L'île
Christian Navaro Vera
- Première partie -
LA RENCONTRE
Marc fut surpris de voir le cargo se dérouter afin de venir à sa rencontre. Cette manœuvre tout à fait inhabituelle dans le code maritime ne fut pas sans susciter un début d'inquiétude chez le marin. Peut-être le commandant du navire voulait-il simplement voir si tout allait bien à bord de ce petit sloop de dix mètres perdu dans l'immensité du Pacifique ? Arrivé à une encablure*, un membre de l'équipage du cargo, équipé d'un porte-voix, avertit qu'un cyclone se dirigeait sur zone et proposait à Marc d'abandonner son voilier et de monter à bord du navire. Le solitaire fit signe qu'il déclinait l'offre et préférait continuer sa route. Le cargo s'éloigna en lui souhaitant bonne chance.
Saisi d'un doute, Marc se demanda s'il avait fait le bon choix. Dans un premier temps, abandonner son bateau lui avait paru inimaginable, ce vieux compagnon qui avait partagé les plus beaux moments de sa vie ne méritait pas un tel traitement.
Il savait que peu de petits voiliers avaient survécu à un cyclone, et que probablement « Etoile Matutine » partirait par le fond… avec lui. Ce choix qui pourrait passer pour suicidaire aux yeux d'un terrien, était au contraire tout naturel pour un marin. Platon n'avait-il pas dit : « il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ». Mais sa décision étant prise, il lui fallait se préparer à affronter les éléments.
Le marin, la trentaine bien tassée, le teint hâlé qui faisait ressortir ses yeux clairs, le visage encadré par une barbe et une chevelure blonde dégageait une impression de force malgré une apparence physique plutôt ordinaire. Scaphandrier sur les plateformes pétrolières, il avait, après deux accidents de décompression, décidé de prendre trois années sabbatiques. La peur était désormais présente avant chaque plongée et une mise à distance avec son métier s'imposait. L'eau de mer coulant dans ses veines l'empêchait de s'éloigner de son élément et tout naturellement il se tourna vers la navigation à voile avec un tour du monde pour objectif. Dès lors il parcourait les océans depuis plus de dix-huit mois, jusque-là il s'était sorti honorablement de conditions parfois musclées qui avaient jalonné son périple, mais désormais il en allait tout autrement avec cette chronique d'un cyclone annoncé.
Il savait que, confronté à un tel déchaînement de la nature, un voilier ne peut qu'envisager la fuite par vent trois-quarts arrière, c'est-à-dire en abattant*, mais cette allure ne pouvait que le plonger un peu plus dans le désert du Pacifique en l'éloignant des côtes où il aurait pu trouver un abri. Se diriger vers le continent, par vent debout*, n'était pas envisageable, le bateau serait rapidement désintégré par les coups de boutoirs de lames gigantesques. La situation lui imposait d'abattre, naviguer vent arrière, et de gagner la périphérie de la dépression où mer et vent sont moins violents. Vu l'immensité d'un cyclone et la faible vitesse d'un voilier cela semblait dérisoire, mais même s'il lui restait une infime chance, il allait la tenter.
LE CYCLONE
Dans la soirée, alors que le vent soufflait de façon erratique allant de la faible brise au calme complet, une forte houle fit son apparition. « Quand on a pas la mer du vent »[1], selon le dicton marin, c'est le signe incontestable que du gros mauvais temps arrive. Il se prépara à étaler la tempête, il remplaça la grand-voile par une voile de gros temps et envoya le tourmentin* sur l'étai à la place du génois*.
Trois heures plus tard, le vent forcit à son tour avant de se déchaîner en levant une mer énorme. Comme prévu, le rouleau compresseur des lames déferlantes était bien au rendez-vous. Le bateau accéléra tant qu'il ne devint plus manœuvrable. La voile de gros temps, la suédoise, visiblement était de trop. Mais comment aller la réduire alors que le skipper ne pouvait quitter la barre ? S'il la lâchait le bateau se mettrait travers aux vagues et se retournerait aussitôt. La situation paraissait désespérée, les embardées se succédaient et le gouvernail menaçait de céder. Il sentait la barre en bois d'iroko se déformer, il s'y agrippait à deux mains, les pieds calés au fond du cockpit*, essayant d'éviter les départs au lof* qui auraient signifié un chavirage immédiat.
La providence vint au secours de Marc et en décida à sa place. Une rafale plus forte que les autres déchira la suédoise la réduisant en lambeaux. Aussitôt le voilier soulagea, devint plus souple à la vague et la barre devint plus maniable. Cependant, loin de se calmer, les éléments ne firent qu'empirer accélérant encore la vitesse du bateau qui menaçait maintenant de sancir* en passant cul par-dessus tête. Une déferlante plus violente que les précédentes submergea la poupe* et le barreur ne dut son salut qu'à sa ligne de vie* qu'il avait eu soin de crocheter. Il fut décollé du cockpit et se retrouva allongé sur le passavant* retenu par son harnais. Il regagna le poste de pilotage et reprit la barre pour constater que son canot habituellement fixé sur le pont avait été arraché. Le grondement effroyable qui avait accompagné la vague monstrueuse l'avait empêché d'entendre le choc.
Il fallait à nouveau intervenir et ralentir cette course folle car la seule pression du vent sur le mât était considérable. Il n'y avait qu'une seule alternative, le faire tomber.
Le solitaire attendit un moment plus favorable, décrocha sa ligne de vie et bloquant la barre, se précipita sur le pont une cisaille à la main. Après des efforts intenses il réussit à couper les haubans en épargnant le pataras, câble qui tient le mât sur l'arrière. Il entendait ainsi traîner l'espar* dans son sillage telle une ancre flottante* afin de freiner sa vitesse. Au moment où le mât passait par-dessus bord un hauban s'enroula autour de la cheville du marin et le précipita à l'eau. Marc, qui n'avait pas pris la peine de s'harnacher, pensa sa dernière heure arrivée. Dans cette immensité liquide où il n'avait aucune chance d'en réchapper, mieux valait se laisser couler que de lutter des heures en prolongeant son supplice.
Il cessa de nager prêt à accueillir cette mort en mer que chaque marin dit souhaiter. Sa vie en accéléré lui passa par l'esprit comme un flash. Seuls les bons moments de son existence lui revinrent en mémoire, il se sentait heureux tourbillonnant dans l'espace en état d'apesanteur, s'étonnant qu'il soit si agréable de quitter ce monde. Mais il fut tiré brutalement de cette béatitude sans limite par une douleur au pied. Au lieu de couler il se sentit propulsé vers l'avant, le hauban le maintenait toujours attaché à la cheville et l'entraînait dans la course du bateau comme si son sort était intimement lié à son voilier. Il se ressaisit et entreprit de remonter à bord en se halant peu à peu, main sur main, à l'aide du pataras* toujours relié au tableau arrière. Alourdi par ses vêtements et ses bottes il progressait très lentement et réussit finalement à atteindre le tableau arrière. Mais il lui fallait à présent franchir celui-ci qui s'élevait un mètre-cinquante au-dessus du niveau de l'eau. Opération impossible à réaliser même par calme plat, alors… dans sa situation !... Il restait bien l'échelle de bain fixée à la poupe, mais bien évidemment elle était remontée et attachée par un bout. Il ne lui restait qu'une solution mais pour cela il lui fallait son couteau. Il fouilla dans la poche de son ciré et miracle, le trouva. Il attendit qu'une vague le soulève et réussit à atteindre le bas de l'échelle. A moitié suspendu dans le vide, son corps pesant une tonne, il coupa le bout qui retenait l'échelle et celle-ci se déploya immédiatement. Sauvé ! A la suite d'un effort inouï, il réussit à remonter dans le cockpit où il s'évanouit d'épuisement.
