Les entre-mondes

damerosier

Quatre habitants du monde se réveillent coincés dans une bulle de métal blanc. Vivant dans un monde ordinaire, les voilà prêts pour une folle épopée . Livrés à un univers de magie.

Prologue: L'amour d'une soeur


Comme chaque soir, Iga peigne les cheveux de sa sœur avec une grande minutie. Elle commence par séparer délicatement les pointes puis répète son geste jusqu'à atteindre ses racines. Elle poursuit sa tache en démêlant sa chevelure en profondeur, à l'aide d'un peigne en bois.

Iga vit toujours ce moment de partage intensément, elle prend son travail à cœur et le fait durer. Elle observe ses frisettes avec toujours autant de curiosité . Ses cheveux sont d'un blond éclatant comme on en voit rarement à Avlékété.

Elles sont les filles de deux parents noirs dans un pays où l'on naît d'une peau ébène. Béhi fait exception par sa belle tignasse blonde ainsi que sa peau laiteuse et fragile. Ce qui est d'autant plus étonnant que l'épiderme de sa jumelle est d'une couleur anthracite. Elles possèdent les mêmes traits fins et le même visage rond et pourtant leurs teintes les rendent si différentes.

Les sœurs sont inséparables, comme si leur mère les avait soudées en son sein. Iga défend sa sœur qui subit d'incessantes moqueries au quotidien. Béhi est isolée et quand un enfant prend pitié et désire entamer une discussion, il se fait aussitôt rappeler à l'ordre par ses camarades.

-Elle va t'ensorceler !

-Ne touche pas le fantôme ou gare à toi !

Ce sont les moindres contraintes dans le quotidien de Béhi, s'en suit parfois les coups de bâton, les crachats et les menaces de mort. Car au Bénin comme dans d'autres pays d'Afrique, les albinos sont traqués.

Ils sont considérés comme des êtres magiques qui ne peuvent pas mourir. Leurs corps sont démembrés pour de multiples sortilèges apportant chance, richesse et guérison.

Iga protège comme elle peut, sa sœur chérie du haut de ses douze ans et sent bien que cela devient difficile. Elle se pose énormément de questions au sujet de son avenir... de leur avenir.

Perdue dans ses pensées, elle peigne lentement la même mèche de cheveux ressassant son angoisse.

- Je pense que tu as fini le démêlage, lance Béhi.

Elle sursaute et termine son travail en faisant deux nattes séparées par une raie.

-Tu sais, ce que disent les autres...

-Béhi... Ce sont des foutaises.

-Oui c'est ce que je pense aussi, mais imagine que la magie existe vraiment. Que ça n'est pas une question d'être albinos. Qu'elle vogue où elle veut et qu'elle passe par qui elle veut?

-Tu crois aux sorciers à présent ? murmure Iga.

-Je ne sais pas... Ce que j'essaie d'exprimer, c'est qu'elle viendrait aux personnes malgré elles.

- Évite de dire ce genre de chose à voix haute ! Tu es folle ! Si maman nous entend parler de magie, nous allons en faire les frais.


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