L'évasion est mon instinct principal
My Martin
Munich, 10 mars 1864. En trois jours, Maximilien II (1811-1864) meurt soudainement d'un érysipèle (infection de la peau par un streptocoque), à l'âge de 52 ans
A dix-huit-ans, son fils Louis II devient le quatrième roi de Bavière (1864-1886)
Sévère éducation, sens du devoir
Beau prince. Charmant, cultivé, généreux
Excellent nageur. Capable de traverser l'Alpsee aller-retour. Quatre kilomètres au sud-est de Füssen
Premiers symptômes de maladie mentale. Forme de Schizophrénie. Pathologie psychiatrique complexe. Perception perturbée de la réalité, idées délirantes, hallucinations. Isolement social et relationnel
Louis conserve sa mémoire, une partie de ses capacités de raisonnement. Il cache sa maladie. Nombre de personnes, qui ne le connaissent pas, doutent de la qualité de ses troubles, attribués à une "originalité"
La princesse Alexandra (1826-1875), tante maternelle, internée
Otto / Othon Ier (1848-1916), frère de Louis, bientôt interné (1873)
Cinquième et avant-dernier roi de Bavière (1886-1913). Sous la régence de son oncle Luitpold de Wittelsbach. Puis de son cousin germain, le futur Louis III de Bavière (dernier roi, à la suite de l'abdication d'Othon Ier, en 1913)
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Louis refuse tout contact avec les médecins
Il s'éloigne de la réalité
Crises de délire
Principal symptôme, la terrifiante peur des rapports humains. Louis se coupe du monde
Il refuse de recevoir les visiteurs, de voir ses ministres. Avec eux, il communique par son secrétaire de cabinet : à la fin, il cesse de le recevoir
A Munich, plus de Cour. Les représentations de théâtre se déroulent devant lui. Seul
Deux dernières années de sa vie. Louis donne ses ordres aux serviteurs, par billets. Interdiction de le regarder. En sa présence, certains domestiques se présentent à quatre pattes
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Divers évènements agissent sur la maladie
Jeudi 10 mars 1864. Avènement de Louis II. Adoration pour le cupide Richard Wagner 1813-1883. Le pays est scandalisé. Le roi est contraint à une douloureuse séparation
1866 et 1870. Pour fonder "par le fer et le feu" l'unité allemande autour de la Prusse, le chancelier Otto von Bismarck provoque deux guerres. Désormais vassale du roi de Prusse et empereur allemand Guillaume Ier, la Bavière entre dans le nouvel Empire allemand
Louis ne supporte pas cette humiliation
A la Cour de Munich, conseiller et grand écuyer du roi Louis II, le comte Holstein, violent et peu scrupuleux. Espion fort bien rémunéré du chancelier Bismarck
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Alors Louis construit ses fabuleux châteaux
Presque en même temps, Neuschwanstein 1869-1886, « nouveau rocher du cygne ». Sur un éperon rocheux haut de 200 mètres. Près de Füssen
Linderhof 1874-1878. Près d'Oberammergau
Herrenchiemsee. Sur une île du lac de Chiem, 80 km à l'est de Munich. Début des travaux en 1878. Resté inachevé, à la mort de Louis. Le Versailles bavarois ; Louis n'y séjourna jamais
La plupart du temps, le roi vit en haute montagne,dans ses "Hüttes". Vingt-cinq cabanes. Certaines n'ont que deux pièces
Suivi par sa domesticité, le roi va de l'une à l'autre. Selon la saison, traîneau bleu et or, tiré par des chevaux blancs. Ou carrosse
Louis fuit Munich. Louis déteste Munich
"L'évasion est mon instinct principal"
Plusieurs fois, le roi évoque la possibilité du suicide. Toujours en forme de menace, sans jamais faire en ce sens, une tentative
Vie minée par l'angoisse ; solitude, souffrance, dissimulation
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Pendant plus de vingt ans, l'invisible monarque gouverne le pays à distance
La Constitution est solide
Son écuyer et amant, Richard Hornig 1841-1911 s'efforce d'aplanir les difficultés
Des amants ... Son officier d'ordonnance, le prince Paul de Tour et Taxis. Le ténor Albert Niemann. Les comédiens Emil Rohde, Josef Kainz. Le baron Lambert de Varicourt ...