En reprenant ses esprits, il constata sur la montre de bord qu'il avait dormi une douzaine d'heures. Le bateau, barre toujours amarrée à l'aide d'un cordage, continuait sa route en s'éloignant du centre de la dépression. La mer levait toujours d'énormes vagues mais celles-ci ne déferlaient plus et le vent faiblissant permit au skipper, en coupant le pataras, de se débarrasser de l'ancre flottante improvisée.
Pendant une journée le voilier sinistré continua sa route uniquement poussé par le vent et le courant. Le lendemain la situation devint maîtrisable, les éléments s'étant considérablement calmés. Le soleil revenu allait enfin lui permettre de faire un point astronomique à l'aide du sextant car Marc, suite à cette forte dérive, n'avait aucune idée de l'endroit précis où il se trouvait.
Malgré la houle résiduelle, il réussit à prendre une première hauteur de soleil*, il lui fallait maintenant attendre un minimum de cinq heures afin de faire une deuxième mesure. Son calcul, une fois réalisé, le situait à deux cent cinquante milles* au sud de sa route initiale, mais que faire avec un bateau non mâté ? Il n'avait aucune carte de la région, seul son routier, carte générale qui couvre une grande étendue, pouvait le renseigner. Il se trouvait loin de tout, en pleine désolation océanique, mais un examen approfondi du routier lui fit repérer une minuscule tâche, non mentionnée, à cinquante milles de sa position actuelle.
L'histoire de Tom Deale qui vécut seul pendant dix ans sur l'île de Suraman, pour s'isoler du monde des humains, lui revint en mémoire. Deale, qui n'était pas un marin, s'était fait déposer à cet endroit qui ne se trouvait pas sur la route habituelle des navigateurs océaniques. Rarement visitée, cette île lui avait donc convenu parfaitement. Cette tâche sur la carte ne pouvait être que Suraman. Une lueur d'espoir vint enfin éclairer son horizon. Il estima que sa réserve de carburant était à peine suffisante pour gagner l'île, de toute façon il n'avait pas d'autre alternative. Le moteur démarra sans problème et « Etoile Matutine » put faire route à la vitesse de six nœuds dans une mer désormais plus clémente. L'absence de mât faisait rouler horriblement le voilier et le trajet parut interminable au skipper qui sentait monter un début de mal de mer. A l'approche des côtes, l'île paraissait plutôt inhospitalière ; de forme conique, elle était entourée de falaises qui plongeaient directement dans la mer. Le sommet en forme de bec d'aigle culminait à deux cents mètres environ et une végétation abondante recouvrait ses pentes. Étrangement ce bec d'aigle lui rappela son port d'attache à La Ciotat où l'on trouve la même curiosité géologique. Il entreprit de contourner l'île afin de trouver le mouillage. Alors que l'alarme de la jauge à carburant se mettait à retentir sinistrement, il aperçut un espace dégagé et repéra la trace plus sombre de la passe précédant un lagon d'un bleu profond. Il était temps.
L'ILE DE SURAMAN
Marc jeta l'ancre dans vingt mètres d'eau. Au fond il pouvait distinguer plusieurs épaves ce qui ne contribua pas à le rassurer. Cette vision sinistre signifiait-elle que ce mouillage ne présentait aucune sécurité ? Sans sa chaloupe, passée par-dessus bord lors du cyclone, il gagna la plage à la nage. Dans un espace plat et dégagé se trouvait une baraque à l'abri de plusieurs arbres. Elle paraissait abandonnée depuis quelque temps car la végétation reprenait ses droits. A l'intérieur, il trouva un mobilier sommaire, une table, deux chaises, un sommier de bois et de corde et des ustensiles de cuisine qui ne tenaient que par la rouille. Sur une poutre, il déchiffra une inscription gravée au couteau : « B. Moitessier, 1970 ». Il était bien à Suraman ; le grand navigateur-écrivain Bernard Moitessier avait en effet relaté son passage sur l'île dix ans auparavant.
A présent Marc se souvenait parfaitement du livre autobiographique de Tom Deale qui vécut dix ans, d'un exil volontaire, sur ce bout de terre de huit kilomètres de diamètre. Malade, il s'embarqua pour un dernier voyage sur un voilier de passage qui l'amena à Tahiti où il mourut un mois plus tard d'un cancer déjà très avancé. Bien qu'ayant décidé de vivre en marge de la société il ne prônait rien, ni retour à la nature, ni simplicité volontaire, ni engagement écologique. Cette démarche, d'un homme qui avait choisi de vivre en parfait accord avec sa conscience, avait toujours fasciné Marc.
La cabane paraissait solide, elle datait de la seconde guerre et avait été construite par les militaires Néo-Zélandais qui avaient installé une base d'observation afin de détecter le passage des avions ennemis.
Les épaves dormant au fond du lagon incitèrent Marc à s'installer dans la cabane plutôt que de vivre à bord. Il imagina que des voiliers décidés à échapper à un cyclone avaient trouvé refuge à Suraman avant de couler pris dans les éléments déchaînés. Leur mouillage avait sûrement cédé et les bateaux se fracassant les uns sur les autres, ainsi que sur les récifs, avaient dû sombrer corps et biens. Curieusement il n'avait jamais entendu parler de ce drame ce qui laissait supposer que les marins avaient dû périr durant ce cataclysme. Il semblait donc plus raisonnable de s'installer à terre.
A l'aide d'un radeau improvisé il transféra dans la cabane tout le matériel et l'avitaillement nécessaires à aborder sa nouvelle vie en attendant qu'un voilier de passage lui fasse regagner la civilisation. L'accès à l'intérieur des terres était particulièrement difficile, une végétation abondante empêchant toute incursion vers le sommet. Des ronces d'un diamètre impressionnant semblaient être les gardiennes de la virginité de la nature. Seul un semblant de passage côtier permettait de s'aventurer en contournant l'île par l'ouest. Il se proposa de l'explorer plus tard.
Suraman se situant sous le Tropique du Capricorne, la végétation se présentait moins généreuse que sur les îles tropicales. Les cocotiers maigrelets n'offraient pas de noix comestibles. Il y avait des bois de fer sur les collines et de magnifiques fougères arborescentes. Les coudriers porteurs de noisettes se mêlaient à d'autres arbres que Marc ne connaissait pas.
Quelques jours passèrent durant lesquels notre solitaire apprécia sa vie de Robinson, un rêve d'enfant ! Une petite source d'eau douce proche de la cabane lui permettait d'étancher sa soif. Il avait bien entrepris de suivre le sentier côtier mais étrangement celui-ci se terminait subitement après plusieurs centaines de mètres, un mur végétal faisant alors obstacle à toute progression. Le solitaire troublé ne comprenait pas ce phénomène, puisqu'il y avait sentier il fallait bien qu'il débouche sur quelque chose ? Il eut beau chercher il ne trouva rien.
