Les dessous d'une "Migration" de masse

Dominique Capo

Réflexion personnelle sur l'actualité la plus chaude du moment

Une fois encore, je vais peut-être m'attirer les foudres de certains et de certaines qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Je vais aller à l'encontre du regard que portent certains et certaines qui voient les « Migrants » comme des hordes d'envahisseurs et d'islamistes prêts à renverser la civilisation occidentale.

Entre parenthèses, je dirai qu'ils voient le problème que ceux-ci posent à l'Europe à court terme. Et de ce fait, ils font le jeu de extrémismes, des racistes, des xénophobes et des paranoïaques de tous bord. Je me demande d'ailleurs si là n'est pas le but recherché : instiller la peur dans les esprits afin de renforcer ceux et celles – Front National, par exemple -, qui y voient là une opportunité politique pour les prochaines échéances électorales. Je me demande si on ne fait pas d'eux des boucs émissaires destinés à endosser tous nos maux ; afin de dédouaner nos gouvernants français et européens – de droite ou de gauche – de leurs échecs répétés à redresser la courbe du chômage ; vis-à-vis de leur système d'intégration ; ainsi que le sentiment d'insécurité constant de nos concitoyens. Je me demande si ces polémiques ne sont pas des manœuvres de ceux-ci afin de détourner l'esprit de la « populace » des véritables problèmes engendrés par notre modèle social, par notre civilisation néo-capitaliste de surconsommation. Il est tout de même intéressant de constater que c'est toujours sur les plus faibles et les plus démunis que l'occidental rejette les difficultés dont il est l'unique responsable. Jadis, ce sont été les juifs, les noirs, les arabes, etc. Aujourd'hui, on ressort ces vieilles théories surannées, usées jusqu'à la corde, et sans aucun fondement réaliste, afin de justifier sa peur de « l'Autre », son inquiétude face à sa différence, son angoisse face aux bouleversements sociaux-économiques souvent illégitimes qu'il pourrait amener avec lui.

En tout état de cause, quand on y regarde de plus près, il y a un aspect qui n'est pas pris en compte. En tout cas, dans tous les débats sur ces « Migrants » que j'ai suivi avec attention depuis qu'ils se sont propagés, je ne l'ai jamais entendu évoquer. C'est que si ces centaines de milliers de personnes fuient les régimes auxquels ils sont soumis dans leurs pays, c'est qu'ils ne les acceptent plus. Que ce soit celui de Bachar-el-Assad en Syrie, ou celui de Daesh, à cheval sur l'Irak et la Syrie, ils prouvent qu'ils leur sont devenus insupportables. Cet éclairage des désordres en cours est fondamental si on souhaite les appréhender. Mais est-ce le cas ? Je m'interroge. Une fois encore, on ne s'arrête qu'aux apparences. On ne pense qu'aux conséquences immédiates et les plus dérangeantes. Celles qui attisent les haines et les ressentiments. On ne se préoccupe pas véritablement de ce que ces déplacements de populations signifient réellement.

Il y a quelques jours, j'ai visionné un reportage très intéressant de ce point de vue concernant les « Boat-people » fuyant le régime communiste vietnamien à la fin des années soixante-dix. Pour rappel, c'était dans les années qui ont suivi le retrait des troupes américaines de ce territoire. C'était après l'échec de celles-ci pour renverser ce régime qu'elles avaient infructueusement combattu durant une dizaine d'années. Or, pour ceux et celles qui se souviennent de cet épisode dramatique de notre histoire récente, ces « Boat-people » étaient beaucoup plus nombreux que les Migrants tentant de rejoindre le Nord de l'Europe au péril de leur vie. D'après ce documentaire, ils étaient environ un million. Cependant, nous les avons accueilli en Europe, et en France, à bras ouverts. Ils ont assimilé notre mode de vie. Ils s'y sont marié, y ont enfanté, y ont travaillé. Alors qu'au départ, rien ne supposait que leur intégration serait une réussite. Certains aussi, après la fin du régime des « khmers rouges », sont rentrés dans leur pays. Alors qu'à cette époque, nombre de voix se sont élevées, en France notamment, pour dire que leur intégration serait un fiasco. Cela ne vous rappelle rien... Plus important peut-être, ces « Migrants » actuels sont la preuve vivante que l'autoritarisme de Bachar-el-Assad et l'intégrisme religieux de Daesh sont dans une impasse. Ils démontrent que leurs idéologies ne sont capables de se maintenir que par la force et la répression. Et que si ces « Migrants » fuient, c'est pour ne pas être embrigadées au sein d'organisations dans lesquelles elles ne se reconnaissent pas. La preuve est donc faite, en particulier, que l'Islamisme est, à plus ou moins brève échéance, voué à l'échec.

