les poisses sont rouges

Eric Laffaille

1

Vendredi, c'est enfin la fin de la semaine, ça sent déjà le week-end (amis des pléonasmes, bonjour!).

La gare de Lyon est pleine de monde. Du bidasse concon en permission au cadre prétentieux prenant son TGV, en passant par les employés de retour vers leurs foyers.

Sans oublier ceux qui, valise à la main, sac au dos ou en bandoulière, partent pour deux jours au vert.

Il est 17h00 pile à la grande pendule intérieure.

Sur le panneau d'affichage mon train est prévu pour 17h10 mais la voie d'où il partira n'est pas encore indiquée.

Juste en dessous en gros caractères, la phrase suivante, "les trains sont annoncés au minimum 20 minutes avant le départ".

L'habitude étant ce qu'elle est (bien qu'elle nous joue des tours) je me dirige d'office vers le quai "i", d'où ce train part chaque fin d'après midi pour me ramener à mon bercail.

Enfin chaque fin d'après midi lorsqu'il n'y a pas grève, lorsqu'il ne neige pas (la neige bloque les trains ou tout au moins perturbe le service, si, si je vous assure), lorsqu'il n'y a pas trop de vent (le vent crée un balancement sur les rames à étage, qui a pour fâcheuse conséquence de perturber le trafic; si, si, mais puisque je vous le dit), lorsqu'il ne gèle pas (le gel bloque les aiguillages, ce qui peut faire qu’un train s'égare, et de toutes façons le gel c'est bien connu perturbe le trafic), lorsqu'un incident voyageur n'a pas lieu (une panne de voyageurs?, là je n'ai jamais pu me faire expliquer ce qu'est cet incident voyageur qui revient si souvent, perturbant le trafic), lorsqu'un incident matériel n'est pas à déplorer (ça va de la locomotive qui brûle, aux freins défectueux, également à une coupure électrique, souvent liée à une tempête, bref ça perturbe le service) et pour finir lorsque des animaux ne bloquent pas la voie (il y a eu entre autre, un sanglier, des moutons et même un troupeau de vaches). Je passe sur ce que la SNCF nomme les petits retards (entre 10 minutes, en dessous ce n'est pas un retard, et 2 heures, au dessus je ne sais pas ce que c'est) dus en vrac, aux changements d'horaires, à la pluie, aux interconnections, aux travaux, au manque de travaux aussi, aux caténaires défectueux, etc etc......

Donc quand tout ne va pas trop mal ce fichu train part de la voie "i" où je me rends en cet instant.

Il y a là déjà pas mal de gens qui comme moi anticipent.

2

Poumpoumpoumpoum, Tsoin tsoin tsoin.

Ainsi démarre le JT(comme il faut dire pour ne pas passer pour un vieux con ringard) de la une (surtout ne pas dire TF1, ça fait pas bien, personne ne regarde TF1 et ses émissions racoleuses; ce qui explique les taux d'audience somme toute assez élevés, c'est que les gens regardent la une, pas TF1. Faites un sondage autour de vous, personne, jamais ne regarde TF1. Bon...passons).

Après les nouvelles de première importance, la visite de Madame la première dame de France au musée de l'agriculture (une potiche enchanellée dans le monde agraire), la réunion sur les planches de trois grandes stars (Nodle, vieux beauf mégalisant, Soudar, vieux beauf nationalizant, Bonmodel, vieux beauf ridisant) dans la pièce "j'ai trois amours" (c'est marrant je les aurais mieux vus dans les pieds nickelés font du théâtre ! ), Claude-Patrick Poizal, le présentateur vedette en vient aux faits divers.

Plus exactement au fait divers. Le cadavre de la femme retrouvée dans le grand lac du bois de Vincennes la nuit dernière.

"- La victime n'a toujours pas été identifiée, il semblerait que son corps ait séjourné plusieurs jours dans l'eau avant de remonter à la surface."

Suivait une photo du macchabée, et à fin d'identification, un dessin représentant la morte tel qu'elle devait être avant de l'être. Et un numéro de téléphone où appeler pour communiquer des renseignements à la police.

L'inspecteur Hippolyte Billard, presse la télécommande et met en veille sa télé.

Il s’extrait du canapé en vieux cuir fané et se dirige vers un grand meuble bas et rustique à l'intérieur duquel est installée sa chaine. Au vu du matériel il serait plus juste de dire qu'il se trouve dans un auditorium, mais en réalité il s'agit bien là de son salon, ou de ce qu'il nomme plus communément sa pièce de décontraction ou sa salle de plaisir.

Il a envie de se concentrer et pour ce faire il décide d'écouter Third Decade d'Art Ensemble of Chicago. Un disque de free Jazz très planant, plus exactement du happening Jazz. Il se rappelle avoir assisté à un de leur concert à Bruxelles par une nuit pluvieuse d'Août il y a de cela bien longtemps, comme dans une autre vie.

Mais pour le moment ce qui lui importe c'est cette affaire de femme noyée. Bien sûr la presse n'a pas donné tous les détails. Encore heureux!

Le bon peuple de France ne sait pas que des traces de liens apparaissent sur les poignets et les chevilles de la victime.

Il ne sait pas non plus le français moyen que cette femme a été torturée avant d'être étranglée.

L'inspecteur va dans sa cuisine, ouvre la porte de son réfrigérateur, et choisit une bouteille de bière, parmi la multitude de marques différentes présentes dans le frigo.

C'est bien simple, en dehors d'une boite de Gourmet à moitié vide destinée à l'alimentation de son félin, le réfrigérateur n'est rempli que de bouteilles et boites de bières. Plus d'une centaine en tout, de pays différents, de couleurs différentes.

Après avoir décapsulé la canette, il prend dans le vaisselier le verre correspondant à la bière choisie, une bourgogne des flandres. Bière brune mais légère, doucement caramélisée.

Il retourne s’asseoir dans le canapé et trempe ses lèvres dans la mousse onctueuse, comme une crème.

