l'herbe qui tue

My Martin

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Chaque soir, Franck vérifie que son chien Viking n'est pas porteur de tiques  

Franck n'utilise pas les pipettes répulsives (quelques gouttes sur la peau du cou) qui éloignent ces insectes 

Des produits puissants, nocifs pour la vie animale ; un chien traité avec ces produits ne doit pas se baigner dans le milieu naturel, au risque d'altérer la vie aquatique 

 

Un jour, Franck remarque que Viking se lèche souvent l'intérieur de la cuisse 

Il regarde ; abcès en boule  

 

Voiture. Visite chez le vétérinaire 

La salle d'attente est exiguë. Viking est un chien de garde, race rustique -plus de cinquante kilos 

Les clients sortent dans le couloir ou patientent dehors 

Le sol de ciment est glissant. Viking ne tient pas debout. Il est couché par terre 

Franck le porte dans le cabinet du vétérinaire  

 

Le vétérinaire identifie le problème. Viking est allé dans les broussailles, une herbe l'a piqué 

L'herbe pénètre sous la peau, dans la chair ; elle provoque une infection et progresse dans le corps de l'animal, vers le cœur  

 

Franck parle à son chien. Viking se laisse faire, inutile de l'anesthésier 

Le vétérinaire incise l'abcès. Il ne trouve pas l'herbe. Il désinfecte la plaie et pose des points de suture  

Pour l'empêcher de lécher la plaie et d'arracher les points, Viking est équipé d'une collerette, une parabole en plastique, autour de la tête  

 

Viking ne supporte pas la collerette qui amplifie les sons  

La nuit, Franck sort pour voir si Viking dort. Le chien n'aboie plus, ne se nourrit plus. Il titube, tombe, devient fou 

 

Alors un soir, Franck lui enlève sa collerette  

Dans la nuit, Viking arrache ses points de suture. Violacée, boursouflée, la plaie est laide  

 

Panique. Franck téléphone au vétérinaire. Il n'est pas possible de poser de nouveaux points 

Franck va devoir souvent nettoyer la plaie 

 

Plusieurs fois par jour, Franck soigne son chien 

 

La plaie s'assainit. L'abcès régresse  

 

Lorsque Franck le caresse, Viking baisse la tête et la fourre contre les jambes de son maître 

Viking est guéri 

 

 

Devant le gîte, un olivier. Pas un noble olivier, l'arbre des contes et légendes 

Un arbuste au feuillage dense ; ses branches grêles ploient sous la charge des olives  

Le soir, une volée de moineaux converge vers ce dortoir. Invisibles, ils s'agitent dans le feuillage 

 

Chamailleries, esbroufe, compromis. Le calme s'établit avec la nuit. Chuchotis et vols furtifs  

 

Cette année, bien moins d'oiseaux ; la place ne manque pas, modeste agitation 

Le matin, l'envol est discret 

 

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Sur le carrelage de la terrasse, parfois une olive noire picorée  

 

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Les olives ne sont pas encore mûres. J'en goûte une, bien noire 

Sur le noyau oblong, une fine pellicule de chair. Le goût âpre reste longtemps en bouche 

 

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A proximité, une huilerie prend en charge le pressage. Une question deux filières. Traité ? Non traité ?  

Le client reçoit une quantité d'huile -provenant de sa récolte ou d'autres apports 

 

Plus loin, une huilerie effectue un travail plus qualitatif. Le client reçoit l'huile correspondant à sa récolte. Ils travaillent sur rendez-vous, pris longtemps à l'avance 

 

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Récipient en céramique, pas en métal. Les olives noires à manger sont mises à tremper dans l'eau, pendant deux semaines. Changer l'eau plusieurs fois, pour atténuer l'amertume 

 

 

La vaisselle du soir est déposée sur le lavabo, à l'extérieur de la yourte. Greta ne fait pas la vaisselle, immédiatement après le repas 

Le matin, je me livre à cette modeste tâche 

 

La chatte a eu des chatons, pelage à dominante blanc aux taches rousses rayées. Ils dorment dans la yourte, sous le poêle. L'un pose sa tête sur le ventre de l'autre. Fouillis de pattes 

