LES AILES DU PHOENIX

Elli Cantel

Les ailes du phoenix : Chapitre 2

                                             CHAPITRE 2

 

Malheureusement, et je ne saurais sûrement jamais pourquoi, à partir de sa naissance, ma mère a changé. Elle a commencé par des claques, puis elle a sortie le martinet du chien pour s'en servir sur moi. Les lamelles de cuire me brulaient la peau à chaque coup. Elle me courait souvent après sans que je comprenne pourquoi, le martinet à la main. Des fois je réussissais à atteindre la salle de bain à temps et à m'enfermer, mais d'autres fois, je n'avais pas le temps d'y parvenir.

Puis elle a continué à me frapper en me bloquant dans un coin de ma chambre, elle tapait avec les mains et les poings. Elle frappait partout, au hasard. Alors je me recroquevillais et j'essayais de me protéger avec mes petits bras d'enfant de sept ou huit ans. Au bout d'un moment, elle s'arrêtait, elle quittait la pièce et m'enfermait à clé dans ma chambre. Ce genre de chose arrivait presque quotidiennement. Alors je restais recroquevillée pendant des heures, à pleurer, à essayer de comprendre ce que j'avais fait de mal, sans trouver la réponse. Mais je me disais qu'il y en avait forcément une, sinon ma mère ne se serait pas énervée ainsi. C'était ma faute.

 

Quand j'avais neuf ans, on a déménagé dans le sud. Mes parents voulaient le soleil et la ville rose.

Quelques jours après notre emménagement, ma mère m'a dit qu'elle était désolée de ce qui c'était passé jusque là, qu'elle était malheureuse dans notre ancienne ville, et qu'à présent tout irait beaucoup mieux pour tout le monde. J'avais retrouvé ma mère, et j'en étais très heureuse. Et pendant un moment, elle a tenu sa parole.

 

En revanche, mes camarades de classe on prit la relève. Je suis arrivée dans une nouvelle école début octobre et avec mon accent du nord, je n'étais pas vraiment la bienvenue. On me reprochait de ne pas être née dans la même ville qu'eux et d'arriver comme un cheveu sur la soupe en cm1 alors qu'ils se connaissaient tous depuis la maternelle.

De ce fait, je n'ai pas réussi à me faire des amis, mais je me suis fais en plus, des ennemis.

Les autres enfants se moquaient de moi, de mon écriture parce que je suis gauchère, de mon accent et me bousculaient souvent.

 

Un jour, lors de la récréation, je faisais le tour de la cour. Un garçon de ma classe est passé en courant et m'a poussé. Le carré de cour était entouré d'une murette qui donnait sur un chemin qui faisait le tour de cette cour, le chemin étant plus haut d'un demi-mètre. Par conséquent, quand je suis tombée, mon corps est tombé dans la cour « basse », mais mon pieds droit est resté de l'autre côté de la murette, retenu par celle-ci. Je n'ai rien dit. Je n'avais presque pas mal et j'avais peur d'avoir des problèmes et quand je suis rentrée chez moi, je n'en ai pas parlé à ma mère.

Le lendemain, il y avait un cross. La course fût pénible et j'ai fini par demander d'arrêter. Mais ma maîtresse m'a ordonné de continuer à courir jusqu'à la ligne d'arrivée. Je suis arrivée dernière en boitant. Une autre maitresse, celle des cm2 m'a remarqué et a voulu voir ma cheville. Elle était noire et gonflée. Elle a tout de suite appelé ma mère qui m'a emmenée chez le médecin pour faire des examens. Au final j'avais divers fractures, élongations et déchirures. Aujourd'hui encore, j'en porte les séquelles et je dois me faire opérer. Cette chute m'a valu l'interdiction de la plupart des sports et de porter des talons lorsque j'ai grandit. J'ai fini par raconter ce qui s'était passé, mais le garçon n'a reçu aucune sanction. Je ne pense même pas que ses parents aient été mit au courant de tout cela.

J'ai gardé le plâtre pendant un mois. Seulement, une semaine avant qu'on m'enlève le plâtre, d'autres enfants m'ont poussé dans l'escalier alors que j'étais en béquille. J'ai dévalé une dizaine de marches avec béquilles et cartable.

 

Nous sommes retournées faire des radios et la nouvelle est tombée : un mois de plus le pied dans le plâtre. Le mien tombait en miette à cause de la chute, alors le médecin en a fait un nouveau.