Au cours du mois qui suivit, son enthousiasme eut tendance à baisser, plusieurs jours de pluies abondantes sans discontinuer lui rappelèrent le célèbre conte de Somerset Maugham où dans les mêmes circonstances, l'auteur croyait y rencontrer les forces malveillantes et primitives de la nature. De plus, aucun voilier ne se montra et sa réserve de nourriture baissait de façon dramatique. Il entreprit de pêcher dans le lagon et se rassura en voyant que le poisson mordait facilement et il en fit son quotidien. Mais au bout de trois jours de consommation, des démangeaisons terribles se déclarèrent et lui firent souffrir le martyre. Il fut pris de maux de ventre et ressentait une raideur continue à la nuque ainsi qu'un début de paralysie. Il diagnostiqua les symptômes de la ciguätera, dite maladie de la gratte, transmise par les poissons de récifs qui ingèrent une micro algue toxique. Il cessa aussitôt de pêcher mais sa cambuse qui arrivait à épuisement ne lui permettrait pas de s'alimenter encore longtemps.
Il se rappela que Tom Deale pourtant s'était nourri presque exclusivement de sa pêche et il en conclut que l'algue toxique avait dû voyager sur l'ancre d'un voilier ou sur les anatifes, ces concrétions qui recouvrent les coques des bateaux au long cours. Elle avait ensuite colonisé le lagon et les alentours de l'île.
Marc cueillit des baies ainsi que des noisettes mais avec ce régime, il s'amaigrit considérablement, fut pris de diarrhées et devint si faible qu'il n'eut plus la force de chasser les moustiques qui le harcelaient.
LE VISITEUR
Alors qu'il sentait ses dernières forces le quitter, et qu'il gisait sur son lit, il vit une ombre se dessiner dans l'ouverture de la porte. Un individu se pencha à son chevet et s'adressa doucement à lui dans une langue inconnue. L'homme l'aida à se redresser et lui montra une dizaine d'ignames et de taros qu'il venait d'apporter et il lui fit comprendre par gestes qu'il les lui offrait. Son visiteur âgé d'une quarantaine d'années, de bonne stature et de type mélanésien paraissait en parfaite santé et lui présentait un visage souriant. Il avait également amené une bouillie d'ignames qu'il lui fit avaler peu à peu.
Marc sentit ses forces revenir progressivement et lorsqu'il fut en mesure de se mettre debout il remercia chaleureusement son sauveur. Celui-ci portait des vêtements de type européen ce qui surpris le naufragé, sans doute des habits laissés par les navigateurs de passage. En communiquant par gestes il s'enquit de savoir dans quelle partie de l'île il habitait, mais le visiteur se contenta de faire un signe vague sans indication précise et lui fit comprendre de ne pas bouger d'ici et de pas s'inquiéter car il reviendrait l'approvisionner en ignames et taros. En pointant un doigt sur lui-même il lui signifia qu'il se nommait Odamo, et sur ce, il s'enfonça dans la forêt sans plus d'explications.
Le marin se perdit en conjectures et attribua ce comportement bizarre à un désir de ne pas être dérangé et de préserver ainsi son intimité. L'indigène bien que d'apparence avenante venait de lui faire comprendre qu'il serait malvenu de chercher à lui rendre visite. Il ne put s'empêcher de penser qu'Odamo devait l'observer depuis le premier jour et qu'il avait attendu le dernier moment pour se manifester. Existait-il une famille, une tribu dans une autre partie de l'île ? Pourquoi avoir tant tardé à rentrer en contact ? Si toutes ces questions l'intriguaient, il était cependant rassuré par le côté accueillant de son bienfaiteur et le temps permettra sans doute d'obtenir des éclaircissements. Le temps, justement, rentrait dans ses préoccupations de façon prégnante.
Il ne pouvait compter plus longtemps sur un éventuel voilier de passage, la seule solution restante était d'essayer de gréer un mât sur « Etoile Matutine ». Il se proposa d'effectuer les travaux après avoir suffisamment récupéré de ses forces.
Une nouvelle semaine s'écoula et alors que le stock d'ignames était épuisé, Odamo réapparut comme par enchantement avec une autre provision de tubercules. Il surprit le naufragé alors que celui-ci s'apprêtait à abattre un arbre susceptible de servir de mât. Le comportement de l'indigène changea alors subitement et il se montra menaçant, il lui signifia par gestes que les arbres étaient sacrés et qu'il ne fallait en aucun cas toucher à la forêt. Il indiqua néanmoins qu'il reviendrait avec d'autres ignames et s'enfonça dans la végétation après lui avoir fait comprendre que toute nouvelle initiative risquerait d'entraîner des problèmes.
Marc de plus en plus troublé par l'attitude étrange d'Odamo décida de le suivre discrètement. Mais la filature s'avéra délicate car l'indigène, méfiant, surveillait ses arrières en permanence. Visiblement il n'avait aucune envie de dévoiler sa destination. Il avait emprunté le sentier côtier et cent mètres avant la fin de celui-ci, il s'arrêta. Il observa une nouvelle fois s'il n'était pas suivi, et déplaçant un mur végétal constitué de ronces et de feuillages, il découvrit une entrée qui masquait le départ d'un nouveau chemin. Un mystère venait enfin d'être éclairci. Le solitaire préféra ne pas prendre le risque de se faire repérer et de se couper de sa seule source d'avitaillement et il fit demi-tour. La prudence l'emportait sur la curiosité, de toute évidence ce chemin était tabou et se faire surprendre en l'empruntant risquerait de le mettre en grand danger. Il ne savait que penser de ce comportement étrange où Odamo soufflait le chaud et le froid. Qu'avait-il de si important à dissimuler ?
Il pressentait qu'il était temps de quitter l'île mais devant l'impossibilité de se fabriquer un mât il ne lui restait qu'à tenter de récupérer des espars sur les épaves. Au moins ainsi ne prélevait-il rien sur les ressources locales.
Le lendemain matin, il endossa sa bouteille de plongée qu'il récupéra à bord d'« Etoile Matutine » ; il restait une petite réserve d'air vicié mais il s'en contenta. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que les bateaux n'avaient probablement pas coulé dans un cyclone. Les degrés de concrétions sur les coques montraient nettement qu'ils avaient sombré à des époques très différentes. Décidément il allait de mystères en mystères. Alors que l'air commençait à manquer, il enclencha la réserve et entreprit une inspection minutieuse des épaves. Il ne tarda pas à découvrir que les bateaux avaient été sabotés, ils présentaient tous un trou sous le niveau de flottaison.
Il maudit sa légèreté et son manque de discernement, plonger afin d'examiner les épaves aurait dû faire partie de ses priorités. La découverte de ces sabotages le plongea dans un état de grande frayeur, il eut soudain l'impression qu'une chape de plomb s'abattait sur ses épaules. Seul l'indigène pouvait être à l'origine de ces forfaits. Il devait se passer quelque chose de terrible sur cette île. Le marin eut le pressentiment que son ange protecteur n'allait pas tarder à se transformer en démon.
La situation du marin paraissait critique, il lui fallait rapidement se constituer un gréement de fortune et quitter les lieux au plus vite. Il récupéra des bômes et des tangons qu'il fixa en forme de V renversé au niveau du maître-beau. Il récupéra dans la soute son foc de rechange et en inversant les points de drisse, d'écoutes et d'amure il réussit à établir une voilure sommaire. Avec ce gréement de fortune, il pourrait filer ses trois ou quatre nœuds, mais uniquement par vent arrière et avec aucune possibilité de naviguer au prés. Rasséréné par ses nouvelles résolutions il se fixa de lever l'ancre tôt le lendemain.
