Liberté Egalité Loukoum
Hugues Verschoote
Cette comédie est dédiée à Pierre Desproges, à qui je dois « la maison
d’Ondine au dos des dunes. » Elle a été créée le 1er Juillet 2005 par la troupe Distil’form et reprise notamment en 2009 par la Cie Bel’Adone.
PERSONNAGES
Acteurs :
Le (la) professeur(e) _______________
Hugo, le chevalier Hugo _______________
Bis-Troh, bateleur taverne _______________
Ce cher Hassad, conteur _______________
La belle Adone, enchanteresse _______________
Mélanine, princesse du Pays Blanc _______________
Obolan, émir de Minoutorou _______________
Le prince Alibadin, fils d’Obolan _______________
Ondine, fille d'Adone _______________
Le grand vizir Kohnium _______________
Danseuses :
Les insurgées, la suite de Mélanine,
Les danseuses du palais, les génies de Téoulà.
MUSIQUES UTILISEES LORS DE LA CREATION
Musiques orientales traditionnelles : Danse avec le sabre – Baladi – Danse du voile – Danse du mariage - Percussions...
Danse des génies de Téoulà : Teocalli « Voie lactée ».
Musiques additionnelles sur scènes de théâtre :
Airs de : E. Moréna « Le chevalier blanc », Disney-Studios « Zorro » - Extraits de : Ch. Aznavour « Emmenez-moi » - Starwars « La marche impériale » - E.Morricone « Harmonica » - B. Minet « Capitaine Flam ».
L’EPOQUE ET LE LIEU : 1ère scène au théâtre de Châteauroux (Ind’e), puis hors du temps – peut-être au XVIIe siècle- , dans un chaud pays côtier imaginaire, le sultanémirat de Minoutorou.
Scène 1 : L’EXERCICE DE THEATRE
Hugo s’est glissé dans le public, il porte sur sa poitrine le sigle « bouée canard ». La Professeure entre seule sur scène.
La Prof :
Je vous propose un exercice de théâtre…N’ayons pas peur
De venir sur scène s’amuser entre acteurs, pas « en tracteur » !
Il faut faire une improvisation à partir d’un objet,
Inventer une histoire, mais l’objet doit être détourné.
Y a-t-il un candidat dans le public ?…
Personne ne se désigne : il y a un hic !
Je vais donc choisir quelqu’un au hasard…
Heu…Tiens le grand là, avec la bouée canard !
Hugo :
Moi ?
La Prof :
Oui ! Ce n’est pas une bien lourde tâche !
Hugo (montant sur scène, à cour) :
Ben voyons ! Moi je trouve que c’est un coup de vache !
La Prof :
Voici l’objet : c’est un cône de papier.
Hugo :
Il me vient bien une idée pour essayer
D’utiliser ce drôle de pétard géant,
Oui oui oui, en vérité, sans prendre de gants.
Excusez-moi, j’ai peur de ne pas réussir,
Car c’est une histoire qu’il faudrait écrire.
La Prof (autoritaire) :
Ah non ! Ce n’est pas l’objet que l’on vise,
J’ai dit : je veux et j’exige que tu improvises !
(La prof a pris l’objet et l’a posé au sol. Elle s’assoie pendant que Hugo se place et enfourche son « cheval ».)
Hugo :
Quel plaisir de chevaucher près de la rivière
Où il fait bien moins chaud qu’au pays des rizières…
Holà mon ami, arrêtons nos chevaux :
Je vois quelque chose qui dépasse de l’eau !
Quelle est donc cette sorte de pique ?
Oh ! Ce n’est pas une pique, mais une relique !
Nous venons de toucher le gros lot,
Regardez : c’est le nez de Cyrano !
Pour les étrangers : it is the Cyrano’s nose...
La Prof :
Non, c’est en français que je veux que tu causes !
Hugo :
Oh ! Bien sûr il a une drôle de mine,
Hum, hum, attendez que mieux je l’examine…
Mais quels sont les faquins, les marauds, les butors,
Les sbires du mal qui lui ont fait tant de tort ?
Au mépris de Roxane qui en porte encor le deuil,
Ces bandits ont osé profaner son cercueil !
Ah ! Il y en a qui ne se font pas peur :
Ce nez a été scié à la base ! Quelle horreur !
