Lui ou l'autre
Mona G.
Synopsis
Alice rencontre par hasard Clovis. Lui, c'est son premier amour. Mais elle vit avec un autre, David. Alors, face à ce dilemme, qui choisira-t-elle : lui ou l'autre ?
(Préliminaires)Avec Clovis, le passé lui revient au visage, aussi puissant et prégnant qu'au moment de leur histoire. L'intensité des souvenirs et des sensations lui font perdre pied. C'est un simple contact entre deux corps qui se sont aimés, ces poussières de secondes, qui changent la vie, le destin d'Alice. Elle a alors l'impression de tomber au fond d'un gouffre sans fin et la seule manière d'arrêter la chute et de trouver son chemin à travers deux hommes, deux histoires, deux vies.
(Lui)Alice choisit son ex amour. Elle quitte son quotidien avec David pour lui, pour Clovis. Alice doit alors jongler avec son quotidien dans le cabinet de décoration d'intérieur qu'elle dirige et le rôle de muse pour le photographe d'art qu'est Clovis. Alice suit tant bien que mal la tornade de vie de son amour. Elle vit pleinement chaque seconde, ne profitant que du moment présent.
Cette histoire d'amour pose plusieurs questions :
*la possibilité de commencer à nouveau une relation avec son premier amour,
*savoir si vivre l'instant présent suffit au bonheur.
Avec des hauts et des bas, le couple ne survit finalement pas.
Alice se plonge alors à corps perdu dans le travail… Et là, tout peut arriver (un certain Tom Verney en particulier)…
(L'autre)Et si Alice, malgré ses retrouvailles avec Clovis, choisissait de rester avec l'autre homme de sa vie, David ? Dans cette seconde partie, on refait l'histoire :
Alice reste dans son quotidien avec David. Elle enchaîne ses journées de travail avec les projets d'avenir auprès de son amoureux. Ils parlent fiançailles, mariage, enfants, vie de couple. Mais la routine, bien qu'agréable et bien huilée, se met à grincer avec le grain de sable qu'est le retour Clovis. Alice remet son choix en perspective, elle pense à Clovis et sa vie sans prise de tête. Sans regretter son choix, elle vacille et doute.
Cette histoire d'amour pose les questions suivantes :
*la puissance des pensées et des souvenirs sur nos actes
*l'envie de liberté et de plaisir que l'on imagine plus verte chez Clovis.
Ce couple à trois (deux plus un ex-amant fantasmé et virtuel), se trouve déstabilisé et ne survit finalement pas lui non plus.
Alice prend alors du temps pour elle, « reculer pour mieux sauter »… Et là, tout peut arriver (un certain Tom Verney en particulier)…
Alice a la possibilité de vivre une histoire d'amour et son alternative. Les histoires parallèles se répondent sans cesse. Mais quel que soit le choix que l'on fait, la fin est inéluctable, on peut prendre des chemins différents mais notre destinée reste écrite. La destination est fixe, mais Alice, elle, a la chance de pouvoir emprunter deux trajets différents pour l'atteindre.
Personnages principaux
*Alice Lévram : très fière d'avoir monté (presque) seule son cabinet de décoration d'intérieur, nommé sans modestie « Inspirations - Lévram & Thoms ». Elle va travailler avec le sourire, créer et inventer est une passion pour elle. Elle se considère souvent comme une fille « dans la moyenne » mais est consciente de faire tourner la tête à plusieurs hommes. Elle commence néanmoins à repérer ses atouts et s'en sert. Elle aime rêver, rire et s'entourer de personnes de confiance. Elle suit son instinct et adore se laisser aller et vibrer dans les bras de son amour. Elle reste libre : la séduire ne signifie pas que c'est pour la vie.
Elle rêve secrètement d'un prince charmant impulsif, raisonnable et éperdument amoureux d'elle.
*Clovis : artiste-photographe qui commence à se faire un nom à l'international. La première fois qu'il a quitté Alice, il était simplement parti pour voyager. Il avait envie de faire des photos de femmes à travers le monde et il l'a fait, tout simplement. Mais l'amour pour Alice l'a fait revenir. En sa présence, les idées créatives fusent dans son esprit, des pulsions inextinguibles de lui faire l'amour et de la faire sourire l'envahissent. Il dégaine son appareil photo à tout moment, profite pleinement des bénéfices d'être artiste (voyages, mannequins,…) et vit chaque minute intensément.
En bref, il est le prince charmant drôle, troublant et éperdument amoureux que beaucoup de femmes attendent secrètement.
*David : il attend d'avoir occupé son CDI depuis un an pour pouvoir demander Alice en mariage, en bonne et due forme ; il compte investir dans un appartement avec 3 chambres durant leurs fiançailles. Il prépare de délicieux dîner, il élabore des vacances idylliques et planifie une vie de princesse pour Alice. Il savoure chaque petit bonheur quotidien avec elle. Il serait sans doute capable de vivre d'Alice et d'eau fraîche.
En bref, il est le prince charmant stable, sérieux et éperdument amoureux que beaucoup de femmes attendent secrètement.
*Julia Thoms : amie et collaboratrice d'Alice à l'agence de décoration d'intérieur. Elle est mariée et désespère d'agrandir sa famille. Bien que préoccupée par ses propres difficultés à tomber enceinte, elle est l'épaule solide sur laquelle Alice s'appuie ou s'accroche. C'est le Jiminy Cricket d'Alice, qui tient compte de ses conseils et se laisse bousculer par ses questions.
Début du roman
Lui ou l'Autre
Préliminaires
Ils s'étaient croisés par hasard au coin de la rue des anges. (Enfin, à ce moment-là Alice pensait encore que c'était du hasard….) Ils s'étaient limité à quelques onomatopées à peine audibles et s'étaient blottis l'un contre l'autre. Longuement, avec vigueur, trouble et émoi.
Mais là où tout à basculé c'est quelques minutes plus tard, attablés autour d'un verre au café « Dolce »…
*
Quand la plupart des gens qui réapparaissent de notre passé nous demandent ce que l'on devient, ce que l'on fait de notre vie… Ce moment désagréable où l'on énumère dans l'ordre sa fonction professionnelle, parfois l'on complète par sa situation familiale (si enfant et/ou bague au doigt), son logement (si propriétaire ou habitation en (gros) travaux) ou ses loisirs (si compétition sportive gagnée ou article de presse)… Clovis, lui, avait une autre approche. Plus directe, plus déstabilisante et plus implicante :
-Qu'est-ce que tu aimes faire ?
L'amour. L'amour. L'amour avec toi.
Mais Alice n'avait pas exprimé cette pensée à haute voix, se contentant de répondre selon le protocole en vigueur :
-J'aime la décoration d'intérieur, j'ai ouvert mon cabinet avec une copine, Julia. C'est un peu compliqué financièrement mais je m'éclate.
C'est un peu plus tard, entre deux sourires gênés ou contenus, que Clovis avait posé le bout de ses doigts sur la main d'Alice.
C'était rien, c'était tout. Cet infime contact avait provoqué chez Alice, dans le désordre : tachycardie, rougeur excessive des pommettes, souvenirs du passé vivaces, flash culpabilisé de son quotidien avec David, essoufflement apnéique et prémices de contractions de l'aine.
Clovis avait le visage baissé, fébrile et incapable de soutenir le regard d'Alice. Seul un léger sourire blotti au creux de la commissure, fier d'avoir parcouru des doigts ces quelques centimètres, fier de respirer encore (même si l'air semblait ne plus contenir d'oxygène). Parfois un soupçon d'audace ou de foi peut déplacer des montagnes.
A certains moments on a le pouvoir de décider vers quelle fin on veut orienter notre histoire… Mais l'on se contente de bifurquer (ou pas), sans voir le bout du chemin, se fiant uniquement aux petits panneaux de bois, au creux de la fourche : à gauche : « Lui », à droite : « L'Autre ». C'est devant cette bifurcation que se trouvait Alice. Indécise, troublée et pleine d'appréhension.
