Les murs vivants 

My Martin

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Exposition au Miroir. Art brut 

  

Je n'aime pas ce nom 

Un art officiel, monnayable  

Un art furtif, qui s'échappe 

 

Une quarantaine d'artistes, belle exposition, très diverse 

 

Mur blanc, un personnage à plat. Tête, bras, jambes 

Multitude de matières, textures. Morceaux de jouets, visages, cassures 

 

La lumière se reflète, se diffracte 

Le personnage brille, en joyau 

 

Je m'approche 

 

 

*** 

 

 

Simone Le Carré-Galimard 1912 – 1996. 84 ans 

 

 

Troyes. Quartier militaire, 93 Rue de la Paix  

Le père, Jean-François Le Carré, est maréchal des logis au 60e régiment d'infanterie ; d'origine bretonne 

La mère est native de Lorraine. Mennonite -communauté religieuse protestante issue de l'anabaptisme du XVIe siècle 

10 septembre 1912. Naissance de Simone 

 

Le jardin d'hiver de quincailliers ; tous leurs meubles sont recouverts d'éclats de vaisselle 

 

1919. Le père meurt, écrasé par un camion 

La mère (42 ans) reste seule, avec deux enfants à charge -Simone, sept ans. Elle possède un bien de famille, dans la campagne champenoise ; une maison, un lopin de terre, des ruches 

Plus proche voisin à huit kilomètres. Simone va à l'école, conduite à cheval par son frère aîné 

 

"Quand j'ai perdu mon père, nous sommes allés vivre dans une maison absolument sinistre au milieu des bois. J'avais une peur terrible" 

 

Simone imagine des contes de fées ; le cirque, les clowns  

 

"J'ai été élevée dans une famille puritaine. On ne devait pas rire, ni avoir de jouets. Le dimanche, on lisait la Bible"  

 

Trois frères. Le dernier, le préféré. Un garçon, il a tous les droits 

 

1929. Simone à Paris. École nationale supérieure des Arts Décoratifs -les Arts-Déco 

"Trois années d'ennui profond"  

 

A l'issue de sa formation, Simone ne trouve pas de travail. Elle revient vivre aux côtés de sa mère 

"Gardienne d'abeilles"  

 

1939. Début de la guerre. Voyages au Maroc, en visite chez l'un de ses frères  

Fortes fièvres. Typhus -maladie infectieuse bactérienne. Chance, Simone guérit 

 

L'Occupation. Simone rejoint la Résistance. A la Libération, elle reçoit la Croix de guerre  

 

1947. Elle entre dans l'atelier de la sculptrice française Germaine Richier ("L'Ouragane". 1902-1959), qu'elle admire profondément 

Germaine Richier n'a pas de marchand ; Aimé Maeght l'a exposée en 1948 mais lorsqu'il a proposé un contrat à Alberto Giacometti, le sculpteur pose une condition. "C'est moi ou Richier" 

 

"Je ne reçois mes cours qu'oralement" 

Massière. Élève élu par ses condisciples pour les représenter et pour assurer diverses tâches, notamment gérer les finances communes de l'atelier 

Simone balaie les ateliers, allume les poêles  

"Je ne sens pas ma fatigue. Je donne tout mon cœur, tout mon temps" 

 

1947. 35 ans. Simone épouse Maurice Galimard, un ami d'enfance, rescapé des camps allemands 

 

Années 1950. Simone dessine à l'encre de Chine -"dessins blancs". La nuit, les ruches, l'essaimage. Une tente, la forêt. Lianes. La nuit, les oiseaux chantent  

 

A partir de photographies, elle réalise des collages. Corps féminins disloqués. Sexes  

 

1954. Paris, Strasbourg-Saint-Denis. Le couple ouvre un restaurant  

Quartier mal fréquenté. Racket. Quatre ans pour payer l'établissement et pouvoir le revendre  

 

1970. Simone et Maurice, dans un modeste pavillon (14e arrondissement) 

Sombre, triste. Simone le décore, l'égaye 

 

Simone et Maurice rassemblent toutes sortes de matériaux ; aux Puces, dans les poubelles du quartier 

"Les objets abandonnés, après avoir été choyés par de vieilles dames" 

Boutons, perles, capsules écrasées, jouets cassés 

1974. Simone crée des poupées, des pantins 

"Mes enfants adoptifs" 

 

De la cave au grenier, la maison est envahie  

"La petite maison d'un autre monde" 

 

"Tout à coup, tout ce qui m'avait manqué dans mon enfance, j'ai pu l'accumuler. Je me suis vengée, en réunissant tous les objets que je n'avais pas eus. Tous mes rêves d'enfance sont ressortis. J'ai collé, assemblé. Au fond, j'ai recréé un monde qui vivait en moi et que je n'avais pas exploité jusqu'alors" 

 

Personnages, animaux fabuleux 

Reliquaires, retables baroques 

"Ma ménagerie" 

 

Enthousiaste, Maurice (peintre en bâtiment) réalise les cadres, les sous-verres  

 

 

1976. Simone rencontre Alain Bourbonnais 1925-1988. Il prend des risques ; première exposition chez lui, à l'Atelier Jacob (6e), galerie d'art. "Orgiaque foraine" 

 

Architecte, créateur et collectionneur français, Alain Bourbonnais est l'ami de Jean Dubuffet 1901-1985, théoricien de l'art brut 

"L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on a fait pour lui ; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom : ce qu'il aime, c'est l'incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle" 

 

Depuis 1983, Alain Bourbonnais constitue la collection d'art de "La Fabuloserie". Yonne, Puisaye, à 40 km au nord-ouest d'Auxerre 

 

 

Simone ne vend pas, mais montre volontiers son "œuvre populaire". Vitalité, flot de paroles 

Les adultes cherchent un sens 

"Les enfants ne sont jamais étonnés par ce que je fais" 

 

 

"J'ai des murs vivants. Quand plusieurs pièces partent pour des expositions, le vide est insupportable. Alors vite, on recherche quels personnages peuvent les remplacer ? Les accrochages sont longs. Les personnages ne s'entendent pas toujours entre eux, il faut voir s'ils peuvent voisiner"  

"Brusquement deux personnages habitués à se regarder, sont tout désorientés. Alors vite, je reconstitue un environnement, afin qu'ils soient de nouveau heureux" 


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