L'insoutenable fragilité de l'Être

Peu importe depuis quand cela s'est passé, puisque toutes nos vies durant, on le vivra au présent.

Il faisait un froid sibérien. Il ne pleuvait pas. Le ciel était gris et bas.

Quand j'y repense j'ai vécu cette journée sans y croire vraiment.

Encore aujourd'hui, je ne sais pas comment vous avez survécu.

Tu es apparue tout à coup. Chacun, je crois, attendait, autant qu'il redoutait, de te voir. Toi, sa maman. Toi, mon amie. J'ai cette image de toi, gravée en moi ; de toi, te tenant debout, ton regard toujours si doux, tenant fort dans tes mains ce petit doudou.

Nous sommes partis, hagards, en file dispersée vers le fond de ce petit cimetière de campagne. Sa maison désormais, serait celle-là, orientée vers le ciel et les prairies alentours.

L'insoutenable petite, si petite boîte blanche, posée là devant tout ce monde : comment soutenir son regard, comment ne pas flancher ?

Ces mots du petit prince en dédicace, ces chansons, ces textes écrits pour lui, pour vous, ses parents, marques de tendresse indéfectibles ô combien sincères et ô combien insignifiantes, face à l'inconcevable réalité.

Je me rappelle aussi cette réunion d'amis ensuite, dans votre maison, ornée de tant de marques de présence déjà devenues  sans qu'on le veuille,  des souvenirs. Des photos, des dessins. Une présence si pleine, si vive, comme seuls en ont le secret les enfants de deux ans.

Cela faisait 6 mois, que nous ne vous avions pas vus.

Par obligation et par choix, votre cocon familial avait été restreint au maximum.

6 mois d'amour encore plus fort, 6 mois de détresse, d'espoirs. 6 mois à ne faire plus qu'un. Aimer en urgence, donner en urgence. 6 mois à ne respirer que lui. Puis vient le jour où tout s'arrête. Ne plus pouvoir respirer, ne plus pouvoir donner et recevoir. Aimer sans retour et à tout jamais. Se prendre la solitude en pleine face. Accepter que ce qu'il à vivre désormais sera sans vous.