Cet instant, où tout allait bien avant et tout sera chamboulé ensuite. Juste à cause de ces quelques secondes. La sérénité confortable puis le chaos cyclonique. L'avant et le futur, l'instant qui change le monde et la personne au plus profond. Pour toujours. Pour une poignée de secondes.
Ce contact entre deux mains qui se sont aimées, deux corps qui se reconnectent et se bouleversent instantanément. C'est alors que tout s'est délité. A nouveau.
Alice avait fermé le dossier « Premier Amour » il y à trois ans. C'était définitif. Douloureux mais définitif.
Définitif et pourtant, il avait suffit d'un instant. Les souvenirs mais surtout les sensations du passé l'avait envahies aussi vivement et intensément qu'à l'époque de leur amour. Son odeur musquée qui donnait envie d'enfouir son visage au creux de son cou, ses mains légèrement rugueuses glissant au creux de ses hanches, sa voix soufflée qui lui susurrait des blagues (toujours au moment le moins propices).
Réveille-toi, idiote. Il t'a quitté pour vivre sa vie en solitaire par-delà le monde, te laissant les joues mouillées de larmes et la morve au nez, avec pour seule aspiration de rester avachie dans le canapé devant le premier « téléfilm romantique » venu.
Mais Alice pouvait même sentir la viscosité moelleuse de sa langue contre la sienne. Cette onctuosité sensuelle balaya toute pensée un tant soit peu construite.
De lourdes secondes Alice hésita. Mettre dans la balance une rupture douloureuse et un doux frisson au creux des reins… Elle pouvait glisser sa main hors des doigts de Clovis ou l'abandonner à sa douce emprise, consentant ainsi à retomber dans ses bras.
C'est à se moment que tout avait basculé.
*
- Je suis parti plusieurs mois en Asie. J'ai beaucoup pensé à toi, à nous.
Tout en parlant, il s'agenouillait devant elle, lui tendit un écrin de velours noir. Ses yeux gris la transperçaient, son sourire.
Une demande en mariage, maintenant ? Et tous les regards qui se tournent vers nous… Faites que je disparaisse. Faites que je disparaisse.
- Qu'est-ce que tu fais, t'es malade ou quoi ?
- Arrête de râler et ouvre.
Alice, défiante, saisit la petite boîte et, retenant son souffle, bascula le petit couvercle.
Elle éclata de rire, des larmes perlaient au coin de ses yeux. Elle retrouvait Clovis, son Clovis. Bien que les traits de son visage se soient marqués de maturité, il restait le même ado imprévisible et attachant…
- Elle a 300 ans, expliqua Clovis. Elle a été conservée dans une famille proche de l'empereur de Chine. Et, comme tu le sais, elle est le symbole de pureté, d'élégance et d'élévation spirituelle.
Alice saisit délicatement la petite noisette marron et la fit tourner entre ses doigts. Une graine de lotus. Elle l'observait attentivement, non pour ce qu'elle était mais pour ce qu'elle allait devenir, une plante capable de prendre racine dans la vase profonde et de s'épanouir au-dessus de l'eau en une fleur complexe et magnifique.
- 莲花, je ne suis pas sûr de la prononciation…
Alice sourit. C'était un cadeau merveilleux.
Alice, flageolante, triturait l'écrin. Elle n'arrivait pas à aligner deux pensées cohérentes.
Est-ce que les trois dernières années avec David avaient réellement existé ? Clovis était-il parti sans elle, si longtemps ? Ou était-ce hier ?
Elle était en proie aux réminiscences de son premier amour, mais, sentiment nouveau, elle se sentait belle, désirée, presque essentielle. Elle se démarquait de toutes les autres filles, alors que son physique était des plus banals. Des cheveux mi-longs, châtains (ni blonde, ni brune, encore moins rousse), des yeux marrons (ni bleus, ni verts, ni avec des éclats violets ou dorés), elle n'était ni grande, ni petite (1,63m. comme la moyenne nationale), ni mince, ni ronde (taille 40). Banale. Parfaitement banale.
Clovis lui effleura le bout de ses doigts. Il lui enserra délicatement la main, toujours posée sur l'écrin. Un frisson charnel et instinctif la fit tressaillir. Elle ne dégagea pas sa main et soutint le regard de Clovis.
*
Comme des enfants ricanant de leurs bêtises, ils avaient pris une chambre d'hôtel. En plein après-midi. Faisant semblant de réfléchir pour commander ou non des petits-déjeuners pour le lendemain, riant dans leur barbe, sachant parfaitement que la réceptionniste n'était pas dupe.
Au bout du couloir, Clovis avait soulevé Alice, un bras musclé sous son dos, l'autre au creux de ses genoux. Il se mit à courir. Alice cria, resserrant ses mains autour de la nuque de Clovis. Emporté par le poids de la jeune femme, il trébucha ; réussit à la faire atterrir relativement doucement, s'affala sur elle. Leurs rires emplissaient tout le couloir. Ils ne s'en préoccupaient pas, ils étaient seuls. Rampant et se tortillant sur la moquette bleue du couloir, Alice, haletante, s'était allongée sur le dos. Clovis, en appui sur ses avant-bras pour ne pas l'écraser, approcha son visage du sien, respira son souffle et lui prit la bouche en un long baiser. Il l'embrassa doucement, retrouvant avec plaisir son goût, la chaleur moite de ses lèvres et de sa langue. Alice avait fermé les yeux, annihilant tout stimulus extérieur, se concentrant sur la passion qu'il glissait dans sa bouche, sentant des frissons couler dans sa gorge, le long de sa colonne vertébrale, se contractant entre ses cuisses… Elle ouvrit les yeux en sentant l'excitation de Clovis contre son entre-jambe. Il lui sourit, mi-gêné, mi-séducteur.
-J'ai toujours rêvé de faire mes pompes dans un couloir.
Il se souleva, puis redescendit pour l'embrasser.
-Un… Deux…
A chaque fois, il déposer un baiser sur ses lèvres, de plus en plus court, les muscles de ses bras commençaient à trembloter.
-J'arrive à en faire 50 ! J'espère que t'es prête.
Mais il été essoufflé et se laissa tomber sur Alice.
- Et trois ! Je déconnais, trois c'est mon max !
*
Alice se mordit la lèvre inférieure, son cœur cognait dans sa poitrine, son sang pulsait dans ses tempes. C'est ainsi, tremblante, fébrile et désirable, qu'elle se blottit contre Clovis. Fondant leurs corps quasi nus. Il était assis sur le bord du lit. Il sourit en enfouissant son visage dans les cheveux soyeux aux légères effluves de coco. Alice, instantanément se sentit apaisée. Cela regonflait son ego, que Clovis, après tout ce temps, ait toujours envie d'elle. Elle frissonna. Plus d'appréhension que de froid.
Le frémissement d'Alice n'avait pas échappé à Clovis. Il lui saisit le poignet. Il avait la main chaude et douce. Il l'attira à lui et la fit s'asseoir sur ses genoux. Elle souriait toujours et se détendit lorsqu'il la caressa timidement entre ses omoplates, jusqu'à sa nuque. Un nouveau frisson la fit tressaillir...
- Tu as froid ?
Non, Alice n'avait pas froid. Elle avait même des bouffées de chaleur. Mais elle ne répondit pas.
-A l'attaaaaaque !!!
Clovis l'attrapa et la précipita sous les draps, elle cria, ou rit peut-être. Alice souriante et essoufflée, se blottit contre lui, le visage enfoui dans son cou. Il sentait bon. Elle reconnut son parfum, son odeur musquée. Elle le respira à s'enivrer. Cette abstinence olfactive lui avait coûtée, elle s'en apercevait à présent.
