excusez-moi de vous déranger, mais est-ce que vous pouvez venir m'aider pour installer certains projecteurs. me sollicite-t-elle.

- Bien sûr!

   Ah les femmes...  En véritable gentleman, je vais l'aider.

   J'accroche les lumières, perché sur une nacelle, à plusieurs mètres du sol, et d'en bas, elle me fait la conversation.

- Alors vous travaillez ici depuis combien de temps? m'interroge-t-elle.

- Et bien  ça fait un peu plus d'un an.

- Vous êtes jeune, c'est rare de voir quelqu'un de votre âge être régisseur d'une salle.

- Et c'est rare de tomber sur une femme aussi compétente.

- Comment ça?

   Oups, c'est sorti tout seul. J'ai tendance à dire tout ce qui me passe par la tête.

- Euh, je voulais juste dire que j'ai plutôt l'habitude de travailler avec des hommes.

- Ce n'est pas parce que j'ai une paire de seins que je ne connais pas mon métier. rétorque-t-elle.

   Elle est cash, directe, j'adore, mais du coup je ne sais pas quoi ajouter et un froid s'installe entre nous. Si je veux parvenir à mes fins avec elle, il faut peut-être que je range mon côté macho au vestiaire.

   Le reste de la journée n'est pas aussi intéressant. Leyla, qui a dû comprendre quel genre d'homme j'étais, reste loin de moi. La troupe est revenue et elle a commencé à répéter. Je dois me tenir à disposition pour toutes leurs demandes techniques, mais comme leur éclairagiste assure, je m'ennuie un peu. Je suis allé m'installer dans ma régie. Comme la salle où je travaille fait aussi des projections de films, j'ai la chance d'avoir un petit espace fermé. Un endroit que j'apprécie particulièrement lorsque j'accueille une troupe qui n'a pas vraiment besoin de moi.

   Je joue sur mon téléphone portable lorsque l'on toque à la porte. Je cache rapidement mon mobil dans ma poche et je vais ouvrir. C'est Sophie, la comptable avec qui j'ai eu une très courte aventure. Elle voulait plus qu'un plan cul, mais je lui ai fait comprendre que moi, ça ne m'intéressait pas. Malgré tout, nous arrivons quand même à travailler ensemble.

- Salut ça va? me-dit-elle tout sourire.

- Bien et toi?

- Oh la routine, les calculs, les chiffres... ça se passe bien avec les Marocains?

- Oui oui.

- Tu vas te tenir cette fois?

   Je prends mon air innocent.

- Je ne vois pas de quoi tu parles...

- Mais bien sûr... Bon je suis venue pour te dire que tu dînes au restaurant demain avec la troupe, tous frais payés évidemment.

- C'est noté.

- Je te laisse, sois sage... me recommande-t-elle.

- Tu me connais.

   Elle sort et va se présenter auprès des artistes. Elle se met à discuter avec Leyla et à un moment, elles tournent toutes les deux la tête vers ma régie. Je n'aime pas ça, j'espère que Sophie n'est pas en train de raconter des choses compromettantes sur moi.

 

   Leyla a pris ses quartiers dans mon refuge. Elle est concentrée derrière sa console lumière pour régler l'éclairage de la scène. Je l'observe discrètement.  Elle a vraiment une belle silhouette et je ne peux pas m'empêcher d'avoir les idées mal placées... J'ai envie de faire le premier pas...

- Tout se passe comme vous voulez?

- Oui, vous avez une super salle. me répond-t-elle enthousiaste.

   L'air de rien, je me rapproche d'elle.

- Je vois que vous êtes habituée à travailler avec ce genre de console.

- Oui, comme je vous ai dit, ce n'est pas parce que j'ai une paire de seins que je ne suis pas douée.  se fâche-t-elle.

   Décidément, elle est à prendre avec des pincettes et elle est totalement insensible à mes charmes. Mais j'aime les défis et je n'ai pas l'intention de lâcher l'affaire tout de suite.

   Je retourne à ma place et je continue à la détailler. Ses lèvres pulpeuses sont une véritable invitation au baiser. Et puis tout à coup, je réalise qu'elle est issue d'une tout autre culture que la mienne. J'ai peut-être la tête bourrée de préjugés, mais il me semble avoir entendu dire que les Maghrébines ne sont pas vraiment portées sur la chose. Si ça se trouve, elle est encore vierge... Peut-être que je devrais vérifier tout ça....

- Bon je crois que nous en avons terminé pour aujourd'hui. déclare Leyla en m'interrompant dans mes pensées malsaines.

   Elle remet sa veste en cuir et prend son sac à main.

- Je ne pensais pas que nous avancerions aussi vite, mais vous aviez déjà bien préparé la salle. Je vous remercie. dit-elle.

   Elle me regarde, attendant que je lui réponde quelque chose, mais au bout d'un moment, elle finit par baisser les yeux, gênée.

- Vous n'avez pas à me remercier, c'est normal.

- Je vous dis à demain, bonne soirée.

   Et avec son groupe, elle rentre à l'hôtel.

   Je me retrouve bien seul tout à coup. Je décide de ne pas m'attarder et je fais le tour de la salle pour verrouiller les portes et éteindre les machines.

   En repassant par la régie, je me rends compte que la belle éclairagiste a oublié son téléphone portable. C'est une bonne excuse pour aller lui rendre  visite à l'hôtel et faire plus ample connaissance.

   Dans le métro, ma curiosité prend le pas sur mon côté raisonnable et je me mets à fouiller dans le téléphone portable de Leyla. C'est vraiment indiscret, mais j'ai envie de savoir. Il y a beaucoup de sms, certains sont en arabe et donc indéchirables pour moi. Pour les autres, il n'y a rien qui laisse penser qu'elle ait quelqu'un. Tant mieux pour moi, ça me laisse le champ libre.

   J'arrive devant l'établissement et j'hésite encore. Bon allez, qui ne tente rien n'a rien. Je me dirige vers la réception, en me demandant comment je vais faire pour obtenir le numéro de la chambre. 

- C'est pas vrai, Thomas? Mais qu'est-ce que tu fais là? s'exclame une voix familière.

   Derrière le comptoir de l'accueil se tient une personne que je connais plus que bien, Fred un ami d'enfance. Peut-être que c'est mon jour de chance.

- Ça fait un bail tu vas bien?

- Et bien comme tu vois, ça bosse. me répond-t-il.

- Dis-moi tu peux me rendre un service?

- Ça dépend qu'est-ce que tu veux?

- Le numéro d'une chambre.

- Oh, à ce que je vois, monsieur est toujours aussi coureur de jupon.

- Mais celle-là, elle a un truc spécial...

- Et c'est quoi son nom?

- Leyla Benjaoui.

   Il se met à taper sur son ordinateur.

- 3ème étage, chambre 132.

   Je le remercie et après lui avoir promis que tout ça resterait entre nous, je me dirige vers l'ascenseur.  Je me sens bizarre. J'ai d'habitude une confiance absolue en moi, mais là, j'ai des doutes. Et puis c'est étrange, je n'ai pas juste envie de sexe, je veux aussi passer du temps avec elle et ça, pour moi ce n'est vraiment pas normal.

