Lilia Story - Miroir Miroir.

ainowallen

"Si vous voyez mon ombre, Fuyez, car c'est une imposture "
Lilia Wallen


Se transporter d'un monde à l'autre est assez compliqué comme j'ai pu vous expliquer et cela demande beaucoup de concentration et de puissance. Pour ce qui est du voyage rapide à l'intérieur des mondes en eux-mêmes, j'use des surfaces réfléchissantes, des miroirs même petits comme un rétroviseur de voiture par exemple. Mais cela peut être un point d'eau comme une flaque tant que la surface est réfléchissante. Cela n'est pas inné bien sûr, j'ai obtenu cette capacité après une petite aventure dans une dimension alternative interne à la terre. Je l'ai nommée: le monde miroir. C'est plus court que « Le monde qu'il y a de l'autre côté des surfaces réfléchissantes ». Ce monde ne dégage aucune énergie magique comme nous la connaissons dans notre monde, c'est une tout autre catégorie de sorcellerie. Il est donc indétectable pour des personnes externes à ce monde, et pourtant c'est par inadvertance que j'ai pu entrer dans celui-ci.
J'étais en Ecosse ce jour-là, le vent était froid et humide, la pluie nocturne venait de cesser et le petit matin profilait ses rayons à l'horizon, les premiers éclats de lumière touchaient la rosée matinale alors que les oiseaux entamaient leurs chants. Ce qui m'insupportait déjà au bout de quelques secondes et qui provoqua chez moi une série de sorts de mutisme temporaire sur les volatiles du coin. C'est alors que dansant gracieusement entre les arbres du parc faisant taire ces stupides volatiles trop matinaux, j'entraperçus du coin de l'œil un miroir de poche surement oublié là par une jeune fille peu soucieuse de ses affaires. La surface réfléchissante quant à elle semblait étrange à mes yeux. Je déplaçai l'objet jusqu'à ma main et l'attrapa fermement, je ne voyais pas mon reflet, ni celui d'une autre loin de là. Je voyais un tout autre endroit. Il y avait devant mes yeux une grande plaine, vallonnée et verte, comme un immense pâturage de montagne. Lorsque je posai mon doigt sur le miroir il y avait comme une résistance, c'était un objet solide après tout. Mais très vite mon index s'enfonça lentement à l'intérieur comme dans de la gélatine. Puis dans un flash de lumière aveuglante, je me retrouvais au pied d'un arbre qui surplombait cette plaine, au pied duquel se trouvait une vielle armoire dont la vitre centrale était fracturée, dans laquelle je voyais mon point de départ qui dans un effet d'éclat interne disparut pour laisser place à la surface réfléchissante me montrant les plaines à nouveau.
Je ne savais pas où j'étais à vrai dire. Une chose était sure, je me trouvais toujours sur terre, je ressentais toujours l'énergie de la nature sous mes pieds. Ce qui était une bonne nouvelle, pas de téléportation spatio-temporelle à prévoir. Sur ce, pourquoi ne pas visiter. Sinon après tout, ici ou ailleurs, autant voir un lieu que je n'avais pas encore vu. Personne ne m'attend. Un des bénéfices de n'avoir aucune attache relationnelle. Du moins c'est ce que j'avais prévu. C'était avant de sentir une petite tape sur mon épaule. Ce qui me sembla étrange, car derrière moi se trouvait l'armoire brisée et l'arbre. C'était un homme, de taille moyenne légèrement plus grand que moi, il avait une armure sur lui qui semblait être du cristal, peut-être du verre. En tout cas, cela ressemblait à une pierre translucide, une matière inconnue peut-être car elle semblait tout de même légère et n'entravait en rien la mobilité du « garde » car c'est ce qu'il semblait être. Il me dévisageait, scrutant de la tête au pied mon corps, ma tenue, ou je ne sais quoi, il avait l'air perplexe comme si il s'attendait à quelqu'un d'autre. Désorienté il ne savait que dire et se contentait de me fixer jusqu'à ce que j'entame le dialogue d'un simple « oui ? » assez froid et sec. Il ne me répondit pas, mais je lisais sur son visage la surprise, il semblait attendre quelque chose ou peut être quelqu'un.
« Comment avez-vous ouvert ce PRT ? »  M'interrogeait-il. Cette fois ci c'était à mon tour de le regarder avec interrogation, il allait de soi que PRT devais être un acronyme pour quelque chose. Mais je ne préférais pas m'essayer au déchiffrage de celui-ci, cela me prendrait trop de temps, et j'aurai surement la réponse plus facilement par un moyen plus efficace.
« Pardon ?
-Comment avez-vous ouvert ce PRT ?
-Qu'est-ce qu'un PRT ?
-Portail à Reflet Transposé. Si vous ne savez pas cela, comment avez-vous fait pour en ouvrir un?
-A vrai dire je n'ai rien ouvert, il l'était déjà, je n'ai fait que passer au travers sans le savoir
-C'est une violation  de nos lois vous devez me suivre à Prima»