Nous, occidentaux, devrions nous réjouir de cela. Nous devrions être heureux de constater que les Musulmans de ces contrées ne rallient pas les rangs de ces Islamistes. Ils devraient nous amener à croire en un avenir meilleur pour ces territoires en guerre une fois que ces pouvoirs dictatoriaux seront renversés. Combien de ces exilés involontaires avouent qu'ils sont malheureux de quitter les régions qui les ont vu naître ; et leurs parents, leurs ancêtres avant eux. Combien expliquent que c'est contraints et forcés qu'ils y ont tout perdu : emploi, domicile, commerce, industrie, argent, famille parfois. Combien nous détaillent les horreurs dont ils ont été les témoins, mais aussi les martyrs. Combien nous relatent que s'ils étaient resté sur place, ils auraient été emprisonnés, torturés, tués par des bourreaux qui ne connaissent qu'une seule loi : le despotisme.

Des voix s'élèvent parfois en Europe – je les ai entendues plusieurs fois s'exprimer – pour dire : « Mais, dans ce cas, pourquoi ils ne se battent pas pour mettre à bas Daesh ou Bachar-el-Assad ? Ils n'ont qu'à lutter contre eux, plutôt que de venir chez nous, et nous « envahir ». Je leur répondrai ceci : « Avec quoi ? Avec des pierres et des bâtons face à des chars, face à des fanatiques lourdement armés ? Que peuvent des civils qui n'ont pas été initiés au fonctionnement d'équipements militaires auxquels ils n'ont jamais accès. C'est un peu comme si on disait à celui ou à celle qui lit ces lignes : tiens, voilà un tank, un bazooka, une mitrailleuse. Débrouille-toi pour la faire fonctionner ; puis anéantis le plus d'ennemis possibles. ». Evidemment, c'est infaisable. Alors que les armes que nous, occidentaux, leur avons fourni à l'époque où nous avions besoin d'eux pour préserver nos intérêts dans ces contrées, sont de plus en plus perfectionnées, nous exigeons d'individus « lambda » de se conduire comme des soldats entraînés à se confronter aux pires situations depuis des années ! Lorsque je lis ou j'entends ce genre de réflexion de la part de gens soit-disant éduqués et civilisés, je me rends compte qu'ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Je me rends compte que leurs jugements à l'emporte pièce sont guidés par des émotions comme la peur et l'appréhension d'être entraînés dans un conflit avec lequel ils n'ont rien à voir. Alors que si ils ont été déclenché en Irak ou en Libye, c'est afin de pouvoir faire rouler leur voiture grâce à une essence la moins chère possible.

Dès lors, quelle est notre attitude face à ces réfugiés ? Nous les rejetons. Nous ne voulons pas d'eux chez nous. Ceci prouve, si besoin était, que nos visions se bornent à nos intérêts à court terme. Au lieu de les accueillir et de le protéger – du moins momentanément -, nous cherchons à les repousser hors de nos frontières. Au lieu de les accueillir, nous leur certifions que des formations comme Daesh, l'État Islamique et consort ont raison en leur affirmant « qu'ils n'ont rien à attendre de l'Occident, que l'espoir qu'ils mettent en celui-ci n'est qu'illusion. ». Nous confortons les extrémistes qui les terrorisent, qui les torturent, ou qui les massacrent. Nous attisons leur haine de l'Occident. Nous jetons des peuples entiers qui ne souhaitent que vivre en paix et en concorde avec nous, dans les bras de ceux qu'ils veulent fuir à tout prix. Nous renforçons le pouvoir de ces Islamistes, alors que nous clamons à qui veux l'entendre que ces derniers sont un véritable fléau dont il faut se débarrasser au plus vite. Nous nous méfions de ceux et de celles qui comptent sur nous pour les éradiquer. Mais nous hésitons à intervenir militairement pour mettre fin à leurs exactions. Nous nous plaignions des attentats qu'ils perpètrent sur nos territoires. Mais nous n'acceptons pas de nous frotter à eux.