En dehors du pré-rapport du médecin légiste, il n'y a rien dans ce dossier. Rien n'a été retrouvé dans les poches. Quant aux affaires, de banales fringues, rien à tirer la dessus. Le séjour dans l'eau ayant fait disparaître les éléments qui auraient pu s'avérer intéressant.

Du fait du temps passé depuis l'immersion du corps aucune trace ne peut être utilisée aux abords du lac.

D'ailleurs les recherches entreprises n'ont rien fait apparaître d'extraordinaire, quelques capotes utilisées, mais il n'y a pas eu de rapport sexuel précédant le meurtre, le lot habituel de boites de boissons en tous genres, deux seringues, cinq filtres de joints, un rat crevé etc, etc...

Aucun cas semblable de meurtre sur tout le territoire depuis un an.

Peut être s'agit il tout simplement du meurtre d'une pute retirée du circuit par son dealer-souteneur pour désaccord professionnel.

Deux heures et trois bières sont passées. Hippolythe Billard éteint la chaîne et la lampe et va se coucher.

3

A 23 heures précises, Isabelle Bienséance ferme la porte de l'immeuble, où se tient le siège de la Buse Compagnie.

Elle travaille là comme secrétaire de direction.

Assistant son patron dans les congrès pour la défense des rapaces en Europe.

Son rôle réel serait plus proche de celui d'une assistante de direction, mais pour de basses raisons salariales, son poste est dénommé, secrétaire de direction.

Ce qui ne l’empêche pas d'avoir sous ses ordres une employée qui effectue tous ses travaux de secrétariat.

L'immeuble est situé au 142 rue Saint Honoré, en plein cœur de Paris.

Ca ne la gêne pas de travailler tard. Elle est habituée.

Pour rentrer chez elle, elle va prendre le métro à la station Louvre-Rivoli.

A cette heure et dans ce quartier il y a comme une démarcation ; coté forum des halles, c'est bourré de monde, coté rue de Rivoli, plus un chat, les bureaux se sont vidés et le musée du Louvre ainsi que la Samaritaine sont fermés.

Passant rue du Louvre, devant le panneau publicitaire "DULUC, détective privé, enquêtes et filatures", elle ne peut s’empêcher de sourire. Elle pense à Léo Mallet.

La station est déserte, peuplée uniquement des reproductions statuesques du musée du Louvre. La rame vient sûrement de passer, il va lui falloir attendre une bonne dizaine de minutes.

Elle s'approche de la voie pour regarder vers sa gauche si un train arrive au loin. La ligne n°1 étant presque en ligne droite, de certaines stations on peut apercevoir le train, enfin les feux de la rame, 2 ou 3 stations à l'avance.

Soudain elle ressent une vive douleur dans les reins. Elle n'a pas le temps de comprendre qu'une autre douleur l'assaille dans le dos, tandis qu'une main gantée se plaque violemment sur sa bouche.

Elle sent comme un goût de sang qui lui remonte de la gorge.

La main lui tient toujours le visage tandis que l'autre, armée d'un scalpel passe devant ses yeux dilatés par l'effroi.

La lame froide et ensanglantée trace une ligne sur son cou, lui faisant ressentir une violente brûlure.

La gorge tranchée, ouverte, béante, elle veut crier, mais elle ne produit qu'un infect gargouillis rosâtre qui sort de la plaie.

Le reste ne la concerne plus.

Dans son malheur, elle a la chance de s'évanouir et de mourir avant la fin des sévices.

4

 

Hippolyte Billard vient à peine de s'endormir qu'il est réveillé par la sonnerie du téléphone.

 

DRELING, DRELING.....

-et merde, dit il, tâtonnant dans la pénombre pour se saisir du combiné.

Tout ce qu'il parvient à faire, c'est de renverser la lampe posée sur la table de chevet.

Il finit par se saisir de l'appareil. Un vieux poste des années cinquante en bakélite blanche. En ce temps cela était nettement plus classe d'avoir un poste blanc. Le poste noir était celui du vulgum pecus.

-Allô.

-c'est Durieu, je ne vous réveille pas au moins?

Quel con pensa l'inspecteur. Il n'était pas gâté avec un adjoint pareil.

-non, non, pensez vous, je suis en train de peindre mon plafond. Que me voulez vous?

Drôle d'heure pour peindre se dit Durieu.

-on vient de nous signaler un assassinat dans le métro, sur la ligne Défense-Chateau de Vincennes.

-et alors qu'est ce que vous voulez que ça me foute?

Il ne fait pas bon réveiller un flic qui dort, c'est bien connu.

- et bien, vu l'acharnement et vu l’âge de la victime, je me suis dit qu'il pourrait peut être y avoir un rapport avec l'affaire du bois.

-mouais. Faut voir. Enfin maintenant que je suis réveillé. C'est où votre boum?

-ma boum?

- vous êtes où?

-à la station Louvre Rivoli, on voulait savoir si on pouvait embarquer le corps ou si on doit vous attendre.

-attendez moi, j'arrive.

Fait chier ce con, pensa Hippolythe.

5

Monique Quillan se retourne dans son lit, son mari vient de rentrer. Aussi discret qu'il soit il l'a réveillé en pénétrant dans la chambre.

Monique allume et regarde le réveil, il est 5h10. Elle peut encore dormir, demain c'est samedi et les enfants n'ont pas d'école.

-ça va, tu n'as pas eu trop de monde sur la route?

-non, ça a été, juste de la pluie par rafales.

Monique n'a même pas entendu la fin de la phrase, elle s'est déjà rendormie.

Son mari prend dans le tiroir de la table de chevet un paquet de gitanes sans filtre, l'ouvre. Il en retire une cigarette qu'il allume avec un briquet décoratif en onyx verdâtre.

Il s'assoit sur le lit, les yeux dans le vide.

Daniel Quillan est viticulteur à Vendôme. Sa femme travaille avec lui, s'occupant de la comptabilité, de la paperasse; s'occupant aussi des clients quand son mari s'absente. Ce qui est souvent le cas en ce moment. Novembre, il doit faire le tour des acheteurs pour présenter son vin. Cette année les vendanges ont été excellentes, il en a profité pour remonter un peu ses prix.

