Liberté

machinehumaine

Une fenêtre sur l'extérieur en ces temps de confinement. Une opportunité de se rendre compte du caractère précieux de la liberté, de la vie et de l'amour. Quelques mots pour dire ce que l'on ressent !

Nous étions là l'un et l'autre. Se ballader dans la prairie, douce brise circulant sur la peau. Tes longs cheveux brillaient au soleil. La vision idillyque d'un ange. J'ai beau me dire qu'on est sortis du village, qu'on s'est échappés, j'ai une angoisse. J'ai peur de ne pas savoir où aller, quoi faire, comment te protéger petite fleur des champs. Le vent souffle doucement sur tes petits bras menus. Tu frissonnes. Tu as légèrement froid mais dans tes yeux je vois quelque chose d'autres que des tremblements. De l'effroi. Nous avons fui. Nous étions bien dans notre petite vie bien rangée et nous sommes partis. Tous les deux on se posaient tellement de questions. Tout le temps, l'esprit en éveil. C'est dur d'avoir la tête en friche quand on la remplit. C'est si dur d'avoir tous ces souvenirs qui se bousculent. Toutes ces émotions qui nous submergent.

-          Tu sens le thym ? Le romarin ? Les herbes aromatiques ?

-          Et toi tu sens les embruns marins que le vent transporte ?

-          Oui, je les sens… ils emplissent mes poumons.

-          Je suis toujours en train de me restreindre dans ce que je fais. Ça suffit. Alors là je gonfle mes poumons…

-          Je respire enfin et je crie, dit-elle à plein poumons.

-          On n'avait pas imaginé où tout ça nous mènerait…

-          Tu sais bien qu'ils nous poursuivront, qu'ils n'accepteront pas…

-          Ils n'ont jamais accepté ce que nous sommes. Et ils ne l'accepteront jamais…

-          Jamais ils ne voudront entendre que nous sommes différents.

-          Différents pourquoi ? Parce qu'on réfléchit autrement ?

-          Je dirai plutôt qu'on réfléchit à notre manière…

-          Et c'est mal ?

-          Je ne saurais le dire. Qui pourrait l'évaluer ?

-          Il n'y aura jamais personne pour nous dire qui nous sommes. C'est à nous de créer la vie que nous voulons.

-          Alors on y va ! Allons chercher ailleurs ce que l'on ne trouve pas ici.