Tout ce que nous savons faire, par contre, c'est geindre. Geindre parce que ceux et celles que nous avons conduits – sans le désirer, j'en conviens – à la misère et à l'expatriation, nous supplient de les aider. Geindre parce que parmi eux, existent peut-être quelques djihadistes susceptibles de mener des attaques-suicides sur notre sol. Entre parenthèses, une fois encore, nos Gouvernants savent renflouer des banques afin d'éviter la banqueroute de groupes financiers et boursiers. Ils exigent que les dotations de l'État concernant tel ou tel service public soient moins lourdes à porter pour le budget de la nation. Mais, quand il faut ouvrir le porte-monnaie afin d'être efficace pour lutter contre les extrémismes de toutes sortes – chez nous ou ailleurs -, ce ne sont que de maigres fonds qui sont débloqués pour y remédier. Et de me demander, une fois encore, à qui profite ces craintes et ces inactions pour tenter de les résorber.

Car, ne soyons pas naïfs. Si ces circonstances perdurent ou ne sont pas réglées, c'est que certains en tirent avantage. Que ce soient des multinationales, des Gouvernements, des lobbies divers et variés, chacun a intérêt à ce que des portions entières de territoires, telles que celles qui se trouvent au Moyen-Orient, soient en permanence secouées par des soubresauts ethniques, religieux ou économiques. Comment, sinon, pourrions nous vendre nos armes à des États comme l'Arabie Saoudite, le Qatar ou l'Égypte, dont les frontières sont exposées à des menaces extérieures ? Comment, en France, certains partis de Droite et d'Extrême-Droite, pourraient justifier leur politique de repli sur soi, s'ils ne profitaient pas de ces événements pour instiller la peur de l'étranger dans l'esprit de nos concitoyens ? Quand on sait que des personnes « bien intentionnées » propagent l'idée selon laquelle parmi ces Migrants, se cacheraient des hordes de poseurs de bombes prêts à mettre l'Europe à feu et à sang ! A qui cette crainte teintée de xénophobie et de paranoïa profite t'elle ? Aux multinationales vendant aux naïfs et aux angoissés que nous sommes des systèmes d'alarmes, des technologies soi-disant destinées à nous protéger du délinquant en devenir. Délinquant, soi-dit-en-passant, qui est toujours issu des cités périphériques à nos grandes métropoles. Délinquants qui, comme chacun en est convaincu par le matraquage répété des médias qui jouent avec nos épouvantes, ne sont que des djihadistes endoctrinés depuis la Syrie et l'Irak pour commettre des attentats.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : ces menaces existent, évidemment. Elles sont quotidiennes, et il faut s'en prémunir par tous les moyens mis à notre disposition. Mais entre la réalité des faits, et la psychose collective qui s'est emparée de l'Europe au cours de ces dernières semaines et de ces derniers mois, il y un gouffre. Et c'est se transformer en pantin des véritables bénéficiaires de cette névrose généralisée, que d'adhérer à celle-ci.

Souffler sur les braises de nos instincts les plus primaires que sont la peur et la méfiance sont des mécanismes de contrôle des populations aussi vieux que la Civilisation humaine. L'Autre, l'Étranger, a toujours été vu comme la source de tous les maux du pouvoir en place. Jadis, ce sont été les Juifs. Durant deux-milles ans, ils ont été les boucs-émissaires de l'Europe. Combien de fois ont-ils été chassés de nos contrées parce qu'ils les gangrenaient ? Du Moyen-Age à nos jours, on les a accusé de vouloir dominer le monde. Le fameux complot Judéo-Maçonnique, puis plus tard, Judéo-Bolchevique ! Mais derrière cela, les États qui les ont interdits de séjour, ne se sont pas gênés pour les taxer, pour les rançonner, pour leur permettre de continuer à y résider. Ce qui prouve bien que cette défiance à leur encontre – comme à l'encontre de ces Migrants aujourd'hui – cache en fait des buts moins avouables et plus cyniques : quel profit notre société néocapitaliste peut-elle tirer à faire perdurer cette situation ? Pourquoi, en réalité, ne voulons nous pas de ces réfugiés chez nous.

