L'infirmière

Aurélie Tudare

S'il ne m'avait jamais questionnée sur mes sentiments c'est que je l'y avais aidé, j'avais clairement ma part de responsabilité. J'avais passé ces 10 dernières années à essayer de le comprendre pour l'aider, faisant de lui le centre névralgique de notre histoire, de notre couple.

Il s'y était habitué, à tel point que lorsque je lui faisais part de mes sentiments il ne s'y intéressait pas car il savait éperdument que je n'étais pas le centre de notre relation, c'était bien lui. Il était celui qui se connaissait le moins bien et qui avait le plus de problèmes à résoudre, ceux d'apprendre à aimer et surtout de savoir comment s'aimer soi-même.

Pour le garder, j'avais fait vœux de psychologie. Je m'étais engagée dans une bataille quasi surhumaine, celle d'aider quelqu'un malgré lui car je savais au fond de moi que si je ne le faisais pas je risquais de le perdre et de briser cette famille qui me tenait tant à cœur.

Quelque part, ça aurait été un aveu de faiblesse, celui de l'échec de mon rêve, celui auquel je tenais le plus au monde, ma vie de famille.

Je m'étais enfermée dans le rôle de l'infirmière, de celle qui cherche à soigner les autres au risque de ne plus penser à elle, et de s'y perdre.

Devant ce constat effarant je me sentais désormais perdue. Perdue dans un océan de solitude et de peine.

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