Un bruit, au dehors, retient son attention. Il s'approche de la fenêtre. Les volets sont ouverts. Lorsque Daniel doit rentrer Monique ne les ferme jamais. La pluie s'est mise à tomber, la mercedes est garée, là, sur l'allée en gravier, devant la maison, il n'a pas eu le courage de la rentrer au garage.

Chipie, la chatte de la maison gratte au carreau. Daniel ouvre la fenêtre, permettant à la bestiole de rentrer se mettre au chaud. Il en profite pour jeter sa cigarette et fermer les volets.

Passant devant l'armoire il se regarde dans la glace, il a vieilli, les traits sont accentués, les yeux cernés. Il a du ventre et perd depuis quelques temps ses cheveux argentés. Sa fine moustache, à la Clarke Gable dans autant en emporte le vent, lui donne un air de vieux beau. Il parait plus que son âge.

Il regarde sa femme, elle a 31 ans, soit 15 de moins que lui.

Elle est encore belle; visage au teint laiteux, les yeux verts cachés par ses paupières closes, de longs cheveux roux éparses sur l'oreiller.

Il éteint la lampe de chevet et se glisse dans les draps.

6

-bon alors il vient ce café?

Hippolythe Billard n'est pas à prendre avec des pincettes. Faut pas le faire chier. C'est pas le jour.

Un gardien de la paix couperosé entre dans le bureau, tenant deux gobelets plastiques, un dans chaque main.

-ah bah quand même.

-la machine du palier est en panne suite à une effraction, il a fallu que j'aille dans l'autre aile.

-bon, ça va, ça va, laissez nous.

- où va t'on si les distributeurs de boisson se font braquer à la P.J.

-c'est assez incroyable en effet, renchérit Durieu.

-quand aura t'on ce foutu rapport?

- le médecin légiste nous l'a promis pour 7h00, et il est...6h20.

Ca ne devrait plus tarder.

Dix minutes plus tard, les cafés bus, le téléphone sonne.

- Hippolythe Billard, j'écoute......ah c'est vous....... Très bien........ Bon d'accord j'envoie Durieu le récupérer au Fax. Merci encore......... Bonne nuit oui c'est ça!

-vous voulez que j'aille récupérer quoi?

-d'après vous Durieu, qu'est ce qui peut bien arriver au milieu de la nuit à la P.J., par fax? le menu de la cantine pour ce midi ou alors le programme du ciné du coin? Rappelez moi votre niveau d'études c'est quoi déjà?

- Bac plus 5, monsieur.

-bien, je vous donne 5 secondes pour aller me chercher le fax du rapport d'autopsie.

Quel con, décidément il avait de plus en plus de mal à le supporter.

Son adjoint revient 4 secondes et 5 dixièmes plus tard, brandissant tel un trophée le fax du médecin légiste.

Ce n'est pas encore le rapport définitif, bien sur, mais cela représente la trame de l'autopsie.

L'inspecteur Billard se saisit du document, le pose à plat sur son bureau, après avoir jeté le gobelet vide en direction de la poubelle, et commence la lecture.

Hippolythe agrémente l'avancée de sa lecture de jurons.

-nom de dieu..........putain..........et bein dis donc.......le salaud.....

Il passe le document à Durieu.

-tenez lisez moi ça, ça vous aidera à digérer votre café.

27 coups de couteau, plus la gorge tranchée et pour finir balancée sur les rails. Encore heureux que le conducteur ai vu le corps sinon il lui passait dessus et après bonjour le steak tartare. En tous cas pas d'empreintes pour l'instant. Pas de trace de sang sous les ongles, elle n'a pas pu se défendre. Ils vont envoyer ses fringues au labo pour essayer de repérer des résidus de fibres.

7

BIPBIPBIP......BIPBIPBIP......BIPBIPBIP......

Le réveil me réveille.

Fait chier j'ai oublié de le déconnecter hier soir. On bosse pas aujourd'hui c'est samedi!!!

J'ai beau me tortiller dans tous les sens, impossible de me rendormir. J'ai plus qu'à me lever. A 6h00 un samedi faut quand même être con j'te jure.

Je récupère mon pantalon en boule sur la moquette, c'est pas bien ça; pas soigneux.

Je prends une douche pendant que passe le café.

A cette heure pas grand chose à faire, je décide d'aller marcher en forêt. Vu le temps je serai pas emmerdé par les touristes.

Je lace mes grosses pompes de marche

8

La tempête bat son plein, déversant des flots d'écume sur la promenade du clair de lune. Quelques bateaux de pêcheurs rentrent au port, profitant de la marée haute pour se mettre à l'abri.

Entre falaise et mer une silhouette titube dangereusement, un litre de rhum blanc à la main. Lève la bouteille vers les cieux, comme s'il voulait trinquer avec la pluie et les éclairs. La tête à la renverse, il absorbe à grosses goulées le liquide incolore qui lui chauffe la gorge et les entrailles.

Il avance toujours balançant entre la mer et la terre, l'eau et le vent. Plus il avance et plus il boit, et plus il boit plus il tangue.

Soudain il lève le poing, crie à la face noire de la Manche déchaînée des mots injurieux et incompréhensibles, balance la bouteille vidée dans les flots.

D'une main hésitante il défait sa braguette et pisse face à l'eau, face au vent, toute son urine lui revenant de pleine face.

Il se met à ricaner, crache et repart.

Au loin, on aperçoit les lueurs de Saint Malo.

Il est minuit, Guy Pileunoir, rentre se coucher, ivre, comme à l'accoutumée.

9

Dimanche 14h00.

Les quatre enfants Quillan sèment le souk dans la maison. Ca court, ça crie. Ils ont faim. Leur mère n'est toujours pas rentrée du marché alors qu'elle est partie faire les courses à 9 heures. Après s'être copieusement engueulée avec son mari, à qui elle reprochait ses absences de plus en plus fréquentes.