Il glissa ses doigts tremblants mais finalement assurés dans ses cheveux pour lui dégager le visage. Elle plongea instantanément son regard sombre dans le sien. Il retrouvait avec plaisir ses yeux pétillants et la douceur de ses traits. Puis son regard glissa vers sa bouche. Ses lèvres étaient sensuelles, charnues, légèrement entrouvertes. Il enlaça la nuque d'Alice et s'approcha de cette bouche libidineuse y enfourna sa langue douce et hasardeuse. Ses lèvres étaient chaudes et moelleuses. Leurs bouches s'entrechoquèrent de nouveau et, rapidement, leurs souffles s'accélérant, leurs langues se mêlèrent, se démêlèrent et s'entremêlèrent. Leurs corps se collèrent instinctivement, d'un même élan. La langue brûlante et tendre d'Alice contre la sienne eut pour effet immédiat de renforcer son érection à présent manifeste.
Moi aussi j'ai envie de toi... Ton sexe m'a manqué, mon Clovis…
Alice ouvrit les yeux sur le visage de son amant qui la détaillait des épaules aux cuisses. Une fraction de seconde, elle se sentit mal à l'aise mais, sitôt qu'elle vit l'effet que cela produisait dans les yeux et le sexe de Clovis, elle sourit intérieurement et se détendit. Clovis, lui, redécouvrait les courbes des hanches, le petit ventre légèrement rebondi au grain de peau extrêmement fin et la poitrine galbée dans un soutien-gorge noir. Il caressa ce corps qu'il avait dénudé sans prendre le temps de l'observer. Il glissa sa main droite dans le dos d'Alice, et réussit du premier coup, d'une seule main, à dégrafer le soutien-gorge.
-J'ai pas perdu la main, hein ?
Deux petits seins fermes apparurent. Il les rapprocha et enfouit son visage dans le sillon ainsi formé. Elle sentait bon. Après s'être repu de cette odeur et de sa chaleur, il releva la tête. Elle avait l'air calme. Il glissa sa main dans la culotte d'Alice et la tira le long de ses cuisses jusqu'aux chevilles. Ses jambes étaient douces, comme son ventre, veloutées. Il lui écarta les jambes, rapidement mais délicatement. Il observa ce sexe offert puis son visage. Elle avait les yeux fermés, ses traits étaient totalement détendus. Il écarta les lèvres turgides de sa vulve et déposa un baiser sur la minuscule éminence clitoridienne. Il reconnut l'odeur suave, cela le stimula et l'incita à goûter plus avant ce sexe. Il lécha délicatement la vulve avant de doucement téter le petit clitoris qui commençait à poindre.
Elle ferma les yeux et laissa échapper, dans un soupir, un léger « oui ». Clovis attrapa un préservatif dans son jean et l'enfila. Puis il saisit les genoux d'Alice, et tout en caressant l'intérieur de ses cuisses, glissa ses mains vers son pubis. En lui dégageant les jambes, cette fois, les lèvres de sa vulve s'écartèrent elles aussi. Il introduisit ses pouces dans l'orifice légèrement béant. Elle gémit. Il fit coulisser ses doigts qui glissèrent tels des pistons bien huilés. Du reste de la main, il lui pressait gentiment la fente.
Les pouces gluants, il saisit sa verge bandée et l'enfonça dans le sexe humide, chaud et consentant. Alice geignit de délice lorsqu'elle sentit le pénis dur et doux frayer et forcer sa fente. Clovis la pénétra et ne pensa plus qu'à son propre plaisir. Après seulement quelques coups de reins, il sentit son sexe se raidir encore un peu plus avant d'éjaculer.
Les deux corps essoufflés, s'enlacèrent. Alice soupira d'aise.
Alice se serra, souriante, contre le corps chaud de son amant.
Puis, rêveuse, elle laissa courir ses doigts sur le torse de Clovis, ils s'entortillèrent dans les poils de sa poitrine et glissèrent jusqu'à son nombril. Inconsciemment, il fit de même. Ses larges mains étaient douces, elle frissonna légèrement de plaisir. C'est à ce moment qu'elle pensa à David. Et cette situation d'adultère ne fit que stimuler un peu plus sa libido. Elle avait envie de sexe et de plaisir sexuel, comme elle en avait rarement envie dans son couple au quotidien. Elle intensifia ses caresses.
- Caresse-moi, avait-elle osé prononcer en le regardant intensément dans les yeux.
Il laissa donc glisser sa main entre les cuisses de la jeune femme abandonnée. Son sexe était moelleux, chaud et humide. En miroir, la main d'Alice rencontra un sexe déjà tumescent, velouté et dressé. Il écarta les lèvres du sexe pour stimuler sans attendre le clitoris mais se ravisa en sentant un attouchement vif et râpeux sur son gland. Plus prudemment, il fit rouler sous la pulpe de ses doigts, l'extrême douceur de ce sexe féminin. Aussitôt, des doigts habiles effleurèrent son sexe dans des mouvements de va-et-vient très excitants. Il connaissait encore l'intimité d'Alice, du plat de la main, il exerça une légère pression sur toute la surface de la vulve et impulsa de petits mouvements circulaires. En réponse, l'index de la jeune femme vint cueillir la petite goutte de rosée du désir au sommet de son pénis et l'étala tout autour de son gland en un effleurement aphrodisiaque.
Leurs respirations s'accélérèrent simultanément et graduellement.
Le vagin d'Alice se contractait maintenant de plus en plus sous le désir croissant. Elle se cambrait sous des vagues de plaisir, telles des lames de fond qui la submergeaient. Elle haletait, mais sa main douce poursuivait ses caresses. Clovis se tordait et se crispait lui aussi de plaisir, chaque pression arachnéenne le long de la hampe de sa verge manquait de le faire jouir. N'en pouvant plus, il se tourna vers Alice. D'une main il lui écarta délicatement la vulve, de l'autre il saisit son pénis impatient, gainé dans un préservatif. Puis afin d'assouvir ce désir impétueux, et après avoir caressé la fente brûlante de la jeune femme de son gland engourdi d'envie, il la pénétra. Il s'enfonça lentement en elle. Sous la douceur, la mouillure et la chaleur de son sexe, il faillit jouir, mais il se contint et bougea en elle jusqu'à en avoir mal de plaisir. Sentir cette verge bandée la pénétrer, assouvit quelque peu l'envie d'Alice. Puis, rapidement, elle se laissa porter par les va-et-vient dans son ventre, et l'orgasme monta crescendo jusqu'à l'inonder totalement. Son amant était endurant, elle jouit à plusieurs reprises. À en être épuisée, à en redouter la vague de plaisir suivante. Vidée de trop de jouissances, elle resta inerte, laissant à Clovis son corps et son sexe offert. Après plusieurs minutes, il éjacula dans un orgasme qui le parcourut telle une onde de choc, le laissant essoufflé et inanimé. Leurs deux corps lourds semblaient flotter, enfouis dans de la ouate nuageuse.
*
Alice sortit du cabinet de toilette, fraîchement douchée. Elle était détendue et habillée. Clovis dormait encore, sous les draps. Elle sourit en le voyant étendu tel qu'il était tombé après l'orgasme. Le repos du guerrier. Elle s'étendit auprès de son amant retrouvé, lui caressa le visage. Elle effleura ses tempes, suivit l'arc de ses sourcils, l'arête de son nez droit puis frôla les lèvres qui l'embrassaient encore quelques minutes auparavant, quelques années plus tôt. Elle reconnaissait les traits francs et marqués de ce visage qui l'avait tant fait vibrer. Avant.
Il s'éveilla, heureux d'ouvrir les yeux sur elle. Leurs ébats lui revinrent aussitôt à l'esprit, provoquant immédiatement un effet dans son bas-ventre.