   J'arrive devant la porte de la chambre 132 et je frappe. Au bout de quelques minutes, elle vient m'ouvrir. Elle doit sortir de la douche, car ses cheveux et son corps sont encore humides et simplement recouverts d'un peignoir. Elle ouvre de grands yeux en me découvrant dans le couloir.

- Que faites-vous ici? s'étonne-t-elle.

- Vous avez oublié votre téléphone! dis-je en sortant l'objet de ma poche.

- Merci... bredouille-t-elle.

   Au moment où je lui donne son portable, mes doigts effleurent sa peau l'espace de quelques secondes. Elle est si douce, si chaude, irrésistible.

   Je ne me contrôle plus, j'ai envie d'elle. Ma main s'aventure sur son visage. J'effleure sa joue, son cou. Sa poitrine se soulève, elle se met à respirer plus fort ce qui me confirme qu'elle n'est pas indifférente à ma caresse. Mais au bout de quelques secondes, elle a un mouvement de recul.

- Je sais ce que vous faites, je connais votre réputation. m'avoue-t-elle.

   C'est bien ce que je redoutais, Sophie a dû tout lui raconter. La garce. C'est vrai que là tout de suite, j'aimerais faire tomber son peignoir, embrasser chaque parcelle de son corps, mais je pourrais me contenter de la tenir dans mes bras. Elle a quelque chose de spécial et je désire obtenir plus d'elle, qu'une simple étreinte torride. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette envie qui ne me ressemble pas du tout.

- Je... ce n'est pas ce que vous croyez...

- Dans ce cas, je vous dis à demain.

   Et la porte se referme.

 

   J'ai vraiment passé une salle nuit. Je n'ai pas arrêté de penser à elle. Elle m'obsède et j'ai du mal à le supporter. Je n'aime pas me sentir comme ça. Leyla me rend faible. Je ne l'ai vu qu'une journée et j'ai complètement craqué. Je n'arrive pas à m'expliquer cette attirance et j'en viens à souhaiter que la fin de semaine arrive vite pour être délivré de ce poids. Quand elle sera partie, je n'aurai pas d'autre choix que de passer à autre chose.

   La journée est longue, très longue. La belle jeune femme me fuit comme la peste. Je récolte ce que j'ai semé. Si j'avais moins fait le con dans le passé, je n'aurais pas une réputation de chaud lapin et peut-être que Leyla ne m'aurait pas repoussé d'emblée. Je ne comprends même pas pourquoi je me prends la tête pour une femme que je ne connais même pas. Elle m'a jeté un sort ou quoi?

   Le soir, nous partons tous en même temps pour aller au restaurant. C'est l'un des avantages de mon boulot. Resto gratuit régulièrement. J'ai bien du faire la moitié des établissements de la ville. Cette fois, c'est pizzeria.

   Nous prenons place à table et je m'arrange pour être à côté de Leyla. Lorsque je m'assois à côté d'elle, elle se recroqueville sur son siège, en évitant de me toucher comme si j'étais un lépreux. J'ai vraiment l'air de lui faire peur. C'est vrai je suis un coureur de jupons, mais je ne mords pas, au contraire, je pense que je suis plutôt un type sympa. Elle se cache derrière la carte et je commence à me poser des questions. Je me demande si elle mange halal, si elle mange du cochon... Pour briser la glace, je l'interroge.

- Alors qu'est-ce qui vous tente?

- Je crois que je vais prendre une pizza au thon et vous?

- Moi, j'ai bien envie d'un bon plat de lasagne.

   Nous sommes tellement nombreux autour de la table que cela nous force à être proches l'un de l'autre. Ma jambe touche presque la sienne. La serveuse arrive et prend nos commandes. Sans surprise, ils choisissent tous des plats à base de poisson.

- Et en boisson, vous désirez....?

- Je pense que l'on va prendre une bouteille de vin rouge s'il vous plait. répond Leyla.

   Je la regarde, perplexe. Je pensais que les Marocains et l'alcool, ça faisait deux.

- Quoi? me demande-t-elle.

- Oh rien, c'est juste que je croyais que...

- Que je ne pouvais pas apprécier le vin?

   Je déglutis.

- Oui.

- Et bien si vous voulez savoir, ma mère qui est une Française de pure souche m'a appris à aimer les bonnes choses.  m'explique-t-elle.

   Ce petit bout de femme me fascine de plus en plus.

- Et donc votre père est marocain?

- Oui et je suis née au Maroc.

- Et qu'est-ce qui vous a amené à être éclairagiste?

   Je suis hypnotisé par ses lèvres et fasciné par son parcours pas du tout ordinaire.

   Au bout d'une heure, je me rends compte qu'elle aime le vin, mais qu'elle ne tient pas du tout l'alcool. Elle n'a bu que deux verres et j'ai l'impression qu'elle est déjà pompette.

   Le Saint-Emilion a brisé la glace entre nous. Elle me regarde, elle ne cherche pas à m'éviter, mes blagues la font rire et puis parfois, elle se laisse même aller à poser sa main sur mon épaule.

   Après le dessert, la troupe a envie de prolonger la soirée en boîte de nuit. Leyla, elle, a envie de rentrer et je propose de la raccompagner.

   L'hôtel n'est qu'à quelques pas du restaurant et une fois dans la rue je lui offre mon bras qu'elle accepte volontiers.

- Vous n'êtes pas une femme ordinaire Leyla.

- Et vous, vous n'êtes pas le goujat que l'on m'avait décrit.

   Je ne sais pas comment je dois le prendre, mais je pense que c'est plutôt bon signe.

   Nous arrivons devant la chambre 132. Je n'ai pas envie de la quitter. Je me sens bien avec elle. Elle ouvre la porte un peu maladroitement.

- J'ai un sérieux mal de crâne. Je crois que j'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil. souffle-t-elle.

- Et bien bonne nuit alors...

- Bonne nuit... murmure-t-elle.

   Non, je ne veux pas la quitter...  Elle s'apprête à fermer la porte puis elle se fige. Elle fait un pas vers moi, se met sur la pointe des pieds et elle dépose un chaste baiser sur mes lèvres. Tout mon corps se met à vibrer, je la veux, là, tout de suite. J'ai envie qu'elle soit à moi, j'ai envie de la posséder toute entière. Je l'empoigne par les hanches et je la presse contre moi. Je lui rends son baiser et j'enfonce ma langue dans sa bouche. Elle est tellement chaude.

   Je la fais lentement reculer dans la chambre et sans décoller mes lèvres des siennes je ferme la porte. Mes mains glissent sous son pull. La peau de son dos est si douce. Mon pouce descend le long de sa colonne vertébrale jusqu'à la naissance de ses fesses. Je lutte pour ne pas lui arracher ses vêtements et la jeter sur le lit.

   Et puis tout à coup, elle me repousse.

- Je suis désolée, je... ça va trop vite... je ne suis pas une femme comme ça...  on se connait à peine. s'excuse-t-elle.

   C'est comme-ci elle me jetait un grand seau d'eau glacée. Elle met le feu aux poudres et elle voudrait interrompre l'incendie qu'elle vient de déclencher en moi. On ne m'avait encore jamais fait ce coup-là et je ne sais pas comment réagir.