Lui, il est parti faire un tour un peu plus tard pour acheter le journal du dimanche et une cartouche de gitanes.

Il appelle sa belle mère pour savoir si Monique est là-bas.

Non, elle n'y est pas.

Tout ce qu'il arrive à faire c'est inquiéter sa belle doche, qui lui déverse un flot de reproches.

Et que c'est il encore passé, et vous vous êtes encore disputés, et je lui avais bien dit à ma fille que, et ceci et encore cela et patati et patata.

Des pensées meurtrières l’assaillent. Il a envie de décalquer cette grosse connasse, de lui faire bouffer ses vacheries.

Mais il se calme et appelle les gendarmes.

-allô la gendarmerie? Ma femme a disparu.......

10

Dimanche.

Je regarde la montre du tableau de bord, il est 18 h pile.

Encore quelques minutes et je serai devant ma télé pour regarder mon émission préférée.

Je rentre la voiture dans le garage et referme la porte derrière moi.

Je passe dans la cuisine. J'ouvre le frigo et me sers un grand verre de lait.

J'ouvre la porte du buffet et sors les daphnies pour mes poissons rouges.

Les connards vous diront que c 'est con un poisson.

Moi je dis que ceux qui disent ça sont eux des cons.

On tourne en rond.

Je nourris donc mes bêtes, mon couple de poissons, Valérie et Paul. Moi je suis sûr qu'ils me reconnaissent.

Je vais pisser et passe dans le salon.

Je jette un oeil sur mon répondeur. Pas de message.

Comme d'habitude d'ailleurs. Si j'ai eu 10 messages depuis que je l'ai acheté c'est le maximum.

10 messages en 3 ans. On peut pas vraiment dire qu'il soit rentabilisé l'appareil.

Je vais poser mon cul dans le rocking chair et allume la boite à cons. Canal plus est tout brouillé, l'a du bouffé une saloperie!

Je contemple l'image cryptée et attend.

Ah enfin, les infos. Enfin les infos je m'en bas les couilles, ce que j'attends c'est juste après.

Voilà, ça cartoon.

J'attrape la bouteille de cardhu posée sur le rebord de la fenêtre et m'en tape une grosse lichée.

Ca coule au fond de ma gorge tout chaud et le parfum explose dans ma bouche.

Sur l'écran le coyote poursuit Bip-Bip dans un tunnel et s’éclate la tronche contre un train venant en sens inverse....

11

Lundi matin 9h00, dans le bureau d'Hippolythe Billard à la P.J.

-mon petit Durieu, vous qui êtes z'instruit, que pensez vous de ces affaires?

-quelles affaires chef?

Mon dieu mais qu'il est con se dit le commissaire.

-les deux crimes survenus ces derniers jours ayant tous les deux une femme comme victime, la morte du lac, et la fille de la ligne 1. Pour la première aucune identification, personne pour la réclamer malgré la diffusion des photos, seul indice l’âge, entre 30 et 35 ans. Et des traces de tortures multiples, dont de nombreux coups de couteau, plus d'une dizaine.

La seconde, 31 ans massacrée par 27 coups de couteau plus une superbe entaille à la gorge. Alors Watson qu'en pensez vous?

-Durieu, monsieur, Durieu.

-quoi Durieu, Durieu?

-oui je m'appelle Durieu, pas Watson.

Putain mais qu'il est con ce con se dit Hippolythe.

-bon on s'en fout de votre nom, je vous pose une question qu'en pensez vous?

-eh bien, je pense comme vous chef, c'est troublant.

-ah? et qu'est ce qui vous trouble mon petit?

-les coups, l'acharnement du tueur.

-oui et tout cela ne présage rien de bon. J'espère me tromper mais j'ai bien peur que ce ne soit là que le début d'une série.

12

Lundi 13h00

"veuillez ne pas raccrocher un agent va prendre votre communication, VOUS AVEZ DEMANDE LA POLICE, veuillez ne pas raccrocher un agent va prendre votre communication, VOUS AVEZ DEMANDE...."

Ca fait cinq minutes qu'elle ne raccroche pas et qu elle attend, Maria-Angelica. Cinq longues minutes. Faut pas qu'il y ait urgence. Faut dire que c'est l'heure de l'apéro, ils doivent être à effectif restreint.....

-Commissariat de Charenton, j'écoute.

-bonchour, je chuis conchierge au 150 avenue de Paris, et j'ai l'imprechion qu'il y a un cambriolage au troisième.

-qu'est ce qui vous fait penser ça Madame.

-eh bien je lavais l'echcalier quand j'ai entendu, comment dire, des bruits qui chont pas nets, et comme je chais que Mme Graddu, elle est pas là, qu'elle travaille à chette heure là.

C'est ainsi que les cognes sont arrivés sur ce qu'il faudrait bien appelé le lieu du crime, du nouveau crime.

13

Lundi 14h00, avenue de Paris à Charenton, Hippolythe Billard descend de la voiture avec Durieu. Il demande au chauffard de l'attendre. Il est pas question qu'il rentre en métro, déjà qu'on l'a interrompu au beau milieu de son repas....

-que savons nous?

-c'est le commissariat de Charenton qui nous a contacté. Il a été appelé par la portugaise de service qui s'inquiétait du bruit dans un appartement.

-eh bien si tout le monde était comme elle, cela arrangerait bien les histoires de la police. Et alors?

-le temps qu'ils arrivent il n'y avait plus personne.

-plus personne? et la morte qu'en faite vous Durieu?

L'ascenseur étant bloqué ils doivent gravir les trois étages à pied.

Sur le palier le traditionnel flic de faction.

-bonjour, entrez commissaire, y vous z'attendent.

Pour entendre du bruit, la concierge, elle avait du en entendre du bruit. La morte, Catherine Graddu était bien là, mais dans un sale état.

Découpée au couteau électrique, en parties tout au moins.

Découpée mais pas en morceaux, non, en tranches, comme un jambon. Dégueulasse.