-Il faut que je rentre... Elle regrettait d'avoir à dire cela, elle aurait voulu que leurs retrouvailles se prolongent encore et encore, mais la petite voix de la raison se faisait de plus en plus prégnante.
Clovis s'assit sur le rebord du lit, Alice pouvait voir son dos large et puissant, ses fesses. Elle sourit, admirant son amant à la dérobée. Lui, avait la tête dans ses mains. Il essayait autant d'émerger de son lourd sommeil que de trouver un moyen de se lever en dissimulant son érection.
Il avait enfilé son boxer, mais cela ne cachait pas le renflement du sexe bandé. Cela, évidemment, n'échappa pas à Alice. Elle esquissa un petit sourire. Il s'approcha d'elle et la serra contre lui.
-Ça te rappelle de bons souvenirs, petite coquine ?
Elle se sentit petite et protégée, ainsi blottie contre le corps nu et fort de Clovis. Elle l'enlaça. Elle posa sa tête contre le torse chaud. Elle sentait contre son nombril le sexe viril. Elle soupira d'aise. Et de regrets.
Ces retrouvailles adultères intenses s'achevaient... Elle était à la fois comblée, triste et inquiète pour la suite des événements. Puis, sans qu'elle n'ait eu le temps de réaliser ce qui se passait, elle se retrouva, le jean et sa culotte autour des chevilles. Il la renversa sur le lit. Le ventre et le visage dans les draps, les genoux sur la moquette râpeuse. Il lui souleva légèrement le bassin pour apercevoir, enserrée entre ses cuisses, sa vulve pulpeuse. Mais ce sexe soumis était si comprimé qu'il eut du mal à le pénétrer. Alice, encore interdite de se retrouver ainsi agenouillée et exposée, sentait, à sa plus grande surprise, son sexe suinter. Le liquide brûlant et visqueux coulait le long de son vagin, l'excitant davantage.
Le pénis alerte trouva finalement son chemin entre les cuisses collées. Clovis manqua jouir en sentant son pénis compressé glisser dans l'étroitesse lubrifiée. Il écarta les fesses d'Alice, tentant ainsi de détendre cette pression autour de sa verge, pour ne pas jouir déjà. La vue qui s'offrit à lui, l'excita d'autant plus, et il donna de forts coups de reins, assouvissant ainsi un besoin impérieux. L'extrême excitation lui raidissait le sexe à la limite de la douleur, il fallait qu'il jouisse pour se soulager.
Alice, quant à elle, se sentit littéralement transpercée. Elle sentait le dur phallus profondément, jusqu'au creux de son ventre. Il la pénétrait totalement. Elle aimait. Elle aimait le frottement dans son vagin. Elle aimait le claquement du pubis velu contre son clitoris, contre ses fesses. Et lorsqu'il lui avait écarté les fesses, l'orgasme tapi dans son entrecuisse avait déferlé dans tout son corps, la secouant de spasmes de jouissance.
Elle était juste assez consciente pour sentir le sexe de son amant se contracter violemment pour éjaculer en elle.
*
Clovis déposa Alice à quelques centaines de mètres de chez elle. Ils se séparèrent dans un échange de sourires et de regards emplis de clandestinité. Ils hésitèrent, et l'instant passa. Ils ne s'embrassèrent pas.
Elle sourit en reconnaissant de loin la silhouette de David qui se dirigeait vers leur immeuble.
-Bonjour mon Amour.
-Bonjour ma belle. Tu rentres à pieds ?
-Oui, il fait beau. Et puis je suis passé prendre le dîner, justifia-t-elle en levant une barquette noire.
-Hum ! Des sushis. Tu penses vraiment à tout. Je t'aime… Mais, tu n'as pas l'air bien.
-Si, si. Juste fatiguée. J'ai eu une longue longue journée. Compliquée.
Lui
Alice avait hésité lorsque, dans le café, Clovis avait posé sa main sur la sienne. Mais elle l'avait laissée. C'est à ce moment que tout avait basculé. Sans le réaliser, elle avait fait son choix, le temps d'un frisson. Ces infimes moments qui changent le cours de nos vies. Quelques secondes suffisent pour tout renverser, tout bouleverser. D'ailleurs, ces dernières secondes décisives, définitives semblent s'étirer au ralenti et s'étirer douloureusement, soulignant l'ampleur du changement à venir.
Et puis ensuite dans cet hôtel, elle était redevenue une adolescente espiègle et insouciante des conventions sociales… Sans doute que lorsqu'on retrouve quelqu'un de son passé, on revient à l'âge mental qu'on avait à l'époque… Il lui avait fait l'amour, simplement, juste pour le plaisir. Elle l'avait de nouveau goûté et avait réalisé qu'elle avait en fait vraiment très faim.
*
Julia était autant une amie qu'une associée… Alice aurait peut-être voulu garder encore quelques jours Clovis pour elle, égoïstement. Mais Julia l'attendait de pied ferme devant leur cabinet de décoration d'intérieure. Avant d'entrer, Alice leva comme chaque fois, les yeux vers l'enseigne « Inspirations – Lévram & Thoms », comme pour réaliser que l'entreprise n'était pas un rêve. Ou que justement c'était un rêve devenu réalité.
-Tu as envie de faire pipi, tu te trémousses comme une enfant !
-Non, j'ai envie que tu me racontes !
Alice leva un sourcil, puis plissa les yeux… Julia lui expliqua d'une voix saccadée et à grand renfort de gestes qu'un beau jeune homme était passé au cabinet la veille, demandant où il pouvait trouver Alice Lévram.
-Et tu lui as dit où j'étais ?
-Ben oui, fallait pas ? Il est trop beau. Et il avait l'air de te connaître.
Le con, il m'a suivie… Il ne m'est pas rentré dedans par hasard. Le salaud.
-C'est Clovis.
-Clovis. Le Clovis qui t'avait laissée en charpie quand on s'est rencontrées ?
-Celui-là même.
-Oh mon dieu… Raconte.
Alors Alice s'est prise au jeu, finalement quelque peu fière d'avoir était retrouvée par un ex. Par son grand Amour. Julia souriait en écoutant les retrouvailles entre deux anciens amants. Elle était heureuse de voir des étoiles dans les yeux d'Alice, de la voir rire et sourire à l'évocation des péripéties de la veille.
-Il est encore dingue de toi !? Après tout ce temps…
-Je n'en sais rien, il ne parle pas beaucoup de ses sentiments.
-Et toi ?
-Je n'ai pas encore bien réalisé ce qui s'était passé… dire qu'on a couché ensemble, j'en reviens pas… Et si je retombe amoureuse de lui et qu'il me détruit à nouveau ?
-Et si cette fois l'histoire finit bien ?
Clovis… Pourquoi le revoir me mets dans ces états-là ? Quelle midinette à deux balles…
-Tu crois qu'on peut oublier son premier amour ?
-Je crois que c'est le dernier amour le plus important, celui qui compte vraiment en fin de compte.
C'était facile pour elle de dire ça. Julia se mariait l'été prochain, tentait de faire un bébé… Bref sa vie oscillait entre catalogues de mariages et de puériculture. La vie en rose.
-Et tu lui as dit ?
-Quoi ? A qui ?
-A David.
-Non.
Est-ce que ce n'est pas incohérent (voire débile) d'être capable de faire des études, de monter sa boîte, bref de devenir une adulte mature et responsable et, en même temps, de croire encore aux contes de fées, aux histoires qui finissent bien et au premier amour qui rimerait avec toujours…
*
La matinée d'Alice passa rapidement, elle devait suivre deux chantiers de rénovation et de décoration. Le midi, elle ne put rien avaler. Sa pause-déjeuner fut éclipsée par une lettre, par de simples mots. Des mots simples et profonds.