- On peut, on peut discuter si tu veux... propose-t-elle.

- Non, merci...  Bonne nuit.

   Et comme un lâche, je sors de la chambre  sans lui laisser le temps de me retenir.

   Ce n'est qu'une fois dehors que je réalise ce que je viens de faire.  Pour la première fois de ma vie une femme me plait pour autre chose que du sexe et quand elle me fait comprendre qu'elle n'est pas prête, je m'enfuis comme le dernier des connards. Qu'est-ce qu'elle va penser de moi? Je viens de griller toutes mes chances...  Mais elle m'a pris tellement au dépourvu avec son envie de discuter... Je ne sais pas discuter avec les femmes...

   Je prends la direction de mon appartement. Je me dégoute... Demain je lui présenterais mes excuses, mais est-ce qu'elle les acceptera?

 

   Je n'arrête pas de regarder ma montre toutes les cinq minutes. Je suis impatient qu'elle arrive, d'une part pour la revoir et puis surtout pour rattraper mon énorme boulette.

La troupe pousse enfin la porte de la salle et je me retiens de ne pas bondir sur Leyla.

- Bonjour. me salut-elle froidement sans me regarder.

   J'aurais dû faire demi-tour tout de suite hier, maintenant, c'est fichu.

   Les répétitions reprennent et je reprends ma place  sur mon fauteuil. L'éclairagiste s'installe derrière la console et se concentre sur son travail. Encore une fois, je la détaille.  Elle tourne la tête vers moi et me prend en flagrant délit.

- Pourquoi vous me regardez? me demande-t-elle mi-furieuse, mi-intriguée.

- Parce que.... je vous trouve jolie.

   Elle rougit et ouvre la bouche, mais elle n'ajoute rien et sort de la régie. C'est la première fois que je fais un compliment sincère à une femme et cela n'a pas du tout eu l'effet escompté.

   Après un début de matinée glaciale, l'après-midi qui suit est une véritable traversée de la mer gelée.  Elle a passé son temps sur la scène, loin de moi. Je n'ai pas eu l'opportunité de lui présenter mes excuses. Je commence à me faire une raison et je décide de la laisser tranquille.

   Les artistes rentrent  à l'hôtel, mais Leyla fait des heures sup. Elle programme des effets lumières sur la console. C'est peut-être le moment...

- Leyla, je voulais te dire... vous dire... pour hier...

- Je crois qu'il n'y a rien à dire.

   Je m'approche d'elle et la prends par les épaules pour la tourner vers moi.

- Tu ne comprends pas, tu me plais! J'aurais voulu rester avec toi hier, mais je... j'ai eu peur.

   Je la sens trembler sous mes doigts.

- Peur de quoi? me demande-t-elle.

- De tomber amoureux...

   Je l'ai dit...  Je refusais de l'accepter, mais il faut bien que je l'admette, je suis terrifié à l'idée d'avoir des sentiments pour quelqu'un et au fond de moi, je sais que cette fille pourrait tout changer.

   Nous nous dévisageons. Ses yeux deviennent brûlants. Le désir s'empare de mon corps, je ne peux plus résister à sa bouche. J'approche mon visage du sien et je goûte ses lèvres. Une petite voix se met à hurler dans ma tête "arrête de faire le con, sinon elle va s'enfuir", et à contrecœur, je l'écoute. J'arrête de l'embrasser et je me recule d'un pas. Elle est haletante, nerveuse.... Je dois lutter contre l'envie qui me ronge. Je suis figé, je ne bouge pas, incapable de sortir de cette pièce, incapable de m'éloigner d'elle...

   Elle s'avance vers moi, empoigne ma nuque et attire mon visage vers le sien.  Je ne peux que répondre à son appel et nos lèvres se collent de nouveau. Sa langue vient caresser la mienne. D'un seul coup, mon boxer devient étroit. Je suis dans un tel état d'excitation que je ne sais pas comment je vais pouvoir me contenter d'un simple baiser... J'ai tellement envie de la caresser partout, de lui arracher ses vêtements ...

   Et voilà, elle se décolle de moi. Je me prépare à ce qu'elle me fasse le coup de la discussion, mais cette fois, je ne m'enfuirais pas.

- Tu as un préservatif?

   Alors là, je m'attendais à tout sauf à ça...

- Euh..je crois...

   Je sors mon portefeuille, que je garde toujours dans la poche arrière de mon jean, et je croise les doigts pour qu'il me reste encore l'un des précieux petits emballages carrés.  J'en ai un.  Je le sors et le pose à portée de main. Il est temps de m'occuper de son corps.

   Je m'approche de Leyla et je soulève son pull. Je découvre un soutien-gorge en dentelle rouge que je m'empresse de dégrafer. Elle a des petits seins ronds et fermes. Je fais glisser mes doigts sur sa peau délicate. Elle frissonne.

   J'ai envie d'embrasser chaque partie de son corps, mais avant je veux la déshabiller complètement. D'habitude, je ne prends pas mon temps, mais là, j'ai envie que tout soit parfait. Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas envie de baiser, j'ai envie de faire l'amour.

   Je déboutonne son jean et le fais lentement tomber sur ses chevilles. Ses jambes sont superbes et je ne parle pas de sa petite culotte assortie à son soutien-gorge. Elle est si sexy.

   Mon boxer et mon pantalon deviennent vraiment trop serrés et je décide de me soulager. Je me déshabille à mon tour. Elle n'a pas l'air tout à fait à l'aise avec la nudité  masculine, elle n'ose pas regarder mon bas ventre.

   Je la guide lentement vers le petit sofa de la régie sur lequel elle s'allonge. Mon corps s'impatiente. Je ne vais pas pouvoir me contrôler longtemps. Je lui enlève le dernier petit bout de tissu qui cache son pubis.

   Qu'est-ce qu'elle est belle comme ça, dans le plus simple appareil, le regard embué par le désir. J'enfile le préservatif et je m'installe entre ses jambes. Je m'enfonce en elle, lentement. Sa chaleur m'irradie. C'est une sensation incroyable. Je la sens vibrer sous moi. Je commence à bouger et je la sens s'ouvrir un peu plus à chaque coup de reins me permettant d'aller encore plus profond.

   J'accélère le rythme. Elle pousse de petits gémissements, mais moi j'ai envie de la faire crier. Je la prends plus vite et plus fort. Elle ferme les yeux, sa bouche est ouverte, mais aucun son n'en sort. Je sens le plaisir monter en moi et je lutte pour me contenir. Je veux rester en elle...

   Je continue à la pilonner encore et encore, mes muscles commencent à fatiguer, mais je ne m'arrête pas. Leyla crie et ça m'excite encore plus.

   Je sens que ça vient, je ne peux plus...  Le corps de ma belle se tend sous moi, et s'en est trop, j'explose. Je me fige au fond d'elle.

   Je suis complètement essoufflé. Leyla m'attrape dans ses bras et me serre contre elle. Le câlin après le sexe, c'est une première pour moi et je me surprends à aimer ça. Je suis bien là, collé contre elle. Je peux sentir les battements de son cœur qui reprennent peu à peu un rythme normal.