Eh bien, je serai comme son propriétaire :
Personne ne réussira à me faire taire…
Une douleur monte à mon côté, aïe, ouille !
J’ai des fourmis dans mon épée : ça me chatouille…
Tenez, prenez ce nez qu’il faut préserver et
Poursuivons les bandits : nous devons le venger !
(Hugo remonte à cheval et sort à jardin, puis revient saluer le public.)
La Prof :
Eh bien c’est sûr, ce n’était pas facile à dire.
C’est pas mal du tout, je crois que l’on peut l’applaudir !
(...)
Mais maintenant Hugo, ramasse tes billes :
Le public préfère regarder les filles !
DANSE
Scène 2 : LA TAVERNE
Entrée de Hugo à cour avec un chapeau à plume, une cape et une épée, toujours à cheval. En fond de scène, des « stands ».
En coulisses (chanté) :
« Emmenez-moi au bout de la terre,
Emmenez moi au pays des merveilles… »
Hugo :
Je vous en prie, laissez-nous rêver, cher public,
Voyez cette féerie, sentez se lever ce souffle épique !
Ce nez, relique tragique, pathétique, est magique,
Il nous a transportés en un lieu magnifique,
Dans une atmosphère où le temps et l’espace
Se réduisent, se mèlent, que dis-je, où ils n’ont plus leur place !
Quelle drôle de contrée ! Dans quelle ville suis-je arrivé ?
Ces filles survoltées : ce sont des révoltées !
La chaleur me donne soif et le voyage m’a fatigué :
Je dois donc aller boire et aussi me reposer…
« Têt’d’Âne », mon fidèle cheval, reste bien sage,
Je vais chercher une taverne dans les parages...
(Entrée du bateleur, à jardin.)
Cette odeur de poisson ! Nous sommes dans un port, un marché…
Ah ! Voici quelqu’un, qui va me renseigner.
Dites-moi, mon brave, dans quel pays sommes-nous ?
Bis-Troh :
Dans le sultanémirat de Minoutorou !
Entrez, noble étranger, ce n’est pas un tripot mal famé.
Ici vous pourrez boire, manger, vous amuser :
C’est le seul endroit qui reste libre en cette contrée.
(Il le fait asseoir sur le côté de la scène.)
Installez-vous ici, vous serez comme un œuf en gelée.
Hugo :
Hein ? Comme un coq en pâte, voulez-vous dire !
Bis-Troh :
Messire, ici les œufs n’ont pas le temps de grandir !
Nous recevons les plus nobles voyageurs :
En attendant le dîner, admirez nos danseurs.
DANSE
Le bateleur revient au centre. Hugo reste en bordure de scène.
Bis-Troh :
Du cimeterre magique écoutez la véritable histoire !
Une grande lueur apparut dans le ciel noir,
Puis un fort sifflement : c’était un sabre
Qui, venu des étoiles, tomba dans le sable.
Obolan le trouva et devint sultanémir
Après avoir vaincu l’ancien émir Ifik
Grâce au sabre magique qui le rend invincible ;
Alors vénérez-le ou sa vengeance sera terrible !
DANSE orientale
Scène 3 – ONDINE
Hugo à jardin sort de la taverne et rencontre Hassad qui entre à cour.
Hassad :
Quel bonheur de vous voir, Chevalier, je vous attendais !
C’est bien vous : le costume plein de poussière, votre épée ;
Les devins vous annonçaient, vous voici comme le Messie :
Tout me montre que vous êtes bien celui…
Hugo (Chanté – air du « chevalier blanc ») :
On m’appelle chevalier Hugo
Et mon idole est Cyrano,
Dans la campagne ou dans les tripots,
Je vais et je vole au secours des moins beaux.
Jamais personne ne me fait peur,
J’ai pour moi la force et l’honneur,
La justice guide mon bras
Pour pourfendre les scélérats.
Lalalala lalalala Lalalala lalalala
Lalalala lalalalo On m’appeeeeeeeeeeeeeeeelle…
Chevalier Hugo !
(Parlé) :
Mais vous monsieur, qui êtes-vous ? Un prêcheur ?
Hassad :
Hassad, conteur sur ce marché et pauvre pêcheur.
Ecrasés d’impôts, pour vivre nous en sommes réduits
Ma fille Ondine à danser, ma femme à exercer la sorcellerie,
Moi à pêcher, vendre le poisson et faire le conteur…
Hugo :
Parle-moi d’Ondine, si tu n’es un fieffé menteur !
