L'épopée de Johnny et Lucifer
kim
Johnny pretty face était le despérado le plus redouté de KANSAS city à l’ouest de RENO NEVADA.
Johnny montait Lucifer depuis que sa légende l’avait entrainé dans les tournures les plus illégales de l’histoire de l’ouest.
Lucifer n’avait connu qu’un seul cavalier capable de maîtriser sa fougue, son ardeur incontrôlable, quand le désir de pourfendre l’air de la prairie le possédait comme une folie, comme s’il n’y avait plus de limites. Liberté, magie.
Lucifer savait que ce besoin de s’abandonner dans l’infini d’un moment ne pouvait pas être compris par l’homme ; mais il lui semblait que Johnny pouvait être cette exception. Johnny et Lucifer s’étaient acceptés, depuis le début, avec leurs qualités et aussi tous les défauts de Johnny ainsi que sa réputation.
Ils avaient traversé la moitié d’un état quand Lucifer commença à montrer des signes de fatigue. Johnny ne prenait jamais aucun risque et s’arrêtait toujours dans la première ville venue. Lucifer appréciait beaucoup cette attention même quand Johnny ne lui trouvait pas de grange pour passer la nuit. Comme à chaque fois qu’ils arrivaient dans une ville, Lucifer savait que Johnny allait s’absenter toute la nuit et redoutait cet instant. Quand Lucifer était loin, Johnny ne s’attirait que des ennuis.
Johnny venait de terminer son troisième scotch au saloon, quand gros René un trappeur des grandes rocheuses connu pour sa cruauté, son mauvais caractère et son coup de revolver facile le bouscula dans le dos avec son coude.
- Otes toi du passage, tu caches mon soleil.
Un silence de plomb s’abattit sur tout le saloon. L’assistance avait les yeux rivés sur Johnny pretty face qui essuya d’un revers de la main les quelques gouttes de son whisky tombées sur le comptoir. Johnny termina son verre sans se presser et réajusta son chapeau.
L’assemblée connaissait sa réputation et savait qu’il ne lui en fallait pas plus pour envoyer gros René au diable. Certains s’étaient déjà risqués à le provoquer en duel, mais Johnny était toujours celui qui terminait le duel sur ses deux jambes. Il était d’une telle rapidité et d’une telle adresse qu’on lui prêtait des facultés surnaturelles. La rumeur la plus tenace affirmait qu’il avait pactisé avec le diable en personne. Johnny s’en amusait et pour tirer parti de la situation avait donné à sa monture le nom que toutes les grenouilles de bénitiers redoutaient.
La légende de Johnny était une légende depuis Lucifer. Ils avaient conclu un pacte. Ce pacte n’avait donné lieu à aucune discussion, ils s’étaient choisis naturellement, comme si Johnny et Lucifer devaient à jamais vivre et périr ensemble, comme si Lucifer était le prolongement de Johnny, comme l’abeille avec le miel. Lucifer était le miel de Johnny.
Gros René restait immobile, le dos tourné au comptoir guettant une réaction. Il savait qu’il allait en découdre. Il savait, aussi, que Johnny avait trop de classe pour tirer dans le dos d’un homme.
Johnny commanda un autre scotch. Le barman avait les mains qui tremblaient. Johnny saisit le poignet du barman et l’accompagna calmement jusqu’à ce que son verre soit bien plein.
- Sors dehors viande froide! Lança Johnny.
- J’vais t’agrandir ton sourire répliqua gros René.
Dans la rue principale, tous les badauds s’étaient pressés pour assister au spectacle, chacun voulait voir Johnny dégainer pour comprendre comment il faisait, vivre un moment de magie et dire aux autres : « j’y étais ». Chacun savait aussi que gros René était déjà mort.
Lucifer était attaché à l’entrée du saloon. Dans tous ses duels, Johnny se plaçait toujours de son côté pour le protéger d’une balle perdue et regarder ses flans saillants élancés qui luisait au soleil sous son pelage noir.
Lucifer avait la réputation d’un cheval qu’on ne pouvait pas monter. La réputation d’un cheval fou, inépuisable, capable de galoper un jour durant et de tuer un homme s’il le décidait. Quand Johnny, la plus grande gâchette qu’on ait jamais connu montait Lucifer, le cheval le plus imprévisible de tout l’ouest sauvage ; c’était comme si Dieu chevauchait les enfers.