- Je pense qu'il faut que je rentre. murmure Leyla.

- Je te raccompagne?

- Je  ne préfère pas... Je pense que si tu me raccompagnes tu vas monter dans ma chambre et qu'ensuite je ne dormirais pas beaucoup.

- Ce n'est pas faux, mais je n'ai pas envie de te quitter.

- Ils jouent après demain, il faut que je sois en forme.

- Ok, mais il est tard, je te promets que je m'arrête en bas de l'hôtel.

   Elle finit par accepter. De toute façon, il était hors de questions que je la laisse partir toute seule.

   Devant l'établissement, je l'embrasse une dernière fois avant de lui dire bonne nuit. Je l'ai dans la peau.

 

   Ça fait du bien une bonne nuit de repos. J'ai dormi comme un bébé, même si au début, j'ai regretté d'être seul sous la couette.

   Les artistes arrivent tous en même temps, mais Leyla n'est pas avec eux. Elle si ponctuelle, si sérieuse, ça me surprend qu'elle ne soit pas là, surtout que la représentation, c'est demain.

   Au bout de 2 heures, je me demande vraiment ce qui se passe et je décide d'aller interroger un des acteurs.

- Leyla? Oh, elle ne se sentait pas très bien, je pense qu'elle viendra cet après-midi. me répond-t-il.

   Si je n'étais pas obligé de rester dans la salle, je filerais tout de suite à l'hôtel. Mais ils sont là et je ne peux pas partir.

   Vers 15 heures, elle arrive enfin. Elle me dit à peine bonjour avant de se mettre au travail. Ça me rend complètement fou. Je ne comprends pas... Je pensais qu'hier elle avait aimé. J'ai été mauvais?  C'est la première fois que ce que pense une femme de moi me tient autant à cœur, je ne me suis jamais remis en questions, je n'ai jamais douté de mes capacités à satisfaire la gent féminine. J'ai l'impression que ma tête va exploser... J'aimerais tellement qu'elle m'explique.

   Les secondes me paraissent des minutes, les minutes des heures. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été à ce point sur les nerfs.

   Quand elle a fini de répéter, la troupe va prendre un verre dans un bar et Leyla s'empresse de les suivre, sans même me dire au revoir.

   Est-ce que toutes les femmes avec qui je n'ai passé qu'une seule nuit ont ressenti la même chose que ce que je ressens en ce moment?

   Je ferme la salle, furieux  de me mettre dans un état pareil juste pour elle. Je n'ai pas envie de rentrer chez moi tout de suite, je sais que si je me retrouve entre quatre murs, je n'arriverais pas à me calmer. Alors sans réfléchir, je prends le chemin de l'hôtel. Mon ami d'enfance est à la réception et je lui demande s'il a vu passer l'éclairagiste.

- Marocaine? Mignonne?

- C'est ça...

- Oui, je crois bien que je l'ai vu passer. C'est elle que tu travailles au corps en ce moment? Elle a les cuisses accueillantes?

- Elle n'est pas comme ça.

J'ai dit ça d'un ton sec et peu aimable, limite agressif.

- Hey pas la peine de t'énerver...

   Je ne sais vraiment pas ce qui m'arrive. Voilà que je ne supporte pas que l'on sous-entende que Leyla est une fille facile. Il y a vraiment un truc qui cloche là.

   Après avoir dit un merci pas du tout sincère, je prends l'ascenseur.

   Je frappe nerveusement à la porte de la chambre 132. Leyla m'ouvre. Elle semble à peine surprise de me trouver là.

- Je me doutais que tu passerais... soupire-t-elle.

- Qu'est-ce qui n'allait pas aujourd'hui, il faut que tu m'expliques...

- Entre.

   Je m'exécute et elle s'assoit sur le rebord du lit après avoir fermé la porte. Me voilà de nouveau seul avec elle et je me sens un peu excité, même si rien ne laisse présager que nous allons passer un moment torride.

- Écoute, je ne suis pas le genre de femme qui couche pour coucher... Toi... Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'arrive quand je suis avec toi. Je ne sais pas ce que m'a pris hier, c'était une erreur. m'énonce-t-elle.

- Mais qui a dit que c'était juste pour coucher?

- Ne te moque pas de moi...

   Je m'assois à côté d'elle et je pose ma main sur sa cuisse.

- Je ne me moque pas de toi. C'est vrai d'habitude, je suis enfin... je ne suis pas un gentleman, mais toi, tu me donnes envie d'être quelqu'un d'autre.

   Je passe ma main dans ses cheveux et attrape son menton pour l'obliger à me regarder.

- Ce n'est pas juste pour coucher.

- Mais ça ne peut rien donner... On ne peut pas construire une histoire. Ta vie est ici, la mienne au Maroc. Les relations à distance...

- Tu réfléchis trop.

   Impossible de freiner plus longtemps mon désir. J'approche mon visage du sien et je lèche ses lèvres. Je presse ma main sur son sexe à travers le tissu de son jean. Je la pousse légèrement en arrière de façon à ce qu'elle s'allonge et je grimpe sur elle.  Je donne des coups de reins. C'est comme si nous faisions l'amour tout habillé. Je veux être en elle, là tout de suite. J'ai envie de sentir sa chaleur et son humidité.

   Je passe de sa bouche à son lobe d'oreille, à son cou. Elle sent tellement bon. Son parfum m'enivre. Est-ce qu'elle a envie?

- Pourquoi tu t'arrêtes... souffle-t-elle.

   Je la contemple encore quelques secondes. Le désir la rend encore plus irrésistible et je ne me contrôle plus.  J'enlève son pull, son soutien-gorge et je me mets debout devant le lit pour lui retirer ses chaussures, ses chaussettes, son jean, sa culotte.  Je tire sur ses jambes pour la rapprocher du bord du matelas et je m'agenouille entre ses jambes ouvertes.

   Elle se redresse légèrement, inquiète.

- Qu'est-ce que tu fais?

- Chut, laisse-toi faire...

   J'embrasse ses cuisses et je remonte lentement jusqu'à son entrejambe. Du bout de la langue, je titille son clitoris, puis je descends plus bas et je plonge mon muscle dans son vagin humide.  Tout son corps se cambre sous ma caresse et elle se met à respirer bruyamment. Je  la pénètre avec ma bouche et elle a l'air d'adorer ça. Je la lèche encore et encore. Elle est délicieuse...

   Je continue à la harceler. Ma langue rentre, sort, rentre, sort et elle mouille abondamment. Tout à coup, son bassin se soulève et elle jouit bruyamment.

   Ravi du plaisir que je lui ai procuré, je me relève et me déshabille à mon tour. Je sors un préservatif de mon portefeuille (j'ai fait le plein ce matin) et j'enfile la protection. Comme hier, elle n'ose pas me regarder.

   Je m'allonge sur le côté et elle m'imite. Elle est dos à moi et je me colle contre elle. Ses jolies fesses appuient contre mon bas ventre et me font durcir encore.  L'une de mes mains s'agrippe à sa poitrine, l'autre à ses hanches. Elle recule son postérieur et empale son sexe sur mon engin. Sa chaleur m'envahit instantanément. Je reste un moment au plus profond d'elle avant de me retirer complètement pour me renfoncer plus vite et plus fort. Elle est trempée.

