l'homme, l'enfant et la mer. chapitre 1
achyrro
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Une fois, on m'a demandé ce que je faisais tout seul sur la plage, le regard rivé sur l'océan. C'était un enfant de l'école qui avait fait une fugue pour venir me voir.
- Je discute, ou plutôt j'écoute un vieil ami me parler lui, ai-je répondu.
- Mais avec qui ? tu es tout seul sur cette plage, me répliqua le bambin.
- Je ne suis pas seul, et je replongeais mes yeux dans l'océan. Je vais te donner quelque chose, mais tu dois me promettre de ne rien dire à personne. Lui dis-je sans quitter l'océan des yeux.
- C'est promis, dit-il.
- C'est très important que tu me dises la vérité, car à vivre dans le mensonge, les mots perdent leurs sens, ainsi que les actes, et si la vie perd du peu de sens qu'elle a, alors le chaos devient maitre. Maintenait que tu sais ça, promet moi de nouveau que tu ne parleras à personne de ce que je vais te donner.
Le petit mis la main en l'air et dis :
- Je vous le promets, mais avant de me le donner, expliquez-moi pourquoi vous me le donner à moi ?
- Allons, cesse de me vouvoyer, nous nous connaissons depuis longtemps n'est-ce pas ? sache, mon jeune ami, que j'ai une bonne observation, ainsi qu'une bonne ouïe. Alors si tu crois que je ne te voyais pas, lors de tes petites escapades pour venir m'épier en secret, bravant l'autorité de tes parents. Tu es venu ici pendant des heures, régulièrement, parfois plusieurs jours dans la semaine, tout cela pour venir espionner un vieil homme dont tout le monde se méfie, qui rend tout le monde mal à l'aise. Cela prouve que tu as la motivation nécessaire et le courage de passer outre les ordres de tes parents pour venir. Ne pose pas de questions sur comment je sais tout ça, sache seulement que j'ai une bonne observation, et une bonne capacité à déduire. Va, car ta surveillante ne va pas tarder à venir, va petit et prend ce paquet. Ne l'ouvre qu'une fois chez toi, et n'en parle à personne."
Ma vie avant la rencontre qui la bouleversa, rétrospectivement, me semble comme pris dans un nuage, dans un brouillard si épais qu'il m'empêchait de voir au dehors de mon petit monde. Chaque matin, je me levais de mon lit, je regardais au travers de la fenêtre l'océan, et juste avant que je ne me perde complètement dans mes pensées, mon père m'appelait pour que je me prépare en hâte pour l'école. Une fois l'école finit, je rentrais, faisait mes devoirs, mangeais sans véritable ardeur l'assiette que me tendais mes parents, et enfin, après ma toilette, je me rendais dans ma chambre. Une fois dans ma chambre, je m'appuyais sur les rebords en bois de ma fenêtre, et je laissais de nouveau mes pensées vagabonder vers l'immensité bleu qui se tenait devant moi. Mes parents, surtout mon père, n'aimaient pas mes heures de perplexité, accoudé à ma fenêtre. Ils estimaient que ce n'était pas une activité normale pour un enfant. Tout changea, quand un jour, revenant de l'école, et ayant laissé derrière moi mes amis qui rentraient eux aussi dans leur maison respective, je trouvai un petit caillou sur le pas de notre porte. Je le ramassai, et je vis qu'il ne s'agissait pas d'un caillou ordinaire, car il avait été orné de dessin finement dessiné à la peinture. Je me retournai, et regardai au tour de moi pour voir si ce n'était pas quelqu'un qui l'avait fait tomber, mais ne voyant personne et comprenant que de toute façon, la personne qui l'aurai fait tomber n'était plus là depuis longtemps, je rentrai dans ma maison pour exécuter ma routine habituelle, mais toute fois, en restant perplexe. Une fois dans mon lit, je ne pu trouver le sommeil, ce caillou m'obnubilai au point de m'en faire perdre le sommeil, qui m'est pourtant facile en temps normal. Je tournais et retournais la question dans ma tête : qu'est-ce que ce caillou faisait là ? Il avait très bien pu être là par hasard, mais pour une raison obscure, je n'y croyais pas. Finalement, n'en pouvant plus, je sorti de mon lit pour retourner à l'endroit où j'avais, peu auparavant, trouvé le coupable de mon insomnie. Subrepticement, je me glissai au dehors