JE t'ai laissée partir sans même ton numéro
NE sachant comment te revoir, je
T'AI donc écrit à la manière de Musset…
JAMAIS plus on ne voit ça de nos jours, cette démarche
OUBLIEE, surannée : l'art épistolaire.
J'AI vraiment besoin de te revoir, et
ENVIE aussi. Que dirais-tu
DE se retrouver ce soir au jardin des plantes, juste
TOI et moi ?
MA belle avec toi ma vie est une
MERVEILLE, mon pays, mon Alice
Et Alice avait accepté, surtout afin de dissiper le doute sur leurs retrouvailles. Clovis pouvait-il lui promettre une vraie histoire à deux ou seulement quelques beaux moments avant de repartir vers de nouveaux horizons ? Et puis, elle avait (re-)pris goût au thrill d'être auprès de Clovis. Rien que l'évoquer et elle frissonna.
Elle culpabilisait un peu de rentrer tard deux soirs de suite. Elle se contenta d'un sms minimaliste à David.
Clovis se leva du banc et, souriant, vint à la rencontre d'Alice. Comme la veille, ils se serrèrent l'un contre l'autre. Sans concertation, sans réfléchir, avec naturel. Leur étreinte dura quelques secondes. Suffisamment pour qu'Alice sourit aussi.
Il la prit par la main et ils se mirent à courir, jusqu'au milieu de la pelouse où Clovis la bascula dans l'herbe. Ils étaient essoufflés, Alice riait, Clovis ne la quittait pas des yeux. Il s'allongea sur elle, écarta les cheveux de son visage et l'embrassa, doucement, durement, profondément. Les enfants qui jouaient aux ballons disparurent, les promeneurs s'estompèrent, les bruits environnants devinrent flous. Leur baiser dura peut-être une seconde. Ou une minute. Ou bien une heure… Ils se perdirent dans leurs sensations corporelles, occultant inconsciemment le reste du monde. Juste leurs souffles, leurs tempes battantes, l'onctuosité de leurs langues enlacées. Juste leur baiser, pour un instant, pour l'infini.
J'ai les joues engourdies… Depuis quand cela ne m'est plus arrivé ? J'ai l'impression d'avoir 16 ans.
-J'avais plein de choses à te dire t'as vu ? Heureux que tu sois venue.
-Si on peut appeler ça « parler ». Mais me dis pas que tu as tout dit…
-Non, mais je te dirais ce que j'ai sur le cœur chaque fois que je te verrai, sois en sûre. Te voir me rends vraiment « loquace ».
Et il l'embrassa de plus belle. Toujours plus langoureusement. Et elle se laissa glisser encore. Toujours plus profondément.
Le soleil était encore assez haut dans le ciel mais l'air de début de soirée d'été commençait à se rafraîchir. On entendait les oiseaux pépier, les cris des enfants et les discussions leur parvenaient comme à travers de l'eau.
-Moi, j'ai besoin qu'on parle. Sérieusement.
-Ok, je t'enlève tes chaussures… pour parler sérieusement dans l'herbe, il faut être pieds nus. C'est mondialement reconnu.
-Clovis, sois sérieux, s'il te plaît.
-Tiens, j'ai aussi apporté des chouquettes. Pas de discussions sans douceurs !
Alice sourit et saliva malgré elle à la vue du sachet auréolé de beurre.
Elle inspira et l'informa qu'elle vivait en couple avec David.
-Rien à foutre qu'il y en ait un autre… C'est toi qui m'intéresse.
Ça c'est fait…
Elle prit une chouquette, fit rouler sous sa langue une perle de sucre. Sa voix tremblait un peu, mais elle devait lui dire. Pour elle. Pour ne pas que l'histoire se répète.
-Tu m'as brisé le cœur quand tu es parti.
-C'est que tu m'aimais vraiment, alors…
-Ce n'est pas drôle, j'ai été très très mal.
-Je ne rigole pas.
Et pourquoi t'es revenu ? Qu'est-ce que tu attends de moi ? De nous ? Est-ce que tu m'aimes encore ?
-Tu as bien lu ma lettre ?
-Oui, mais heureusement que tu as fais référence à Musset, sinon, je serais passée à côté. Ça veut donc dire que tu m'aimes encore ?
-Plus que les voyages…
-Non, mais sérieusement.
-J'étais sérieux.
Clovis ôta des brins d'herbe des cheveux d'Alice. Il lui caressa le visage. Ses traits n'avaient pas tant changés, elle était toujours aussi belle. Il sortit son appareil photo, il fallait immortaliser ce moment.
-Oh non… Tu ne vas pas recommencer !
-C'est mon boulot ma Merveille ! Et tu as le privilège d'être ma muse. La seule et l'unique !
Pendant qu'il la shootait sous tous les angles, Clovis lui résuma ses trois dernières années. Il était parti pour suivre sa passion (la photo d'art) et avait parcouru le monde. Pour se faire la main, s'ouvrir artistiquement et si possible percer. Oui, il avait pas mal réussi, son exposition « Portraits de femmes » avait de belles répercussions. Plusieurs grandes galeries à travers le monde avaient accepté de l'exposer, au moins de manière temporaire. A présent, il allait plus loin que la simple photo, il manipulait numériquement les images, en modifiant totalement le rendu. Mais elle allait avoir l'occasion de voir tout ça, ils n'allaient pas parler boulot toute la soirée.
Quand tu te caches derrière ton objectif, tu arrives à parler de toi… Tu as toujours besoin d'un filtre, ça au moins ça ne change pas.
-Ce qui s'est passé hier, à l'hôtel, on en parle ou pas ?
-Ah oui, d'ailleurs puisque tu abordes le sujet, depuis qu'on a couché ensemble, j'ai chopé un truc incurable… pourtant on s'était protégés, je ne comprends pas…
-Comment ça ? Je suis clean ! Alice était offusquée (et un peu inquiète rétrospectivement).
-Je suis complètement amoureux… Je ne sais pas vraiment si c'est contagieux ? Tu l'as aussi, toi ?
La luminosité commençait à s'estomper. Ils avaient passé les dernières heures à goûter le souffle de l'autre, à retrouver les sensations du grain de peau de l'autre sous leurs doigts, à parler un peu.
Alice devait rentrer. Vingt-quatre heures plus tôt, sa vie était si simple : un gentil amoureux, une vie professionnelle épanouissante, en bref, une jolie routine. A présent, la simplicité c'était se retrouver allongée dans l'herbe sans se soucier de tacher son tailleur, sentir la caresse de l'herbe rouler sous la plante de ses pieds et la chaleur fraîche de la main de Clovis sur son ventre, dans sa main ou le long de son visage. Alice soudain épuisée, soupira, amère.
-J'ai besoin d'un peu de temps pour faire le tri dans ma vie. Je n'arrive plus à aligner deux pensées cohérentes. Tu fais voler ma vie en tornade. J'ai besoin de prendre mes distances. Il est l'heure de rentrer.
-Avant que tu partes, voilà la clé de mon appart', tu viens t'installer quand tu veux. L'adresse est avec, dans l'enveloppe.
- Qui te dis que je vais tout quitter pour revenir dans tes bras ? Je te demande un peu de temps de réflexion et toi tu me donnes une clé !
- Viens dès que tu peux, dès que tu veux. Je t'attends.
*
Au dos de la carte de visite de Clovis, il avait écrit une simple phrase.
Alice, ma Merveille, ton regard est mon pays.
Loin de toi, je ne suis qu'étranger…
Et cette simple phrase tournait dans la tête d'Alice comme un poisson dans son bocal. Elle se cacha le visage dans ses mains.
La clé était au fond de son sac à main, tout contre l'écrin contenant la graine de lotus.