   J'embrasse son cou et je pince légèrement ses tétons tout en la labourant de coups de reins. Nos deux corps en feu ne font plus qu'un. J'accélère le rythme, encore et encore. Ses fesses claquent contre mon bas ventre et mes doigts s'enfoncent un peu plus dans la peau de ses hanches. Je veux la faire jouir une deuxième fois.

   Je sens que ça monte, je ne vais plus pouvoir continuer longtemps. Leyla recule ses fesses. Tout son corps se met à vibrer puis dans un sursaut, elle pousse un petit couinement et se laisse submerger par le plaisir. Tout en moi se relâche et j'explose. Des picotements irradient tout mon être.  C'est délicieux. Je ne pourrais jamais me lasser de cette sensation.

Mes muscles se détendent et j'enlace Leyla pour la serrer tout contre moi. Je vais devenir accro aux câlins après le sexe. J'ai l'impression que ça prolonge la sensation de bien-être.

   Ma belle éclairagiste se retourne face à moi.

- Est-ce que... est-ce que ça voulait dire quelque chose?

- Si ça n'avait pas été le cas, je serais déjà parti...

   Je me lève pour aller dans la salle de bain et jeter le préservatif à la poubelle puis je retourne me glisser sous la couette pour retrouver la chaleur de son corps.

   Je laisse mes doigts courir dans ses cheveux et sur sa joue. Elle a l'air de réfléchir. Elle finit par fermer les yeux et loger sa tête contre ma poitrine.

   Je me sens tellement bien, tellement détendu que je finis par m'endormir.

 

   Lorsque je me réveille, la lumière du soleil traverse déjà les rideaux de la chambre d'hôtel. Leyla n'est plus dans le lit et j'entends l'eau couler dans la salle de bain. Je me lève pour la rejoindre, mais malheureusement pour moi, la porte est verrouillée. Ok, message compris, pas de douche à deux.

   Je retourne m'allonger et c'est à mon tour de cogiter. Je ne peux pas le nier, j'ai des sentiments pour cette femme. Je n'arrive pas à me l'expliquer, je la connais à peine... Mais la vraie question c'est, qu'est-ce que ça va m'apporter? Demain elle va retourner au Maroc. Est-ce que je suis capable d'assumer une relation à distance? Bien sûr que non... Déjà que je n'arrive même pas à être fidèle à une fille qui habite à cinq minutes de chez moi, alors pour une qui habite à 3h d'avion... Je ne peux pas me passer de sexe.... J'ai peut-être un problème par rapport à ça, mais il faut être réaliste.

   À cause de toutes ces questions, je me sens de plus en plus mal. Qu'est-ce que je fais là? J'ai passé un bon moment avec Leyla, mais c'est une histoire sans avenir. J'aurais dû l'admettre avant de coucher avec elle... Elle ne mérite pas qu'on lui fasse un coup pareil, mais tout ça ne rime à rien.

   Je sors du lit et m'habille en quatrième vitesse avant de sortir de la chambre. C'est dégueulasse ce que je suis en train de faire, mais c'est mieux comme ça.

   Il est 8h. J'ai tout juste le temps de retourner chez moi pour me laver et me changer.

 

   J'arrive en retard à la salle et la troupe est déjà là. Ce soir, c'est le grand soir et ils sont tous un peu nerveux. Moi aussi, mais pas vraiment pour les mêmes raisons.

   Ils commencent à répéter et je me retrouve enfermé dans ma régie avec Leyla à qui j'ai à peine dit quelques mots. Pour l'instant elle est concentrée sur son travail ce qui m'évite d'avoir à m'expliquer. C'est une vraie torture d'être si près d'elle. J'ai envie de la toucher, de l'embrasser, de la serrer contre moi. Mais il ne faut pas, s'est fini.

   Les artistes font une pause et je m'apprête à sortir de mon refuge lorsque la jeune éclairagiste m'interpelle.

- Tu avais quelque chose à faire ce matin? s'enquit-elle.

- Pas vraiment...

- Alors pourquoi tu n'es pas resté?

   Je prends mon courage à deux mains, je sais que ce que je vais lui dire va surement lui faire du mal.

- Pourquoi j'aurais dû rester ? On a passé un moment sympa, qu'est-ce que tu voulais de plus?

   Je n'ose pas la regarder. Ça me déchire de lui avoir balancé un truc pareil.

   Je quitte la régie pour prendre l'air. J'allume ma cigarette et tire une bouffée... la nicotine n'atténue en rien mon mal-être.  J'ai fait ça toute ma vie, sans me soucier des conséquences sur les autres, mais là... J'ai l'impression d'être un vrai salopard.... Mais je n'avais pas d'autre choix, elle et moi c'était sans espoir.

   Je retourne dans ma forteresse. Leyla, très professionnelle, est derrière la console. Ses yeux sont humides. Elle a pleuré et à cause de moi.  Là tout de suite, j'ai envie de la prendre dans mes bras, de lui dire que tout ça, c'était des conneries, que j'ai passé une soirée merveilleuse, que j'ai adoré le câlin d'après sexe et dormir à côté d'elle. Mais je m'abstiens. Il ne faut pas... En lui faisant croire que ça peut marcher, je risque de lui faire encore plus de mal.

 

   Le public commence à s'installer sur les fauteuils. Comme lors de chaque représentation, je croise les doigts pour qu'aucun problème technique ne vienne perturber la soirée.  Leyla est tellement angoissée qu'on dirait qu'elle va s'évanouir.  Pourtant elle n'a pas de soucis à se faire. Elle a été tellement consciencieuse toute la semaine, alors, à part s'il y a une ampoule qui lâche (ce qui ne serait pas sa faute), il n'y a pas de raisons que ça se passe mal.

   Les trois coups sont donnés, la salle est plongée dans le noir et le spectacle commence.

   Aucun grain de sable n'est venu perturber la représentation. Le public est content, les artistes sont contents et même la jeune éclairagiste sourit.

   Le temps des adieux est arrivé, la troupe me remercie pour mon accueil et me dit au revoir avant d'aller fêter leur succès au restaurant. Leyla me serre la main sans me regarder. Je sens comme un pincement au cœur. C'est fini...

   Je ferme la salle et je vais retrouver des amis en centre-ville. La belle éclairagiste ne prend la route que demain matin et pendant un moment j'ai l'idée folle de passer la voir à son hôtel pour me faire pardonner et tout arranger. Mais encore une fois, je m'abstiens et je suis sûr que c'est mieux comme ça.

 

*

 

   Les jours passent et se ressemblent, fades et sans surprises. Déjà deux semaines que Leyla est partie et je ressens comme un vide.  Elle m'obsède, je n'arrête pas de penser à elle.  Je suis traversé par tout un tas de sentiment contradictoires. Parfois je regrette, ensuite, je me dis que j'ai fait le bon choix, et à nouveau, je pense que j'ai peut-être gâché quelque chose. Quoi au juste, je n'en ai pas la moindre idée, tout ce que je sais, c'est que je suis en train de devenir complètement fou.