Lucifer n’aimait pas ces duels. Il ne craignait pas pour Johnny, il savait qu’il était le meilleur. Il ne comprenait pas pourquoi l’être humain ressentait le besoin d’affronter ses semblables continuellement. Depuis toujours, il avait vu les hommes s’entre-tuer pour des territoires, des femmes, des hommes ; tueries, massacres, viols à l’infini. Lucifer ne vivait pas Johnny comme tous les autres hommes. Johnny avait une âme unique qui lui permettait d’envisager et de respecter la vie sous toutes ses formes. Mais Johnny n’était plus cet homme quand il avait éclusé quelques scotchs. Dans ces cas- là, Lucifer évitait de le regarder, il laissait faire le temps, il laissait faire le vent qui emportait avec lui l’esprit du diable qui possédait Johnny quand il avait goûté à l’infernale bouteille.
Gros René et Johnny se faisaient face dans la grande rue. Gros René parla le premier.
- VOUS ALLEZ VOIR, VOUS TOUS, COMME IL SERA JOLI VOTRE PRETTY FACE QUAND J’EN AURAI FINI AVEC LUI !!!!!
Johnny avait allumé une cigarette.
Toutes les filles du saloon le regardait comme on regarde un héros, un amant potentiel et pour certaines un client.
Johnny les salua avec son chapeau.
- Je vous salue bien bas mesdames, vous êtes toutes charmantes.
Les sourires fusaient, les rires se faisaient entendre derrière les mains qui cachaient des bouches qui ne demandaient qu’à hurler de joie.
- Vous avez vu, hi, hi, hi ! C’est à moi qu’il a parlé. Oh comme il est beau, c’est un ange.
- T ‘es une lopette, hurla Gros René. Les femmes t’appelleront plus de la même façon quand elles verront ton cadavre.
Johnny approcha sa main droite de son ceinturon, pendant que le vent soufflait sur des feuilles de papiers qui emportaient avec elles la poussière et la peur des badauds.
- Je savais que t’avais rien dans le ven….
Johnny saisit son arme, tira et replaça le colt dans son étui.
Le canon fumait encore quand Johnny pris sa cigarette à deux doigts pour souffler paisiblement la fumée dans l’air chaud ambiant.
- Tu parles trop. Qu’il dit paisiblement.
Dans l’assistance on entendit : « OHHHH !!!!!!!Vous avez vu ça ? Je l’ai même pas vu dégainer ».
Gros René gisait par terre dans la poussière qui volait avec le vent. Son âme prit le vent de passage et s’évada lentement et en silence de son corps. Son visage était comme une tomate écrasée qui dégoulinait sa chair aux quatre coins de sa tête. Son nez qui n’en était plus un, respirait son corps de l’intérieur.
Lucifer était toujours heureux, quand Johnny gagnait un duel ; mais refusait de le laisser approcher pour montrer son désaccord. Johnny ne pouvait même pas lui tenir la bride. Lucifer aurait pu devenir violent tellement l’âme de Johnny lui était étrangère dans ces moments. Johnny était alors obligé de rester à côté de Lucifer et de lui parler continuellement jusqu’à ce qu’il se calme, s’il voulait que Lucifer l’accepte à nouveau. Lucifer de son côté avait besoin de regarder et sentir Johnny prêt de lui pour reprendre confiance, pour vérifier que le diable était retourné chez lui.
- Regarde- moi mon beau Lucifer. Je t’aime et tu le sais. Tu es tout pour moi parce que je n’ai que toi et tu m’as moi. Regarde- moi, mon beau Lucifer. Je t’aime et tu le sais. Tu es tout pour…………………………………………………………………
Au petit matin, Lucifer se réveilla aux côtés de Johnny qui avait passé la nuit allongé dans la poussière, près de lui.
Quand Johnny ouvrit les yeux, sa tête était aussi lourde qu’une enclume et un enfant se trouvait debout devant lui une arme à la main.
- J’vais te tuer pourriture dit l’enfant en serrant les dents, les deux mains sur un revolver.
- Mais qui est tu ?
- T’as tué mon père.
- Mais ….Je ne savais pas que gros René avait une famille.
- Tu vas pas vivre assez longtemps pour t’en rendre compte.
Johnny regarda Lucifer dans les yeux et vit que Lucifer l’avait reconnu. Pour la première fois, Lucifer avait peur. De son côté, Johnny avait peur de ce qu’il fallait faire pour réussir à se tirer de ce mauvais pas.
L’enfant était décidé, son regard ne déviait pas de celui de Johnny. La lumière du matin était belle et baignait la ville calme et encore endormie dans une douceur chaude qui annonce les journées paisibles. Et puis, comme pour sonner le glas de toute cette quiétude, on entendit dans la brise naissante, un bruit bref et succinct, du métal sur du métal et une combustion. Un corps tomba dans la poussière, ce matin -là, pendant que Johnny se releva péniblement avec le canon de son colt qui fumait encore à la ceinture. Lucifer sentit que quelque chose de grave venait de se passer, comme un outrage, un pêché. Johnny resta immobile devant le corps qu’il venait d’offrir à la mort. Ses mains se mirent à trembler, des larmes submergeaient ses yeux et rampaient sur ses joues. Lucifer s’était redressé et fixait Johnny en soufflant. Quand leurs regards se croisèrent, Lucifer compris que quelque chose s’était brisé à l’intérieur de Johnny, qu’il l’avait perdu à jamais.