Hassad :
Dans la chaude ville de Minoutorou, cette gamine
Habite près de la mer : la maison d’Ondine
Est au dos des dunes. On dirait une scène de théâtre :
Coté cour, il y a un jardin ; côté jardin, ô bellâtre…
Hugo :
Ne m’insulte pas ou tu pourras compter tes jours !
Mais dis-moi, cher Hassad : côté jardin, c’est une cour ?
Hassad :
La mer !… Ondine aime regarder la mer, elle se dandine
Quand elle voit passer son père parti très tôt pêcher la sardine,
Elle regarde son papa parti pour pêcher ces poissons si petits
Et se demande pourquoi ils ne seraient plus là à midi
Et qu’il faut sortir du port à cinq heures du matin !
Hugo :
Où il est le poisson à midi ? A la montagne ?… Malin !
Hassad :
Lorsque vient l’heure du repas, Ondine regarde son père sur la mer.
Comme son papa n’est pas là, elle est amère. Ondine, pas la mer !
Hugo :
Et la mère ?
Hassad :
La mère d’Ondine, c’est Adone.
Capable de rendre le plus bavard aphone,
Quand elle a fini de préparer ses philtres et ses tours,
Alors elle fait cuire le poisson avec amour
Puis, à l’heure de dîner, elle appelle : « On dîne ! »
Hugo (goguenard) :
Ondine : « Je regarde la mer »…
Hassad :
La mère encore : « Ondine, on dîne ! »
Et pendant qu’Ondine dîne, les vagues dansent sur la mer.
Hugo :
Là !… Est-ce votre Ondine qui danse pour son père ?…
Hassad hausse les épaules. Ils sortent à jardin.
DANSE orientale
Scène 4 : LA BELLE ADONE
A la sortie des danseuses, Hassad et Hugo se rapprochent du centre de la scène.
Même décor que la scène précédente, avec tâches de couleurs sur le fond de scène pour suggérer les stands de la médina. Entrée d’Adone.
Hassad (à Hugo) :
Mais voici la belle Adone, la reine des charmes
Prenez garde : son pouvoir surpasse toutes les armes…
Adone (à Hassad) :
Ah ! Je savais bien que je te trouverai là.
J’aurai besoin de toi… Mais qui c’est celui-là ?
Hugo (chanté) :
On m’appelle chevalier Hugo
Et mon idole est Cyrano…
Hassad :
Ca va, ça va, promis je lui raconterai !
Votre musique fait bizarre dans cette contrée…
Hugo :
Souffrez madame, que je me présente : Hugo,
(Il lui fait un baise-main, quand il se courbe l’épée soulève la cape. Adone a l’air étonnée.)
Défenseur des sports et loisirs, héritier de Cyrano,
A la recherche des profanateurs de sépulture
Qui l’ont certainement soumis à la torture.
Adone :
Mes voyances me disent que votre quête va aboutir :
Ceux que vous cherchez sont les sbires de l’émir.
Cyrano a voulu combattre le tyran en ce pays
Mais a été fait prisonnier par traîtrise et magie.
Oui, ce calife de Minoutorou est notre ennemi commun,
Or il faut agir d’urgence et le vaincre avant demain.
Hassad :
Il détient sa puissance d’un cimeterre enchanté
Dont les pouvoirs risquent cependant de le quitter :
L’oracle dit qu’ils seront limités dans le temps
Si l’objet n’est pas cédé à son descendant.
Pour sauvegarder sa place il veut marier d’urgence
Son fils Alibadin à la princesse Mélanine la Blanche.
Hugo :
Ce jeune prince, est-il lui aussi notre ennemi ?
Hassad :
Non, il est partisan des jeux, de l’amour et des ris.
Pourquoi croyez-vous qu’il se nomme Alibadin ?
Il est léger, mais c’est un garçon cultivé et pas chien.
Adone :
C’est par peur qu’il n’ose désobéir au sultanémir,
Mais épouser Ondine serait son plus cher désir.
Hugo :
Il n’est donc pas amoureux de cette princesse du Nord ?
Hassad :
C’est l’Emir qui l’a choisie, uniquement par soif de l’or.
Oui, c’est un mariage conclu pour la raison politique
Et le Prince aime notre fille : voyez comme c’est inique !