   C'est vendredi soir. Je suis invité à manger chez un ami pour son anniversaire et nous allons sûrement aller en boîte.  J'ai proposé d'être Sam et je suis sorti avec ma voiture. Ça ne me dérange pas de ne pas boire. Quand je sors, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse...   Je n'avais pas spécialement envie de bouger, mais je me dis que ça me changera peut-être les idées.

   Il y a du monde dans le petit 35m2 de mon ami. Ça picole, ça rigole, mais moi, je n'arrive pas à m'amuser. J'ai l'impression d'être ailleurs et je m'ennuie.

   À 23h nous quittons enfin la boîte à sardines pour aller en discothèque. Une fois arrivés, mes amis continuent à se saouler. J'ai hâte qu'ils se lassent de danser et de boire pour pouvoir rentrer me coucher.

   Je sirote mon verre de coca, seul sur la banquette, en les regardant s'éclater. Un visage familier apparait soudain devant moi. Sophie, la comptable de la salle dans laquelle je travaille, vient s'asseoir à côté de moi sur la banquette où j'ai pris racine. Elle porte une robe rouge ultra moulante, très décolletée et très courte.

- Alors on reste tout seul dans son coin? note-t-elle.

- Je fais le chauffeur ce soir, et moi je n'ai pas envie de perdre mon permis...

- C'est bien, t'es sérieux au moins sur un point.

   Elle se rapproche de moi jusqu'à ce que ses jambes soient collées aux miennes et elle passe un bras autour de mes épaules.

- Tu pars quand? Parce que s'il te reste une place, je suis intéressée.

   Elle joue les allumeuses et je sais ce qu'elle veut vraiment. Mon sang ne fait qu'un tour et je vais aussitôt voir mes amis pour leur demander s'ils peuvent rentrer en métro. Ils sont tellement entamés qu'ils s'en moquent.

   Je quitte le club avec Sophie, pressé d'arriver chez elle.

   Pendant le trajet, elle caresse mon entrejambe et je commence à durcir.

   Je me gare en quatrième vitesse sur le parking de son immeuble et en quelques minutes nous sommes dans son appartement.

   Les choses s'accélèrent. Je la plaque contre le mur et ses jambes s'enroulent autour de ma taille. Ma langue s'enfonce dans sa bouche et là... j'ai un flash... J'imagine que c'est Leyla qui m'embrasse... Mais quand j'ouvre les yeux, c'est Sophie qui est collée à moi. Pourquoi je suis là, pourquoi je fais ça?  Ce n'est pas ce dont j'ai envie...  Ce que je désire vraiment, c'est ma belle Marocaine.  Mon excitation s'envole d'un coup et je m'écarte de cette femme pour qui je n'éprouve absolument rien.

- Qu'est-ce qui y'a? m'interroge-t-elle.

- Je ne me sens pas bien, je crois que je vais rentrer.

- Quoi? Tu vas me laisser comme ça?

- Écoute, euh... faut que j'y aille.

   Et sans lui laisser le temps de répondre, je sors de son appartement.

   Qu'est-ce qui m'arrive? Je n'aurais jamais pu résister à une partie de jambes en l'air avant..... avant Leyla. Je suis malade et mon seul remède  se trouve à plus de 2000 km. Est-ce qu'il faut que je laisse le temps faire son travail pour que mon mal s'estompe peu à peu? Elle me manque tellement...

 

*

 

   Cette fois c'est sûr, je suis bon pour l'asile. J'ai attendu, encore et encore mais je n'ai pas arrêté de penser à elle.  Alors sur un coup de tête et sans trop réfléchir, j'ai acheté un billet d'avion pour Agadir et me voilà dans la salle d'embarquement. Je pars à l'aventure pour rejoindre une femme qui ne voudra sans doute pas de moi après la façon dont je l'ai traitée. Je croyais que ce genre de truc était réservé aux personnages de films et de séries télés, que personne ne fait ce genre de choses dans la vraie vie et c'est pourtant bien moi qui suit assis dans un fauteuil à guetter l'arrivée de l'avion.

   J'ai compris que j'avais vraiment tout gâché lorsque je me suis enfui de l'appartement de Sophie. Moi, l'obsédé sexuel, le coureur de jupons, je ne désirais plus qu'une seule femme.

   J'aurai peut-être pu me contenter de lui envoyer un mail, mais non, j'avais trop envie de la voir. Si elle me repousse et bien.... je tournerai la page, j'essayerai de passer à autre chose, mais si je ne fais rien maintenant, je sens que je pourrais le regretter toute ma vie.

Par les grandes baies vitrées, j'observe l'appareil manœuvrer. Je suis excité comme un gosse. Je n'ai jamais beaucoup voyagé et c'est la première fois que je vais prendre l'avion.

   Une fois à bord je déchante un peu. Les rangées de sièges sont très peu espacées et je me retrouve coincer entre deux inconnus. J'aurais aimé être assis près du hublot.

   Dès que tous les passagers ont pris place à bord, une hôtesse explique les consignes de sécurité pendant qu'une autre mime les gestes qui peuvent être vitaux en cas de problèmes.

   Tout le monde attache sa ceinture et nous décollons. Ce n'est pas aussi impressionnant que ce à quoi je m'attendais, mais je suis content d'être assis là.

   J'ai 3h de vol devant moi ce qui me laisse largement le temps de réfléchir à ce que je vais dire à Leyla.  Je sais où elle travaille et c'est là où je vais me rendre en premier. Je n'ai pas réservé d'hôtel, mais comme c'est la basse saison et qu'Agadir est une ville très touristique, je pense que je trouverais facilement un endroit où dormir. Bon, c'est vrai je me dis ça pour me rassurer, mais c'est très excitant de ne pas savoir ce qui va se passer une fois là-bas. La seule chose que je redoute vraiment, c'est de ne pas trouver ma belle Marocaine où encore pire, de la trouver et qu'elle ne veuille pas de moi.

   L'avion entame sa descente. Ça y'est je suis au Maroc! Une fois descendue de l'appareil, il faut marcher pour rejoindre l'aéroport.

   Après avoir fait tamponner mon passeport, je récupère mon sac à dos et je vais échanger quelques euros en dirhams.

   Je sors du bâtiment et je me fais aussitôt apostropher.

- Taxi, taxi! me hurle un jeune homme élancé.

   Il vient de résoudre le problème de : comment me rendre à la salle de spectacle.

   Je m'avance vers lui et il m'invite à monter dans sa petite 205 rouge, alignée à côté d'un tas d'autres véhicules de modèles et de couleurs similaires.

- Alors, où je vous emmène? me demande le chauffeur.

   Son accent le rend encore plus sympathique. Je sors de ma poche le bout de papier sur lequel j'ai noté l'adresse de la salle de théâtre et je le lui donne.

- Ok. dit-il.

   Il démarre et nous quittons le parking de l'aéroport.

