Les 3 extases

Emmy Green

Extraits de mon roman, un mélange de Da Vinci Code et de quelques Nuances de Grey.

1


Le choc est brutal.


J'en perds mon iPhone sur lequel j'étais en train de pianoter. Il tombe au sol dans un bruit qui n'a rien de rassurant sur son état.


Je viens de tourner à l'angle de la rue et voilà, je me suis jetée la tête la première dans un inconnu plus grand et bien plus fort que moi.


J'ai à peine le temps de réaliser que l'homme s'excuse.


“Pardon.”


Moi qui n'avait d'yeux que pour mon pauvre smartphone dont l'écran tactile est brisé, je relève la tête, intriguée par cette voix, à la fois grave et douce. Et là, j'en perds une deuxième fois mon souffle : un Apollon !


C'est le premier mot qui me vient à l'esprit. Je me sens vraiment stupide de penser à ce mot mais je dois dire que cela correspond exactement à l'homme qui se tient devant moi. Je rougis immédiatement.


Normal, c'est réellement un Apollon.


Il doit être acteur ou mannequin ou quelque chose comme ça !


Je reste là, stupide, bouche ouverte à le regarder, ayant complètement oublié mon téléphone en miettes à mes pieds.


Il se baisse pour le ramasser.


Je ne vois plus que le haut de son crâne, avec ses cheveux châtains aux belles longues boucles dans lesquelles j'ai envie de passer mes mains.


Il se relève lentement.


“Je suis vraiment désolé, mademoiselle. Je crois que votre téléphone est hors d'usage.”


Oui, continue à me parler. Ah oui, je dois fermer la bouche.


“Mademoiselle ? Vous allez bien ?”


Enfin, j'arrive à retrouver le contrôle de mes muscles, je réussis à refermer - difficilement - cette bouche rebelle et je hoche la tête plusieurs fois. Je dois avoir l'air quiche.


“Vous êtes certaine ? Vous n' êtes pas blessée ?”


C'est vrai que le choc a été particulièrement rude. Nous nous sommes heurtés à pleine vitesse, moi marchant d'un pas rapide et lui, presque courant.


Il regarde sa montre. Stylée. Grande. Il a de la classe. Normal, c'est un mannequin. Dans son grand manteau brun, taillé semble-t-il sur mesure, il parait sûr de lui, les traits carrés, pas trop fins mais juste ce qu'il faut, avec une toute petite cicatrice au coin du menton.


Il m'observe à nouveau.


Son regard me fait fondre. Ce n'est pas possible des yeux comme ça. D'un vert profond, ils ont des reflets presque dorés. Oui dorés ! Quand je vais dire ça à Louise, elle ne va pas me croire.


“Je dois y aller, j'ai rendez-vous. Si vous êtes certaine que tout va bien ?...”

“Oui, oui... merci...” j'arrive à peine à murmurer, toujours plus impressionnée par le David que j'ai devant moi que par le choc physique.


Il hésite un instant. Il me tend ce qui me reste de mon téléphone. Nos mains se touchent. Je sens un délicieux petit courant qui passe. Qu'est-ce que c'est que ça ? C'est comme de l'électricité. Lui aussi parait surpris.


Il sourit, un peu.


Oh, ce sourire...


Et soudain, j'ai envie de lui donner mon téléphone. Non pas le truc en mille morceaux que je tiens du bout des doigts. J'ai envie de lui griffonner mon numéro sur un bout de papier et de lui fourrer entre les mains. Appelez-moi quand vous voulez !


Dans ma tête, la lutte commence. Vous savez ? Avec cette petite voix qui vous parle dont on ne sait si c'est notre conscience, notre mental, notre esprit ou notre âme ?


Je lui ai donné un nom : Rosie. Pourquoi ? Je ne sais pas... peut-être parce que j'ai envie de voir la vie en rose.


Mais ma Rosie à moi, elle n'est pas de ce style. Elle a un sacré caractère. Tranché. Et nous ne sommes que peu souvent d'accord. La preuve ?


Il est beau, non ?

On n'est pas dans un feuilleton américain, ma fille, ressaisis-toi.

Rosie ! C'est un bel homme, tu ne peux pas le nier.

J'attends qu'il ouvre la bouche... pour voir.


Mais pendant que je bavarde dans ma tête, lui, il n'attend pas et s'écarte un peu. Après, un petit signe de la main, il fait brusquement demi-tour et part d'un pas rapide en direction de la vieille ville. Même quand il marche de dos, il est beau !


Ça suffit ! me hurle Rosie, reprends-toi un peu. On dirait une midinette.


N'empêche, je reste là, idiote à le regarder traverser la toute petite place avec ses platanes et la jolie fontaine qui murmure d'eau fraiche. Il disparait au coin de la rue.


Je soupire. Il ne s'est même pas retourné. Je demeure là encore quelques instants, mes restes de téléphone entre les mains.


“Impressionnée ?” dit une voix chantante.


Je sursaute. Je me retourne et j'aperçois un vieil homme, assis dans l'ombre. Il a dû voir notre brusque “rencontre”. Je fais oui de la tête.


“Ah,” ajoute-t-il avec philosophie, “parfois la vie vous fait goûter à la grâce. C'est fugace mais dieu que c'est bon, non ?”


Je m'approche de lui.


“Oui mais la grâce, elle est cruelle. Elle oublie que les femmes sont de chair et pas juste des statues ou des tableaux du XVIIe !”


Il rit et reprend avec son accent du sud-ouest.


“Je vais vous dire, il faut accepter ce que le hasard de la vie nous donne et nous reprend. C'est comme ça, on n'y peut rien. Pas la peine de se mettre en colère contre elle.”


Il se gratte la tête.


“Vous n' êtes pas Albigeoise, vous ?"

“Non, pas du tout. Je viens de la région de Lyon”


Il a l'air un peu surpris.


“J'étudie à l'université Champollion, ma dernière année en Histoire de l'Art, pour tout vous dire.”

“Alors, vous vous y connaissez en chef d'œuvre,” il me dit en clignant de l'œil.

“Oui, mais c'est la première fois que j'en voyais un vivant.”


(A suivre)

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