LA DÉCOUVERTE
Il sentit un frisson de terreur le parcourir, quant au réveil il découvrit qu'« Etoile Matutine » ne flottait plus. Il n'avait pas besoin de plonger pour faire un diagnostic, Odamo venait de saboter le voilier. Pourquoi se comportait- il ainsi ? D'un côté il le sauvait d'une mort certaine et de l'autre il détruisait sa seule planche de salut. Il sentait un danger imminent le menacer, il lui fallait réagir sans tarder. Il rentra dans la cabane et, au cas où il se trouvait sous surveillance, en ressortit aussitôt par la fenêtre. Celle-ci opposée à la porte donnait directement sur la forêt et permettait une sortie discrète. Comme Odamo repartait après chaque visite par le côté ouest, il se dissimula sous les frondaisons et se dirigea à l'est. La progression se présentait de façon difficile mais il n'avait pas le choix s'il ne voulait pas se faire repérer. A partir d'un moment, la végétation devint si dense qu'il décida de revenir sur ses pas et de contourner l'île en longeant la côte. Il s'aventura sur la rive est afin d'être certain de ne pas tomber sur Odamo. S'il n'était plus gêné par la forêt il devait en permanence escalader des rochers ou en contourner certains en se mettant à l'eau. A un moment il dut même affronter une attaque d'oiseaux de mer qui descendaient en piqué avec apparemment l'intention de l'atteindre à la tête. Il comprit qu'il devait traverser un lieu de ponte, il se protégea avec ses bras et baissant la tête il progressa très lentement en signe de non-agression. Les oiseaux se calmèrent mais continuèrent à le harceler tant qu'il ne fut pas sorti de la zone de reproduction.
Les heures passaient et la progression s'éternisait, Odamo avait sûrement constaté sa disparition et était peut-être à sa recherche. Marc craignait que leur prochaine rencontre ne se termine de façon dramatique, même s'il continuait à en ignorer la raison.
Enfin il repéra un sentier qui partait d'une petite plage de galets et grimpait vers la forêt. Un kayak en bon état se trouvait dissimulé dans la verdure, des lignes de pêche jetées pêle-mêle jonchaient le fond de l'embarcation. Cette zone ne devait pas comporter d'algues toxiques ce qui permettait sûrement de capturer du poisson comestible. Après une courte progression, il tomba sur un marae à moitié masqué par la végétation. Ce temple d'origine polynésienne se composait d'une enceinte rectangulaire sur laquelle se trouvaient des pierres dressées. Une tribu avait donc vécu sur cette île dans des temps anciens, Marc frémit en découvrant une pierre plate sur laquelle on avait pratiqué des rainures sur chaque bord : c'est sur ces monuments qu'on procédait aux sacrifices humains, et les rainures servaient à récupérer le sang de la victime. Ces coutumes d'un autre âge avaient disparu depuis longtemps et l'abandon du marae était là pour le prouver, ce qui rassura un peu le marin.
Il redoubla de prudence et s'engagea sur la piste, s'arrêtant fréquemment et se dissimulant dans la végétation afin d'observer s'il n'y avait pas de danger. Arrivé sur une hauteur, il distingua une zone dégagée et progressa alors en rampant. Une hutte se situait en contrebas, il entendit parler et s'avançant encore, au risque de signaler sa présence, il aperçut une femme, accompagnée de trois enfants, qui travaillait sur une tarodière. Sûrement la famille d'Odamo, pensa-t-il. Il tenta de se rapprocher en contournant un bosquet d'arbres. Sur une claie posée sur des rondins de bois de la viande finissait de sécher, de la viande boucanée. Il se demanda quel type de chasse se pratiquait sur cette île car hormis les oiseaux, aucun animal ne s'était montré jusqu'alors. Comme personne ne regardait dans sa direction il s'enhardit et progressa encore de plusieurs mètres. Quand il put enfin identifier la viande disposée sur la claie il retint à grand peine un cri d'effroi alors que tous ses poils se dressaient à l'unisson. Il s'agissait d'une jambe humaine ! Un tas d'ossements et de crânes jetés dans une petite fosse finit de le paniquer. Chacun de ces crânes présentait une profonde entaille sans aucun doute pratiquée à l'aide d'un coupe-coupe. Marc frémit à nouveau en pensant à la machette que Odamo portait constamment à son côté. Voilà où se trouvaient les propriétaires des bateaux qui gisaient au fond du lagon. Il s'était longtemps demandé ce qui leur était advenu et la réponse le terrifia.
Il comprit enfin la signification de tous ces mystères. Odamo l'avait épargné car Marc constituait une source de viande fraiche !
- Deuxième partie -
LE VOILIER PROVIDENTIEL
Marc se recula, s'allongea sur le dos et tenta de se calmer en maîtrisant sa respiration. Il avait l'impression que les battements de son cœur devaient s'entendre depuis la case.
Après trois minutes de cet exercice, qui lui permit de retrouver un rythme cardiaque plus régulier, il se hasarda à nouveau sur la butte et se rassura en constatant que la famille s'attelait toujours tranquillement à sa tâche.
Il avait souvent pensé à la mort suite à une erreur qui l'aurait fait passer par-dessus bord, à une rencontre fatale avec un cargo en navigation de nuit ou à un accident de plongée, mais jamais il n'aurait imaginé finir dans l'estomac de cannibales. Et cette possibilité était sur le point de se produire. Il paniqua en se demandant si Odamo tuait d'abord ses victimes avant de les cuisiner ou s'il les gardait en vie et les débitait morceau par morceau. Face à ces perspectives peu réjouissantes, il se demanda s'il n'était pas préférable de se jeter dans l'océan et de s'y laisser couler.
Il lui fallait faire le point de la situation. Il se trouvait bel et bien coincé dans cet endroit cauchemardesque. Odamo était armé et possédait une parfaite connaissance du terrain. Il n'y avait apparemment que deux pistes sur l'île, il aurait donc tôt fait de le débusquer. Il y avait bien ce kayak mais des milliers de milles le séparaient de la prochaine terre et sans un approvisionnement conséquent, une mort certaine l'attendait. La seule solution restante consistait à prendre le dessus sur son adversaire. Mais dans son état de faiblesse comment réussir à rivaliser avec un homme armé, sur ses gardes, et en parfaite santé ? La situation lui parut désespérée.
En attendant d'y voir plus clair, il choisit de se dissimuler près du marae. Il présumait qu'Odamo entretenait une crainte ancestrale envers ce lieu sacré et ne viendrait pas l'y débusquer. Il descendit discrètement jusqu'au site et dans un premier temps attacha en travers du chemin, une dizaine de mètres plus bas, une cordelette qu'il conservait toujours sur lui. Il rendit ce piège invisible à l'aide de feuillages, il n'avait aucune idée préconçue, seulement une intuition. Il s'allongea ensuite contre la stèle, caché sous une couverture végétale et attendit.