Adone :
Le mariage est pour demain, mais la princesse Mélanine
Arrive aujourd’hui : je crains la réaction d’Ondine…
Il faut tout de suite établir un plan d’action.
Chevalier, vous aiderez-nous pour de bon ?
Hugo (à Adone) :
Que puis-je contre l’ émir et ses pouvoirs magiques ?
(à Hassad) Et puis il a plein de soldats : toute une clique !
Adone :
Le peuple nous aidera car beaucoup ont faim.
Nous n’avons que du poisson : plus de riz, plus de pain.
Nous allons organiser la révolte des insurgés ;
Vous, c’est l’émir seul que vous devrez défier.
Ma sorcellerie renforcera votre épée…
Mais attendez… J’entend des bruits de pieds !
Hassad :
Regardez ! Voici Mélanine et son escorte !
Oh Oh, elle a l’air ma foi assez accorte.
Adone :
Vieux croûton ! Ne te laisse pas bluffer par les apparences !
Hassad :
Elle paraît si belle et si frêle : laisse lui sa chance.
Regarde sa suite, vois comme ils nous ressemblent.
Adone :
S’ils s’allient au tyran c’est le drame, j’en tremble…
Hugo :
Il est vrai qu’ils dansent comme vos amis conjurés :
Cette princesse me paraît bien moderne, purée !
Adone :
Venez, chevalier, nous avons un travail à faire,
Il faudra du temps pour enchanter votre rapière.
Laissons Hassad ici pour surveiller ce marché.
Hassad :
Allez ! Moi je reste… (en aparté) Pour les regarder danser !
Elle qu’on disait d’une froideur germanique,
La chaleur lui réussit ! Soyons bon public...
Mélanine traverse la scène de cour à jardin, suivie des danseuses qui s’arrêtent en place pour danser
DANSE
Pendant la danse, Mélanine fait le tour en coulisses pour revenir côté cour.
Noir rapide en fin de danse, la musique s’estompe progressivement.
Scène 5 : MELANINE ARRIVE AU PALAIS
Dans le palais. Entrée de l’Emir à jardin - sur musique la marche impériale - et de Mélanine à cour.
L’émir :
Chère princesse Mélanine, vous voici enfin !
- Gardes, faites quérir le prince Alibadin ! -
Moi le plus grand sultan émir de la région,
J’ai le plaisir de vous accueillir dans ma maison.
Je vous promets ici un bonheur serein
Grâce à l’alliance de votre pays et du mien…
Mélanine :
Votre pays est très joli, la médina très gaie,
Mais quelle différence entre les pauvres et le palais !
Si je n’étais pas si bien éduquée,
Je dirais que j’en suis un peu choquée.
L’émir :
Mais oubliez cela, voici Alibadin…
Tu étais encore au marché, petit gredin,
Encore à te mêler au bas peuple, alors
Que tu as tout ici : le vin, le pouvoir, l’or…
Alibadin :
J’ai le droit de voir ma copine Ondine, ce me semble,
Etant enfants, nous jouions déjà ensembles !
Princesse, l’usage commande que je vous fasse la cour,
Puissent les dieux faire que naisse entre nous l’amour.
Mélanine :
Oh ! Vous savez, moi je n’ai rien d’autre à faire :
Je suis ici pour obéir à mon père,
Mais je suis heureuse de vous voir si charmant !
L’émir :
Eh bien, c’est pas gagné !…Suivez-moi, jeunes gens…
(Ils marchent. On apporte le sabre-laser fermé, sur un coussin.)
Voici une chose qui vous fera changer d’avis :
Ce cimeterre possède la plus puissante magie.
Par lui, obtenez ce que vous attendez de la vie,
C’est le plus beau cadeau de mariage du pays.
Tant que durera votre union, prince et princesse,
Il vous garantira pouvoir et richesse.
Alibadin :
Père, vous acceptez de vous en défaire ?
La légende est donc vraie : il protège de la guerre
Pour un temps limité et le vôtre est échu !
L’émir :
Non mon fils, ce n’est pas que je n’en veuille plus :
Au contraire, je vous offre mon bien le plus précieux
Pour sceller votre belle alliance devant les dieux.
Nous allons fonder une grande dynastie,
Le sabre nous protègera de nos ennemis ;
Vous verrez, vous aurez une belle descendance !
