Les 3 extases (ch. 2)

Emmy Green

“Qu'est-ce que tu as Emma ?” me demande Louise dès qu'elle me voit poser les clefs de l'appartement que nous partageons.


“Rien je t'assure, tout va bien.”

“Non, non, non. Je vois bien que tes joues sont encore rouges, tes yeux sont trop brillants.”


Eh bien oui en rentrant, elle n'a pas pu s'empêcher de penser à cet étranger digne d'être sculpté par Michel-Ange, parait-il...


“Non, Louise, je me suis juste cognée à quelqu'un au coin de la place du Patus Crémat.”

“Et tu dis ça comme si tu venais de gagner au loto ? Excuse-moi mais, à part si c'était un George Clooney, je ne vois pas ce qui te fait sourire comme ça !”

“C'était lui...” je souffle à demi-mots, un petit sourire flottant sur mes lèvres et le regard dans le vague.

“Quoi ?”


Louise bondit du canapé où elle était en train de lire et vient se planter devant moi.


“Emma Beaucaire, j'exige que tu me dises toute la vérité et rien que la vérité ! Immédiatement.”


Louise sera un jour une brillante avocate, c'est certain. Mais elle a tendance à faire déborder son côté “plaidoirie” dans sa vie personnelle.


“Et si on s'asseyait ?” je lui dis, me rendant compte que soudain j'ai les jambes qui tremblent.

“Thé ?” propose la future star du barreau.

“Oui.”


Je me laisse tomber sur une chaise devant la table de notre salon-salle à manger. C'est une belle table à pieds en bois sculptés et sur lesquels est posé une plaque de verre épaisse, très stylée.


Je me débarrasse de mes chaussures qui me font un peu mal pendant que Louise s'affaire dans la cuisine. J'entends déjà l'eau qui bouillonne pendant qu'elle prépare deux tasses avec deux sachets de Earl grey. Mon thé préféré.


Elle me rejoint rapidement avec un plateau et deux tasses fumantes.


“Vas-y, raconte,” me dit-elle toute excitée, “je veux tout savoir. Comment il s'appelle, qu'est-ce qu'il fait et quand vous allez vous revoir.”

“Louise, qu'est-ce que tu racontes ?”

“Non, toi tu racontes !”


Je penche un peu la tête sur le côté avant finalement de me décider.

 

“Bon, en rentrant, juste avant, à un coin de la place du Patus Crémat, je suis rentré dans George Clooney, ou du moins dans sa version française. Il s'est excusé poliment et puis il est reparti.”

“C'est tout ?”

“C'est tout.”

“Et ça te met dans cet état ?”


Je fais tourner ma cuillère dans ma tasse.


“Quel état ?”

“Cela fait quatre ans que l'on se connait, d'accord ? Jamais, je ne t'ai vu avec cet éclat dans les yeux même quand Nicolas t'as dit qu'il voulait sortir avec toi... et pourtant tu avais un petit faible pour lui, non ?”


Je fronce les sourcils.


“Un petit, Louise, un tout petit.”

“Oui mais là, on dirait que c'est Nicolas puissance 10 qui vient de t'inviter à diner. Alors, qu'est-ce que tu me caches, hein ?”


Je prends une gorgée de thé brûlant et je repose la tasse un peu plus brutalement que je ne l'aurais voulu.


“Mais rien Louise ! Qu'est que tu peux être fouineuse parfois. Arrête de faire ton enquête. On n'est pas au prétoire, ici !”


Elle fait la moue.


“Emma, tu es sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée depuis que je suis tombée dans ce trou perdu qu'est Albi. Je suis très heureuse d'être ton amie et je m'inquiète peut-être un peu trop pour toi. Mais voilà, je te trouve bien trop innocente parfois. A Paris, la vie est différente, plus speed, plus dure. Ici, on vit dans un cocon mais on ne sait jamais et je ne voudrais pas que tu fasses de mauvaises rencontres.”


Elle boit un peu de son thé.


“Tu es gentille Louise. Moi aussi j'apprécie aussi beaucoup de partager cet appartement avec toi. Je t'assure, il n'y a pas à craindre qu'un méchant séducteur parisien me fasse du mal.”


Nous rions toutes les deux.


“Ma rencontre de ce matin était fortuite, French George est reparti dans son monde et c'est tout. On ne risque pas de se revoir. Le seul souvenir qui me reste, c'est mon iPhone cassé.”

“Tant pis. N'empêche qu'à ton âge, il est grand temps que tu te trouves un vrai copain, voire même une relation plus sérieuse.”


Elle fait une pause et prend une voix faussement rauque.


“Et puis, il est plus que temps que tu te laisses un peu plus aller, tu ne crois pas...”


Je rougis et lui lance ma serviette à la tête en riant.


“Louise ! Tu ne vas pas recommencer, non ? Tu voudrais que je me jette dans les bras du premier venu ?”


Elle penche un peu la tête, une lueur taquine dans les yeux


“C'est bien ce que tu as fait ce matin, non ?”

“Oh toi !” et je lui lance la première chose qui me tombe sous la main, un exemplaire de Vogue, son magazine favori.


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