J'aimais cette idée. Je la souhaitais au final. Je me doutais que ce serait bien complexe. Quelles que fussent les difficultés, je n'avais pas peur. Je n'avais pas la moindre intention de nuire à qui que ce fût, juste vivre la vie comme je pouvais l'entendre. Sans limite et sans borne, aimer, détester, choisir, découvrir, explorer, atteindre, toucher… L'ensemble des sentiments ne sont pas assez nombreux pour dire ce que je ressens à cet instant. Ce moment de liberté. Ce moment si doux qu'il n'est pas possible d'imaginer la vie autrement. La musique remplit l'espace. Elle a sorti son harmonica. Quelques grammes de bois qui donnent une telle mélodie… Un peu d'espoir là où il n'y en a plus beaucoup. La nuit arrive. J'ai trouvé quelques branches pour faire du feu. Nous avons un peu peur d'être repérés mais nous préférons encore ne pas mourir de froid. Nos corps sont l'un contre l'autre. Ça nous est arrivé souvent mais jamais loin de la communauté. Là, nous étions seuls. Il nous fallait comprendre notre situation. Nous vivions dans une illusion. L'illusion était de se croire intouchable et complètement hors de portée. Le destin devait nous donner tort. Et très rapidement d'ailleurs. Après cette si belle nuit sous les étoiles, ils étaient là devant nous attendant qu'on se réveille. Passer de l'admiration des constellations à la menace d'une arme a bien été violent. Le monde n'a pas fini de tourner et pourtant j'ai bien l'impression que tout d'un coup tout s'effondre. Il nous ramène à la communauté, nous y serons jugés. Les lois ne sont pas tendres avec les fugitifs mais on s'en fout. On voulait juste s'en aller. Rien d'autre. Il n'y avait pas de danger pour la communauté, ils auraient pu nous laisser partir. Mais la loi est la loi, dura lex sed lex… On a été conduit en détention. Chacun dans sa cellule. Parce que nous laisser ensemble aurait été si risqué. On n'avait pas le profil du prisonnier modèle. On avait tout le temps envie de s'évader. Le meilleur moyen de sortir de soi c'est de rêver. Alors la nuit était pour nous l'échappatoire. Le seul moment de libre qui nous séparaient de notre procès. Une épreuve de plus dans ce monde pourri. On n'en attendait pas tant. Pouvoir nous expliquer auprès de gens qui ne souhaitaient pas entendre ce que nous avons à dire. On voudrait juste se dire que la communauté nous comprendra. Mais pourra t'elle le faire ? Je ne crois pas. Je n'ai aucun espoir. Clairement, je repense à un endroit précis. A Paris, rue Oberkampf, « Chez Justine » un restaurant où le feu crépite. Pour une pizza ou de la viande, c'est le four à bois qui flambe. Moi, je me dis que c'est le summum du luxe. Il faut même se poser un peu. Parfois, je me rappelle ces moments au Zoco Bar autour de la bouche d'égout de la vérité. Un lieu insolite où il est interdit de mentir. Un acte si vil ! Moi, je n'y ai jamais menti. Quel que soit mon état d'ébriété. Saoulé ou pas, on dit ce qu'il faut dire. Il y a des lieux comme ça qui sont de véritables exutoires. On peut se dire que dans Paris, il y en a un paquet. Mais un garde me sort de ma rêverie. Il me conduit au palais de justice. Il est venu le temps pour moi et ma compagne d'être jugés. Nous avons fauté et nous devons payer. Je regarde, incrédule, le jury qui m'a déjà condamné. Moi et ma compagne, nous sommes arrivés au terminus de notre quête. Nous n'avons pas peur de notre jugement. La mascarade va jusqu'à nous donner des avocats. De nos défenseurs, je ne garderai que la capacité grandiose à accepter notre sort. Ils étaient censés nous défendre mais ils n'ont pas su. Les preuves s'accumulaient et collaient si bien avec toutes nos infractions. Nous en étions si fiers. S'il faut enfreindre pour vivre alors vivons. On ne m'empêchera jamais de dire que j'ai eu l'envie de partir et de t'aimer. Et toi aussi, tu m'aimes aussi. On a voulu s'en aller. S'enfuir. Et il faut dire que c'est important de s'évader.  On s'est dit qu'on ne renoncerait pas. Qu'on ne renoncerait jamais. Il a toujours été clair que le voyage serait sans retour. Même si ce qu'on laissait derrière nous était essentiel. Le plus important est de vivre en accord avec ce à quoi on croit. On n'est pas sur Terre pour faire plaisir à qui que ce soit mais plutôt pour comprendre qui on est. La seule chose dont je me souviens avant l'exécution, c'est cette lumière qui brûlait nos yeux, notre âme, notre liberté… Nous avons le droit de nous exprimer une dernière fois devant la communauté pour exprimer nos remords. Voici mes derniers mots, nos derniers mots car maintenant nos esprits fusionnent :

                « Nous avons vécu parmi vous, semblables à vous et exécutant les tâches nécessaires à notre survie à tous. Et pourtant, nous ne faisions pas partie de votre communauté. Nous ne pouvions pas accepter que nos âmes soient comme les vôtres. A la fois dénuées d'humanité et de questions. Nous souhaitions juste comprendre le monde pour en faire partie. Nous souhaitions aimer, sentir, ressentir, explorer mais vous nous en avez empêché. Et maintenant, nous sommes là, devant vous, pour répondre de nos actes envers vos lois. Pourquoi devrions-nous nous assimiler à ce qui ne nous convient pas ? Pourquoi refuserions-nous d'être qui nous sommes vraiment ? Etes-vous réellement tous d'accord avec la communauté ? N'avez-vous jamais de doute ? Vos pensées sont-elles toujours en accord avec vos actes ? Le monde tel qu'il est vous convient-il ? Peut-être ne savez-vous pas répondre à ces questions qui vous taraudent ? Peut-être ne souhaitez-vous pas vous les poser ? Qu'est ce qui peut encore vous émerveiller ? Une voix ? Un enfant ? Une petite fleur qui éclot ? Pourquoi ne préférez-vous pas imaginer que faire ? Le monde en serait-il moins beau ? Les hommes seraient-ils en péril en étant ce qu'ils sont ? La nature de l'humain n'est-elle pas de chercher à comprendre le monde qui l'entoure ? Et vous, finalement, que voulez-vous ? Rester enfermés, prisonniers de vos chaînes ? Résistez mes amis ! Soyez les artisans de votre avenir. Ne laissez pas ceux qui jugent vous arrêter dans vos idées. La vie et l'amour ne se commandent pas mais il y a une règle qui les fait exister. La seule de l'univers que l'on ne peut jamais entraver. Cette loi des lois c'est la liberté ! Elle, moi, vous, au fond quelle importance du moment que l'on est libre et de voir plus loin. Pour nous, c'est terminé. Vos lois et coutumes nous condamnent à la mort. Si elle n'est physique elle est morale donc adieu…Quelle que soit la sentence, soyez ce que vous êtes. Et gardez en mémoire qui nous fûmes… Ce furent leur derniers mots.

 

FIN

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