Johnny laissa tomber son ceinturon avec le colt à l’intérieur. Son chapeau pendait dans son dos et il grimpa sur Lucifer pour se coucher à plat ventre sur son dos, pendant que Lucifer se dirigeait lentement vers la sortie de la ville sans direction précise. La ville était toujours endormie.
Lucifer quitta le NEVADA et s’engagea dans l’OREGON, comme on s’en va dans la nuit, au hasard, pour rechercher la lumière.
Une horde de braves gens s’étaient certainement lancée à leur poursuite avec des cordes plein les sacoches afin de ne pas en manquer quand il faudrait les nouer au cou du tueur d’enfant qu’était devenu Johnny.
Lucifer avait l’impression de transporter un cadavre. Johnny ne réagissait à rien, sa barbe envahissait son visage depuis plusieurs semaines, il laissait aller Lucifer au gré de son instinct.
A CRATER LAKE, Lucifer resta immobile devant le lac et décida qu’il était temps de poser ses sabots le temps de reprendre des forces, le temps de prendre le temps de regarder Johnny.
Au bord du lac, alors que Johnny regardait l’eau sans voir son reflet, un chaman vint à la rencontre de Lucifer.
- Viens près de moi Esprit du vent, je suis mille lunes et je m’incline devant toi.
Lucifer se positionna devant le vieil homme mais ne ressentit aucun danger.
- Je ne te veux aucun mal, esprit du vent, j…
- LAISSE-LE !!! hurla Johnny.
- Je suis mille lune et je suis très honoré de t’accueillir sur ma terre, Esprit du vent.
- Il s’appel Lucifer et ce n’est pas un esprit, c’est un cheval.
- Tu appels cheval ce que tu vois avec tes yeux. Mais regarde avec ton esprit et tu découvriras que ton ami est le fils des Dieux.
Johnny ne répondit pas. Il n’avait pas la force, pas l’envie. Après tout, si ce vieil indien voulait voir en Lucifer un esprit, alors à sa guise. Il revoyait constamment dans le feu de son esprit ce visage si jeune animé par la haine qui lentement s’était éteint devant lui, à ses pieds, comme s’il était un Dieu, le Roi des enfers. Il revoyait le visage de Francky quatre doigts, de jack le Huron, de Rusty la détente, de………………………………………………..Qu’il avait tous offert à la mort. Ces hommes avaient-ils une famille, une femme, des enfants ? Prendre la vie d’un homme seul n’est pas la même chose que décimer une descendance, c’est un génocide, un crime.
Lucifer n’avait pas bougé et restait paisible face au chaman. Il sentait dans ce vieil homme la même innocence que possèdent les enfants. Un regard plein de questions et la peur de faire du mal. Lucifer se laissa caresser tout en regardant Johnny qui lui tournait le dos. En temps normal, Johnny n’aurait jamais toléré qu’on touche Lucifer. Aujourd’hui, Johnny se battait avec lui-même comme si plusieurs personnes l’habitaient entre sa raison et la folie.
- Soit le bienvenu Esprit du vent et accepte de passer la nuit sur ma terre. Toi aussi homme blanc, tu es le bienvenu.
- De toute façon, il est trop tard pour marcher, j’accepte.
- Où vas-tu homme blanc ?
- Je vais là où les hommes ne reviennent pas.
- Ton cœur est lourd et ton regard troublé, mais sache que la solution de l’homme est dans l’homme.
- Pas pour moi, chaman, pas pour moi.
Mille lunes récupéra du bois posé au pied d’un arbre et entreprit de faire du feu. Sa hutte était toute proche, mais l’air de la nuit était assez clément pour rester sous les étoiles.
- Que fais-tu là, tout seul, vieil homme. où se trouve ton peuple ?
- Mon peuple n’existe plus, je suis le seul survivant d’une grande lignée de chaman.
- C’est quoi un chaman.
- Un chaman est un être autorisé par les esprits à discourir avec eux.
- Que te disent tes esprits peau rouge.
- Ils m’ont averti de la venue d’Esprit du vent.
- Ils t’on averti de la venue d’un cheval et d’un homme habillé du voile de la mort.
- La vie et la mort se trouve en chacun de nous homme blanc, regarde.