Une heure plus tard, il perçut des pas feutrés, quelqu'un empruntait le sentier en se dirigeant vers la plage de galets. L'individu progressait lentement fouillant la végétation avec un bâton. Depuis sa position, couchée sur le ventre, il distingua les mollets tatoués d'Odamo qui passaient devant le marae sans s'arrêter. Marc avait vu juste concernant sa crainte vis-à-vis du lieu de culte, il ne viendrait pas le chercher là, il se détendit et relâcha ses muscles. Mais son répit fut de courte durée car l'indigène revint sur ses pas et bifurqua vers le monument. Il avait sans doute réalisé que s'il respectait ce lieu il en allait tout autrement de la part d'un étranger.
Inexorablement l'homme progressait en direction du marae, il ne lui restait que deux mètres à parcourir avant de tomber sur la cache. Marc compris que depuis sa position allongée, il n'aurait pas le temps de se redresser afin d'assurer sa défense, le combat à venir était inégal et réglé d'avance. Il s'apprêtait néanmoins à se démasquer pour faire face lorsqu'un cri de femme stoppa net Odamo. Ce dernier resta figé deux ou trois secondes puis fit demi-tour et remonta rapidement le sentier.
Sauvé ! Provisoirement sauvé, rectifia le marin, car l'indigène ne tarderait pas à revenir une fois le problème éclairci. Il lui fallait tirer profit de cet incident mystérieux. Il s'avança jusqu'au sentier et découvrit la raison qui était à l'origine du cri poussé par la femme. Un voilier se dirigeait sur l'île.
Instinctivement Marc s'élança dans le sentier en direction de la plage. Odamo qui se trouvait une centaine de mètres plus haut le repéra aussitôt et poussant un cri de guerre, se précipita à la poursuite du fugitif. Si ce dernier avait pris soin de sauter par-dessus la cordelette tel ne fut pas le cas de son poursuivant qui culbuta et vint s'écraser sur un rocher. Il tenta de se relever mais apparemment groggy s'écroula à nouveau. Le marin en profita pour gagner la plage et mettre le kayak à l'eau ; son salut ne résidait plus que dans ce voilier. Avec une vigueur inattendue vu son état physique, il rama de toutes ses forces en direction du bateau, l'instinct de survie décuplant ses capacités.
Le ketch qui s'apprêtait à rejoindre le lagon mit en panne et Marc s'apprêta à l'accoster alors que le skipper ferlait* les voiles afin de gagner le mouillage au moteur.
UN ETRANGE MARIN
Le skipper âgé d'une trentaine d'années, plutôt malingre, barbe noire et chevelure déjà bien dégarnie, fut surpris de voir apparaitre cette embarcation alors que nul voilier ne se trouvait au mouillage. Sa surprise augmenta en constatant que le rameur se trouvait dans un état d'excitation avancé et poussait des cris désordonnés.
- Surtout n'allez pas à terre, cria Marc en abordant le voilier.
- Vous êtes le représentant de l'office du tourisme ? ironisa le skipper avec un fort accent anglais.
- Permettez-moi de monter à bord et surtout ne débarquez pas sur cette île.
- Ok, montez et donnez-moi quelques explications.
- Il y a des cannibales qui se nourrissent des marins de passage et je viens de leur échapper de justesse.
- Des cannibales, de nos jours. Vous vous foutez de moi ?
- Voyez sur la plage, le gars avec la machette.
Le nouvel arrivant, visiblement troublé, ne savait quelle attitude adopter. Malgré son comportement agité, son interlocuteur paraissait sain d'esprit et le gars sur la plage avec son coupe-coupe ne lui inspirait pas spécialement confiance.
- Mais je comptais faire de l'eau douce car je suis presqu'à sec.
- A sec, mais avec toute cette pluie vous n'en récupérez pas, s'étonna Marc ?
- Heu… heu, oui, je pourrais effectivement, bredouilla l'autre. Je m'appelle Bill, bienvenue à bord, fuyons cet endroit au plus tôt.
Les voiles furent hissées à nouveau et sous les yeux d'Odamo et de sa famille, le ketch s'éloigna de l'île. L'indigène impuissant à les empêcher de partir savait que les ennuis ne tarderaient pas à s'accumuler au-dessus de sa tête. Le temps pour le voilier de toucher terre pour prévenir les autorités et celles-ci débarqueraient sur Suraman.
Les deux hommes en se présentant constatèrent qu'ils partageaient la même vision du monde et de la société. Bill expliqua qu'il était Gallois et ne croyait plus aux valeurs prônées par les intellectuels et les politiciens de son pays. Le rêve d'une Grande-Bretagne puissante et unie n'était plus qu'une illusion pendant que le pays sombrait dans la violence et la déliquescence. Un tour du monde à la voile lui avait alors paru la seule issue possible afin de surmonter son malaise. Il venait de faire étape en Polynésie Française et poursuivait sa circumnavigation. Marc, également en rupture de ban, ne pouvait qu'apprécier cette démarche et se sentait en parfaite adéquation avec le Britannique.
Le lendemain une pluie continue fit son apparition et Marc dut rappeler au skipper de compléter le plein d'eau, mais visiblement emprunté, celui-ci ne savait comment s'y prendre. Marc, dubitatif, se chargea de l'opération. Il relâcha la drisse* de grand-voile et descendit celle-ci de deux mètres puis il releva la balancine de bôme* et dans cette gouttière improvisée l'eau récupérée s'écoula dans un sceau fixé en pied de mât. En une heure, le plein d'eau douce était fait. Mais comment était-ce possible qu'un marin « tourdumondiste » ne sache pas ça?
Après quelques jours de navigation leur entente commença à se fissurer quand Marc constata que la route suivie par Bill paraissait incohérente, ce dernier lui parlait alternativement des Fidji ou de la Nouvelle-Zélande sans parvenir à se décider. De plus, au grand étonnement de son passager, il ne faisait jamais le point au sextant et se contentait de faire une estime* plutôt sommaire.
Marc, redevable envers son sauveur, lui proposa de s'occuper du calcul de la navigation, proposition qui fut acceptée, étrangement, avec un visible soulagement. En se penchant sur les cartes, il constata que le point avait été scrupuleusement effectué chaque jour depuis le départ de Papeete et qu'il s'arrêtait deux jours avant leur rencontre. Bill lui expliqua qu'il en avait eu par-dessus la tête de tous ces calculs et qu'il préférait désormais se fier à son estime qu'il considérait comme largement suffisante.
Après avoir effectué un premier point astronomique, Marc le reporta sur la carte et fut sidéré de voir l'écart considérable qui existait entre son tracé et le point estimé. Bill, une fois mis au courant, lui expliqua d'un ton détaché qu'il était inutile de se faire du souci puisque désormais tout rentrait dans l'ordre. Cette désinvolture affichée ne fut pas pour rassurer le nouveau navigateur désigné qui voyait chaque jour son coéquipier se désintéresser de la marche du bateau et lui déléguer de plus en plus de responsabilités, au point de se comporter comme un simple passager. Mais peut-être cela était-il à prendre de façon positive, une marque de confiance présentée de manière élégante qui permettait à Marc de se dédouaner de sa dette et de les mettre sur un pied d'égalité ?