Sur la poitrine et sur les joues d'autres traces de brûlures, faites au fer à repasser.

-c'est ce qui explique l'odeur, dit l'inspecteur Bonin.

-elle a été tuée avant ?

-oui, heureusement pour elle, un coup de couteau enfoncé dans l'oeil droit. Profond, ça a tout perforé jusqu'au cerveau.

-et bein. Ca fait 3 maintenant.

-n'allez pas trop vite en besogne Durieu. Rien ne prouve que l'assassinat de la fille du lac, de la fille Bienséance et de, .....de, euh...

-Catherine Graddu, patron

-et de Catherine Graddu patron, soient liés.

-Graddu tout court patron, pas Gras du Patron.

-j'entends bien, Durieu, Catherine Gras Du Tout Court. Sûrement une noble. Comme vous Du....Rieu. Décidément mon pauvre Du....Rieu vous n'entravez que tchi à la plaisanterie.

-ah vous plaisantiez chef?

-non, non je suis con et débile.

-ce n'est pas ce que je voulais dire mais

-bon ça va, ça va. Revenons en à nos moutons, enfin à nos meurtres. Quel peut être le point commun entre les 3 victimes?

Le lieu? Rue de Rivoli, le lac du bois de Vincennes et Charenton. C'est pas très éloigné certes, mais ce n'est pas franchement proche non plus. Ce n'est même pas sur la même ligne de métro. Le fait que ce soient trois femmes. Ca c'est indéniable.

-Peut être l’âge?

-Bien vu mon petit Durieu; vous progressez. Hormis la première victime pour laquelle nous n'avons pas l’âge exact, il est vrai que les trois victimes doivent avoir à peu de chose près le même âge. Quel était âge de Melle Bienséance Durieu?

-31 ans chef

-et cette jeune personne?

-le même âge.

-effectivement ce pourrait être le début d'un début de piste. Mais qui nous mènerait où?

14

Mardi, il est treize heures. Il fait pas trop moche, alors j'opte pour un sandwich et une sortie dehors. Ca me changera d'air. Surtout qu'au boulot on a la clim. La clim c'est bien cinq minutes mais comme nid à bactéries, bonjour!

Je sors du hall et traverse la rue pour me rendre chez le boulanger. Puis je retraverse en sens inverse pour aller acheter Le Monde au kiosque près de la bouche de métro. Après quoi direction les quais. Ah, s’asseoir un peu le long de la seine, se prélasser en regardant les péniches passer.

Je jette un oeil à la une du canard, la guerre entre la Grèce et la Turquie semble s’amplifier. Y'a pas à dire, c'est chouette l'Europe. Il a fallu les américains pour arrêter le conflit en ex Yougoslavie, il a fallu la Chine pour arrêter la guerre civile en Albanie, et maintenant l'Europe n'est même pas foutue de gérer un conflit qui implique l'un de ses membres. Quel bordel que cette UE de merde.

Dans les pages intérieures la controverse continue entre les résistants à l’extrême droite qui restent en France et les autres qui préfèrent résister de l'extérieur, prétextant que De Gaulle était bien parti en Grande Bretagne en 40.

La seule chose qu'ils oublient c'est qu'Adolph, il n’avait pas remporté les législatives en France lui; alors que JM Le Naze lui, si.

Un article en fait divers.

"le corps d'une jeune femme a été découvert ce matin par des chasseurs en forêt d'Orléans. La jeune femme probablement âgée d'une qurantaine d'années n'a pu être identifiée, la tête et les mains ayant été tranchés et non retrouvées. La mort semblerait remonter à quelques jours..."

Je déballe mon Paris beurre de sa cellophane et croque à pleine dents dedans.

Ah y'à pas à dire, un bon casse dalle, ça fait du bien.

15

Mardi 23h35.

L’œil droit entre ouvert, l’œil gauche caché par une mèche de cheveux gras, décolorés au henné, Guy Pileunoir tient le comptoir de sa main gauche et son calva de la droite.

Il lève son verre en saluant quelques fantômes issus de son passé, renverse sa tête en arrière et avale d'un trait le liquide. Il repose le verre vide sur le zinc, ponctuant son geste d'un rot sonore.

Le patron du rendez vous des chasseurs, n'a pas l'air d'apprécier et lui fait remarquer.

Pileunoir est noir et il s'en fout des remontrances d'un patron de bistrot de seconde zone, et il commande un autre verre que le patron lui sert.

Comme quoi l'argent l'emporte sur les bonnes manières.

A nouveau la bouche s'ouvre, la tête bascule, la main porte le verre aux lèvres et le liquide est englouti.

A nouveau il rote, puis pète.

Cette fois le patron gueule, et menace de le mettre dehors.

Alors Pileunoir sort de sa poche un billet pour régler. Il attend sa monnaie qu'il enfouit dans sa poche puis crache sur le sol, et sort de l'estaminet en titubant.

Le long du mur sa moto est stationnée, le casque attaché à la roue avant.

Il s'équipe, enfourche l'engin et fait vrombir le moteur, rabat la béquille latérale, tourne la poignée des gaz et démarre.

Il zigzague bien un peu, mais petit à petit l'air froid de la nuit le dégrise.

Il roule à plus de 120 kilomètres à l'heure lorsqu'il sort de la ville, laissant derrière lui le panneau barré de rouge indiquant qu'il quitte l’agglomération d' Orléans.

Il rejoint l'autoroute, il a envie de rouler. Au péage un contrôle de flics, mais ils sont trop occupés à contrôler un groupe de beurs enfournés dans une R21 pour s'occuper de lui.

Il met la poignée en coin et s'enfonce dans la nuit.

A cette vitesse, il mettra une petite demie heure pour atteindre la capitale.

Après il verra.

Il ne sait pas trop.

Pour l'instant il se concentre sur sa conduite.

A cette vitesse le moindre instant d'inattention peut être fatal, un cailloux sous la roue avant et c'est le grand bond vers l’au delà.

