L’instant où tout…

mickael-defour1

Le court récit des quelques secondes séparant la vie d'un enfant, de celle d'un adulte.

Cette journée est enfin terminée. Par ce cours d'économie, option sans véritable intérêt d'une classe de seconde placée là pour occuper une année de ma jeunesse. Mais disent-ils, eux, les professeurs « Une année pour l'orientation, pour se déterminer ». Effectivement, l'économie, un mauvais choix : personne ne m'y reprendra plus.

Le bus nous attend, au milieu du flot d'élèves quittant l'établissement. J'y monte, péniblement, démarche lourde et lente, mon corps courbé sous le poids d'une journée pleine d'ennui et vide de sens, sous la pénible pensée d'un insipide lendemain. Et ce pauvre siège, là, au milieu de l'autobus : je vais m'y avachir et lui transmettre le poids de ma routine.

Bien assis dans mon propre inconfort, mon regard se pose vers l'horizon restreint d'une rangé de sièges vides et d'un pare-brise. Je ne le savais pas encore, mais cette perspective serait la dernière de ma vie d'enfant. Soudain, l'horizon se trouble d'une chevelure blonde platine et d'un visage d'ange. En moins d'une seconde, mes organes s'effondrent sur eux même et laissent une immense place à tout autre chose : la lumière. De journée difficile, il n'est plus. De lendemain morose, il n'est plus question. Seul l'instant présent m'importera, désormais.

Une poignée de seconde se sont écoulées : je sens partir de chaque extrémité de mon corps des frissons. Une chaleur. Je tremble de peur, mes émotions se bousculent, mon esprit n'est plus là : je ne pense plus, je ressens. Ce moment, je l'aurais savouré davantage si jamais j'avais pu comprendre qu'il ne s'en vit que trop rarement dans une existence.

Ces questions, je me les suis souvent posées : cette personne savait-elle ce qui se passait quelques mètres derrière elle ? Pouvait-elle seulement imaginer que sa simple présence, à ce moment là, à cet endroit là, allait marquer le passage d'une vie d'ado à une vie adulte ? Parfois, je m'interroge : comment n'a-t-elle pu ne rien voir, entendre, ressentir... au moment même ou mon propre corps semblait ne plus avoir de frontière ?

A suivre...

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