Réjouissons-nous, en admirant cette danse …
DANSE orientale
Scène 6 : LA TANIERE DE L’ENCHANTERESSE
Entrée de Adone et de Hugo dans le noir. La poursuite s’allume sur eux, puis des projecteurs rouges alentour. Zone de pénombre pour l’entrée des génies. Bruitage : extrait de « brume » (15 sec.)
Adone :
Dites-moi d’abord quel est ce curieux dessin
Qui orne votre poitrine et paraît peint à la main :
Cet animal mythique a-t-il un rôle magique ?
Sa drôle de forme est-elle une illusion d’optique ?
Hugo :
Mon blason est une bouée canard car
Par l’humour je veux populariser les arts…
Adone :
Et quel est cet attirail que vous avez sur le nez ?
Hugo :
Ce sont des lunettes, comme en portent les justiciers,
Une sorte de masque, si vous préférez !
Adone :
Je vous trouve bien étrange, chevalier…
Hugo :
Etrange, vous avez dit étrange... Comme c’est étrange,
Cela dit par une sorcière belle comme un ange...
Adone :
Eh bien en fait, je voulais dire bizarre...
Hugo : Bizarre ?
Il me souvient un grand moment du septième art...
Mais bien sûr, vous ne connaissez pas. Ecoutez,
Au pays d’où je viens, nous avons la « télé ».
Télévision : cela signifie « voir de loin ».
Sous la forme d’une simple boîte à quatre coins,
C’est une fenêtre ouverte sur le monde
Où les images et les informations abondent,
Tout cela accessible à chacun et chacune...
Elle a même montré des hommes sur la lune,
Qui y marchaient avec le pied léger léger... (Il mime...)
Mais pour y aller il a fallu une fusée !
Vous, comment m’avez-vous fait venir de chez moi ?
Adone :
Ah ! Je ne comprend rien à votre charabia !
C’est simple, j’ai juste dit une formule magique...
Allons, il est temps de passer à la pratique.
Hugo :
Et c’est vous qui me trouvez bizarre ! Je peux, moi,
Trouver plus de bizzareries à votre endroit !
Adone :
Bon ! D’abord votre épée : elle descend vers la terre...
Hugo :
La voici : elle est forgée dans le meilleur fer !
(En même temps, Hugo prend l’épée, la remet à Adone, l’épée tombe, Hugo la rattrape et la présente.)
Adone :
Par le pouvoir d’Aïcha, que la force de l’élastique
(Passes de mains au dessus de l’épée.)
Confère à cette arme la puissance mystique…
Maintenant, chevalier, elle va monter au ciel
Et vous donnera une victoire au goût de miel !
(Hugo teste l’épée, qui cette fois monte en l’air.)
Hugo :
Bof, oui, bon, mais est-ce que ce sera suffisant
Pour anéantir l’émir, ce monstre déplaisant ?
Adone :
Euh…Peut-être pas. Et pour plus de sûreté,
Je vais dire les sortilèges pour invoquer
Le gracieux génie de la danseuse El’Yza :
C’est votre propre force qu’elle renforcera…
Enfin, j’espère bien que c’est ce qu’elle fera !
(Jetant les paillettes en l’air)
Abracadabra, revenants de Téoulà,
Purs esprits, que les génies se matérialisent,
Et « dansent en corps » pour que nos vœux se réalisent !
(Effets de lumière, Hugo et Adone reculent en fond de scène, musique, apparition des « danseuses-génies » qui projettent la puissance de la danse vers Hugo. Lui et Adone avancent pendant qu’Ondine se place à cour.)
Hugo :
Je me sens ragaillardi, comme après une séance
De gym, d’escrime, ou après un cours de danse !
Cela me donne faim : où peut-on se restaurer ?
Adone :
Chez moi, mais il n’y a que du poisson à manger…
(Elle lui donne un poisson sorti magiquement du crâne accessoire… Hugo prend l’air dégoûté…)
Ondine !
Ondine :
Je n’ai pas faim !
Adone :
Arrête ces bêtises !
Rassemble nos amis, il faut que je leur dise
Qu’aujourd’hui, l’heure de la révolte est venue.
Faisons du bruit, que Hugo agisse sans être vu.
Hugo :
Il vous faut en effet faire une belle diversion :
J’entre dans le palais et défie le démon !