En tout j'ai gardé les béquilles pendant six mois et j'ai dû faire de la rééducation pour réapprendre à marcher. Et toutes ces difficultés pour une petite fille de neuf ans.

 

Durant cette période, mes parents ont été adorables. Ils faisaient tout pour me faire plaisir. J'avais des cadeaux régulièrement et mon dessert préféré à tous les repas : le tiramisu !

 

Quelques mois plus tard, à ma grande surprise, j'ai été invité à un anniversaire. C'était une fille de ma classe qui ne m'avait jamais fait de mal, mais qui n'avait jamais essayé non plus d'être mon amie.

J'ai accepté l'invitation et ma mère m'y a déposé un samedi en début d'après-midi.

Ils jouaient tous ensemble, et je n'arrivais pas à m'inclure. C'était très difficile de demander à les rejoindre alors qu'ils n'avaient pas l'air d'avoir envie de m'inviter. Du coup, j'avais fini par monter dans la chambre de mon hôtesse. Elle avait une belle chambre rose, et je m'étais assise sur le lit, attendant que le temps passe et qu'il soit l'heure de partir.

 

Comme il faisait chaud, je suis allée sur le petit balcon de la chambre qui donnait sur le jardin où les autres enfants jouaient tous ensemble. J'étais triste de ne pas faire partie des leurs mais je me sentais en sécurité, en hauteur, là où on ne me remarquait pas et ne m'embêtait pas.

Seulement, j'avais tort… Quelqu'un m'a vu et a appelé les autres en criant : « Regardez, Elli va sauter du balcon, elle va se suicider ! ». J'ai été choquée par cette phrase, mais j'ai été anéanti par la suite, et en ce moment-même pendant que j'écris, il m'est difficile de le raconter.

Tous les enfants ont arrêté de jouer pour me regarder. Ils ont rit et m'ont crié différentes choses : « Allez vas-y suicide-toi, fais quelque chose d'utile pour une fois », « Suicide-toi, tu manqueras à personne », « Allez ! Saute ! Ce sera trop drôle ». Et puis ils ont fini par crier à l'unisson  « Saute ! Saute ! Saute ! ». Je ne savais pas quoi faire. Je pleurais, je les suppliais d'arrêter de dire ça. Que je ne voulais sauter, je n'étais pas venu pour me suicider mais pour prendre l'air. Personne ne m'écoutait, ils continuaient à me demander de mourir. L'idée de les écouter à finit par me venir à l'esprit. Et si je sautais… Et si je mourrais… Au moins, je ne souffrirais plus… Après un temps d'hésitation, j'ai fini par courir dans la chambre et fermer la porte-fenêtre. Je les ai entendues rire, puis reprendre leur jeu.

 

Quelques minutes plus tard, j'ai entendu toquer à la porte. Un garçon est entré, Maxime.

J'avais craqué sur ce garçon, je le trouvais intelligent et mignon. J'étais allongée dans le lit, en train de pleurer, quand il s'est assit à côté de moi.

-          Tu sais, je ne pense pas comme eux.

Je n'ai pas répondu. Il criait avec les autres, tout à l'heure.

-          J'ai suivi les autres parce que je ne veux pas qu'on sache ce que je ressens vraiment pour toi.

Je me suis relevée, me suis assise à côté de lui et je lui ai demandé ce qu'il voulait dire.

-          En fait, moi je te trouve super. Tu es jolie et je t'aime bien. Mais si les autres le savent, ils se moqueront de moi. Tu veux bien que ce soit notre secret ?

-          Oui, ais-je hoché de la tête.

Il m'a regardé un instant et s'est penché vers moi et doucement, il m'a embrassé.

Je n'y croyais pas, cette horrible journée avait un magnifique bouquet final.

 

Après m'avoir embrassé, il a baissé la tête et m'a dit :

-          Ah ! Mais comment t'as pu y croire ? T'es trop moche ! Ca a été horrible de te faire croire que tu me plaisais. Et t'embrasser… pouah ! C'était dégueu !

J'ai entendu rire dans le couloir. Il est parti en courant les rejoindre et ils sont tous allés dans le jardin pour rire de la scène.

 

A partir de ce jour-là, je n'ai plus jamais eu confiance quand  on me disait qu'on m'aimait.

 

L'attente de ma mère a été pénible, mais j'ai attendu. Lorsqu'elle est enfin arrivée et que je suis montée dans la voiture, elle m'a demandé :

-          Tu as passé une bonne journée ?

Et trop honteuse, j'ai répondu :

-          Oui.

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