Les meilleurs moments

audrey-constantine

Tout s'était déroulé comme prévu jusqu'à ce qu'Aurélien me présente Quentin. Je savais qu'il serait là et je savais même à quoi il ressemblait pour l'avoir vu sur quelques photos. La vie ne nous avait tout simplement pas donné l'occasion de nous rencontrer jusqu'à ce jour.

Il s'approcha de moi avec un sourire radieux, déclara doucement « la voilà » et me prit dans ses bras. Mon souffle se coupa comme pour arrêter le temps. Il sentait l'air marin, la liberté, l'aventure. Le creux de ses bras me semblait étrangement doux et familier. Des milliers d'émotions intenses et contradictoires me submergèrent durant, ce qui me parut être, une éternité.

Il se recula lentement en laissant glisser ses mains le long de mes bras comme pour prolonger le contact entre nous. Lorsque mon regard croisa à nouveau le sien, il eut l'air troublé, troublant.

Il me restait environ cinq secondes pour trouver quelque chose à dire avant de passer pour une attardée.

- Ravie de faire ta connaissance Quentin.

- Tout le plaisir est pour moi Claire, répondit-il en retrouvant le sourire.

Je ne me souvenais plus avoir jamais été aussi bouleversée par un simple contact. Une excitation intense et fulgurante était montée en moi tel un shoot par intraveineuse. Cela ne pouvait pas m'arriver.

La journée avait suivi son cours, son programme bien ficelé. Le plus difficile avait été de ne pas chercher continuellement Quentin du regard, ne pas essayer de l'approcher, de le toucher. Je voulais qu'il disparaisse, lui et son air marin, sa liberté et son goût d'aventure.

Le diner n'allait pas me laisser de répit. Assise entre lui et Aurélien, je me sentais tellement bien et tellement mal à la fois. Tous mes sens étaient en éveil, acérés par le désir... et le Saint Joseph 2005. Chaque fois que son regard bleu croisait le mien, chaque fois que sa main effleurait la mienne, chaque fois qu'il m'adressait un mot, un sourire, il m'anéantissait de plaisir.

Aurélien me permit de reprendre mon souffle le temps d'une danse sur une chanson de Lucienne Delyle. J'aimais danser et laisser mon corps, enfin libéré des chaînes de la bienséance, s'exprimer. Les regards se posaient sur moi, son regard. Sur la piste de danse, j'étais dans mon élément, j'avais le pouvoir, je savais qu'il allait finir par venir à moi, je l'attendais.

Il choisit un rythme latin pour me rejoindre. Pas si surprenant pour un homme qui venait de passer quatre ans en Amérique du Sud. J'étais dans mon élément, il était en terrain familier, c'était si bon. Il me faisait tourner, m'enlaçait, me repoussait, me ramenait à lui. Je ne pouvais plus détacher mon regard du sien, je le détestais.

J'avais envie de caresser son visage, de l'embrasser, de lui faire l'amour, là, sur la piste, sur un coin de table, n'importe où mais tout de suite. J'avais la gorge serrée, mon cœur allait exploser, je n'arrivais plus à respirer, j'avais besoin d'air, de reprendre mon souffle et mes esprits. Je m'éclipsai à l'extérieur et il me rejoignit quelques instants plus tard.

- Tout va bien ? me demanda-t-il.

- Oui, oui, j'avais juste besoin de prendre l'air.

- Tu connais Aurélien depuis combien de temps ?

- Cinq ans environ, et toi ?

- Depuis le lycée, nous étions amoureux de la même fille.

- Et comment ça s'est terminé ?

- Aucun des deux ne l'a eue mais je ne me considère pas totalement perdant car j'y ai gagné un ami. Notre amitié, ça compte beaucoup pour moi.

- Pour Aurélien aussi, j'en suis sûre.

- L'amitié c'est la chose la plus importante.

- Oui, je suis plutôt d'accord.

- Ouais, ça compte beaucoup pour moi...

- Redis-le une quatrième fois et là, je commencerai à douter de tes convictions.

Quentin baissa la tête en souriant. A l'intérieur, l'agitation se faisait sentir. Le dessert avait fait son apparition. Quentin sursauta et jeta la cigarette qu'il venait de s'allumer.

- C'est l'heure de mon discours.

Le temps d'un dernier regard, il me caressa la joue du revers de sa main, puis, il rentra, attrapa une flûte de champagne et la fit résonner à l'aide d'une petite cuillère.

« Aurélien et moi nous connaissons depuis l'école. Des milliers de souvenirs, plus où moins honorables, me traversent l'esprit. Pour ne pas nuire à la réputation d'Aurélien, je ne vous raconterai pas les moins honorables, pour ne pas nuire ma propre réputation, je ne vous raconterai pas les plus honorables. Vous l'avez compris mes amis, ce discours sera succinct ! J'ai passé avec Aurélien certains des meilleurs moments de ma vie. Certes, la vie nous a éloignés ces dernières années mais elle n'a pas altéré ce lien d'amitié qui nous uni et, je tiens à le préciser, qui compte beaucoup pour moi. Et je suis heureux d'être présent aujourd'hui pour assister à l'un des meilleurs moments de sa vie. Aussi, j'ai enfin pu faire la connaissance de sa dulcinée et, au passage Aurélien, je comprends mieux maintenant pourquoi tu as attendu de l'épouser pour me la présenter, elle est simplement divine. Alors je lève mon verre en l'honneur des mariés et leur souhaite beaucoup de bonheur ! à Claire et Aurélien ! Aux mariés ! »

Signaler ce texte