Guy Pileunoir, met son clignotant et dépasse une BMW de VRP qui se traîne à 230.

16

Hypolithe Billard repose un journal du soir sur son bureau, la première page représente un portrait de femme; en dessous un titre énorme, aussi gros que la presse peut être putassière, "et une de plus... tueur 4, police 0"

-nous voilà avec un cadavre de plus

-oui mais celui ci n'est plus dans l'est de Paris.

-c'est peut être le même tueur, simplement il se balade.

-espérons que non, mon bon Durieu, espérons, sinon cela va nous compliquer la tache. On ne peut pas boucler toute la France, déjà qu'on a du mal avec Paris. Laissons faire nos collègues de province, pour une fois qu'ils ont quelque chose à se mettre sous la dent, ils nous feront suivre leur rapport.

17

Paris, cours de Vincennes, Mercredi 1h25.

De part et d'autre du cours, les putes arpentent le bitume, à la recherche du client, qui se soulagera de 50€ pour quelques minutes passées dans l'inconfort d'une voiture.

Puis les billets sortiront de la poche de la pute pour rejoindre la liasse de ses petits frères dans la ceinture du dealer, en l'échange de quelques grains de poudre qui finiront dans les veines, dans le cœur et dans les neurones de la pute.

La liasse ira dans une mallette, à la rencontre d'un autre dealer, un vrai, un gros, un grossiste, et puis cet argent finira dans la caisse noire occulte d'un quelconque parti politique, d'ici ou d'ailleurs, pour payer des armes ou des pots de vins, pour assurer la réélection d'un démocrate à dents blanches et mains propres.

Ils ne savent pas les hommes en recherche de plaisir, ces hommes qui souvent voteront pour l'ordre et la répression qu'ils alimentent le trafic, ou alors ils s'en foutent ces braves citoyens, pères de famille, catholiques pratiquants, moralistes intégristes?

Tout ce que l'on peut dire c'est qu'au nombre de putes présentes, il doit y avoir du passage, ...du va et vient...

Question choix, il y a de tout, des grandes, des petites, des maigres, des grosses, des blacks, des jaunes, des beurs, des blanches.

Appuyée à l’arrêt des bus, celle qui se fait appeler Stupréla est en grande discussion avec son dealer. Un gros black au volant d'une mercédes blanche, fauteuils en cuir et vitres noires. L'échange est bref, 20 keus contre une dose.

Derrière la clientèle attend...

Elle s'évade un instant du bord du trottoir, s'assoie sur un banc. Elle en sort une cuillère, un petite bouteille d'évian, du coton, un briquet et une seringue. Elle prépare son mélange, le fait chauffer tout doucement puis l'aspire à travers la ouate dans la seringue. Elle se sert de sa ceinture comme d'un garrot et se pique encore une fois...

Cinq minutes plus tard, elle revient au turbin, il faut assurer les autres doses. Elle en a profité pour se refaire une beauté; un coup de crayon autour des yeux embrumés, un coup de bâton rouge sur ses lèvres fripées.

-salut, c'est combien?

C'est ok, le gros type ouvre la portière de sa Nissan, et embarque la fille pour un tour.

-moi c'est Stupréla et toi?

-Paul

-et bien tu prends la première à droite, et encore la première à droite et tu te gares.

Le type s'exécute, il va pour se garer sur un bateau, mais il pile au dernier moment pour éviter une forme sombre, étendue au sol.

La pute descend immédiatement, on ne laisse pas une consoeur dans le caniveau. Et puis s'il s'agit d'une overdose faut pas traîner.

-merde c'est un trav qui s'est fait buter.

La porte de la voiture claque, le gros con se barre.

Son envie est passée, subitement...

18

Mercredi 11h00, rue de Lagny dans un appartement.

Hippolythe Billard regarde à nouveau les photos épinglées au mur. Une femme assez troublante, est présente sur tous les clichés.

-putain, faut vraiment être taré pour se déguiser comme ça.

-travestir, Durieu, travestir, pas déguiser.

-travestir ou déguiser, en tous cas c'est un pédé. Ca ne fait pas avancer notre enquête et je me demande bien ce qu'on est venu faire ici.

-et bien cher Durieu, il se trouve que cette personne assassinée cette nuit, est une drag-queen, un travesti extraverti, si vous préférez. Et d'après vous Durieu, un travesti se travesti en quoi?

-euh...

-je vais vous aider, en femme. Et comme ce brave travesti a reçu un paquet de coup de couteau, on se dit que peut être qu'il pourrait avoir un lien avec les meurtres précédents. Alors on vient fureter, comme ça pour voir.

Qui plus est le cours de Vincennes est géographiquement assez proche de Charenton, du bois de Vincennes et de la rue de Rivoli. L’âge aussi est proche, 33 ans.

-l’âge du christ

-ah bon? il est né à 33 ans et a toujours eu 33 ans. Enfin on s'en fout, ce qui importe c'est de voir si on peut trouver un lien entre tous ces meurtres. Ca ressemble de plus en plus à une série, mais pourquoi? Quel est le dénominateur commun?

Il s'en prend à des femmes, ayant la trentaine, partant du principe que notre dernière victime ait été prise pour une femme par le tueur. Pas de liens physiques, pas de ressemblances. Géographiquement les meurtres ont lieu dans l'est de Paris, excepté le corps de la forêt d'Orléans, mais avons nous à faire au même tueur?

Est ce un tueur ou une tueuse. J'opterai plutôt pour un homme vu la violence des coups portés. Quoique le fait qu'il n'y ait pas de violences sexuelles...

Bon en tous cas faut chercher, faut fouiller, faut trouver un fil parceque si ce taré s'en prend à toutes les femmes de 30 ans habitant dans l'est de Paris, on sera virés avant qu'il n'ait eu le temps de toutes les écluser!

Alors Durieu vous aller tout retourner s'il le faut chez ce cher Olivier Merlo mais il me faut quelque chose à présenter au grand patron, sinon je sens que ça va être notre fête......

