• Scène vécue dans une gare indienne

    · Il y a presque 11 ans ·
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    Pierre Gravagna

  • Les frontières
    Les hommes ont tracé partout sur la planète, même dans les déserts arides, secs et pauvres, même dans la glace plus jamais éternelle des pôles sud et nord, même dans les océans mouvants et profonds, même au plus haut du froid des montagnes himalayennes, peut-être un jour sur la Lune ou sur Mars, parfois pour séparer les juifs des arabes, les Tchèques des Slovaques, les yougoslaves entre eux, les hommes des femmes, partout les hommes ont tracé des frontières. Partout, même dans la petite gare ferroviaire de Jaipur. A l’entrée de la salle d’attente, une jolie ligne jaune a été tracée à la peinture. Dix centimètres de large, au plus. Dans cette salle au décor désuet que hantent encore avec plaisir les fantômes des colons britanniques, un homme veille assis face à un tout petit bureau et sous un vieux ventilateur. Ses palles fatiguées tentent vainement de lutter contre la chaleur éprouvante de la nuit indienne. Une superbe télévision est accrochée au mur. Quand la chaleur relâche un peu son étreinte d’airain, installée derrière la frontière jaune, une ribambelle d’enfants sales regarde avidement cet écran qui leur raconte une histoire. Réservées aux voyageurs munis de billets, les chaises sont presque toutes vides mais les enfants aux yeux noirs et brillants, qui rient des facéties d’un gros indien moustachu, n’ont pas le droit de s’y assoir. Elles sont derrière la frontière, ligne jaune infranchissable pour ces enfants. Frontière qu’ils respectent scrupuleusement avant d’aller dormir dans leur coin de rue. Sereinement… On leur a raconté une histoire.

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    Pierre Gravagna

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