Le suivre où ça? Prima? Une ville, peut être un monde au vu de son attirail qui ne semblait pas d'ici, c'était l'occasion d'en apprendre plus et de visiter un monde jusque-là inconnu. Le garde à l'armure brillante posa la main sur le miroir et me tira main le bras pour nous faire basculer non pas cette fois-ci vers une autre surface réfléchissante, mais à travers de celui-ci. Je me sentais tomber, mais à faible vitesse. A l'intérieur du miroir, du moins c'est comme ça que je perçu l'endroit, comme étant dans un miroir, tout était fait de cette étrange matière cristalline qui semblait tantôt dure, tantôt malléable, mais toujours avec ce reflet translucide et mouvant. Je décidais d'appeler cette matière de la Miroite. Ma contemplation fus vite écourtée car mes pieds avaient touché le sol, lui aussi en Miroite. Au-dessus de moi des personnes semblaient apparaître une fraction de seconde avant de disparaître. Comme une image durant un battement de cil, puis plus rien. Ces gens étaient des voyageurs des miroirs. C'était l'expérience que je venais de découvrir. Mais contrairement à moi, ils avaient une autorisation, ce que je ne tardai pas à comprendre, alors que le garde me conduisait vers une tour de Miroite qui surplombait le reste de la petite ville.
La tour était très grande, elle ne paraissait pas se finir. Du moins je n'en avais pas vu la pointe lorsque que j'essayais de lever la tête au pied de la tour. Même de loin, il ne me semblait pas en avoir vu le sommet. Beaucoup de gens allaient et venaient par l'entrée principale. Certains avaient l'air pressé. D'autres plus décontractés, semblaient faire des petites haltes durant leur voyage pour parler avec d'autres. Alors que j'arrivais devant ce qui semblait être une porte, un trou, une arche, enfin une entrée vers la tour, le garde m'arrêtait et me pointa une direction. Deux autres gardes m'encerclaient et me poussaient vers un mur qui semblait ramollir et s'écarter sur notre passage. Un long couloir s'ensuivit sur les côtés, d'autres « portes molles » semblaient s'ouvrir et laisser passer de nombreuses personnes. Je n'avais aucune idée des fonctions de ces gens, ils avaient l'air en tout point humain, si ce n'est cette particularité, leurs yeux était fait de Miroite. Je ne voyais pas, ni n'avais vu en ville d'animaux par contre, peut-être n'existaient-il pas ici dans ce monde apparemment appelé Prima. Au fond du couloir une porte plus imposante que les autres trônait, elle était imposante, je ne tardais pas à passer au travers pour découvrir une salle gigantesque avec au bout une jeune femme semblant dormir dans un pilier de Miroite. Les gardes m'avaient fait signe de m'arrêter alors que la jeune silhouette s'extirpa lentement de son cocon pour poser les pieds sur le sol et venir à ma rencontre. Elle m'avait regardé avec beaucoup d'intérêt et d'un mouvement gracieux fit son pilier se remodeler en un siège de qualité royale. Les gardes s'étaient reculés et sans bouger les lèvres j'entendis la voix de cette femme.
« Je suis Persephonia Regula IV, appelée aussi Phonia la Juste. Je suis la Reine de ce royaume. Que me vaut ce réveil précipité »
Ho, super j'avais directement été conduite vers la plus haute autorité de ce lieu, ça m'évitait beaucoup de déboires pour la trouver et la voir, une bonne chose de faite. Le garde à ma droite me tenait en joue de la lance, la pointe semblait acérée mais ce reflet mouvant à l'intérieur lui donnait un aspect mystique pour une lame, l'autre sortait un filin de Miroite qui s'élargit et forma une feuille sur laquelle était écrit dans une langue illisible pour moi des informations que le garde s'était empressé de lire.
« Phonia la juste reine des Reines, notre femelle humaine ici présente a réussi par on ne sait quel procédé à passer un PRT sans autorisation, Violation de la règle.
-Ho la barbe » Soufflais-je avant de me lever, claquant des doigts paralysant les deux gardes à côté de moi d'un petit choc électromagnétique. Je repoussai une mèche de cheveux avant de reprendre.
« Je suis Lilia, Sorcière Originaire de la Terre dimension X-001 Reine Phonia. Je ne veux aucun mal à personne, mais ces accusations sont pour le moins fausse et je n'ai pas de temps à perdre en inepties. Ce portail ou PRT comme vous l'appelez était déjà ouvert. J'ai été transportée lorsque j'ai eu le malheur d'être un peu curieuse et de toucher le miroir. »
La reine se leva et prit la parole «  il est vrai que vos semblables ne peuvent normalement pas emprunter ni même voir nos portails. Il va de soi que c'est une première durant mon règne. Mais, selon nos écrits, vous n'êtes pas la première personne extérieure à notre peuple à réussir à venir dans notre plan. Malheureusement, il est vrai que quelqu'un a laissé ce portail ouvert et va être puni pour cela. Cela incombe de notre responsabilité. Mes gens n'ont jamais eu affaire à cette situation ou une personne extérieure nous est arrivée et nous nous en excusons d'avance pour la gêne occasionnée. Mais si cela devait se reproduire, cela incomberait de votre personne et vous seriez jugée. »
Je comprenais la politique, une fois faute à nous, deux fois faute à vous. Une chose durant tout cela m'avais travaillé tout de même, c'était un moyen de voyage intra-terrestre très pratique et rapide tout de même, cela m'arrangerait bien de pouvoir user de cela à ma guise, c'est alors que sans gêne j'osai faire une demande.
« Je veux une autorisation alors.
-C'est impossible seul nos gens peuvent en avoir
-Demandez ce que vous voulez, je vous le donne ou vous l'amène »

