L'EMPREINTE
Hervé Lénervé
Oups! Je reviens, j'avais oublié de coller le texte. Quel écervelé, fais-je!
Une fois n'est pas coutume, je vais vous saouler un peu avec de la psycho.
Dans tout ce fatras d'expériences en tous genres, pratiquées en tous sens, par une horde de chevelus en blouse blanche sur des bestioles qui ne leur avaient rien fait, il y a une que j'aime bien. Non, ce n'est pas « le baisé indien que j'aime bien » de Pierre Perret : « On s'embrasse trois fois sur le cul et on dit coucou tu m'as eu. » Non ! Pas d'amour là-dedans, non, que de la Science revêche et soporifique à ronfler.
Voilà, il était une fois, un vieux monsieur, si vieux qu'il en est mort en 1986, c'est pour dire. Il se nommait Konrad Lorenz parce que c'était son nom, bon, maintenant, il était autrichien, on peut donc l'excuser d'avoir eu un patronyme à coucher dehors. Quoi qu'il en soit ou soit qu'il en quoi, comme aimait à le dire le regretté Pierre Dac, qui est mort également, alors qu'il n'était même pas scientifique, c'est à ne plus rien y comprendre du tout. Ce monsieur, donc, était un grand chercheur, mais un sale bonhomme au demeurant, du moins de mon avis, sur ses prises de positions politiques dans ces temps troublés qui furent les siens.
Mais ne nous égarons pas en digressions, mon propos étant de vous parler de la notion d'empreinte dans le système nerveux central, oui… je sais… comme le chauffage, sur laquelle il travailla toute sa vie, après une découverte accidentelle, comme il en est souvent le cas, également dans la gastronomie. Par exemple, on confond par mégarde des ingrédients, comme le sucre avec la cigüe et au lieu de réaliser un délicieux gâteau, on obtient la mort de Socrate. C'est ballot certes, mais cela fait partie de l'avancée extraordinaire des Sciences et des Techniques qui nous ont permis d'arriver là où nous en sommes aujourd'hui… c'est-à-dire dans la merde, avec une planète agonisante, mais peu importe, là n'est pas le propos, ne nous égarons pas, ne nous égarons pas !
Lorenz était entre autre, un éthologiste, c'est-à-dire un psychologue qui voulait se distinguer en faisant l'intéressant, car il pensait que le fait d'étudier les comportements des cobayes en laboratoire changeait par cette condition les résultats des expériences que l'on appelle « variables dépendantes. » (Il faut bien que je mette quelques termes techniques pour faire un tantinet sérieux.) Donc la branche des éthologistes se fait le devoir d'étudier les bestioles dans leur milieu naturel. Attendez, ils en ont bien le droit, s'ils veulent, non ! Mais restons concentré sur notre propos, ne nous égarons pas !
Donc voici l'anecdote de ce bonhomme. Alors qu'il vaquait à ses tâches domestiques dans la ferme qu'il habitait, le voilà t'y pas, qu'il passe, par hasard devant les œufs de ses oies qui étaient parties se dégourdir les plumes ailleurs et toujours par un concours de circonstance, v'la t'y pas, encore une fois, que les œufs éclosent à cet instant et oui ça peut arriver.
Par exemple, vous marchez sur un trottoir, alors qu'une tuile d'un toit se décroche et vous tombe sur la tête. Entre ses deux actions il n'y a aucune corrélation, si ce n'est qu'une contiguïté temporelle accidentelle et malheureuse, admettons-le, si ce n'est que la tuile se brise et que vous, vous êtes mort, vous voyez, ça peut arriver aussi, il faut bien mourir un jour de quelque chose, ce serait quand même con de mourir de rien et on dira de vous : « Quelle tuile, il n'a pas eu de bol ! » Mais ne nous égarons pas, ne nous égarons pas, restons factuel, bordel !
Le fait était que Lorenz ne mourut pas d'avoir vu éclore des poussins, mais que les poussins en question prirent pour géniteur le bonhomme en réponse, parce qu'il était le seul à bouger devant eux à ce moment précis, n'importe qui aurait fait l'affaire, (heureusement que Lorenz ne le savait pas encore), n'importe quoi aussi, comme un tracteur ou un ballon de foot. Voyez-vous des oisillons devenir fermiers ou joueurs de football, cocasse, non ? Imaginez des morveux footeux demander des autographes à des oiseaux qui ont le QI d'une poule. Ah, là, non ! Ne me dites pas que c'est déjà le cas pour nos stars du ballon rond. Mais ne nous égarons pas, ne nous égarons pas !