   Je regarde le paysage défilé. Il n'y a aucun doute, je suis bien loin de la France. Nous doublons une mobylette sur laquelle sont assis un homme et une femme, sans casques. Les voitures roulent un peu n'importe comment et je me dis que je n'oserais jamais conduire ici. Je pense même qu'il faut un permis spécial.  Sur la file de gauche, un quad dernier cri double un homme monté sur un âne, tirant une charrette en bois. C'est ça qui me frappe le plus, c'est un peu comme si le monde moderne côtoyait le moyen âge.

- C'est la première fois que vous venez ici? me demande le jeune homme.

- Oui.

- Ah vous allez voir, vous n'allez pas vouloir repartir.

   Ça, je n'en sais encore rien, je vais totalement au-devant de l'inconnu.

   Nous arrivons en centre-ville. En bas des immeubles, j'aperçois plein de petites boutiques, boulangerie, cybercafé, épicerie.  Je suis complètement dépaysé et j'adore ça.

Le taxi se gare devant un bâtiment à l'architecture étrange.

- Voilà c'est ici. déclare mon chauffeur.

   Je paye la course et il me souhaite un bon séjour avant de s'éloigner.

   Mon cœur bat la chamade. Jamais je n'ai été aussi stressé de ma vie. Je suis sans doute complètement fou, mais maintenant que je suis là, je ne peux plus reculer.

   Je pousse les lourdes portes en bois et je débouche dans un hall immense et vide.  Je perçois un bruit de musique et je me laisse guider par les sons.

   J'arrive dans une salle de spectacle où des danseurs s'entrainent sur scène et là, au milieu des fauteuils, derrière une console lumière, j'aperçois Leyla. Comme à son habitude, elle est concentrée sur son travail. Je me faufile discrètement entre les sièges jusqu'à arriver à sa hauteur.

- Salut! dis-je.

   Elle se retourne en sursautant. Visiblement je lui ai fait peur.

- Toi.... Ici.... mais....? bégaye-t-elle.

- Je suis désolé de t'avoir effrayée...

- Mais qu'est-ce que tu fais ici?

- Il fallait que je te parle.

- Tu avais mon adresse mail  pour ça non?

   Elle est sur la défensive.

- Est- ce qu'on peut aller dans un endroit plus tranquille?

- Je suis occupée....

   C'est comme si on me donnait un coup de poing dans le ventre.  Est-ce qu'elle se rend compte  de tous les kilomètres que j'ai parcourus juste pour elle?

- Leyla, s'il te plait écoute-moi....

- Attend que j'aie fini...

   C'est sûr, elle veut me faire payer la façon dont je l'ai traitée et le pire c'est que je ne peux même pas lui en vouloir.  Je m'enfonce dans un fauteuil et je patiente. Sur scène, les danseurs continuent à gesticuler dans tous les sens.

   Je regarde ma montre toutes les cinq minutes. Plus le temps passe, plus je regrette d'être venu. Elle ne voudra sans doute jamais me pardonner.

 

   Enfin seuls. Lorsque les artistes sont partis et qu'ils sont venus dire au revoir à Leyla, elle m'a présenté comme un technicien compétent venu lui donner un coup de main. J'avoue que je n'avais même pas réfléchis à ce que les autres pourraient penser.

- Alors qu'est-ce que tu voulais me dire qui nécessitait que tu viennes jusqu'ici?

- Je....

   3h dans l'avion à réfléchir à ce moment et aucun son ne veut sortir de ma bouche. Allez quoi, je suis capable de mieux que ça.

- Tu m'as manqué, je n'aurais jamais dû te laisser partir comme ça...

   Elle ouvre de grands yeux et rougis.

- Encore de jolis mots et après tu vas encore partir. Si tu espères qu'on va coucher ensemble, tu rêves.... murmure-t-elle.

- Tu crois vraiment que je serais venu jusqu'ici rien que pour ça.... Je n'ai pas arrêté de penser à toi. Je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais ressenti ça pour personne, j'ai besoin de toi.

   Elle ouvre la bouche, mais ne dit rien. Plusieurs sentiments passent sur son visage. Si seulement je pouvais savoir ce qu'elle ressent.

   La sonnerie de son téléphone portable interrompt le silence qui s'était installé entre nous. Leyla décroche et se met à parler en arabe. Forcément, je ne comprends pas un mot.

-  Je dois rentrer.  m'informe-t-elle après avoir raccroché.

- Ok...

- Tu dors où? me demande-t-elle froidement.

- Aucune idée.

-  T'es venu ici comme ça, sans savoir où tu allais dormir?

- Euh oui...

- Y'a vraiment quelque chose qui ne va pas chez toi.

- Sans doute...

   Bon je te propose d'aller chercher des couvertures et tu peux dormir ici jusqu'à ton vol retour, il y a un très bon canapé et une douche dans les loges.

- Ok..

   Elle m'invite à la suivre.

   Il est tard et nous prenons un taxi jusqu'à une petite maison éloignée du centre-ville.

- C'est chez toi? dis-je en descendant du véhicule.

- Non, c'est chez mes parents...

   Chez ses parents? Dans quel merdier je me suis embarqué?

   Je la suis à l'intérieur.

- Leyla c'est toi? demande une voix féminine.

- Oui, maman.

   Nous traversons un grand couloir pour arriver dans un immense salon typiquement marocain. Des banquettes rouges et or longent tous les murs de la pièce. Une grande femme blonde d'une cinquantaine d'années et de type européen nous accueille.

- Et bien et bien, qui est ton ami?

- C'est un collègue de travail, il vient de France pour m'aider sur un spectacle. déclare la jeune éclairagiste.

   Je lui tends la main en me présentant.

- Thomas Landri, enchanté.

- Carole Benjaoui.

   Leyla n'a pas l'air d'apprécier que je fasse connaissance avec sa mère.

- Est-ce que je peux prendre quelques couvertures pour qu'il dorme à la salle?

- Oui bien sûr, mais.... pourquoi il ne dormirait pas ici? propose Carole.

   Le visage de Leyla se décompose et j'avoue que cette idée ne me séduit pas non plus.

- Oh non, je ne voudrais pas vous déranger.

- Et puis en plus il a beaucoup de boulot, je pense qu'il préfère rester sur place..... ajoute Leyla.

   Nous nous dévisageons, terriblement gênés.

- Bon et bien dans ce cas, il peut quand même rester manger non? En plus, j'ai encore préparé un repas pour 15!

   Elle est tellement chaleureuse que j'accepte pour ne pas la vexer, même si tout ça n'a pas l'air d'enchanter Leyla.

   Nous nous installons sur les banquettes rouge et or pendant que la maîtresse de maison part s'activer en cuisine. Un homme arrive dans la pièce. Un peu plus âgé que Carole et vêtu d'une djellaba, il a l'air plus que surpris de voir un étranger assis dans son salon.

- Papa, je te présente, Thomas, c'est un collègue de travail. annonce Leyla.

   Je me lève et serre la main à l'homme.

- Collègue? s'étonne-t-il.

- Oui, je l'aide sur un spectacle. dis-je en sentant comme une tension s'installer dans l'air.

   Carole arrive dans la pièce avec un tajine qu'elle pose sur une table basse.

- Attention, c'est chaud!

