Les témoins de minuit.

lily-rose

La violence invisible laisse des marques indélébiles au plus profond de l'âme.

Il faisait noir, cette nuit là. Et il faisait froid, aussi. Remontant les couvertures jusqu'au sommet de son crâne, serrant l'oreiller contre son cœur, il tentait de retenir ses larmes. Les cris semblaient s'amplifier avec le temps, mêmes les murs tremblaient de peur. Ou peut-être était-ce parce qu'elle avait été projetée contre eux. La porte de la cuisine claqua et une course-poursuite commença dans le salon, puis dans les escaliers. Elle s'arrêta nette lorsque la femme chuta, dévalant violemment le peu de marches qu'elle avait gravi. Ce bruit était étrange, comme celui d'un tambour, mais en plus sourd. Il n'aimait pas ce bruit, il n'aimait pas la nuit. Ses larmes se faisaient plus nombreuses, tout comme les sanglots de sa mère, là, en bas, comme une sorte d'harmonie funèbre. Mais aux larmes se mêlait le sang, il le savait. Il tombait parfois sur des gouttes, le lendemain. Des preuves mal effacées de la scène qui se jouait la nuit, en secret.

Les cris s'étaient enfin tus. Mais la course, elle, avait repris. A l'étage, cette fois-ci. Il vit des ombres se dessiner sous sa porte, effrayantes et silencieuses. Seuls quelques râles trahissaient parfois la douleur apportée par les coups. De son lit, ces silhouettes noires semblaient danser. Mais de son cœur, elles semblaient s'entre-tuer. Un dernier choc vînt mettre fin à l'agitation. Une ombre plus grande s'étala au sol, tendis que l'autre disparue, accompagnée de bruits de pas s'éloignant peu à peu. La danse avait pris fin. Le chaos laissa place au silence. Mais pas le genre de silence qu'il pouvait connaître lorsqu'il était seul, au milieu d'un jardin. Non. C'était un silence lourd. Un silence effrayant. Un silence de mort. Il était parfois brisé par un souffle, haletant. Ou par une voix, priant.

Et lorsque ce silence régnait en maître, l'enfant restait assit, au milieu de son lit, ne pouvant oublier l'horreur. Ne pouvant oublier les bruits. Car seul, dans le noir, les yeux rivés dans le vide, il avait tout entendu. Et dans son esprit d'enfant, il avait tout vu. Tout vécu. Voilà pourquoi il n'aimait pas la nuit. Tout comme ces autres petits témoins de la violence, tapis au fond de leur chambre, espérant de tout leur cœur que le jour ne s'éteigne jamais.  

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