Donc, donc, donc, toute leur vie, même à l'âge adulte, les oies de Lorenz le suivirent partout. C'était sympa, mais cela pouvait devenir très chiant aussi, imaginez notre vieux bonhomme en train de conter fleurette à une jeunette avec une ribambelle de volatiles qui lui piquent les pieds, se frottent à lui et en profitent pour chier partout, comme ont, la regrettable manie, les oies à restituer plus qu'elles n'ingurgitent, un autre mystère de la Nature, mais ne nous égarons pas, un sujet à la fois, bordel ! Donc, donc, donc, donc, comme cette confusion palmipède était constante, on appela cela une empreinte. L'empreinte est indélébile dans le système nerveux, jamais elle ne s'efface, jamais elle ne disparait, jamais elle ne vous quitte. Quel époux, qu'elle épouse pourrait se targuer d'une telle fidélité ? Surement pas vous bande d'infidèles, mais ne nous égarons pas, on n'a rien à faire à Poitier, ne nous égarons pas !
Donc, donc, donc, donc, donc, voici l'expérience de laboratoire cette fois sur le concept d'empreinte :
Un, vous prenez des chatons tout juste éclos de leurs œufs.
Deux, vous les élevez dans l'obscurité totale excepté un temps dans la journée où vous les placez dans un carrousel dans lequel des lignes verticales ont été dessinés sur le cylindre de clôture. Vous les laissez mariner la dedans un certain temps. (En fait en expérience tout est mesuré, compté, notifié, bref ce n'est pas de la gnognotte.)
Trois, au bout d'un certain nombre de présentations des lignes verticales du carrousel, le cerveau des petits chats devenus grands, ne discriminera dans le Monde que les éléments verticaux, car pour lui l'environnement, le Monde, n'est constitué que de cela et le cerveau ne s'encombre pas d'informations inutiles. Le malheur veut pour ces chatons devenus adulte et lâchés dans le Monde réel, vous savez celui qui existe à côté de vos jeux vidéo, le malheur, donc, est qu'ils se cogneront toute leur vie durant à tout ce qui n'est pas rigoureusement vertical. Leur perception est bonne, mais le processus de reconnaissance des représentations par leur cerveau est altéré. L'Empreinte est opérationnelle, sympa, n'est-il pas ?
Maintenant un peu d'explication à cela :
Dans la nature, quand un oisillon éclos, deux possibilités s'offrent à lui :
La première, il voit ses parents, tous oiseaux, eux aussi et certainement de naissance… bon c'est ce qui arrive le plus fréquemment, je vous l'accorde.
La seconde c'est un prédateur… aie !
On voit ici, que par mesure d'économie et la biologie est radine, c'est là son moindre défaut, il semble inutile de répéter plusieurs fois à des âges sensibles, cette présentation, une seule est amplement suffisante à la survie de l'espèce. La preuve en est que les oiseaux continuent à pondre des œufs et nous à en faire des omelettes. Maintenant qui de l'œuf ou de la poule vint le premier, on traitera cette épineuse réflexion philosophique une autre fois avec un regard scientifique, mais ne nous égarons pas, dis-je.
Pour le cas des chatons qui découvrent leur biotope, les âges sensibles où le cerveau va percevoir des représentations en leur donnant une compréhension adaptative à son développement sont multiples, c'est la raison pour laquelle les chercheurs vont répéter l'expérience jusqu'à la connexion neuronale complète. (Les cons ! Ils ne connaissent pas précisément les âges sensibles des chats pour donner un sens à leur milieu. Tant pis, on ne leur dira rien et ils seront obligés de répéter l'expérience plus que nécessaire, bien fait pour eux.)
Voilà en gros la notion d'empreinte magistralement, si, si, expliquée. Nous précisons (pluriel prétentieux des scientifiques qui écrivent « Nous » dans leur thèse alors qu'ils ne sont que « Je » à prétendre leurs inepties) qu'elle existe également chez l'humain, mais là comme le nourrisson nait immature (par rapport aux autres animaux privés de pensée conceptuelle, on imagine bien que le nombre de représentation va être d'autant plus augmentées.)
Voilà j'en ai fini pour aujourd'hui, j'espère avoir été assez clair, concis et con, si, aussi, mais ne nous égarons pas en conjecture et radotage.
S'il y a une demande, je poursuivrai ces cours de psycho pour les nuls et la prochaine fois on verra pourquoi le film de Besson « Lucy » ne tient pas la route, scientifiquement parlant du moins. Ah, non ! On doit d'abord comprendre, qui de l'œuf ou de la poule est venu en premier ? C'est quand même important, non ? Bon, on verra, allez, à bientôt peut-être ? Bises.