Maintenant, ma grande, il va falloir parler à David ! Comme le dit la sagesse : « Quand tu aimes quelqu'un, montre lui ; quand tu cesses de l'aimer, dis-lui. Jamais l'inverse. »
Le mascara d'Alice avait un peu coulé en cernes noirs, elle avait encore les yeux qui piquaient. Des sanglots lui pesaient sur les cordes vocales. Malgré sa voix tremblante et son regard embué, elle réussit à parler à David. Sereinement, respectueusement. Elle insista sur le fait qu'il n'avait rien à voir dans sa décision de partir. Que tout était de sa faute à elle, elle s'en voulait d'être troublée par un autre homme que lui et ne pouvait honnêtement pas rester psychiquement avec l'un et physiquement avec l'autre. David ne comprenait pas comment sur un coup de tête on pouvait faire table rase de plus de deux ans de relation. Est-ce qu'elle ne l'avait jamais aimé ? Si, Alice l'avait aimé, très sincèrement ; C'est dans ses bras qu'elle s'était reconstruite, qu'elle avait repris goût en la vie, qu'elle avait projeté un futur. Avec David.
Alors il l'avait serrée tendrement contre lui. Elle avait laissé échapper tous les sanglots, auréolant de morve et de larmes acides la chemise de David. Il lui caressait les cheveux, le regard perdu au loin, de lourdes larmes brûlantes sillonnèrent entre sa barbe. Alice pouvait être elle-même avec lui, sans filtre, sans faux-semblant. Juste vivre, en toute confiance. Même ainsi, après tout ce qu'elle lui avait dit, il était là pour elle, fort. Tel un phare : toujours debout malgré les vagues et les tempêtes, dressé même devant une mer d'huile, constant, pour lui illuminer son chemin.
-Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Oh la la ! J'abuse. Je lui demande de gérer notre séparation alors que j'en suis à l'origine…
Fidèle à lui-même, David se recula, se détourna le temps d'essuyer ses larmes et, après s'être éclairci la voix lui exposa sérieusement :
-On ne va pas gâcher plus avant notre soirée. La nuit porte conseil, on en reparle demain. En attendant on va se faire un bon dîner en tête-à-tête, tranquilles et puis, si ta décision est ferme et définitive, on trouvera une solution demain, tous les deux.
-Merci, tu es un amour.
Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Il n'y a qu'une conne comme moi pour draguer le mec que je quitte !
Ils avaient passé un repas serein et bénéfique. Alice avait même rit à plusieurs occasions, David se comportait comme … David. Fidèle à lui-même, un pilier stable sur lequel on peut s'appuyer en toutes circonstances. Puis ils avaient rejoint le lit. Devaient-ils vraiment dormir ensemble ? Si Alice semblait hésiter, David, lui ne se posait pas de question.
Alice s'allongea sur le dos, les bras le long du corps, se gardant de tout contact avec David. Immobiles dans le noir de la chambre, chacun guettait la respiration de l'autre, attendant le moment où les souffles seraient apaisés, signe de sommeil. S'endormir après l'autre. Mais Alice était si peu détendue, qu'elle ne put réprimer de déglutir sa salive en un bruit d'ingestion bruyant. Et elle avait encore la gorge sèche… Elle savait que David l'avait entendue, il avait légèrement tourné la tête. Elle pouvait l'imaginer avec les yeux grands ouverts essayant de percer l'obscurité. Seule une légère accélération de leurs respirations aurait pu laisser présager que David aller s'allonger sur elle. Alice masqua un sursaut de surprise. Elle sentait le regard de David plonger dans ses yeux, bien qu'ils étaient dans le noir total. Il haletait, l'odeur de dentifrice mentholé se plaquant sur son visage. Elle aimait cette haleine fraîche, mais son cœur s'emballa. Elle avait peur, elle contracta tous les muscles de son corps, espérant sans doute disparaître dans le matelas. Et puis, il s'approcha pour effacer les derniers centimètres qui séparaient encore leurs bouches. Et il l'embrassa à pleine bouche. Alice sentit les muscles de sa nuque se détendre un peu et elle prit finalement plaisir à enrouler sa langue autour de celle de David. Ils s'embrassèrent longuement, dans des bruits de succions humides. Alice agrippa le dos de son homme. Elle l'imaginait : évoquant son visage, son torse. Puis elle pensa à Clovis. Amèrement. Elle revint au présent, dans les bras et dans les draps bien réels. Une larme piquante, bien réelle elle aussi, au coin de ses yeux.
-Je t'aimerai quel que soit ton choix. Je te soutiendrai.
Elle baissa sa garde, un peu à regret, un peu par dépit ; et autorisa David à disposer de son corps. Elle se contenta de poser ses mains dans les courts cheveux de David alors qu'il écartait la nuisette pour embrasser sa gorge, sa poitrine. Elle lui maintint la tête encore lorsqu'il enfouit son visage dans son ventre, se repaissant de son odeur, goûtant la peau moelleuse. Pour le garder un peu encore contre elle. Il savait qu'il avait déjà perdu son amour, il voulait inscrire en lui, absorber le plus de détails possible. Alors comme le dernier repas d'un condamné, il savourait chaque sensation, sur ses papilles, sous la pulpe de ses doigts, entre chacun de ses gestes. Il redoutait de ne plus pouvoir se remémorer, un jour, son odeur, sa chaleur ou le velouté de sa peau. Comment peut-on évoquer ces sens quand l'autre est absente ? Une photo permet de raviver des souvenirs, des images, mais comment retrouver la sensation des caresses, des baisers, un parfum ? Il redoutait tellement ce manque.
David caressa toutes les courbes, tous les creux du corps d'Alice. Ses hanches, ses aisselles et même la plante de ses pieds. David caressait son sexe bandé le long des jambes d'Alice, il la sentit se contracter pour l'éviter. Il aurait tant aimé allumer la lumière pour se repaître de son corps aussi visuellement, mais elle commençait à respirer rapidement et il avait peur de faire retomber l'ambiance en changeant de priorité. Alors avec désir, douceur et une folle envie d'en profiter il lui fit l'amour. Alice resta relativement passive, écartant seulement ses cuisses, soulevant légèrement son bassin. Pour le sentir au fond d'elle. Elle resta un peu relevée pour que la caresse du sexe dur la stimule encore et encore, au même endroit, au creux sensible de son vagin. Il avait encore la couette sur son dos. Après avoir joui en elle, il s'affala sur le corps hoquetant. Il ne saurait jamais si c'était parce qu'elle avait (beaucoup) aimé ou si elle lui disait au revoir. Un au revoir silencieux et invisible, un au revoir douloureux. Il n'eut pas le courage d'entendre sa réponse, redoutant la deuxième solution. Ils s'endormirent tous les deux rapidement et s'enfoncèrent dans un sommeil sans rêve.
-Pourquoi tu m'aides à faire mes valises ? Même maintenant, tu restes aux petits soins avec moi…
-Je t'aime. Et je veux ton bonheur avant tout. Même si je dois pour ça te laisser partir… J'essaierai de t'oublier, et si j'échoue je me raconterai notre histoire chaque soir pour être sûr de passer une bonne nuit.
*
Alice oscillait d'un pied sur l'autre.
Tu as l'air ridicule sur le palier avec tes valises, allez sonne !
Cela lui parut une éternité avant que Clovis ne vienne lui ouvrir. Il se contenta d'entrebailler la porte.
-Tu m'avais dit que je pouvais venir dès que je voulais…
Clovis lui sourit mais ne l'invita pas à entrer.
-Euh… Je peux rentrer ou…
Il ouvrit finalement la porte mais, alors qu'elle saisissait ses valises, une magnifique fille taille mannequin apparut et passa ses bras autour du cou de Clovis.
-Merci, chéri. C'était génial. Tu me tiens au courant.
Et de ses lèvres pulpeuses, lui plaqua un énorme baiser sur la bouche. Elle passa devant Alice sans même un regard pour elle. Heureusement d'ailleurs car elle avait plutôt un air de poisson pas frais avec sa bouche béante et son teint blafard de désolation.