Ce n'est pas parce qu'ils nous volent nos emplois. Il y a des dizaines de secteurs d'activités que nous, européens, ne désirons pas combler parce que dégradants ou mal payés ; et où ils nous seraient bien utiles. Ils combleraient ainsi les manques d'une économie partiellement grippée et où entrepreneurs du bâtiment, de la restauration, des services à la personnes, etc. cherchent désespérément de la main d'œuvre. D'autant que parmi eux, il y a beaucoup d'ingénieurs, de gens qui ont fait de hautes études, et qui sont éminemment qualifiés, qui seraient susceptibles de nous apporter des savoirs qui nous font parfois défaut. Ce n'est pas parce que ce sont des djihadistes en puissance. Même en admettant la thèse que, parmi eux se dissimulent 4000 extrémistes religieux dont le but est de poser des bombes à Paris, Madrid, Londres, etc., ce n'est pas leurs actions qui renverseraient la Civilisation Occidentale. Ou alors, c'est que nos États seraient sur le point de s'effondrer ; que nos armées, nos polices, nos services de renseignements, seraient totalement défaillants. Je veux bien que la Crise ait affaiblie un système à bout de souffle et qui est actuellement dans une impasse. Mais si, même nos forces armées étaient incapables de maintenir l'ordre et l'autorité de l'État, il y a bien longtemps que nous vivrions en plein chaos. En prolongeant cette idée absurde, la moindre grève, le moindre mouvement social aurait anéanti le système social qui est le notre il y a des dizaines d'années. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas les infrastructures nécessaires afin de les accueillir. Au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, l'Europe a vécu plusieurs vagues d'immigration – rapatriés des anciennes colonies, Boat-people, etc. Et pour autant, ce n'est pas à cause d'eux que le chômage s'est aggravé ou atténué.

Non, c'est plus insidieux et plus cynique que cela. C'est parce que, nous, européens, n'avons pas intérêt à ce que ces populations soient secourues. En n'éliminant pas Bachar-el-Assad ou Daesh, nous engrangeons des contrats de milliards de dollars dans des domaines aussi divers que l'armement, la vidéoprotection, l'énergie, l'alimentation… En altérant momentanément ces groupuscules extrémistes dans les pays ou ils sont concentrés, mais sans les détruire totalement, la peur reste toujours plus ou moins présente chez nos concitoyens. Nous les divisons, nous attisons leurs rancœurs et leurs haines vis-à-vis de celui qui n'est pas comme nous. Nous maintenons notre suprématie idéologique, économique, politique. Nous avons nos boucs-émissaires qui nous empêchent de discerner les défaillances d'une Civilisation qui a perdu tous ses repères. Nous les accablons afin de les utiliser comme preuves d'un danger Islamiste.

Un jour, quelqu'un a inventé cette maxime : diviser pour mieux régner. Eh bien, voila ce à quoi servent ces Migrants en fin de compte. L'Europe se déchire sur le sort que l'on doit leur réserver. Daesh et l'État Islamique poursuivent leurs combats contre l'Occident Impérialiste. Nos multinationales s'approvisionnent en pétrole – parfois auprès de ceux-mêmes que nos Gouvernements combattent -, afin que nos automobiles puissent rouler en continuant de polluer l'atmosphère. Celles-ci n'hésitent pas, aussi, à vendre armes et équipements à des pays dont les frontières sont plus ou moins communes avec l'Irak, la Syrie, l'Afghanistan, le Mali. Et nous, comme des moutons que l'on a parfaitement endoctrinés pour s'en prendre à ceux et celles qui sont victimes de ces désastres, nous fermons les yeux sur les véritables responsables de cette tragédie. Pire même, en les affligeant, en les humiliant, en les désespérant, non seulement nous ne voyons pas qu'ils sont la preuve qu'ils ne désirent pas adhérer aux dictatures qu'ils fuient. Mais, en plus, nous exacerbons les rancœurs, les persécutions, de ceux dont nous voulons éradiquer la monstrueuse idéologie.

Donc, je me répète : à qui profite ce crime contre l'Humanité ?

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