   Nous nous rasseyons sur les banquettes. Je sens que le père de Leyla m'observe. Il ne doit pas croire à notre histoire de "collègue".

   Nous commençons à manger, avec les doigts.... Ils prennent un petit bout de pain dont ils se servent pour prendre des aliments dans le plat et tout ça sans s'en mettre plein les mains. Alors que moi... On peut dire que là, je suis vraiment plongé dans une autre culture.

   Pendant le repas, l'homme de la famille me fait subir un véritable interrogatoire.

- Khaled, arrête donc d'embêter notre invité. le gronde Carole.

-J'aime bien savoir qui vient sous mon toit. répond l'intéressé.

   Quand j'ai pris l'avion, je ne m'attendais pas à me retrouver ici et je n'ai pas l'impression d'être vraiment à ma place. La jeune éclairagiste n'est ni mon amie, ni ma petite amie et pourtant je suis en train de manger chez sa famille.

   Après un dessert plus que copieux, Leyla disparait quelques secondes pour aller chercher de quoi me faire un bon petit lit douillet. Elle ne me laisse pas longtemps tout seul, mais je me sens tellement mal, entouré par ses parents, que ça me semble interminable.

   Quand nous nous apprêtons à partir, comme il est plus de minuit, Carole propose que nous prenions sa voiture.

   C'est un soulagement de s'éloigner enfin du domicile familial de ma belle Marocaine. Sa mère est sympathique et son père aussi, même s'il m'a harcelé de questions, mais ça m'embêtait d'être là et de leur mentir. Il semblerait que depuis ma rencontre avec Leyla, j'ai acquis une conscience....

   Pendant le trajet, j'essaye de faire la conversation, pour détendre un peu l'atmosphère.

- Alors tu vis chez tes parents?

- Oui, pourquoi, ça te choque? me répond-t-elle.

- Euh, non...

- Tu sais, ce n'est pas comme la France, ici...

- Je n'en doute pas.

   Elle m'en veut vraiment et je commence à désespérer de pouvoir rattraper le coup. Je pensais que le simple fait de venir ici la convaincrait de ma sincérité, mais sur ce coup-là, je me suis planté...

- Tes parents sont sympas en tout cas.

- Oui, mais bon mon père, il est encore assez traditionaliste.... des fois ce n'est pas facile.

- Au moins ils sont encore ensemble...

   Nouveau silence. Je n'ai pas d'autres sujets de conversations en tête...

- Je ne m'attendais pas à te voir, t'es complètement fou d'être venu ici.

   J'ai envie de lui dire que oui, je suis fou d'elle, mais je m'abstiens. De toute façon, elle ne me croirait pas...

   Nous arrivons à la salle et elle me fait visiter les lieux.  C'est vrai que le canapé de la loge à l'air plutôt confortable... mais dormir là, tout seul...

   Elle m'entraine ensuite jusqu'à la terrasse du bâtiment. Spacieuse, avec quelques transats, elle offre une superbe vue sur la ville d'Agadir qui brille de mille feux à cette heure de la nuit.

- Tu peux sortir de la salle, mais comme je suis obligée de fermer à clé, tu ne pourrais pas rentrer. C'est des portes de sécurité elles peuvent s'ouvrir dans un sens mais pas dans l'autre. Donc si tu as envie de fumer, tu peux venir ici. m'explique-t-elle.

   Elle est tellement belle là maintenant.... Je m'approche et glisse mes doigts dans ses cheveux avant d'effleurer son cou. Son corps est parcouru par un frisson.

- Leyla. Je suis tellement désolé de t'avoir blessée... J'ai cru qu'une histoire entre toi et moi était impossible alors j'ai fait le con, mais si je suis là aujourd'hui c'est parce que j'ai compris... j'ai compris que toi et moi...

- Toi en France et moi au Maroc, non, c'est impossible....

- Si, je suis ici parce que  je suis sûr que c'est possible.

   Je l'empoigne par les épaules et la tourne pour qu'elle soit complètement face à moi. Ses lèvres.... je ne peux pas résister. Je l'embrasse. Pendant quelques secondes, elle reste immobile. Sa langue finit par se frayer un chemin entre mes lèvres. C'est si bon de pouvoir de nouveau la goûter.  Je la sens s'abandonner. Elle colle son bassin au mien et mon manche se dresse d'un coup. Elle me rend complètement fou cette femme. Le désir me consume, je veux la posséder toute entière. Elle glisse ses mains jusqu'à ma braguette qu'elle défait avec agilité. Ses doigts glissent sous mon boxer et s'emparent de mon sexe. Elle me caresse doucement et je durcis encore.  Elle va de plus en plus vite. Si elle continue comme ça, elle va me faire jouir. Je la repousse.

- Doucement... dis-je.

- Préservatif? demande-t-elle à bout de souffle.

   J'avais prévu le coup (j'en ai même plein dans mon sac à dos) et j'en sors un de mon portefeuille. Elle me le prend des mains et m'entraine vers un transat. Je m'allonge et après avoir légèrement baissé mon pantalon et mon boxer, elle m'enfile la protection en latex. Je ne l'imaginais pas aussi entreprenante.  Elle baisse son jean et sa charmante petite culotte puis elle s'assoit lentement sur moi. Je m'enfonce en elle. Elle est si chaude.... si humide. Elle commence à remuer sur moi. Chacun de ses mouvements me permet de glisser un peu plus profond dans son intimité. C'est tellement bon. Elle bascule la tète en arrière et accélère le rythme. Le plaisir la rend sublime. Je pourrais bien ne jamais me lasser de cette vision. J'empoigne ses hanches pour la faire aller encore plus vite et je soulève mon bassin. Nous ne faisons plus qu'un.

   Je sens que ça monte.... Ma belle Marocaine se fige en poussant un bruyant gémissement et je ne peux plus me contenir. J'explose. Des vagues de plaisirs viennent lécher chaque partie de mon corps. C'est délicieux. Leyla s'écroule sur moi et j'enroule mes bras autour de son dos. Je me laisse enivrer par son odeur et j'embrasse son cou. C'est sans doute ce qui m'avait le plus manqué... ce bref instant où nous sommes comme déconnectés de la réalité, seuls au monde...

   Leyla se redresse et s'installe à côté de moi.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant?

 

*

 

   Les artistes arrêtent enfin de répéter et je m'empresse de fermer la salle. La journée m'a paru interminable et j'ai hâte de rentrer.

   Je prends ma voiture et je traverse la ville. Malgré l'heure tardive, il y a du monde dans les rues. C'est toujours comme ça ici.

   J'arrive enfin à la maison. Je franchis la porte et elle est là.  Je m'approche d'elle et je l'embrasse. Même si nous ne nous sommes quittés que ce matin, elle m'a manqué.

 Après avoir abusé de sa bouche, je caresse le ventre de Leyla qui a triplé de volume depuis quelques mois.  La grossesse lui va plutôt bien, mais je suis impatient que notre petit bout arrive.

   La première fois que je suis venu au Maroc, le chauffeur m'avait dit que je ne voudrais plus jamais partir, il avait raison.... enfin je suis rentré le temps de régler mes affaires, mais maintenant, ma vie est ici...

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