Marc avait choisi de rejoindre les Fidji qui était la route la plus logique et la destination la plus proche. Un matin, une barre noire traversée d'éclairs apparut à l'horizon et le vent tourna à l'ouest rendant la progression du bateau beaucoup plus difficile, car il fallait désormais avancer « vent debout ». Bill, visiblement inquiet ne savait quelle attitude adopter et ce fut son passager qui décida de régler la voilure adaptée au temps. Il prit un ris* dans la grand-voile, conserva l'artimon* et gréa le petit foc*. Le voilier diminua sa gîte sans perdre pour autant de la vitesse et se comporta de façon plus confortable, si l'on peut parler de confort quand on navigue vent de face. Soudain un grain se déclencha. Tombant violemment, la pluie frappait avec obstination sur le pont, et les sifflements du vent qui se déchirait dans les mâts et les haubans piquaient les oreilles de mille fines aiguilles, tel un intolérable supplice chinois. Puis la pluie cessa enfin alors que l'orage s'éloignait dans un ciel d'encre toujours aussi menaçant.
Dans la nuit, alors que Bill faisait son quart, un bruit inhabituel réveilla Marc. Dans le vacarme d'un voilier qui progresse au près dans le mauvais temps, un bon marin est capable de déceler le moindre bruit anormal, même endormi ses sens restent en éveil. Il se leva et paniqua quand il ne vit personne à la barre, aussitôt il envisagea le pire. Mais le Gallois n'était pas passé par-dessus bord, il était coincé contre le hiloire* et invectivait un personnage imaginaire censé se trouver à la barre.
- Laisse-moi en paix Georges, tu n'as aucun droit sur moi, occupe-toi de barrer et cesse de me tourmenter, hurlait-il en gesticulant.
- Que se passe-t-il, intervint Marc surgissant de la descente?
Surpris par cette irruption, Bill sembla reprendre ses esprits. Alternativement il regarda à plusieurs reprises en direction de la barre et de la descente, puis apparemment apaisé déclara :
- Un moment de fatigue, j'ai eu une hallucination mais tout va bien maintenant.
- Rassure-toi même Joshua Slocum, le premier navigateur à avoir fait le tour du monde en solitaire, se levait la nuit et venait discuter avec un barreur fantôme alors que le voilier avançait barre amarrée. Il ne s'en étonnait pas et en parlait de façon tout à fait naturelle. Va te coucher, je prends la suite
LA DECOUVERTE
Le ketch avec ses deux mâts et sa voilure ainsi divisée permettait des changements de voiles et des manœuvres plus faciles du fait d'un poids mieux reparti, ce qui en faisait un bateau prisé des solitaires. Cependant moins adapté à une allure de près qu'un sloop* ou un cotre*, la progression par vent de face dans une mer formée était laborieuse.
Mais ce n'était pas la marche du voilier qui préoccupait Marc. Il avait de nouveau surpris son coéquipier durant son quart de nuit en train d'invectiver à nouveau le dénommé Georges. Très excité, il moulinait la gaffe en direction du barreur fantôme menaçant de l'assommer s'il ne cessait de le harceler et de venir le terroriser chaque nuit. Marc préféra cette fois-ci ne pas intervenir car il le sentait au bord de la folie. Comment ce type avait-il pu faire autant de route et parcourir autant de milles dans cet état de démence ? Il s'agissait d'être désormais sur ses gardes afin de prévenir tout comportement dangereux. Il ne changea rien dans son attitude afin de ne pas éveiller de soupçons et profita des moments de quart du Britannique pour fouiller minutieusement le bateau. Il allait bien trouver un élément lui permettant d'élucider ce mystère.
Ce fut dans la table à cartes qu'il trouva enfin la clé de l'énigme. Chaque fois qu'il faisait le point, il lui semblait que quelque chose clochait mais qu'il n'arrivait pas à définir exactement. Puis un jour, il réalisa que le contenu de la table ne correspondait pas à la capacité qu'elle laissait entrevoir depuis l'extérieur. En l'auscultant dans les moindres recoins il ne tarda pas à découvrir qu'elle possédait un double fond. Il en sortit le livret d'immatriculation du bateau et un carnet de bord.
Le livret d'immatriculation mentionnait que le voilier appartenait à Georges Priskas de nationalité canadienne, domicilié à Québec, âgé de cinquante-sept ans. Il n'eut pas le temps de consulter le livre de bord car du bruit sur le pont lui rappela que son tour de quart arrivait et déjà les jambes de Bill apparaissaient dans la descente. Marc remit précipitamment les documents dans le double fond de la table à cartes et, s'efforçant de ne pas laisser paraître son trouble, monta prendre la relève. Il remettait à plus tard la lecture du livre de bord dont Bill ignorait sûrement l'existence. A présent il commençait à comprendre le comportement du gallois et en particulier son manque de maîtrise concernant la marche du bateau : ce n'était pas un marin. Mais que faisait-il à bord et surtout où se trouvait Georges Priskas ? Durant tout son quart il se perdit en conjectures et n'arrivait pas à donner un sens à cette histoire, seuls les documents pourraient lui fournir une réponse. Dans cette perspective le temps lui parut interminable car il sentait que cette réponse n'aurait pas matière à le rassurer.
Enfin à seize heures, Bill vint prendre le relais à la barre. Il était temps de consulter le livre de bord
LE LIVRE DE BORD
Mercredi 8 janvier-
Papeete- Nous levons l'ancre de bonne heure, cap à l'ouest. Je dis « nous » car j'ai embarqué un équipier. La chute que j'ai faite il y a deux semaines me fait toujours souffrir du dos et je pense plus raisonnable de partir à deux. Il s'appelle Bill, il est britannique, plein de bonne volonté mais ne connait pas la voile.
Samedi 11 janvier-
110 milles effectués dans la journée d'hier, si la progression est bonne je m'inquiète un peu du comportement de Bill. Il tient parfois des propos incohérents et s'enferme dans le mutisme dès que je lui demande des explications. Il m'avait dit être professeur d'anglais à Moorea, bizarre quand même !
Mardi 14 janvier-
Calme plat. Mon équipier m'inquiète de plus en plus, il passe son temps à invectiver le requin qui nous suit depuis deux jours dans un jeu de questions réponses sans queue ni tête. C'est évident ce type n'a pas toute sa tête.
Jeudi 16 Janvier-
Vent modéré de sud. J'ai fait un truc que je déteste, j'ai fouillé dans les affaires de Bill. Mais la pêche a été fructueuse : une autorisation de sortie temporaire de l'hôpital psychiatrique de Papeete pour la période du 3 au 10 janvier au nom de Bill Jones. Il m'a bien roulé quand il m'a dit qu'il était en règle avec les autorités maritimes de Tahiti. J'ai embarqué un cinglé et je vais devoir cohabiter avec lui jusqu'aux Fidji.
Vendredi 17 janvier.
La situation s'aggrave, Bill s'est rendu compte que j'ai fouillé dans ses affaires. Il sait maintenant que je sais. Il est parti dans un délire dans lequel je représente le Diable et lui, la victime d'un complot où il m'accuse d'être de mèche avec les autorités de Papeete. Je commence à m'inquiéter pour ma sécurité.
Samedi 18 janvier-
J'ai dû assommer mon coéquipier au moment où il s'apprêtait à défoncer le fond du bateau avec une hache. Il hurlait que seule la noyade pouvait venir à bout du maître des flammes et de l'enfer, le Diable. Pour l'instant je contrôle la situation mais qu'en sera-t-il à son réveil ?
Le journal de bord s'arrêtait à cette date du 18 janvier, deux jours avant l'arrivée du ketch à Suraman et bien évidemment au moment où cesse le report de la navigation astronomique sur la carte. Cette découverte le plongea à nouveau dans un véritable cauchemar. Décidément, il allait de Charybde en Scylla, il ne sortait d'une situation dramatique que pour rentrer dans une autre.
