l'enlèvement amoureux
Clara
En ce beau mois de juillet, je rentre chez moi, a Santa Monica, un village de Sicile au bord de la mer. J'ai 16 ans et demi, je suis très brune comme toutes les filles du pays ou presque, ravissante. Comme si cela ne suffisait pas, je fait aussi partie des privilégiés. Alors que les paysans de la région sont très pauvres, ma famille possède plusieurs hecatres de vignes, qui produisent un cru réputé. Tous ces atouts que m'a donnés l'existence devraient me rendre heureuse, mais cela ne m'empêche pas d'afficher une mine sombre. Je reviens de l'institution religieuse où j'étais interne et où je viens d'achever mes études. Du moins est-ce ce que mon père Giuseppe, qui m'élève seul depuis la mort de ma mère. Mais je ne l'entend pas ainsi. Dès les embrassades terminées, je lui fais part de mes intentions sur un ton déterminé :
- L'année prochaine, je veux aller à Catane !
Il sourit. Il m'adore, je suis fille unique. Je suis intelligente, pleine de vie et de gaieté, mais fantasque. J'ai parfois des lubies que, malgré toute sa bonne volonté, il a du mal a comprendre. Sans doute est ce la dernière d'entres elles.
-A Catane ? Et pour quoi faire ?
-Pour aller au lycée. Je veux passer mon bac.
-Quelle idée !
-L'idée n'est pas de moi, elle est de mes professeurs... Papa, j'étais la meilleure de la classe, j'ai été première partout, tous m'ont dit que je devais poursuivre mes études, que j'étais capable d'aller à la faculté<
Il soupire...Il ne sert à rien de se facher, il décide de m'expliquer calmement les évidences que je ne comprends pas.
-Vera, est-ce que tu as pensé que tu es mon seul enfant ? Comme je n'ai pas de fils, c'est ton mari qui reprendra un jour le domaine.
-Je ne vois pas le rapport.
-Une fille ne doit pas plus être cultivée que son mari. Si tu deviens un singe savant, plus aucun garçon ne voudra de toi, tu resteras vieille fille et, a ma mort, l'exploitation sera vendue.
-Et si j'ai envie de faire autre chose ? De travailler ailleurs ?
Cette fois, il sent l'irritation le gagner. Il décide de mettre fin a cette conversation qui n'a aucun sens.
-Cela suffit ! A partir de maintenant, tu resteras a Santa Monica et tu te choisras un mari.
Etant donné ma beauté et ma richesse, les prétendants ne manquent pas. Mais parmis eux, mon père a déjà fait son choix : Adolfo Silva appartient a l'autre famille aisée de Santa Monica, qui possède une exploitation agricole ancienne et prospère. On murmure que les Silva ont des liens avec la Mafia, mais qui'importe : la réunion des deux fortunes serait aussi profitable aux un uns qu'autres. Le jeune homme est invité avec tous les égards et les Silva, qui ont visiblement les mêmes projets, rendent rapidement l'invitation. Du côté des jeunes gens, les sentiments sont moins réciproques. Le garçon ne lui déplaît pas vraiment. Il est un peu plus âgé qu'elle, il vient de fêter ses vingt ans, et il est incontestablement beau garçon. Il a les traits réguliers, un regard conquérent, un teint hâlé, avec lequel ses dents blanches forment un contraste éclatant. Il est bien bâti et sa chemine entrouverte laisse voir un torse puissant. Mais sont physique est a peu près sa seule qualité. En l'entandant parler, j'ai compris ce qu'a voulu dire mon père en parlant de l'instruction des filles : le garçon est incapable d'émettre autre chose que des platitudes. Pour lui, l'univers se limite a Santa Monica et a l'équipe de football de Catane. J'imagine l'accueil qu'il m'aurait fait si je serais sortie de l'université. il aurait eu l'impression de se trouver en face d'un monstre et aurais pris ses jambes a son cou. Pourtant, toutes mes réflexions, je les garde pour moi. Je ne repousse pas vraiment Adolfo Silva, je reste comme indifférente. Encore sous le coup de refus de mon père je suis momentanément sans ressort. Et quand, a la fin 1962, nos deux familles s'entendent sur les fianailles, je finis par admettre que me marier avec un garon de Santa Monica était mon destin. Adolfo me fera de beaux enfants, alors pourquoi pas ? Je pourrais toujours changer d'avis plus tard, les fiançailles ne sont pas le mariage et, même en Sicile, on ne peut rien sans le consentement de la jeune fille... Les fiançailles durent 6 mois. Selon la coutume, les jeunes gens ne sont a aucun moment laissé seuls. L'une ou l'autre de mes amies est toujours là pour nous servir de chaperon. Mais c'est une précaution inutiles. Le temps passant, je me rends compte qu'Adolfo n'est décidemment pas l'homme qui me convient. Ce n'est pas a cause de son manque d'instruction, après tout, je pourrait m'en accomoder, non, ce qui me deviens vite insupportable, c'est l'autosatisfaction qu'il affiche en permanence. Adolfo est le type même du mâle sicilient beau parleur et misogyne. Un jour, il n'hésite pas a me dire :
-Tu connais la Monica Bellone ?
J'ai effectivement entendu parler de cette fille du villa, qui est toujours célibataire, a trente ans et qui a la réputation d'être facile. Je lui réponds, un peu surprise :
-Pourquoi me parles tu d'elle ?
-Parce que, pendant que tu étais au collège, on ets restés six mois ensemble. Elle sait y faire, je peux te le dire ! Tout cela, je t'en ferai profiter quand nous serons marié. Sans compter qu'il y en eu d'autres qui n'étaient pas maladroites non plus. Je peux dire que j'ai une sacrée expérience !
Cette fois c'en est trop. Je sais désormais a quoi m'en tenir. Je déclare a mon père :
-Je ne veux pas épouser Adolfo. Je ne l'aime pas.
Il a beau appartenit a la vieille école, il a beau être contrarié dans ses projets, il m'a toujours adoré et mon bonheur passe à ses yeux avant le reste. Il va trouver le père d'Adolfo pour lui annoncer ma décision. Les fiançailles sont rompues et nos deux familles reprennt leur engagement.
La suite demain ! 05 mars 2022, 22h31