L'enfer des Mots

Moez. L L

Indifférent à leurs supplications pressantes 

A leurs cris, leurs larmes 

Et leurs prières stridentes 

Le forgeron du village  

Surnommé le Grand Minotaure 

Jette les mots ferrailleux 

Au fond de la forge infernale. 

Les voyelles perdent leurs accents 

Et les consonnes n'émettent plus de sons 

Un R plus rouge que la braise  

Pendouillant d'un vieux proverbe archaïque 

Palpite entre les dents de la tenaille métallique 

La massette enragée 

S’acharne sur le fer épuisé 

Et sépare le R du vieux père décédé 

Tandis qu'un I plus dur que le diamant 

Défie chevaleresquement la lame de la scie 

Un pauvre M coincé dans la gueule d'un étau  

Attend désespérément la fin de ses maux. 

Et la grosse B, enceinte de jumeaux 

Pousse près de la table de l'enclume  

Les derniers cris de l'accouchement. 

Le A, un vieux franc-maçon


Connaît très bien l'enfer des mots 

Il attend silencieusement son tour  

Derrière un U vide et sans fond. 

Le D qui était sur terre damné 

Joue dans la forge aux dés 

Il espère changer son sort 

Et échapper au gros poinçon. 

Le soufflet, lui, est fier de son poumon


Enchaîné, il beugle tout le temps : 


Rimbaud ! Rimbaud ! Rimbaud !  

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