Marc sentit la panique monter en lui, Bill s'était sûrement débarrassé de Georges en le jetant par-dessus bord. Il attendit de reprendre son calme et fit le point de la situation. Si le Gallois ne lui avait pas fait déjà subir un sort identique c'est que même dans sa folie, il réalisait qu'il avait besoin de lui pour atteindre la prochaine terre. C'est probablement pour la même raison qu'il n'avait pas hésité à l'embarquer à Suraman. Bill avait ensuite probablement prévu de se débarrasser de lui en vue des Fidji.
LE NAUFRAGE
Le lendemain Marc décida de faire une mise au point et fit part au Britannique de ses découvertes.
- Qu'est-il advenu du propriétaire du ketch, attaqua Marc ?
- Un accident malheureux, il a été projeté à l'eau par la bôme suite à un gros coup de houle.
- Et pourquoi ne lui as-tu pas porté secours ?
- Je n'ai pas eu le temps d'intervenir, un requin qui rôdait autour du bateau l'a tout de suite happé, et d'autres squales n'ont pas tardé à se joindre au festin.
- Et pourquoi avoir caché la vérité au skipper sur ta fuite de l'hôpital ?
- Mais je l'avais informé avant l'embarquement et il n'était pas fâché de jouer un tour aux autorités de Papeete qui ne l'avaient pas bien accueilli.
Bill qui ne connaissait pas le contenu exact du journal de bord venait de se trahir. Si son explication sur la disparition du Canadien avait paru plausible à Marc et l'avait rassuré un temps, maintenant il était clair que tout n'était qu'un tissu de mensonges. De toute évidence, la disparition de Georges n'était pas la conséquence d'un accident.
Marc se trouvait à présent face à un véritable débat cornélien : ligoter le Gallois pour le reste du trajet jusqu'aux Fidji ou lui faire une relative confiance en le laissant libre et en le maintenant sous surveillance. Les deux solutions présentaient des inconvénients. Attaché en permanence à fond de cale Bill allait subir obligatoirement le mal de mer qui dans certaines conditions extrêmes peut conduire au décès du malade. Il faudrait aussi le libérer de temps en temps pour satisfaire à ses besoins naturels, à sa toilette et à ses repas, moments à hauts risques car le prisonnier rendu enragé par sa situation pourrait en profiter pour agresser son geôlier. D'un autre côté, le laisser libre ne paraissait pas être une meilleure possibilité. Cependant Marc choisit cette dernière solution en se promettant de surveiller Bill en permanence et de l'enfermer dans sa cabine lors de ses brèves et indispensables périodes de sommeil.
Dans la soirée Marc, après avoir réglé la voilure et bloqué la barre, enferma donc son coéquipier dans sa cabine et alla s'allonger dans le carré. Il réussit à s'endormir et rêva qu'il se trouvait en train d'effectuer un travail de scaphandrier alors que son habit étanche prenait l'eau. Ce cauchemar le réveilla avant de le plonger immédiatement dans un autre bien réel celui-là. L'eau arrivait au niveau de sa couchette et tout flottait à l'intérieur du carré, planchers coussins, livres et tout un tas d'objets. Il se précipita au tableau de bord pour enclencher la pompe mais elle ne se mit pas en route, il vérifia les autres instruments, aucun ne fonctionnait, les batteries étaient noyées. Il chercha d'où provenait la fuite, il n'y avait eu aucun choc contre la coque donc elle se situait à l'intérieur du bateau. Il lui fallait d'urgence libérer Bill de sa cabine car le bateau commençait à s'enfoncer peu à peu. Quand il ouvrit la porte le prisonnier se tenait raide contre la cloison avec un regard de dément et brandissait un couteau qui avait dû échapper à la vigilance de Marc. Bill venait de couper le tuyau de prise d'eau de mer du cabinet de toilette et l'eau s'engouffrait à flot continu. Toute tentative de pompage manuel ou d'évacuation de l'eau de mer à l'aide d'un seau devenait maintenant inutile, le bateau allait sombrer inéluctablement.
De toute façon, ce travail se serait avéré impossible avec la menace que représentait Bill qui, poussant un cri strident, bouscula son équipier et se rua sur le pont. Avant que Marc ait eu le temps de se relever, il jetait le kayak à l'eau et sautait à l'intérieur avec la ferme intention d'abandonner le Français, mais dans sa précipitation il renversa l'embarcation et se retrouva dans l'eau. Visiblement il ne savait pas nager car il hurlait et s'agitait en tous sens, il tenta en vain de s'accrocher au kayak mais ce dernier s'éloignait, poussé par les vagues. Il lutta encore et finit par s'enfoncer définitivement sous la surface de la mer au moment où son coéquipier lui lançait la bouée de sécurité.
La situation de Marc était bien meilleure car Bill ne connaissant probablement pas le fonctionnement du « Bombard », le canot de survie, avait négligé celui-ci solidement fixé en pied de mât. Le marin le détacha, arrima le bout déclencheur sur un taquet et le précipita par-dessus bord. Lorsque le bout se mit en tension, il libéra la bouteille d'air comprimé qui se mit à gonfler peu à peu le canot qui s'ouvrit en corolle comme une fleur filmée en accéléré. Il était temps, seul le haut du roof émergeait. Marc rapprocha, à l'aide du bout toujours fixé au taquet, le canot maintenant complètement déployé et monta à bord. Au moment où il coupait le cordage, le voilier sombrait.
Un profond abattement succéda à cette intense activité. Il ne pouvait croire à tous ces enchaînements de péripéties, un mauvais scénario de film en quelque sorte. Un réalisateur qui multiplierait les scènes d'action de crainte d'ennuyer le spectateur. Mais non, ceci était bien réel et lui arrivait, à lui ! En entamant son tour du monde, il s'attendait bien à vivre des moments difficiles mais la réalité dépasse toujours la fiction comme le dit le proverbe. La perte du Britannique qui était mort sous ses yeux l'avait fortement troublé, il n'avait rien pu faire pour lui venir en aide, tout était allé trop vite.
Son sort dépendait maintenant du hasard car si le « Bombard » était un canot de survie fiable, ce n'était pas une embarcation dynamique mais statique qui avançait poussée au gré des éléments, du vent et du courant. Il se rassura un peu en constatant que l'équipement présent à bord était complet, eau douce, conserves, couteau, écope, éponge, fusée de détresse, couverture de survie, lignes de pêche et une lampe de poche, de quoi tenir plusieurs jours sans aucun problème. Alain Bombard, naufragé volontaire, avait prouvé qu'à bord de ce type d'embarcation on pouvait survivre plusieurs mois en dérivant, il avait même tenté l'expérience sans eau et sans nourriture.et avait touché terre après plus de deux mois de dérive dans l'océan atlantique.
Étrangement Marc se trouvait soulagé, ces derniers temps il avait dû faire face à tant de périls, en prenant des décisions qui mettaient en permanence sa vie en jeu que, confronté à sa nouvelle situation, il sentait soudain un certain apaisement l'envahir. Il pouvait enfin lâcher prise et s'en remettre au hasard. Paradoxalement, bien que pratiquant un métier et un loisir nécessitant une certaine énergie et une volonté de fer, il appréciait parfois à se laisser aller à une certaine indolence et aimait à cultiver cet art subtil qu'est l'ennui.