-Comme tu n'es pas venue hier et que je ne savais pas quand tu allais arriver, j'avais pas envie de rester seul, j'ai invité Mélissa. Tu m'en veux ?
Comme Alice était toujours en apnée et la mâchoire tombante, il mit fin à la plaisanterie.
-C'est pas ce que tu crois, c'est juste un modèle photo, t'inquiète. Rentre ma Merveille.
Alice fit un tour sur elle-même afin de s'imprégner de la décoration, de l'ambiance de ce nouvel appartement. Elle avait quitté des murs pastels et gris, des tableaux graphiques et des sculptures pour un vaste espace aux hauts murs blancs, une décoration sommaire, épurée, quelques photos sur toile juste posées à même le sol, contre le mur.
-Bienvenue chez toi. Ça te plait ?
Alice était vertigineuse. Les murs semblaient onduler, les battements de son cœur pulsaient trop rapidement.
Qu'est-ce que je fais ici ? Il y a combien de filles dans cet appart' ? Sous le lit, dans le placard ?
-Ça te plait pas ? C'est la déco, c'est ça ? Tu as carte blanche pour tout refaire…
Non c'est pas la déco, c'est les présences qui flottent ici… Trop d'œstrogènes dans l'atmosphère !
Alors même si les premières minutes d'accueil s'étaient révélées froides, pour ne pas dire glaciales, Clovis, avec sa force de vie avait réussit à ne pas lui faire regretter son emménagement. Comme si elle n'avait pesé qu'une poignée de kilos, il l'avait soulevée de terre. Elle avait passé ses bras autour du cou tendu. Se sentant comme une princesse de film, elle ne put réprimer un sourire. Ses doutes s'envolèrent instantanément.
Telle une jeune mariée, il l'emmena dans la chambre et la déposa paisiblement sur le lit. Elle n'eut pas le temps de regarder la pièce autour d'elle, Clovis était déjà au dessus d'elle et l'embrassait goulûment.
-T'es enfin là. Je peux profiter de toi !
Arrête de parler et embrasse-moi encore…
Il sembla entendre ses pensées. Alice oublia tout : David, le nouvel emménagement, « Mélissa »… Elle profitait des baisers de Clovis. Les seuls qui la transportaient dans cet état-là. Depuis leur premier baiser. Elle sentait des petits picotements crépitant dans ses lèvres qui contrastaient avec le moelleux chaud et humide ondulant contre sa langue. Elle saisit Clovis à bras le corps. Après de longues minutes de baisers, il la déshabilla en moins de temps qu'il n'en faut pour le penser.
Il glissa sa large main entre les cuisses brûlantes d'Alice, elle se cambra. Tout son corps était en tension mais elle arrivait à prendre quelques goulées d'air salvatrices, elle avait les yeux clos. Le matin même, elle était encore dans son appartement avec David et, quelques heures plus tard elle se retrouvait les cuisses écartées dans une chambre inconnue à laquelle elle allait devoir s'acclimater. Comment faire face à ce nouveau lieu, à ce nouveau visage au-dessus d'elle, à ces caresses intrusives et directes.
Allez, je ne suis pas un arbre enraciné, si j'ai envie de changer, je bouge. C'est pas plus compliqué.
Elle n'eut pas beaucoup plus le temps de douter de son choix car des doigts fouisseurs se frayaient un passage dans son intimité à présent humide. Sentant la résistance, elle détendit les muscles de son bas-ventre et profita des caresses digitales sur et dans sa vulve. Les doigts virils s'adoucirent et s'allégèrent au niveau du clitoris. Alice ne retint pas longtemps un râle de plaisir, une vague électrique se diffusa sous sa peau, dans tout son corps. L'orgasme passé, elle n'eut pas le temps de reprendre ses esprits. Clovis, lui intimant d'ouvrir ses yeux, la fit se retourner, à quatre pattes et la pénétra par derrière. Elle aima le sentir glisser en elle, doucement et profondément. Elle percevait un nouvel orgasme sourdre au creux de son ventre mais l'onde jouissive s'affadit alors que Clovis lui attrapa sa chevelure en queue de cheval, lui tirant la tête vers l'arrière. Délicatement mais fermement.
-Regarde-moi ! Montre ton visage !
Alice, avec le peu de latitude qu'il lui laissait, inclina la tête et réussit tant bien que mal à apercevoir, par-dessus son épaule, le torse musclé et le visage déformé par l'orgasme de son amant.
Essoufflée et le corps contracté, elle se laissa tomber sur la couette. Allongée sur le ventre, nue, elle ne rouvrit les yeux qu'en entendant Clovis bouger. Il remettait son jean.
-Tu ne bouges pas, je vais chercher mon appareil photo. Reste comme ça. Je reviens.
Clovis la shoota, des portraits en plans serrés, il lui penchait la tête en arrière, lui tirant les cheveux en arrière, lui tendant le cou. Il aimait voir les veines de son cou, sa trachée, ses muscles affleurant, captant la lumière. Il aimait son regard brillant, tourmenté par l'inconfort et fatigué par l'orgasme. Alice était épuisée, elle ne pouvait même pas détendre ses muscles afin d'expirer, la poigne de Clovis était trop contraignante.
Puis il l'avait portée jusqu'à la salle de bain pour la déposer sous une douche tiède et relaxante. Il n'avait pas tardé à la rejoindre. Ils s'embrassèrent langoureusement sous l'eau ruisselante, reprenant leur respiration entre les gouttes, se noyant dans leurs baisers. Alice laissa glisser des larmes qui se fondirent aussitôt dans l'eau de la douche, elle se détendit rassurée d'avoir pris la bonne décision. Quand chaque geste du quotidien devient source de plaisir et d'amour, c'est que l'on est à la bonne place, dans la bonne vie, non ?
*
La journée avait était très satisfaisante. Il y avait peu, Alice avait refait un appartement pour un jeune couple, elle avait eu carte blanche et la plupart de ses propositions avaient été acceptées sans discussions. Le logement redécoré avait donné pleine satisfaction aux clients.
Quand elle rentra à l'appartement, c'est toute excitée qu'elle monta dans l'atelier. Clovis était seul, à travailler sur l'ordinateur.
-Coucou !
-Hello ma Merveille, ça va ? Tu rentres tôt.
Alice s'approcha de l'écran.
-Je peux regarder ?
Elle savait que Clovis n'aimait pas trop montrer son travail avant qu'il ne soit terminé. Mais, étonnamment, il l'invita avec le sourire à découvrir l'avancée de son ouvrage. Alice s'assit sur ses genoux et l'écouta attentivement lui expliquer comment il retouchait les photos et quels effets il recherchait. Il ne travaillait pas sur un portrait d'elle, elle ne reconnaissait pas la femme au visage incliné. Bien qu'il resta plusieurs heures de travail, l'image était déjà envoûtante. Le regard se perdait rapidement dans des lignes de fuites, des courbes hypnotiques et des reflets qui soulignaient toute la poésie du tableau. Alice était heureuse et sereine. C'était agréable de parler le même langage technique que l'autre. Bien que leurs métiers soient totalement différents, ils reposaient tous deux sur la créativité et la notion de beauté. Leurs discussions artistiques les rapprochaient.
Alice se détourna de l'écran et passa ses bras autour du cou de Clovis. Elle posa son front contre le sien, respirant le même air que lui. Le temps de quelques inspirations. Ils s'embrassèrent.
-Je dois finir encore quatre portraits pour un vernissage hyper important. Ce sera juste à côté, à la galerie IV. J'aimerais vraiment que tu viennes. Je serais super fier de t'avoir auprès de moi ce soir-là.
-Oh oui ! Moi aussi je serais fière ! Je pourrais dire à tout le monde que c'est mon homme le super artiste… Et puis il faudra que je mette une belle robe ?