Je les chatouille. La patte se replie. Le chat sort et écarte ses griffes. Coussinets roses 

 

Les chats vont et viennent. Allongés sur la terrasse, ils paressent  

Un chat s'approche, d'un souple bond, saute sur le lavabo. Je ferme le robinet 

Avec précaution, guidé par son odorat, le chat descend dans le lavabo. Il prend son temps. Il monte du côté de l'égouttoir et redescend sur la terrasse 

 

Vaisselle finie, je collecte sur la bonde avec grille, les morceaux de légumes, les grains de riz. Je les jette dans l'herbe, sur le talus, devant le lavabo  

Les quatre poules se précipitent et font place nette 

 

Elles se poursuivent, se chamaillent. Dans son bec, une poule tient un long mille-pattes venimeux qui se débat, se roule sur lui-même. La rousse le subtilise. La grise intervient. Affrontement, moment décisif  

La poule victorieuse s'écarte avec la proie. L'insecte se tord au sol, la poule le larde de coups de bec  

 

 

L'eau manque. Au gîte, l'eau au robinet coule marron ; le forage est au plus bas 

D'année en année, les pluies arrivent plus tard, moins abondantes 

 

La propriété couvre un vallon, le versant d'une colline. Des eucalyptus oscillent sous la bise. Des arbustes, au feuillage bleuté 

 

La piste caillouteuse sinue jusqu'à la terrasse. Deux maisons blanches sur le même plan. A droite, le gîte 

Les flancs de la terrasse sont fouillés par les sangliers  

 

Éboulements de schistes. Des morceaux de marbre blanc veiné 

 

Des yuccas. Des agaves. Deux agaves sont dominés par leur mât floral ; puis ils meurent, en écroulements gris. A leur pied, de nouvelles pousses  

 

Dans un virage de la piste, un étang. Le plongeoir donne sur le vide. L'échelle pour la remontée du baigneur 

Dénudée, la bâche de plastique luit. Flaque de boue, eau verte, nénuphars morts. Une grenouille saute 

Une libellule bleue -les rares libellules rouges ont disparu 

 

 

Près du potager de la communauté, le lac -ce qu'il en reste 

Dans la boue, des empreintes. Des loutres. Elles sont toujours là. Elles vont de point d'eau, en point d'eau 

Elles se nourrissent d'écrevisses américaines 

 

 

Sous les pierres, des scorpions 

Un copain de Franck se fait piquer. Il se voit mort. Il agonise. Urgence, on le porte chez le médecin  

 

Il est vrai, la piqûre est douloureuse -l'équivalent d'une piqûre de guêpe. Mais pas mortelle 

 

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Éclairé avec une lampe à rayons ultraviolets, le scorpion se révèle fluorescent 

 

 

Beaucoup de jeunes. Des Néerlandais, Allemands, Israéliens 

Loin de la société de consommation, le Soleil, le modeste coût de la vie  

Des yourtes, dômes, des communautés ; écologie, spiritualité buissonnante 

Gagner sa vie n'est pas facile ; travaux d'entretien dans les plantations, commerce par Internet 

Apiculture. A l'ancienne, des abeilles sauvages dans un tronc d'arbre. Le miel est une pure merveille 

 

L'approche est holistique ; l'être vivant et son environnement ne font qu'un 

Stage d'équitation. Je m'assieds au centre du pré. Les chevaux m'observent. Un cheval vient vers moi. L'animal choisit son cavalier 

Et si aucun cheval ne fait le premier pas ? Laisser le temps, au temps 

 

Stage d'écoute des oiseaux. Je remarque le chant de certains oiseaux. Ils sont en harmonie avec moi 

 

 

Je n'ai pas faim. J'ai bien mangé à midi, le repas du soir est secondaire. Je m'installe dans la véranda 

Fromage blanc avec du miel. Une pomme  

 

Les eucalyptus. Leur écorce pend, se détache en longs lambeaux. Maigre tronc, feuillage noir 

 

Je regarde dehors 

 

Un couple d'oiseaux. Jaune d'or. Ailes et extrémité de la queue, noirs 

Des loriots 


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