Ondine :
De votre courroux préservez Alibadin,
Car je l’aime, et l’aimerai jusqu’à la fin !
Hugo :
C’est promis : on m’a dit qu’il est un bon garçon,
Cette preuve d’amour a fini de me convaincre.
Mais il est temps d’agir, c’est l’émir qu’il faut vaincre,
Alors maintenant allons ! Au Palais ! Marchons !
DANSE
Noir en fin de danse pour suggérer le changement de décor.
Scène 7 : LE GRAND VIZIR
Décor palais. L’émir, Alibadin et Mélanine entrent dans la pénombre. Allumage des « faces ». L’émir est en discussion avec Alibadin et Mélanine, lorsque le grand vizir fait irruption.
Le vizir :
Altesse ! Les insurgés sont aux portes du palais…
L’émir :
Bonjour, vizir Kohnium ! Que veulent-ils, s’il vous plait ?
Le vizir :
Ils réclament à manger : du riz et du pain.
L’émir :
Dites-leur que si on manque de pain ça ne fait rien,
Ils n’ont qu’à manger des loukoums, comme nous :
Nous ne manquons pas de sucre à Minoutorou !
Le vizir :
Mais, Seigneur, des loukoums avec le poisson,
Vous n’y pensez pas : ce mélange n’est pas très bon !
L’émir :
Je soupçonne qu’il y ait autre chose là-dessous ;
Votre fille la vizirette ne serait-elle pas dans le coup ?
Le vizir :
Alkaline, la vizirette comme vous dites, aurait préféré
Une grande lessive avec votre bourreau adoré.
Il fallait étêter les conjurés : Adone, Hassad, Ondine,
(Geste sur « étêter »)
Et marier le prince Alibadin avec Alkaline !
L’émir :
Vizir, Alkaline est trop électrique :
Il faut être plus doux en politique.
Si l’on tranchait la tête de ce cher Hassad,
Vous n’auriez plus une manif, mais un Jihad !
Le vizir :
Contre les insurgés, les trublions, que fait-on ?
L’émir :
Faites-leur donc donner quelques coups de bâton !
(Se tournant vers Alibadin et Mélanine)
Excusez, madame, cette fâcheuse intrusion
Du vizir, cette poule mouillée, et continuons…
Qu’en penses-tu, ô toi mon fils, mon successeur ?
Alibadin :
Vous avez raison mon père, de ne pas avoir peur
De l’insurrection : la magie du sabre vous protège.
Mais le mariage m’inquiète : l’amour n’est pas du cortège.
Mélanine :
Alibadin me paraît bien accaparé :
Ondine, Alkaline, que de soupirantes à ses pieds !
Moi je n’ai plus très envie de me marier :
C’est pour venir dans un pays chaud que j’avais accepté !
L’émir :
Allons, allons, il vous faut changer d’avis !
Vous vous marierez : les rois l’ont décidé ainsi.
(Entrée d’une danseuse orientale, leur apportant des loukoums.)
D’ailleurs je suis sûr que vous vous plairez ici :
Goûtez ces loukoums, vous en serez ravie !
Et admirez avec nous ces danseuses orientales :
Ne sont-elles pas plus belles que vos froides vestales ?
(Entrée des autres danseuses orientales)
DANSE orientale
Scène 8 : LE DUEL
L’émir entre à jardin sur musique « la marche impériale » (13’’). Alibadin et la princesse Mélanine le suivent. Bruits de pas, de bagarre et musique « Harmonica » 19’’ . L’émir écoute…
L’émir :
Quel est ce ramdam ? Grand vizir, à moi !
(Irruption du vizir côté cour, l’air affolé. Il coure vers l’émir et montre « cour » du doigt…)
Le Vizir :
Mon dieu !
L’émir :
Je suis là !
(Entrée d’Hugo à cour – arrêt de la musique)
Dites-moi, qui c’est celui-là ?
Hugo (chanté) :
On m’appelle chevalier Hugo
Et mon idole est Cyrano,
Dans la campagne ou dans les tripots,
Je vais et je vole au secours des moins beaux.
Jamais personne ne me fait peur,
J’ai pour moi la force et l’honneur,
La justice guide mon bras
Pour pourfendre les scélérats.
Lalalala lalalala lalalala lalalala
Lalalala lalalalo On m’appeee (le vizir regarde son sablier) eeelle… Chevalier Hugo !