LA DÉRIVE
Si dans un premier temps, perturbé par les événements récents, il n'avait pas réalisé dans quelle situation dramatique il se trouvait, un fort coup de vent vint deux jours plus tard lui remettre les idées en place. La pluie succéda au vent et il dut s'abriter en recouvrant le canot de sa bâche repliable. Enfermé dans ce huis-clos, dans une atmosphère imprégnée d'une humidité qui recouvrait chaque chose, il jetait de temps en temps un regard à l'extérieur pour ne voir qu'un ciel bas et sinistre barré jusqu'à l'horizon de nuages gris et noirs.
Quelques jours plus tard, le soleil revint enfin sans pour autant remonter le moral du naufragé couvert de nombreuses escarres provoquées par le contact prolongé avec le caoutchouc en permanence trempé. Il ouvrit la bâche de protection afin de faire pénétrer le soleil et sécher l'intérieur du canot. Il en profita pour exposer son corps endolori aux rayons bienfaiteurs dans l'espoir de guérir ses plaies. Plongé dans l'observation d'un aileron de requin qui suivait le canot il ne pouvait que réaliser la fragilité de sa condition : une simple toile de quelques millimètres d'épaisseur le séparait des abîmes et des terribles mâchoires des squales.
Afin d'économiser sa réserve d'eau douce il récupérait, à l'aide de l'éponge, la rosée qui se déposait la nuit sur les boudins du canot. Il s'en empreignait les lèvres affreusement crevassées par le sel et le soleil mais cela ne le soulageait en aucune manière.
Il dérivait depuis tant de jours, qu'il en avait perdu le compte. Un matin il aperçut un point noir grossissant à l'horizon sur fond de ciel laiteux et légèrement embrumé. Lorsque le point se fut suffisamment rapproché, il reconnut un porte-container qui passait à quatre milles de lui. Un espoir fou l'envahit et il déclencha ses fusées de détresse, il se voyait déjà à bord dévorant un vrai repas avant d'aller se plonger dans des draps frais et propres. Il attendait à tout moment que le monstre d'acier se détourne de sa route pour se porter à son secours mais le bateau continuait inexorablement dans la même direction sans répondre à ses signaux de détresse. Comme il est criminel de ne pas secourir un naufragé, il comprit que personne n'occupait le poste de pilotage et que la surveillance reposait probablement sur la seule présence du radar incapable de détecter un canot en caoutchouc. En voyant la poupe du porte-container s'amenuiser avant de disparaître sous l'horizon, il se sentit défaillir comme s'il venait de perdre son unique chance de s'en sortir. Le soleil, en sombrant dans la mer, jetait ses derniers regards rougeoyants enveloppant la scène de mille étranges couleurs comme s'il voulait lui donner la consistance d'un cauchemar en kaléidoscope.
Plusieurs jours passèrent pendant lesquels il pêchait et mangeait des poissons crus source de protéines et d'eau douce. Si les prises ne manquaient pas, il fut bientôt écœuré de ce régime et sombra peu à peu dans un état léthargique où jour et nuit se confondaient. Il perdit ainsi toute notion de temps et d'espace, ses pensées et ses idées n'étaient qu'un amalgame de visions incohérentes et dans ses rares moments de lucidité, il craignait de sombrer dans la folie.
Un jour, des cris d'oiseau le sortirent de sa torpeur : un couple de sternes évoluait autour du canot en effectuant des cercles concentriques, il ne put retenir un cri de joie car c'était le signe annonciateur de la proximité de la terre, une trentaine de milles au maximum. Subitement les sternes ayant satisfait à leur curiosité reprirent leur chemin, Marc remarqua qu'elles se dirigeaient vers un petit nuage blanc qui émergeait derrière l'horizon, il l'observa un long moment. Le nuage ne bougeait pas, il était donc retenu par un relief, une montagne ou une colline, c'était bien la terre.
Dans la certitude d'être enfin sauvé il retrouva ses esprits d'autant plus que le courant le poussait dans la bonne direction. La faible progression du « Bombard » ne pouvait que le plonger dans un état de fébrilité qu'il contrôlait à grand peine. La nuit survint alors que la terre se trouvait à une dizaine de milles, si le courant ne changeait pas de direction il calcula qu'il accosterait enfin au petit matin. Dans son état d'excitation, il ne put dormir de la nuit mais, la fin de son calvaire approchant, il se prit à savourer chaque instant qui le séparait de la délivrance. A l'aube il se trouvait à quelques centaines de mètres d'une falaise et à contre-jour dans la lumière rougeoyante du soleil levant il aperçut au sommet d'une colline, n'en croyant pas ses yeux, un bloc de rochers formant un bec d'aigle…..Suraman !
*Voir l'explication des mots suivis d'un astérisque dans le glossaire en fin de texte
[1] Quand le vent est modéré et que la houle grossit, signe que la houle précède l'arrivée d'un vent fort.
GLOSSAIRE
Abattre :
Éloigner la proue (l'avant du bateau) du lit du vent.
Ancre flottante :
Tout objet que l'on traîne à l'arrière d'un bateau pour ralentir sa course.
Artimon :
Mât situé à l'arrière d'un ketch.
Balancine :
Cordage qui soutient l'arrière de la bôme.
Bôme :
Espar perpendiculaire au mât et qui soutient la partie inférieure de la grand-voile.
Cockpit :
Cabine de pilotage, couverte ou non.
Cotre :
Voilier à un mât dont la grand-voile est très étendue.
Départ au lof :
Bateau devenu incontrôlable qui remonte face au vent.
Drisse :
Cordage qui sert à monter une voile.
Encablure :
200 mètres.
Estime :
Tracé sur la carte où on estime le trajet parcouru en tenant compte du cap, de la vitesse, du courant et de l'heure.
Étai :
Câble fixé un haut du mât et qui le retient par l'avant.
Espar :
Toute armature servant à tenir la voilure, le mât en fait partie.
Ferler une voile :
Descendre une voile et l'attacher sur un espar.
Foc :
Voile d'avant
Génois :
Grande voile d'avant.
Hauteur de soleil :
Une droite de hauteur ne suffit pas à faire un point, une seconde droite de hauteur est nécessaire et l'intersection des deux donne la position du bateau. Mais il faut que la terre tourne afin que l'angle des deux droites soit suffisamment ouvert pour obtenir un résultat précis, dans cet objectif on attend plusieurs heures entre deux relevés.
Hauban :
Câble raidi qui sert à tenir le mât sur le plan latéral.
Hiloire :
Bordage protecteur dans le cockpit.
Ligne de vie :
Câble ou cordage qui relie l'avant à l'arrière et sur lequel on croche son harnais de sécurité afin de se déplacer.
Mille marin :
1852 mètres.
Passavant :
Couloir étroit qui permet de relier l'avant avec l'arrière du bateau.
Pataras :
Câble qui relie la tête de mât à l'arrière du navire.
Poupe :
Arrière du bateau.
Prendre un ris :
Réduire la voilure.
Sancir :
Couler bas en plongeant d'abord son avant.
Tourmentin :
Petite voile d'avant renforcée.
Vent debout :
Vent venant de l'avant.
Du suspense dans les mers du sud. Passionnant .
· Il y a plus de 4 ans ·Christian Navaro Vera