Lugubres Retrouvailles - 1
moonday
Cassie n'avait jamais vraiment compris pourquoi elle se sentait si différente. Quand sa mère s'était amourachée de son père à seulement 17 ans elle avait sans le savoir scellé son destin.
Ce matin, comme nombreux autres, elle se jaugeait prostrée devant son miroir orné de longues plumes blanches et brunes. Une pièce unique que sa mère avait dégoté lors d'un voyage en Australie sur un marché aux allures hippie. Son reflet lui semblait être similaire à celui de sa mère quelques années plus tôt. Élancée et aux courbes généreuses, sa longue chevelure brune aux mèches auburn dévalées sur ses épaules menues. Ses boucles, quelle tenait cependant de son père semblaient bercer son visage encore enfantin alors qu'elle avançait à grand pas vers ses 25 ans. Elle ne s'étonnait pas de ces fossettes saillantes et de ses yeux noisette tachetés de vert qui lui donnaient l'air d'être perpétuellement enjouée et chipie. La majorité de ses amies lui enviaient cet air angélique et elle n'ignorait pas son succès auprès de la gent masculine. Tandis que son inspection matinale se poursuivait elle sursaute lorsque sa mère déboule bruyamment dans sa chambre.
- Putain cassie, tu vas être en retard !
- Ca va, je me dépêche, mais s'il te plait arrête d'hurler on dirait une folle sortie d'asile !
- Si tu ne décolles pas d'ici 5 min je serai même une folle au cheveux blanc, veux-tu bien m'épargner cela mon ange !
Cassie pouffa. Sam, sa mère était de nature si inquiète qu'elle avait du mal à imaginer qu'elle puisse avoir été un jour dans sa jeunesse une fervente servante du mouvement hippie. Chaque matin se résumait par une crise de panique et du café tiède. Cassie dévale les escaliers, traverse la cuisine et descend son café en moins de 3 min avant de saisir les clés de son scooter sur l'îlot centrale.
- A plus !
Ce matin rien de particulier à signaler, le voisin Ray sortait ses poubelles à 7h pétantes, Carl le joggeur de ces dames commençait son footing par quelques étirements tournés vers le soleil et la voisine du bout de la rue tentait encore désespérément de faire monter ses jumeaux déchaînés et capricieux à l'arrière du monospace parental. Cassie n'avait que 15 minutes de route avant d'atteindre la fac.
Cassie avait envie d'aventures, et cela depuis toujours. Ce quotidien quelque peu routinier commençait à lui peser et elle se surprenait souvent à imaginer des scénarios farfelus et pittoresques qui feraient de sa vie une véritable péripétie. Le klaxon d'un ranger rover noir la tire de ses rêveries et elle freine brusquement, pile devant le parc à vélo de la fac. Elle jette rapidement un coup d'œil à sa montre. 7h30. Merde. Elle accroche son vélo et se précipite dans la bâtisse en espérant que le cours n'est pas déjà commencé.
Le dernier amphi de la matinée était de loin le plus intéressant de la journée, contrairement aux cours magistraux de sciences des premières heures. Lorsqu'elle a choisi la spécialité criminologie en fin de semestre dernier sa mère c'était montrée dubitative. Elle qui prônait la paix et l'amour dans le monde, elle avait du mal à concevoir que sa fille unique puisse se passionner pour une spécialité aussi « hostile ». Elle avait d'ailleurs toujours tout fait pour la convaincre que les films d'épouvante ou les thrillers psychologiques étaient nocifs pour sa santé mentale. Elle craignait surement que sa fille en garde des séquelles du genre crises post traumatiques, crises de démence ou encore qu'elle développe des pathologies se rapprochant de celles des sociopathes tueurs en série. Pourtant, depuis sa première lecture de thriller à l'âge de 13 ans, cassie n'avait plus jamais lâché l'idée qu'un jour elle deviendrait le héros de ses livres. La criminologie l'a toujours captivée et plus jeune l'envie de poursuivre et capturer des méchants la maintenait éveillée jusqu'à pas d'heures, faisant défiler les pages de nombreux romans policiers. Pourtant, même si le sujet criminel était l'un de ses intérêts principaux, elle avait aussi un don. Cassie était sensible aux énergies. Elle voit, ressent et entend parfois des choses que le commun des mortels ne pourrait imaginer. Si Cassie préfère nommer ces manifestations exceptionnelles de visions, d'autres emploierait le terme de phénomènes paranormaux.
Elle commençait à se remémorer sa première manifestation quand Ivy Dickinson lui attrape le bras.
- Cass, putain tu es passé où hier soir ? Joe attendait que tu le retrouves dehors mais tu n'as plus donné signe de vie !
Elle avait totalement fait abstraction de son passage à la soirée blanche du campus. Joe est un gars sympa mais un peu simplet qui se satisfait principalement d'entraînements de football avec l'équipe universitaire, dont il est le capitaine et les beuveries nocturnes avec ses camarades. Depuis qu'elle avait intégré la fac à la rentrée dernière, ce dernier la suivait partout. Il nourrissait toujours l'espoir de faire d'elle sa belle, avec des tentatives de séduction, qui à ce stade, se rapprochaient plus d'actes désespérés qu'autre chose. Si son intérêt était réciproque, cassie n'aurait surement pas oublié que Joe l'attendait pour la faire danser, alors qu'elle s'empressait de rentrer chez elle épuisée.