Entre le roi et le gouvernement, un secrétaire de cabinet dévoué fait la liaison ; un jour, Louis refuse de le recevoir
Lors des crises de délire du roi, les domestiques subissent de mauvais traitements. Ils sont bientôt remplacés par des chevau-légers lanciers
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Les dépenses royales vident les caisses ; les banques refusent de prêter
Richard Wagner, les châteaux, les cadeaux d'un roi généreux, les malversations commises par les proches, qui abusent de sa faiblesse
La fortune du roi est dilapidée
1884. Les travaux pour un quatrième châteaux, le plus haut d'Europe, sont engagés. Falkenstein « château sur le rocher des faucons » (ruines) ; le sol sera pavé de pierres précieuses
En projet, un palais d'été chinois, au Tyrol. Un palais byzantin, dans la vallée de Graswang, non loin de Linderhof
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Août 1886. L'oncle paternel du roi, le prince Luitpold (65 ans. 1821-1912) prend ses responsabilités ; le ministre-président Johann von Lutz, demande à son ami, le professeur Bernhard von Gudden (1824-1886), aliéniste, qui soigne le prince Otto, de constater la démence du roi
Le professeur von Gudden pratique la méthode dite du « no-restraint » -suppression de toute restriction mécanique pour neutraliser l'agitation du malade mental. Il se refuse à ligoter ses malades. Dès que possible, il leur accorde des sorties
Hors de question d'examiner Louis ; il redoute d'être percé à jour, se tient éloigné des médecins
Le professeur von Gudden fait interroger des témoins, se procure des correspondances, les étranges billets, par lesquels le roi communique avec ses valets
Mardi 8 juin 1886. L'aliéniste remet son rapport : maladie mentale, paranoïa. Trouble mental caractérisé par une méfiance et une suspicion excessive à l'égard d'autrui
"Sa Majesté est incapable de garder le pouvoir durant le reste de sa vie"
Mercredi 9 juin 1886. La régence exercée par le prince Luitpold, est entérinée
Le ministre d'État, Friedrich Krafft von Crailsheim, verrouille les postes et télégraphes
Isolé à Neuschwanstein, Louis ne se doute de rien
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Jeudi 10 juin 1886. Première tentative pour signifier au roi que malade mental, il va être interné
Louis, barricadé dans son château. Pompiers, gendarmes, paysans, accourent au secours du roi
Après un temps de détention dans le palais, la commission chargée de se saisir de Louis, se débande
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Samedi 12 juin 1886, à l'aube. Seconde tentative. La commission exclusivement médicale arrête Louis
Seul, il monte dans la voiture. Les poignées sont retirées
Peu après midi, il arrive château de Berg, construit par son père. A 30 km, au sud de Munich
Louis est enfermé dans deux pièces. Fenêtres condamnées, portes percées de judas. Constante surveillance par deux infirmiers. Courtois. Robustes
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Dimanche 13 juin 1886, jour de Pentecôte
Louis a pris l'habitude de vivre la nuit, de se coucher à l'heure qui est celle de son lever
Le roi est calme. Il s'adapte au brutal changement qui lui est imposé
Louis demande à entendre la messe. Refus. Louis s'incline
Longue promenade avec le médecin
Entre le château et le lac, le parc s'allonge sur un kilomètre de long. Pas plus large que deux ou trois terrains de croquet. Le roi le connaît depuis l'enfance
Dîner. Louis mange et boit en abondance. Un verre de bière, deux verres de vin de liqueur, trois verres de vin du Rhin, deux verres de schnaps
Louis est taillé en colosse. 110 kg. Vingt ans de moins que le professeur von Gudden
L'aliéniste fait part de sa résolution d'accomplir avec Louis, une seconde sortie, en fin d'après-midi. Sans aucune surveillance
Vers 18 heures 30, le professeur von Gudden vient chercher son patient
Par la porte arrière, les deux hommes quittent le château. Ils s'éloignent sur le chemin du lac
La pluie commence à tomber
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20 heures. Les deux hommes ne sont pas rentrés
Les recherches sont lancées dans le parc. Lanternes, lumières mouvantes. La pluie tombe avec violence
Une barque amarrée
Au bord du lac, sur une grève caillouteuse, un domestique découvre le chapeau du roi, reconnaissable à son agrafe de brillants
Près de l'eau, le parapluie, le manteau, la veste de Louis
Le corps du professeur von Gudden (62 ans). Le visage du psychiatre porte des traces de coups. L'un de ses ongles est retourné
Par la suite, pas d'autopsie
Le corps du roi Louis II de Bavière (41 ans)
Immergé dans une faible profondeur d'eau -1,20 à 1,30 mètre. Provenant de la fonte glaciaire, l'eau du lac est à 12 °C
Le corps du roi est intact
Autopsie ultérieure. Pas d'eau dans les poumons