19

Vendredi soir, 21 heures, il pleut.

Michelle Roufrien, petite brune boulotte, rentre chez elle.

Elle est furax. Elle a poireauté une heure sous la flotte pour rien. Son petit ami n'est pas venu au rendez-vous.

Elle en a marre de cette relation extraconjugale.

Fait chier d'être toujours obligés de se cacher, de se filer des rencards pas possibles à des endroits pas permis.

Depuis le temps qu'il lui promet le mariage, après son divorce, bien sûr... Un an que ça dure, un an à se voir en coups de vent.

Elle rentre donc chez elle, déçue et si ça se trouve ayant chopé la crève a l'attendre sous la flotte. D'ailleurs elle ruisselle, les cheveux collés à son visage.

La pluie glisse sur son ciré rouge et détrempe le bas de son pantalon.

Pour couronner le tout un camion passe au ras du trottoir, roule dans une énorme flaque et l'éclabousse.

C'en est trop pour elle, elle se met à pleurer.

Elle arrive enfin devant une porte cochère, sort une clé de son sac et pénètre dans l'immeuble.

Dans le hall une silhouette penchée sur les boites aux lettres.

Encore des prospectus pense t'elle.

Finalement la proposition émise lors de la dernière réunion des copropriétaires, de déplacer les boites aux lettres pour les mettre après la porte commandée par l'interphone, et bien cette idée n'était pas si bête. Cela éviterait que les boites soient noyées de paperasses inutiles.

Soudain alors qu'elle est plongée dans ses réflexions d'une bassesse petit bourgeois, elle sent comme un point au coeur, violent, sourd, l'empêchant de respirer. Elle pose sa main sur sa poitrine et sent un liquide gluant, tiède s'échapper de son sein. Elle n'a pas le temps de comprendre qu'elle s’affale sur les pavés du couloir, la cage thoracique traversée par la flèche d'une arbalète.

La silhouette des boites aux lettres referme son imper pour mieux dissimuler l'arme qui fut fatale à Michelle Roufrien et sort rejoindre la pluie dans la rue.

20

Vendredi 22 heures.

Hippolythe Billard se prélasse dans son canapé. Dehors la pluie tombe à grosses gouttes. Sur ses genoux son félin de chat ronronne.

-tu es bien mieux ici que dehors, hein, gros matou?

Par la fenêtre, à travers le rideau de pluie on distingue Paris.

Il pose sur la table basse le magazine, Télérama, et ses lunettes. Il s'empare de son verre de bière. Une Duval, couleur blonde or, une mousse aérienne, un liquide rond finement amer, servie bien sur dans le verre de la marque, à pied, ventre rond, léger rebord. Une bière blonde alliant la force et la subtilité.

Il trempe ses lèvres dans le liquide, couvrant sa fine moustache d'une pellicule de mousse, lorsque retentit la sonnerie du téléphone.

C'est Durieu.

-on a du nouveau chef. Une nana s'est faite trucider dans le hall de son immeuble.

-au couteau?

-non cette fois on a le droit à une pratique plus rustique...

-bon merde, au fait Durieu, au fait!

-à l’arbalète chef, à l’arbalète!

-à l’arbalète? vous vous foutez de ma gueule? on n'est plus au moyen âge. Où le tueur a t'il été péché un pareil instrument?

-.....euh.....je sais pas

-je m'en doute. Vous ne savez que rarement Durieu.

Evitez que la presse apprenne ce détail, sinon on va avoir droit à la première page du canard enchaîné.

Bon c'est où cette fois?

-rue de Charenton, à coté de la gare de Lyon.

-merde, c'est juste à coté de la rue de cote ça?

-oui. C'est pourquoi on vous a appelé.

-j'arrive. C'est à quel numéro exactement?

21

Journal de 13 heures sur Tf1.

Dominique et Jean Claude Maldes regardent la télé avec leurs deux enfants en mangeant le traditionnel poulet-petits-pois-du-dimanche-midi.

Le présentateur du week-end, tronche de cake, costard impec, cravaté, empapaouté, rillettes sous les bras, face de premier de la classe, commente son actualité, déversant des tonnes de sang et d'immondices dans les assiettes de ce foyer.

"...l’enquête se poursuit sur l'assassinat de Michelle Roufrien. La jeune femme rentrait chez elle lorsqu'elle a été sauvagement agressée par son assassin qui l'a tuée..."

Quel vocabulaire ces journalistes quand même!

"...des commentaires du ministre de l'intérieur, J M Le Naze:

-ce crime crapuleux prouve encore une fois à qui veut bien l'entendre que la France est bien en guerre contre la violence exercée par les métèques et les niakoués qui squattent notre pays. Encore une fois ce crime hideux prouvera à l'opposition marxo-lenino-mittérandienne, que notre politique d'expulsion des étrangers est logique et même salutaire..."

-vraiment, quel sale con, tout est bon pour racoler dit Jean-Claude. Je vais éteindre.

Avec fureur, Le Naze continue à vomir son discours xénophobe pendant que Jean-Claude se lève pour lui couper la haine.

"pensons aux parents, aux amis de Michelle Roufrien, qui pleurent aujour.."

Couick....il lui avait coupé le sifflet.

-attend chéri, rallume.

-tu vas pas me dire que tu écoutes ses conneries...

-allume merde!

-ya wohl mein führer!

-shut!

La tête de faf du ministre avait disparu de l'écran pour faire place à celle plus réjouissante de Maurine Violet, la starlette qui monte, qui monte...qui monte qui d'ailleurs?

Bref elle parlait de son nouveau film.

-ah merde, mets la 2.

-qu'est ce qui t'arrive tu deviens boulimique d'actualité?

Sur la 2, le sosie du speaker de la une, tronche déconfite, présentait une photo de la victime.

"le meurtre de Michelle Roufrien succède à la série de meurtres inexpliqués qui ont lieu depuis maintenant plusieurs jours...."

-Merde alors!

-qu'est ce qu'il y a maman?

