Libre ?

yeager

Une clé dans l'écrou suivi d'un cliquetis

La grille s'ouvre, je m'assois dans mon lit.

Deux matons apparaissent barrant l'entrée

« Tu es libre » me dit l'un, d'une voix épuisée.

Libre ? C'est à dire ? Je cherche dans mes souvenirs

Où en est mon procès ; de mon avocate les dires.

Non, rien ne me revient, mais faut me comprendre,

Quatre années dans ce trou, mon cerveau est en cendre.


« Libre de sortir ? ». Ma voix tremble et mon œil cligne de stress.

Mais en face les deux flics gardent un silence de détresse.

Mais oui, bien sûr ! Ils enragent à l'idée de me voir dehors,

Alors qu'eux restent ici au milieu de ces morts.

Salauds. Je vous enverrai, c'est promis, une carte postale

De mon périple, j'en rêvais, sur une terre australe.

Mais voyons un peu ce que je vais faire dans les heures,

Qui suivront ma sortie. Une vie sans la peur,

Qu'un humain « supérieur » s'amuse tous les soirs à m'enfermer,

Ou qu'un autre se délecte de me voir effondré,

En parlant de ma femme, au parloir, venue,

Repartie aussitôt car il l'avait prévenue,

Que son « con de mari », avec ses idées d'anars

Se trouvait pour trois jours dans la nuit du mitard.


Dès demain je marcherai pieds nus dans de l'herbe,

Avec pour seuls gardiens des chênes superbes.

Je prendrai dans mes bras celle qui m'a soutenu,

Toutes ces années où j'ai payé mon dû.

M'endormir, sa tête, si légère, sur mon torse

Et prendre sa main, la garder avec force.

Je pleurerai aussi, car dans un monde d'homme,

Une larme innocente vaut bien plus qu'un royaume.

Et je rirai. Je rirai. Je rirai à la face du monde,

Car de ma liberté utilisée comme une fronde,

Je lancerai au loin ….

Ma pensée s'arrête là, devant moi le gardien

Me fait signe tout de suite, sur mon lit de rester.

(J'avais commencé doucement à me lever.)

« Oui tu es libre... ». Il stoppa net sa phrase dans un rire bien gras.

« Tu es libre en effet, pour encore quatre ans, de rester là ».



Une clé dans l'écrou suivi d'un cliquetis

La grille se ferme je m'allonge dans mon lit.

Deux matons disparaissent dégageant l'entrée

De ma cage. Ils n'auront pas ma liberté.

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