de ma chambre et descendis les escaliers. Passant devant la chambre de mes parents, je repérai les parties bruyantes du plancher pour les éviter soigneusement. Avec mes parents au bord de la crise de nerfs si je ne finis pas mon assiette, j'angoissais à l'idée qu'ils me trouvent hors du lit à cet heure. Ayant enfin passer l'obstacle que représentait la chambre de mes parents, je marchais avec la même précaution jusqu'à la porte d'entrée. Une fois dehors, je me mis à la recherche de l'endroit où j'avais trouvé le caillou. Pile à l'endroit où je l'avais trouvé, en résidait à présent un autre, presque similaire au premier, sauf au niveau des motifs. Troublé, je regardais au tour de moi, et j'en vis un autre, et un autre, et encore un autre. Ils formaient tout un sentier de cailloux aux motifs tous différents les uns des autres. Ayant maintenant la certitude que ce n'était pas un hasard, je suivi la piste. Guidé par les cailloux colorés, je sorti du jardin de ma maison, et me dirigea vers la mer. J'arrivai à une petite pointe rocheuse qui sortait de la mer. Le dernier caillou, se trouvait au bout de cette pointe, je m'y rendis en marchant en équilibre sur les rochers, et bien que je manquasse plusieurs fois de perdre l'équilibre et de finir en chemise de nuit dans la mer, j'arrivai au bout de la petite pointe sans encombre. En l'observant de plus près, je vis que ce caillou-là, était différent des autres. Il n'avait qu'un seul motif, une flèche. Elle pointait une plage à quelque centaine de mettre de moi, une plage qui ne se voyait que depuis la petite pointe où je me trouvais. Et sur cette plage était assis un homme.
Que faisait-il là ? qui avait posé les cailloux colorés ? Et dans quel but ? Toutes ces questions me trottaient dans la tête tandis que je me recouchais. Malgré mon envie de d'aller voire l'homme sur la plage, je me recouchais avec amertume mais avec résignation. Car je savais qu'il était tard, et que si je ne dormais pas vite, ma petite escapade se ferait sentir lors de mes heures de cours le lendemain. Malgré toutes les questions qui formaient dans ma tête un tourbillon incessant, la fatigue pris le dessus et le sommeil m'emporta. Je dormis cette nuit-là d'un sommeil rapide, calme, sans rêves et horriblement court. Depuis le moment où ma mère me réveilla, elle sifflait de désapprobation en me faisant un discourt sur l'importance de se lever tôt. Je descendis dans la cuisine, avalai un rapide petit déjeuné qui ne fut troublé que par les cris de mon père qui n'avait de cesse de me répéter que j'allais être en retard à mon école. La journée se déroula normalement, si bien qu'en sortant de l'école, juste après avoir quitté mes amis pour prendre le chemin de ma maison, je ne pensais presque plus à mon escapade nocturne et au mystérieux personnage qui était assis sur la plage. Et puis, peut-être était-ce seulement un homme venu prendre l'aire et regarder les vagues pour réfléchir, comme je le faisais chaque matin et chaque soir accoudé sur le rebord de ma fenêtre. Mais juste avant de traverser le portail qui séparait notre jardin de l'extérieur, je changeai de route pour retourner à la petite pointe rocheuse. Je voulais juste confirmer ma théorie qui accusait le hasard, mais au moment où j'arrivais au bord de l'eau, une chose me frappa : la petite pointe rocheuse avait disparue. Abasourdi, je vérifiai que je ne m'étais pas trompé d'endroit, mais aucun doute, je reconnaissais l'arbre qui se trouvait juste à côté de la petite pointe rocheuse, car il avait une gravure fait au couteau bien reconnaissable. La marée ne pouvait pas non plus être la cause, car après avoir fait mes calculs, j'estimais avec une quasi-certitude qu'il était marée basse, et puis de toute façon l'eau limpide qui était devant moi ne pouvais en aucune façon cacher un élément si reconnaissable que la petite pointe rocheuse. Malgré tout, je me déchaussais et remontai mon short au maximum pour aller vérifier. Après m'être avancé de plusieurs mètres, je ne trouvais toujours pas de trace de la petite pointe rocheuse. En tournant sur moi-même, mes yeux s'arrêtèrent