Les mauvais garçons

cheramy500

Il s'agit du récit de la dernière journée en vie de deux mauvais garçons


Cette histoire est une œuvre de fiction. Toute ressemblance des personnages avec des personnes réelles ou ayant vraiment existé serait fortuite. 

C'est l'histoire de deux mauvais garçons, qu'une certaine presse et des chaînes d'information en continue présentent régulièrement comme la lie de la société.

Il était le début de l'après-midi et Zakarias avait pris le volant de sa dernière voiture, une voiture volée de marque R... Il avait le chic pour forcer les sécurités de ce type de voiture. Il roulait sur le boulevard Jules Ferry en direction du quartier de la Guill à L...… en écoutant de la musique country sur son autoradio. La sonnerie du smartphone déposé sur le siège avant, à la place du mort, se fit alors entendre. Il baissa le son de la radio et appuya sur la touche haut-parleur pour pouvoir continuer à conduire et répondre à l'appel en même temps. Il vaut mieux éviter d'attirer l'attention de la police quand on conduit une voiture volée. Il s'agissait d'Amir, une connaissance, qui avait fréquemment recours à ses services mais savait aussi être généreux à l'occasion.

« Zak, peux tu me rendre un service ? Je dois me rendre dans le quartier de la Guill... pour faire une partie de poker cet après-midi. J'ai besoin que tu m'emmènes et que tu sois présent quand je voudrai repartir avec mes gains. »

« Pas de souci, Amir. J'ai rien de prévu. Tu peux compter sur moi » répondit Zakarias. « Ou veux tu que je vienne te chercher ? »

« Prends-moi dans une demi heure place Gaston Péri. Tu sais où elle se trouve ?»

« Oui, ça va, je la connais.  »

À l'heure prévue, Zakarias arrêta la voiture le long du trottoir longeant la place. Celle-ci avait une forme ovale. Amir se trouvait déjà là. Il était assis sur un banc situé vers le milieu de la place et il distribuait d'une main aux pigeons de la mie de pain tirée d'un sandwich qu'il tenait dans l'autre main.

Zakarias le rejoignit et lui dit : « Tu aimes les pigeons ? »

« Oui. Ce sont nos compagnons sur terre. Il ont besoin de manger comme nous. J'aime regarder le manège que font les mâles pour séduire les femelles. Ils enflent le cou, ébouriffent leurs plumes et tournent autour d'elles. On est pas tellement différent des pigeons mais eux ne s'interrogent pas sur leur sexe ou sur leur genre. Ils sont mâles ou femelles et leur comportement est commandé par leur sexe et leurs hormones.»

Zakarias regarda Amir avec perplexité sans être certain de comprendre ou ce dernier voulait en venir.

Puis Amir l'entreprit sur sa nouvelle passion, le poker. Il était en permanence en train de chercher un moyen de se faire de l'argent rapidement et il pensait avoir trouvé cette fois-ci le bon filon.

Sans être certain que Zakarias saisisse bien toutes les subtilités de ses explications, il lui dit « Je commence à bien maîtriser mon sujet. L'essentiel c'est d'apprécier correctement les probabilités de faire grossir ton pot de jetons. Lorsque tu as un bon jeu ou que les chances d'améliorer ton jeu sont élevées et que ça ne te coûte pas trop cher de suivre, il faut suivre. Il faut aussi savoir repérer les bluffeurs et les suivre quand tu as du jeu. C'est un bon moyen pour ramener des biftons à la maison. Il faut aussi savoir suivre la chance car la chance ça tourne. Tu peux avoir un bon jeu pendant 5 ou 6 coup de suite mais la chance ça dure rarement plus longtemps. Quand elle commence à tourner, faut pas insister et savoir te coucher en attendant qu'elle revienne ou quitter la table avec tes biftons. Quand ce sera le moment de quitter la table avec mes gains, il y aura sûrement des joueurs qui voudront se refaire à mes dépens et tenteront de m'obliger à continuer à jouer. Je compte sur toi pour m'aider à quitter la salle. »

Zakarias qui fréquentait régulièrement une salle de boxe de son quartier et avait à 28 ans une bonne droite répondit : « Tu peux compter sur moi mon pote.  »