Le chaman frotta ses mains, prononça quelques mots en indien et dans le halo de fumé, juste au dessus du feu, Johnny vit des femmes et des enfants Indiens se faire massacrer par des hommes à cheval. Ces hommes portaient des uniformes et un large sourire quand ils se servaient de leurs armes.
- MAIS QUI ES TU ?.....Comment fais- tu ?
Lucifer s’était rapproché du feu et fixait la scène. Il ne ressentait aucune crainte et regardait le chaman avec bienveillance.
- Regarde homme blanc.
Dans le halo de fumée, les indiens avaient disparus pour laisser leur place à Johnny qui buvait dans un saloon. Johnny ne s’était encore jamais vu de la sorte. C’était comme un miroir magique, comme s’il voyait défiler le cours de sa vie. Il se vit durant son duel avec Jason couteau, Les frères cabs quand il les descendit tous les trois dans la rue centrale de RENO sans qu’ils aient eu le temps de dégainer.
- J’étais bon quand même.
- Oui, tu es bon pour donner la mort. Mais as-tu pensé à donner la vie ?
Lucifer regardait Johnny et attendait la réponse. Son regard était toujours bienveillant et plein d’amour pour lui.
- J’ai donné ma vie à Lucifer. Ce cheval est spécial. J’ai l’impression qu’il sait ce que je pense avant moi. Toutes ces vies que j’ai prises, sont venues me demander de les prendre. Je n’ai toujours voulu qu’une seule chose : galoper au gré du vent avec Lucifer. Je n’ai eu que le seul but de rester libre toute ma vie.
- Maintenant tu dois remercier cette terre de t’avoir accueilli.
- Ca va faire mal ?
- Non tes ancêtres t’attendent pour te libérer de cette peine.
Lucifer regardait Johnny.
- Ainsi tu étais là pour moi, mon bon Lucifer.
Lucifer s’approcha et baissa son museau pour recevoir une caresse.
Le chaman passa ses bras au dessus du feu et pris de la fumée dans la pomme des ses mains. Il regarda Johnny une dernière fois et lui souffla la fumée au visage.
Johnny sentit sa peine se dissiper lentement, tout en regardant le chaman et sa monture qui l’avait suivi jusqu’au bout de lui- même, jusqu’aux frontières de la mort.
Quand Lucifer passa de l’autre côté du feu, il gratta l’herbe humide avec son sabot, souffla plusieurs fois, inspecta l’herbe de nouveau. Johnny avait disparu.
- C’est ton tour, maintenant, Esprit du vent. On m’a envoyé pour prendre ta place. Tu as bien travaillé et tu as mérité toi aussi le repos éternel.
Lucifer fixa le chaman qui s’approcha pour le caresser.
- Va maintenant.
Lucifer se mit à tournoyer dans la prairie pour éprouver cette liberté, cette absence de limites, encore une fois. Il s’arrêta, fixa le lac et accéléra sa course de toutes ses forces. Arrivé aux frontières de l’eau, il s’élança dans les airs pour réaliser le plus grand saut qu’il avait jamais fait. C’était comme s’il restait suspendu aux étoiles, comme si des ailes avaient poussé sur ses flancs.
Le chaman dit quelque chose en Indien et frappa vigoureusement dans ses mains. Lucifer disparu aussitôt, avant de toucher de ses sabots célestes, l’eau pure du lac.
Au petit matin, le chaman était toujours devant son feu et vit dans l’aurore naissante, une nuée sombre qui se rapprochait trainant derrière elle de la poussière et toute la haine d’une ville. Il distingua une horde de cavalier avec des armes pour donner la nuit et des cœurs enragés.
- Et toi l’indien, t’as pas vu un homme qu’on appelle Johnny pretty face et son cheval fou comme tous les saints du diable.
- Je les ai vu, mais ils sont partis quelque part ou vous ne pourrez pas les trouver.
- Je suis capable d’aller n’importe où, lui répondit le cow boy.
- Oh ! Oui je sais, mais il n’est pas encore temps pour toi.
- Emmenons-le avec nous, s’il ne veut pas parler maintenant, on le fera parler plus tard.
Anthony un jeune cow boy, tout juste en âge d’ajuster des perdrix avec sa winchester s’approcha du chaman.
- Grimpe vieillard, à pieds tu nous retarderais.
Le chaman pris place derrière Anthony qui montait un superbe Mustang gris clair qu’il appelait Feu- follet, et s’engagea avec la horde en direction du nord, vers les grandes rocheuses.
- Comment t’appelles-tu vieillard ?
- Je m’appelle Mille lunes.
- Et moi, c’est…..
- Je sais comment tu t’appelles.
- Ah oui ! t’es magicien.
- Tu t’appelles Esprit de feu et je t’attendais.