J'étais prête à en payer le prix, c'était bien trop pratique et rare pour passer à coté d'une occasion pareille.
« Votre Ombre »
Voici ce que la reine avait demandé, mon ombre. Je réfléchis quelques instants. Pourquoi mon ombre ? Alors que je regardais autour de moi, je me rendis compte que nul n'en avais. Aucune personne ne projetait d'ombre sur le sol et tous regardaient la mienne avec attention. Cela était peut être un caprice royal ou peut être bien même une demande aléatoire. Il en va de soi que si je voulais ce don, il fallait concéder mon ombre. C'est alors que dans un hochement de tête qui signalait mon approbation, j'entreprenais de faire de pas en avant, laissant mon ombre derrière moi. Après avoir fait comprendre à la reine de se mettre à ma place, je pris soin d'attacher l'ombre à ses pieds. Celle-ci avait changé de forme pour prendre celle de la jeune femme. Elle avait maintenant une particularité que seule elle pouvait se vanter, d'avoir dans ce monde, une ombre. Un garde me remit une goutte de Miroite. Elle contenait mon autorisation et le don d'ouvrir les passages entre les miroirs. J'avalais cette goutte sans penser si cela était à avaler ou à garder sur soi. Je me retournai et parti sans un mot. Je voyais du coin de l'œil le corps se faire absorber par la colonne reformée sauf qu'elle comptait une tache sombre supplémentaire à ses pieds.
Dans un éclat de lumière je laissais la reine Phonia et son monde sortant d'un rétroviseur dans un parking souterrain. Me regardant, je réajustais le ruban dans mes cheveux, regardais derrière moi en souriant. Mon ombre n'était plus là, mais ce n'est pas comme si j'en avais réellement besoin. Car, lors de certaines infiltrations, les ombres peuvent être trompeuses.

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