Ils pénétrèrent tous les deux dans le bar puis dans son arrière salle où était organisées des parties de poker clandestines. Amir échangea ses euros contre des jetons auprès d'un personnage accoutré d'une casquette qui tenait le rôle de caissier. Il fit le tour des tables et après en avoir repéré une qui lui plaisait, il demanda aux joueurs qui étaient attablés s'il pouvait rejoindre leur partie. Après qu'il ait obtenu leur accord, il leur expliqua qu'il ne pourrait pas rester toute l'après-midi car il avait d'autres obligations ailleurs et qu'il faudrait l'excuser à un moment donné s'il devait s'en aller. Les choses se déroulèrent comme Amir l'avait prévu. La chance lui sourit pendant un moment faisant grossir son tas de jetons puis et elle commença à tourner et il se coucha à plusieurs reprises. Il indiqua aux autres joueurs qu'il devait s'en aller ce qui eu pour résultat d'en faire grimacer quelques uns.

L'un d'eux avec un air mauvais lui dit : «  Tu vas pas partir maintenant alors que tu viens de ramasser notre pognon. » A quoi Zakarias lui répondit en roulant des épaules : « Mon pote Amir vous avait prévenu qu'il ne pourrait pas rester toute l'après-midi. Maintenant il faut le laisser partir. On peut pas rester plus longtemps. Tu as compris ?»

Grâce à l'intervention ferme de Zakarias, Amir put quitter la salle avec ses gains et ils prirent la route en direction d'une zone commerciale où se trouvait un restaurant rapide où Amir avait ses habitudes. Adolescent il avait remarqué que les clients du restaurant n'utilisaient pas souvent leur numéro de compte-client au moment ou il passaient leur commande sur les écrans disposées en salle à cet effet et il proposait alors aux intéressés de rentrer son propre numéro de compte client. Certains n'y voyaient pas d'inconvénient et cela lui avait permis plusieurs fois de bénéficier de repas gratuits. Jeune adulte de 25 ans maintenant, il avait trouvé une activité plus lucrative et abandonné cette combine mais il avait conservé l'habitude de prendre ses repas auprès de cette enseigne connue. Il appréciait notamment la rapidité du service mais également le fait de manger avec ses mains et de pouvoir prendre une bière en prenant son repas en reluquant les filles qui passaient leur commande ou se restauraient à table. Ce jour-là, parmi les personnes en train de passer leur commande, il remarqua une jeune femme habillée d'un short moulant et d'un t-shirt découvrant largement son nombril de sorte qu'Amir se sentait d'une certaine manière convié à admirer son intéressante anatomie. Il s'adressa à elle dans ces termes : « Bonjour. Soyez pas surprise si je vous regarde avec insistance mais je peux pas faire autrement car vous êtes vraiment canon. »

Au sourire qu'elle lui adressa, Amir compris que son compliment avait fait mouche. Il reprit : «  Je suis souvent par ici. Est ce que je peux t'offrir quelque chose ?  »

« J'ai pas le temps aujourd'hui. Une autre fois peut être . »

Après cette réponse Amir échangea quelques paroles banales et lui demanda son numéro de portable.

« Toi, donnes moi le tien et je te rappellerai » lui répondit la jeune femme.

Amir lui communiqua son numéro de portable ainsi que son prénom et se remit à manger.

Amir c'était une personne pratique. Pour lui un service en valait un autre et il ne voyait pas d'immoralité dans le fait de demander à l'une de ces filles dont certaines se trouvaient dans une grande précarité de monnayer des faveurs à caractère sexuel contre un repas ou quelques euros. Il lui était arrivé de payer un repas à l'une de ces filles et d'obtenir un retour une fellation sur la banquette arrière de la voiture de Zakarias ou derrière un buisson. Une personne plus scrupuleuse aurait vu dans ce comportement une exploitation de la détresse d'autrui et une recours illégal à la prostitution.