L’émir (Ebahi, puis se met à rire) :
Ah Ah Ah ! Mon pauvre ami, que peut ton épée
Contre la magie de mes plus grands sorciers ?
Hugo :
Ton cimeterre est bien terre à terre ;
Ma rapière elle, elle peut monter en l’air !
(Tour de l’épée qui monte)
L’émir :
Je connais bien la magie de l’élastique,
Croyais-tu qu’elle pouvait tromper le public ?
Vizir, montre ce que peut faire un vrai fakir :
Plante cette pique dans ton bras et sans rire !
(Le vizir plante le poignard : tour avec le carton sur l’avant bras)
Le vizir :
Ouille ! Aïe !
Hugo :
Jeu d’enfant ! Moi je suis bien plus dur,
(Il enfile un gantelet et plante plusieurs brochettes)
Je serai le plus fort, car mon sang est pur !
L’émir (ouvrant et brandissant le « sabre- laser ») :
Et que diras-tu si je te décapite ?
Hugo :
Mon cou ne craint pas les coups, car Dieu m’habite.
Regarde cet instrument de mon pays natal :
Il me traverse sans me faire aucun mal !
(Tour de la fourchette plantée dans la nuque ressortant par la bouche)
L’émir :
Là je suis épaté ! Je vais quand même te tuer :
Cyrano lui-même n’a pu me résister…
Hugo :
C’était bien toi ! C’était vrai ! Maintenant je sais !
L’émir :
Voyons si tu sais te servir de ton épée !
(Combat épée contre sabre-laser – musique « Capitaine Flam » 30’’)
Hugo :
Quelle honte, rançonner toute une ville :
De tous les vilains tu es vraiment le plus vil !
Ancien champion peut-être, tu as bien vieilli :
A la fin de l’envoi je touche et c’est fini !
(Alibadin se précipite vers son père qui tombe à terre.)
Alibadin :
Père, je n’ai pas voulu cela, mais tu l’as cherché !
Je t’aimais, mais j’aurai du mal à te regretter !
L’Emir :
Mon fils, emmène-moi jusqu’à mon lit
Car je ne veux pas qu’on me voit souffrir ici !
(L’émir et Alibadin sortent à jardin. Irruption d’Adone à cour)
Adone :
Victoire, Hugo ! ça c’est un bon duel, mon ami !
Hugo :
Un Bonduelle… Si c’est d’Aucy, j’y vais aussi !
Adone :
Les insurgés investissent le palais…
Quand on sera aux cuisines, on aura gagné !
Le vizir :
Les combats continuent, écoutez… J’ai changé !
(En retournant sa veste)
Je vous soutiens : m’acceptez-vous à vos côtés ?
Adone et Hugo : (rires)
(Adone et Hugo sortent en riant et se moquant du vizir, qui les suit, penaud.)
DANSE
Scène 9 : VICTOIRE DE L’INSURRECTION
Alibadin revient. Entrée d’Ondine, qui se jette dans ses bras.
Alibadin :
C’est fini…
Ondine :
Victoire ! La liberté a gagné !
Alibadin :
O mon amour ! Enfin nous voici assemblés.
Hassad :
Chevalier ! J’ai composé une ode en ton honneur.
Hugo :
Eh bien, qu’attends-tu pour la chanter sur l’heure ?
Hassad : (il déplie un papier et chante sur l’air du « Zorro » de la série Disney)
« Un chevalier surgi d’un autre pays
Cours vers l’aventure au galop.
Son nom, il le signe quand il écrit,
D’un H qui veut dire Hugo.
Hugo, Hugo, dign’héritier de Cyrano,
Hugo, Hugo, vainqueur parc’que t’as eu du pot ! »
(Tous, sauf Hugo) :
Hugo… Hugo… Hugo… Hugo…
Hugo :
Ce Cher Hassad ! Voilà une belle chansonnette,
Qui deviendra célèbre … (En aparté) Avec des paroles moins bêtes !
(Tous, sauf Hassad) : (rires)
Adone :
Nous devons remercier le chevalier :
Que désirez-vous ? Vos souhaits seront exaucés !
Hugo :
J’aimerai, en compagnie de Mélanine la blanche,
Passer ici quelques semaines de vacances.
Mélanine :
Oh oui, le chevalier est ma foi admirable
Et le séjour ici me sera fort agréable !