Louis, le cadet des deux gamins interrogeait sa mère.

-cette jeune femme assassinée je la connais, enfin je pense la connaître. Elle était au lycée avec moi. A l'époque on était plutôt copines et puis après le bac, la vie faisant, on s'est perdu de vue.

-tu es sur demanda Jean-Claude?

ça remonte à quand?

-je sais pas, dix ans au moins.

-que veux tu c'est la vie. En tous cas cela aurait tendance à prouver que nous avons eu raison de quitter Paris pour venir nous installer ici. La vie est plus calme.

-arrête tu veux, ça ne me fait pas rire. Tu te rends compte on était ensemble de la seconde à la terminale. Tu crois pas que je devrais appeler ses parents?

-tu connais leur téléphone?

-non, tu as raison, mais on pourrait demander aux renseignements.

Elle se lève, se dirige vers le téléphone lorsque...

DING DUNG DONG...fait la sonnette.

Jean-Claude regarde par la fenêtre du pavillon.

-C'est quoi encore? Fait chier. Tu vas ouvrir?

-oui

Jean-Claude perçoit le bruit de la porte qui s'ouvre, puis une exclamation de surprise de sa femme

-ah c'est toi? alors ça....

Et puis il entend un cri terrible, il se lève fonce dans l'entrée.

Mais il arrive trop tard, Dominique tombe sur le carrelage, la gorge tranchée. Le sang gicle sur le mur, du beau sang bien rouge sur un beau mur tout blanc. Va y avoir du boulot pour nettoyer tout ça...

Il ne pense qu'à prendre sa femme dans ses bras, mais elle est déjà morte. Alors il repense à l'homme qui a sonné, à celui qui est entré, c'est lui qui l'a tuée.

Il se relève et sort en courant à la poursuite du tueur au moment où rappliquent les 2 enfants.

C'est la panique dans la maison...

Dehors Jean-Claude court après l'agresseur, il va le rattraper.

Il n'est pas violent Jean-Claude mais il sait déjà qu'il va le tuer cet homme, il va lui faire payer.

Il est sportif, il court plus vite, il réussi à agripper un morceau d'imperméable.

L'autre se retourne alors et lui enfonce le couteau dans le foie.

Jean-Claude essaye de respirer mais l'air lui manque. Il essaye de rester debout mais les jambes lui manquent.

Il s'étale de tout son long pendant que le tueur s'enfuie.

En tombant son crâne heurte violemment le bitume, faisant entendre un craquement sinistre.

Il ne bouge plus la face collée au sol, une rigole de sang rejoint le caniveau pour aller se jeter plus tard dans la mer...

Dans la maison les enfants sont accroupis auprès de ce qui fut leur mère, ils pleurent. Le hall d'entrée fait penser à la desserte rouge de Matisse, du rouge, rien d'autre que du rouge...

22

Il fait chaud dans le bureau, très chaud...

-mais Monsieur le préfet...

-ne m'interrompez pas Billard. Je vous donne encore trois jours pour dénouer cette affaire, pas une minute de plus.

Il y a encore un meurtre de plus. Ca tombe comme des mouches. Cette fois ci le crime a eu lieu a Alfortville.

La femme est morte la gorge tranchée, quant à son mari il est dans le coma, le foie perforé et fracture du crâne. Vous me direz qu'on peut toujours attendre qu'il se réveille et qu'il nous donne une gentille description du tueur. Et bien priez pour qu il se réveille avant trois jours. Démerdez vous comme vous voulez mais trouvez moi un coupable. Allez, et tenez moi informé de vos progrès.

-au revoir Monsieur le préfet.

Hypolithe Billard quitte le bureau, remet son chapeau et quitte la préfecture.

Il rentre dans le bistrot où l'attend le fidèle Durieu.

-alors patron ça s'est bien passé ?

-oui bien sur, on va même être augmenté tous les deux.

-vous plaisantez Patron, hein ?

-mais non mon petit. Si dans 3 jours on n'a pas arrêté le tueur, vous allez pouvoir remettre votre démission et vous pourrez à 60 ans bénéficier du grade supérieur à titre honoraire.

Bon aller on y va. La totale, les amis, les parents, les relations, le travail, les voisins, les commerçants, les loisirs, il faut qu'on trouve une piste. Ou en est on avec les 2 gosses? ils ont vus quelque chose ?

-non, ils ont juste entendu la sonnette. Ils regardaient la télé.

Le père s'est levé elle a crié. Ils ont suivis et ont trouvé leur mère allongé entrain de mourir. Aucune vision du tueur.

Par contre ils vont être traumatisés pour un bout de temps à mon avis.

-vous savez ce que j'en pense de votre avis? Ou sont les mômes?

-chez une voisine, avec 2 agents en surveillance devant, on sait jamais.

-bon, on y va.

-où ça ?

-au cinéma.

-voir quoi patron ?

-mon adjoint est un couillon, avec vous dans le rôle principal Durieu...

23

-au fait ils ont quel âge ?

-5 et 3

-8

-pardon chef ?

-8 Durieu, 5 et 3 font 8.

-ah ah ah, c'est drôle patron.

-bon ça va n'en rajoutez pas une couche; pour une fois que vous comprenez une plaisanterie. On est encore loin ?

-on arrive bientôt, c'est quai Jean Baptiste Clément.

-5 et 3 ans, ça va pas être facile de leur tirer quelque chose.

Et le père qui est toujours dans le coma. pauvres mômes.

Durieu, freine et gare la voiture de fonction coté Seine.

Le pavillon des Maldes est surveillé par 2 flics dans une Laguna banalisée. On les renifle à 1 kilomètre. Ils sont d'une telle discrétion que les bagnoles qui passent font des appels de phares pour prévenir celles d'en face, pensant qu'il s'agit d'un radar.

La maison des voisins est voisine de celle dans laquelle s'est déroulé le drame. Hormis le fait qu'elle soit proche, et bien qu'elle soit en meulière, elle ne fut pas le théâtre des événements sus cités.

Une personne d

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