Cette façon de fonctionner allait de soi pour Amir. Elle pouvait pourtant être une source d'embêtement pour lui. Un jour Zakarias l'avait sorti d'une mauvaise posture. Alors que tous les deux se baladaient en ville près d'une station de métro, Amir avait remarqué un couple de jeunes gens qui faisait la manche à l'entrée de la station. Il avait observé la fille et l'avait trouvé à son goût. En regardant les petites pièces qui se trouvaient dans leur chapeau, il avait dit en s'adressant au jeune homme qui faisait à la manche en sa compagnie : « Elle pourrait gagner plus ! » et il s'était éloigné sans demander son reste. Zakarias n'avait pas de mauvaises intentions en disant cela. Il lui semblait qu'il était moins humiliant et surtout plus rentable de rendre un service sexuel que de demander la charité à l'entrée du métro. C'était son point de vue mais il ne fut pas partagé par le jeune homme qui faisait la manche. Deux minutes plus tard, ce dernier rappliquait derrière lui. Il avait manifestement compris le sens de sa remarque et ne l'avait pas apprécié puisqu' après l'avoir l'avait traité de « sale dégueulasse » il s'apprêtait à lui envoyer son poing dans la figure. Zakarias qui se trouvait à proximité et avait compris que les évènements prenaient une mauvaise tournure pour Amir, le sortit heureusement de cette désagréable situation en attrapant l'importun par le col de sa chemise et en le repoussant brutalement ensuite du plat de la main. L'intéressé voyant qu'il avait à faire à plus fort que lui, bâtit en retraite en continuant toutefois à vociférer mais de moins en moins fort.

Ils sortirent du restaurant rapide vers 20 heures. Ils rejoignirent la voiture garée à 50 mètres de là, sur le parking du super marché voisin. La nuit commençait à tomber et il faisait chaud. Ils se mirent à l'aise en réglant les sièges avant de la voiture en position couchette et commencèrent à inhaler des bouffées tirées des joints que Zakarias venaient de confectionner avec du papier à cigarette et du haschich pris dans la boîte à gants de la voiture. Des volutes de fumée avaient envahi l'habitacle lorsque Zakarias commença à s'animer. Une voiture avec un gyrophare circulait dans le parking et venait dans leur direction. La voiture stationna à une vingtaine de mètres et deux hommes en uniformes en sortirent. L'un resta à coté du véhicule pendant que l'autre avançait dans leur direction. Zakarias voyant cela remis le moteur de la R..en marche et commença à rouler doucement. Le policier se mit alors devant la voiture en lui faisant signe de s'arrêter, mais Zakarias n'attendit pas son reste, il accéléra brutalement ce qui eut pour conséquence de provoquer un bruit de tôle froissé lors du choc entre la voiture et le policier qui se trouvait devant. Amir entendit alors BAM et il se rendit compte que Zakarias venait d'être touché par un tir car sa tête s'était infléchie sur le volant alors que son pied était resté coincé sur l'accélérateur et que la voiture continuait à avancer. Il entendit alors un second BAM et sentit un choc à la tête et la chaleur du sang qui commençait à ruisseler sur la joue droite. Puis il perdit connaissance. Il avait déjà fait l'objet à son pourtant jeune âge de deux opérations sous anesthésie générale et il s'était endormi chaque fois avec la peur de ne pas se réveiller mais heureusement pour lui il s'était bien réveillé chaque fois. Cette fois ci, après avoir sombré dans l'inconscience, Zakarias ne se réveilla pas.

Le lendemain et les jours suivants la presse relata les événements qui s'étaient produits sur ce parking de la façon suivante. Tirs après un refus d'obtempérer à un contrôle. Des policiers ont ouvert le feu sur les deux occupants d'une voiture volée qu'ils voulaient contrôler dans la banlieue de L. Le conducteur et sont passagers blessés par les policiers sont morts dans la nuit de lundi à mardi dernier.

Bien qu'il s'agisse de mauvais garçons, certains, souvent des proches, éprouveront de la peine en apprenant leur décès et devront faire leur deuil..

Amir était mon plus jeune frère. Depuis sa mort, je continue à penser à lui et à tout ce qu'il aurait pu faire avec son esprit curieux. Avec d'autres morts, il me tient compagnie car lorsque les êtres de chair et de sang ont disparu, les morts prennent leur place. Ils sont pour longtemps nos nouveaux compagnons.





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