Adone :
Accordé ! Vous faites je crois un bon choix.
Mais il nous faut à présent élire un nouveau roi !
Hugo :
Pourquoi ne pas élire Alibadin président ?
Je suis sûr qu’il protègera les innocents …
Alibadin (s’adressant au peuple, donc au public) :
Pour la liberté, est-ce que vous êtes mûrs ?
J’ouvre les prisons : c’est fini la vie dure !
Je supprime les impôts, j’abolis la torture,
Je choisis pour ministres des hommes au cœur pur !
Hassad :
C’est décidé : vive Alibadin, le président-émir !
Alibadin (à Hassad) :
Et toi, tu seras mon premier grand vizir !
Et en même temps tu deviens mon beau-père,
La noce est prête : c’est avec Ondine que je veux la faire !
Hassad (taquin) :
D’accord, mais méfie-toi de ta future belle-mère !
Adone :
Ne l’écoute pas : vous avez ma bénédiction !
Maintenant, dansons, fêtons la libération !
(Rire général)
DANSE orientale (isis wings)
SCENE 10 : LE MARIAGE
Tous les acteurs entrent sur scène (sauf l’émir), le bateleur en dernier.
Bis-Troh :
Regardez, voici ma nouvelle invention :
Des loukoums au poisson, ils sont très très très bons !…
(Grimace des autres. Entrée de l’émir à jardin)
Obolan ! L’émir Obolan n’était pas mort !
Obolan :
Mais je suis guéri, je ne ferai plus de torts !
Hassad :
Venez participer aux fêtes du mariage !
Adone :
Et libérez tous les oiseaux de leurs cages !
(Pendant que les autres s’amusent, Obolan se rapproche de Hassad.)
Obolan :
Savez-vous qu’en fait mon but réel est atteint :
Je suis comblé par le bonheur d’Alibadin.
Hassad :
Je sais qu’on peut couper la tête d’un âne gris,
Mais changer les rayures d’un zèbre, même par magie !
N’avez-vous songé à vous remarier ? C’est bête…
Obolan
(version 1) :
Vous savez, « L’amour est un bouquet de belettes… »
Lorsqu’on détient le pouvoir, il est difficile
De ne pas se faire mordre les doigts ! Ah, les filles !
J’ai eu une fois une aventure un peu sérieuse :
Je l’ai couverte d’or, de bijoux et la gueuse,
Qui chaque jour me promettait bien la lune,
A ainsi amassé une petite fortune
Et partit en chantant « adieu l’émir, je t’aimais tant… »
Puisse Ondine, qui elle est honnête, vivre longtemps.
(version 2) :
Vous savez, « L’amour est un bouquet de belettes… »
Oui, je m’y suis fais mordre les doigts une fois !
Mais bon sang, on ne m’y reprendra pas deux fois :
Elle partit en chantant « adieu l’émir, je t’aimais tant… » !
Puisse Ondine, qui elle est honnête, vivre longtemps.
Hugo (à Mélanine) :
Dites-moi, ces gens sont vraiment indécrottables :
Président et Emir ! Mais c’est antinomique !
Mélanine :
A l’épée vous êtes sûrement très capable,
Mais êtes-vous au fait de la chose politique ?
Grâce à vous, ce peuple a fait un énorme bond,
La démocratie demande longue maturation.
Ces jeunes mariés, c’est la paix qu’ils amèneront...
(Voyant arriver Bis-Troh)
Taisez-vous et goûtez un loukoum au poisson !
Bis-Troh :
En fait, savez-vous la vraie signification
De « loukoum » ?
Hugo
Douceur ?
Bis-Troh :
Non, pour la révolution
Il veut dire en réalité « chance pour tous »...
(Tendant son plateau)
J’ai donné ce nom à mes douceurs pleines de goût !
Hugo :
(L’air dégoûté, il prend prétexte de la danse pour se défiler)
(Rires)
Je vous propose une devise pour Minoutorou.
Tous ensembles : Liberté, Egalité…
Tous :
Loukoum !
Musique (Arrabiata version courte)
Les acteurs reculent et laissent les danseuses devant.
SALUTS
Hugo :
Ah bravo ! Alors maintenant, tous en scène
Pour apprendre l’Arrabiata sans peine !
Des danseuses orientales vont dans le public et font participer les spectateurs.
Scène de liesse, montée sur scène de tout le « peuple ».