- Ouai, désolé, j'étais fatiguée et j'avais aucune envie de subir une soirée avec ce type.
- Je trouve que tu es dur avec lui, tu lui as tapé dans l'œil dès le début du semestre et il est plutôt beau mec. Fais un effort !
- Ivy lâche moi avec ça ! Je te dis qu'il ne m'intéresse pas et puis il a tout juste deux cailloux dans le crâne, sa plastique ne le rattrapera pas !
- Vipère !
- Rien que ça...
- Ce n'est pas ça ! Mais tu as une foule de prétendants à tes pieds, tu ne crois pas que tu devrais laisser la chance a quelqu'un. Je te figure que ce ne sont ni les auteurs de tes bouquins barbares ni ton prof de criminologie qui te donnerons du plaisir. Ivy pouffa. Elle adorait lui rappeler qu'à 26 ans elle avait déjà toutes les clés de la séduction et du plaisir en main. Cassie serai incapable de se rappeler du nombre exact de ses conquêtes depuis le début du 2eme semestre.
- Tu sais très bien que ça ne m'intéresse pas. Les hommes sont une perte de temps... Et puis j'ai encore le temps de trouver la bonne personne, quand bien même elle existe !
- Que tu crois, en tout cas si tu ne veux pas de Mr. biceps je te le vol !
Cassie acquiesça d'un mouvement de tète tandis qu'elles s'engouffraient ensemble dans la fourmilière de la cafétéria.
La dernière minute de cours de la semaine sonnait le début d'un long week-end. Ivy l'avait harcelé pendant près de trois semaines pour qu'elle l'accompagne à sa cousinade annuelle, avec pour seul argument principal qu'elle avait besoin de soutien face un cousin éloigné par alliance pour qui elle avait le béguin plus jeune. Évidemment, Cassie considérait l'argument caduc vu que son amie était à peine âgée de 8 ans au moment des faits. Malgré tout, elle savait que ça ne lui ferait pas de mal de prendre un peu l'air et de rencontrer du monde.
N'étant pas encore certaine encore la veille de sa participation Cassie n'avait pas anticipé son bagage. Elle a toujours été tête en l'air, un trait de caractère qu'elle tient principalement de son père. Alors qu'elle tentait de saisir son sac en haut de son armoire sur la pointe des pieds, en équilibre sur sa chaise, elle se remémora un souvenir symbolique. Son père, John était un homme de belle carrure au charme indéniable. D'aussi loin qu'elle se souvenait elle avait toujours vu les femmes l'observer avec envie. Il était aussi de nature calme et secrète. Elle c'était toujours demandé ce qui avait pu faire de lui un homme aussi mystérieux, parfois même avec sa propre famille.
Pendant qu'elle remplissait son sac de tout ce qui passait sous sa main, elle se rappelait la confidence que John lui avait fait un jour. La veille de ses 14 ans, son père lui avait appris que sa famille avait un don. Un don unique dont elle avait hérité et qu'elle devait impérativement garder secret. Il lui avait expliqué longuement son incroyable capacité à percevoir des choses que tout humain normalement constitué de devrait pas percevoir. A son jeune âge elle avait eu du mal à tout saisir mais son intuition lui avait soufflée qu'un jour tout prendrait son sens.
Elle sortait à peine de la douche, lorsqu'elle entend la voix d'Ivy faire écho à celle de sa mère dans la cuisine. Elle enfile rapidement une robe près du corps verte saphir et chausse ses sandales à talons bas.
Ivy adorait ses cousinades. Cela faisait plus de dix ans qu'elle y trainait Cassie et tenter de la pousser dans les bras d'un de ses cousins germains. Cette journée était douce. Elle traduisait parfaitement l'arrivée du printemps. Sa saison préférée. Le ciel était clair, l'air était doux et les arbres bourgeonnait. Tout le monde paraissait se réjouir de l'arrivée des beaux jours. Cette après midi elles étaient arrivées tôt, la majorité des convives n'étais pas encore arrivés. La journée s'annonçait mouvementer et les deux jeunes filles se délectaient tant qu'elles le pouvaient du calme de la propriété. Les cousinades des Dickinson avait lieux tous les ans dans le domaine du grand père. Aujourd'hui, cet immense terrain était devenu celui d'un de ses oncles et représentait le premier lieu de rassemblement de la grande famille. Cassie n'était pas particulièrement adeptes des grands mouvements de foules et encore moins des retrouvailles familiales. Pour elle, cette réunion s'assimilait plutôt à une scène de théâtre où tout le monde se battait pour obtenir le meilleur rôle : qui à le mieux réussis professionnellement, qui c'était engagé dans le plus de projets associatifs, qui à les enfants les plus studieux, ou encore qui à les plus beaux projets. Les cousinades des Dickinson étaient tout simplement la démonstration écœurante d'une société nombriliste et dont le seul objectif était de prouver sa supériorité.
Ce rassemblement d'hypocrites se résumait par des conversations stériles où chacun vient détailler dans les moindres détails des derniers mois de sa vie. En réalité, ça n'avait rien d'un partage et de retrouvailles sincères.