LES AILES DU PHOENIX

Elli Cantel

Ce livre est un témoignage séparé en plusieurs chapitres de la maltraitance infantile et ses conséquences à l'âge adulte.

                                                


                            LES AILES DU PHOENIX

 

 

PROLOGUE

 

 

J'ai décidé d'écrire sur ce qui m'est arrivée dans ma vie afin de soulager ce poids lourd que je porte, mais également pour dire à ceux qui vivent ou ont vécu la même chose : vous n'êtes pas seul !

 

Si vous êtes victime de maltraitance ou négligence, ne vous laissez pas faire, ce n'est pas normal. Un parent ne devrait jamais arriver à la force pour quelque raison que ce soit. Parlez-en autour de vous, même si je sais que c'est très dur ; on ne veut pas « trahir » nos parents ou celui qui nous maltraite, on a peur des représailles, on s'inquiète de ce qu'on deviendra. Mais parlez-en ! Au médecin, aux professeurs, à des voisins, une assistante sociale, l'infirmière de votre école. Je le répète, parlez-en ! Des gens peuvent vous aider.

 

Pour ceux qui ont été victimes, ce sera un témoignage de plus que vous lirez, qui vous rappelleront peut-être parfois vos propres expériences. Si j'écris aussi pour vous, c'est pour vous dire : vous n'êtes pas seuls !

J'ai longtemps cru que nous n'étions qu'une minorité à vivre ce cauchemar et à en subir les conséquences au quotidien dans notre vie. Mais c'est faux, nous sommes très nombreux à avoir vécu des maltraitances et à devoir vivre avec ça. Nous apprenons les uns des autres à comment rendre ce poids plus léger et à avancer doucement.

 

Nous sommes tous des phœnix capables de revenir à la vie, de se relever, et d'avancer, vivre avec nos armes.

 

Comme le dit Edith Piaf « Je ne regrette rien, ni le bien qu'on m'a fait, ni le mal, tout ça m'est bien égal (…) je repars à zéro »

 

 

CHAPITRE 1

 

Je suis née dans une toute petite ville de Normandie au onzième mois de l'an mille neuf cent quatre vingt quatorze. Pendant les sept premières années de ma vie, j'ai eu le droit au bonheur d'un enfant qui grandit dans une famille heureuse et aimante. J'étais le petit trésor de mes parents et je faisais leur bonheur. J'avais le droit à tout ce que j'avais envie, et, oui, j'étais pourrie gâtée. Je ne peux pas leur retirer ça, une chambre magnifique, une salle de jeux pleine à craquer. Je n'avais vraiment pas à me plaindre. Je passais mes soirées, avant d'aller me coucher, à discuter avec ma mère de ma journée ou de chose en général pendant qu'elle me peignait les cheveux. J'avais le droit aux animaux de compagnie. J'ai eu des poissons, des cochons d'inde, des hamsters. Et je n'avais pas le temps de pleurer leur mort qu'un nouvel ami rejoignait ma vie.

Nous partions en vacances tous les étés dans le sud-est, en camping. J'adorais ça. Nous allions nous balader le long des marchés en bord de mer le soir, éclairé aux lumières des stands. Quand un objet me donnait envie, on me l'offrait. C'est ainsi que même dans notre caravane, j'avais beaucoup de jouets et de peluches.

Mon père aimait beaucoup les jeux vidéo, et j'aimais m'installer sur lit pour le regarder jouer pendant des heures. J'aimais beaucoup regarder des feuilletons à la télé avec ma mère, comme « Sous le soleil », « Les feux de l'amour », « Amour, gloire et beauté », « Colombo », et pleins d'autres encore.

 

Pour les mariages, je pouvais jurer que j'égalais la mariée avec de magnifiques robes blanches de princesse préparée sur mesure chez une couturière ; gants de dentelle blanche et un joli bouquet. Ma mère mettait des heures à préparer ma coiffure. Et j'étais de loin, la plus apprêtée des petites filles. Telle une mariée miniature.

 

Quand Antoine, mon premier petit-frère est né, ce fut un des plus beaux jours de ma vie.

Je me souviens m'être réveillée tôt, à cause des bruits d'agitations dans le salon. Quand je suis sortie de la chambre avec mon doudou dans les bras, mon père est venu me voir m'a dit de me préparer, mon petit-frère allait naître.

Il y a une anecdote que nous aimons raconter sur ce jour. Alors que ma mère allait mettre au monde mon petit-frère, tellement maniaque, avant de partir, elle s'était empressée de nettoyer la porte vitrée de la douche. Une perte de temps inutile mais qui nous faisait bien rire avec le recul.

Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, ma mère a été prise en charge et avec mon père nous avons attendu dans la salle d'attente bleue, devant les portes battantes.

Cette attente nous parût durer une éternité. Nous nous jetions sur chaque infirmière et chaque bébé croyant que c'était notre tour.

Finalement, une infirmière a franchi les portes et a prononcé notre nom. Nous nous sommes levés et sommes allés la voir. Ça y été… j'étais grande sœur !

L'infirmière nous a accompagné pour rencontrer le tout petit être qui avait agrandit notre famille. Quand je suis entrée dans la chambre, j'ai vu ma mère allongée dans le lit et je l'ai saluée : « Bonjour Maman ! ».

A ce moment-là, mon petit-frère, qui dormait, à ouvert les yeux et à tourné la tête dans ma direction. L'infirmière s'est exclamée : « Dis donc, tu as dû lui parler très souvent pour qu'il reconnaisse ta voix ».

Et en effet, je parlais avec Antoine bien avant son arrivé dans ce tout petit berceau d'hôpital.

 

Mes parents avait dû avoir recours à des inséminations artificielles pour avoir un deuxième enfant. Leur combat avait duré plusieurs années, et j'avais six ans quand ma mère m'a apprit la bonne nouvelle. Après ça, je passais mon temps à parler au ventre de ma mère. Je l'embrassais, lui faisais des câlins, je lui parlais de tout et je forçais même ma mère à se boucher les oreilles quand je lui racontais des secrets. Ce petit-frère, je l'attendais avec une immense hâte !

 

Quand j'ai vu le petit berceau à côté de ma mère, je me suis penchée dessus.

-          Bonjour petit-frère, ais-je dis tout bas.

Il était tout petit, des mains minuscules et des cils à peine visibles. Il avait, en revanche, de grands yeux d'un bleu nuit.

J'ai pu ensuite le porter, le caresser, l'embrasser, lui donner le biberon, ce qui faisait toute ma joie et ma fierté.

 

Quand on est rentré à la maison, j'aidais ma mère à lui changer la couche, chantais des berceuses, je jouais avec lui. Et puis il a grandit, petit à petit, mais comme tout enfant, beaucoup trop vite.

Antoine devenait mon poupon. Je l'emmenais partout avec moi. Je le faisais jouer à la dinette, je le promenais dans l'appartement avec mes poussettes pour poupon. J'aidais toujours ma mère aux tâches, donner à manger, changer les couches, le mettre au lit, jouer avec lui.

Il était la plus belle chose qui me soit arrivée.

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