sur la plage qui se trouvait à quelque centaine de mètre de moi, et je vis l'homme qui y était toujours assis, plus seul que jamais. Une chose avait changé dans sa posture. Hier, il était tourné vers la mer, les yeux rivés sur l'océan. Mais à présent, il était tourné vers moi, les yeux comme fixés dans ma direction. Tout dans sa posture m'invitais à venir le rejoindre, comme si une grande fête était en cours là-bas, sur la plage, et que j'étais le dernier invité en retard que tout le monde attendait. A ce moment, ma mère m'appela, car elle m'avait vu arriver proche de la maison par la fenêtre, mais elle ne comprenait pas pourquoi je ne rentrais pas tout de suite. Je quittai l'homme des yeux pour répondre à ma mère et je rentrai dans ma maison. Les jours suivants se firent sans nouveau évènements, mais je ne parvenais pas à me défaire du regard de l'homme, et de cette invitation que j'avais lu dans ces yeux, bien qu'une bonne distance nous séparât l'un de l'autre. Un jour, alors que l'école se finissait plus tôt que d'habitude, une idée me vint : mes parents ne savent pas que l'école s'est finie en avance, pourquoi n'irais-je pas voire l'homme de la plage ? Ma décision ne fut pas longue à prendre, et déjà je m'engageais sur la route qui menait à la plage. Pour se rendre à la plage, il fallait quitter la route pour s'engager dans des dunes qui menaient au bord de l'eau. Le soleil me tapait sur la nuque, et je progressais difficilement dans le sable mou. Après environ une dizaine de minutes de marche, j'arrivai à la plage. L'homme ne semblai pas avoir bougé depuis la dernière fois, il avait le regard perdu dans l'océan. Je m'approchai et lui lançai :
- Vous m'attendiez, n'est-ce pas ?
- Sans se retourner, l'homme répondis :
- Allons, ne me vouvoie pas, nous nous connaissons bien après tout.
- Dans un moment d'orgueil, je lui demandai :
- Les cailloux, c'est vous qui les avez posés ?
- L'homme ne répondit pas.
- La pointe rocheuse, comment a-t-elle pu disparaitre ?
- L'homme ne répondis pas.
- Et qu'est-ce que vous faites ici, toute la journée et toute la nuit ?
- Je discute, et je t'ai dit d'arrêter de me vouvoyer, toutes les formalités de politesse imposée par la société ennuies terriblement, répondis enfin l'homme.
- C'est mon père qui me répète souvent qu'il est très impoli de tutoyer un adulte avec qui on n'est pas familier.
- Si je ne me trompe, ton père est un homme sec, stricte, très à cheval sur la politesse, sur les apparences et qui milite une philosophie du travail.
Je n'étais qu'un jeune enfant qui ne comprenait pas ce dont parlait un inconnu sur la plage, mais maintenant, quand j'y repense, il avait totalement raison.
- Excuse-moi, dis-je timidement. Mais je ne comprends pas ce que tu dis.
- C'est moi qui m'excuse, je ne parle souvent avec quelqu'un, ce sont les conditions. Donc tu comprends que dès que l'occasion se présente de parler avec quelqu'un, peu importe qui est la personne, je parle sans faire attention à qui est mon auditeur. Et sache que je ne voulais en aucun cas critiquer ton père, je suis surement la dernière personne qui puisse le faire.
- D'accord, tu as dit que tu discutes, mais avec qui ? Et tu as parlé de conditions, qu'est-ce que tu voulais dire ?
- Tu souhaites donc tout savoir. Cela implique beaucoup, tu n'auras plus de de vie sociale, donc plus d'amis. Si je ne trompe sur tes parents, ils te verront comme la plus grande déception de leur vie et les gens t'éviteront toute ta vie, ils te verront comme un marginal différent qui ne mérite que leur haine et leur méfiance. Mais, tu comprendras.
- Comprendre quoi ?
- Tout, pourquoi tu ne parviens pas à détacher ton regard des vagies lorsque tu te trouves seul et bien plus.
Je n'étais pas très âgée, pas non plus très intelligent, mais je comprenais le choix qui m'étais exposé, et pas un seul instant je n'hésitai.
- J'accepte. Dis-je, la voix tremblotante.
- Bien, très bien. Je te dirais bien que j'en étais sûr, mais mes années d'observation m'ont une chose, tout est imprévisible. Mais maintenant, assis toi, et écoute.
- Quoi ?
Chut, et écoute mieux.