-Si tu veux. De toutes façons, tu seras la plus belle… Tu attireras tous les regards, je pourrais être jaloux.
Elle lui plaqua un baiser humide sur le bout du nez.
-Moi aussi j'ai une bonne nouvelle à te montrer.
Alice pivota et pianota sur le clavier de l'ordinateur. Elle tapa l'adresse d'un blog dans la barre de recherche internet.
-Regarde la renommée de ta petite décoratrice d'intérieur !
-Ce blog a repris les photos de ton travail ?
-Oui, j'ai refait tout l'appartement : regarde les photos avant/après. C'est cool, hein ?
Clovis prit le temps de faire défiler toute la page et de détailler chaque pièce réhabilitée et réaménagée.
-C'est super. Faudrait que tu t'y mettes ici, dans l'appart'.
-Les cordonniers sont les plus mal chaussés, tu sais bien. Et le mieux, c'est que ce blog est très réputé et suivi par de très nombreuses personnes. Il fait référence en déco d'intérieur… C'est peut-être le début de quelque chose…
-C'est tout ce que je te souhaite ma Merveille. Je suis très fier de toi et de ce que tu réalises.
*
Alice s'affala dans le canapé. Elle regarda le lotus, dans son grand vase de verre. Il avait bien poussé. Elle sourit. Pour elle-même. Le quotidien avec Clovis était épuisant mais elle se sentait tellement vivante, importante auprès de lui… Ses journées au cabinet de décoration d'intérieure lui semblaient presque routinières à présent, en comparaison aux séances de pose, aux vernissages, aux balades imprévues et autres câlins impromptus.
Elle avait quelques jours de tranquillité et elle n'était plus en colère. La veille elle n'avait pu retenir une crise de rage en rentrant dans un appartement vide avec juste un mot sur la table.
Alice, ma Merveilleuse, ton visage est mon pays.
Mais le Japon m'appelle loin de toi pour quelques jours…
Alice prit du temps pour flâner dans l'appartement. Finalement, elle n'avait jamais eu l'occasion de s'imprégner de chaque pièce.
C'est chez Clovis ici. Je fais partie du décor, au même titre que ce lotus…
Elle n'avait même pas mis sa touche dans la décoration. Ce n'était pas comme si c'était son métier… La vie avec Clovis était un tourbillon. Même pas le temps de penser ou de prendre du recul, juste vivre chaque seconde. Pleinement, entièrement. Alice suivait les murs du bout des doigts, la faïence anthracite et froide de la salle de bain, les pierres de parement rugueuses du salon, les murs sombres de la chambre… Et puis elle osa monter seule à l'atelier du duplex. C'était le lieu de Clovis. Elle sentit l'escalier craquer sous ses pas, elle frissonna. Le matériel était rangé, les spots éteints, les toiles de fond tendues sur leur support, quelques tableaux contre le mur du fond. Elle repensa à tous les shootings qu'il lui faisait faire ici. Elle passait de longues heures sous les flashs. Et sur les milliers de clichés seuls deux ou trois seraient retenus par l'œil expert de Clovis. Elle aimait l'inspirer, booster sa créativité mais à quel prix ? Alice devait tenir des positions inconfortables et torturées, cela la fatiguait. Cela avivait leur esprit créatif mais aussi leur libido. Les séances de pose finissaient toujours par du sexe. Il avait même fait des portraits d'elle pendant leurs ébats. Si sur le moment elle avait trouvé ça excitant, à froid, à bien y réfléchir, elle trouvait ça glauque… Seule dans l'atelier, elle se cacha les joues qu'elle sentait rougir de honte.
Mon dieu…
Mais elle aimait tant faire l'amour avec Clovis. Sous ses mains et son regard elle se sentait belle et sexy. Elle s'imaginait capable de tout, son corps semblait être son super-pouvoir. Parce que toutes les femmes ont un super-pouvoir caché, et celles qui en prennent conscience peuvent espérer accomplir de grandes choses, toucher leurs rêves du bout des doigts. Elle sourit malgré elle, elle pouvait presque se voir avec Clovis, se roulant et s'enlaçant sur le sol. Mais son sourire s'effaça.
Avec qui d'autre a-t-il couché ? Est-ce qu'il finit toutes ses séances photo en couchant avec ses mannequins ?
Elle frissonna en revoyant toutes les filles belles et souriantes qu'elle croisait régulièrement dans l'appartement.
C'est son métier. Rien que son métier. Te monte pas la tête… Ce n'est que professionnel.
Mais elle sentit quand même une boule acide au creux de son ventre remonter douloureusement dans sa gorge. Des larmes brûlantes finirent par percer ses paupières. Le regard embué, elle redescendit. Pénétrer l'espace personnel de l'autre sans y être invité et accompagné n'était jamais une bonne idée.
*
Julia avait déjà commandé les consommations quand Alice la rejoint à la terrasse du café.
-C'est cool qu'on puisse enfin prendre du temps pour parler, ça faisait longtemps…
-Oui, mais là Clovis est parti quelques jours au Japon, alors j'en profite.
-Je ne savais pas… C'est pour son boulot ?
-Je pense…
-Tu n'en sais rien ?!?
-Non, il est parti sans prévenir. Il est comme ça tu sais, impulsif. Mais je suis grande, tu sais, je sais me gérer seule.
-Ce n'est pas ce que je veux dire, tu sais bien.
Julia préféra changer de sujet, elle n'avait pas envie d'acculer son amie.
-Tu avais dit que tu me montrerais des photos prises par ton artiste de Clovis, tu en as ?
Oui, Alice en avait quelques unes sur son téléphone, quelques photos des toiles posées dans l'atelier. Elle les partagea avec Julia. Même si l'écran était petit, on distinguait les visages et les cous en tensions, des touches de feuilles d'or étaient parsemées à des endroits stratégiques.
-Waouh… C'est vachement beau. Je ne m'attendais pas à ça, ce n'est pas du tout l'image que je m'en faisais quand tu m'en as parlé. Ça se rapproche presque plus de la peinture que de la photo… C'est beau. On te reconnaît à peine sur certains portraits…
-Normal, c'est pas moi sur ces deux là. Ce sont des mannequins professionnels.
-Elles sont belles. Ce ne te fait rien de savoir que des filles comme elles gravitent autour de ton homme à longueur de journée ? T'es pas jalouse ?
-Non, ça va. Je lui fais confiance. Mais certaines sont très tactiles et ça m'énerve un peu…
Alice préféra couper court, elle sentait le doute l'envahir, elle reconnaissait ce goût amer et suave remonter sa trachée et préférait l'éviter.
-Et toi, vous en êtes où avec ton chéri ?
-Ça va mieux on s'est pas mal pris la tête devant tous les tests de grossesse négatifs. Et puis, entre les tests d'ovulation, les positions préférées pour tomber enceinte et tout, notre vie sous la couette en a pris un sacré coup dans l'aile… Et du coup, c'est engueulades et reproches au menu.
-… Il y a des positions pour tomber enceinte ?!?
-C'est ce qui se dit. Papa sur maman, avec les fesses un peu en l'air, ça marcherait mieux. Et il faut éviter maman assise et empalée sur papa. T'imagine la vie sexuelle selon le manuel de la parfaite future mère… Un calvaire.
-Vive la vie de couple…
-Non, mais là, je crois que j'ai trouvé la solution : on aurait plus de chances de tomber enceinte quand on a un orgasme… a priori il y a plus spermatozoïdes qui trouvent la porte d'entrée. Du coup, on tente plein de nouveau trucs et ça donne un nouveau souffle à notre couple. C'est reparti comme en 40.
-Pas de détails !! J'ai pas envie d'en savoir plus !
-Et toi, avec ton beau Clovis, c'est comment sous la couette ?
Sous la couette ? Je crois qu'on ne l'a jamais fait sous la couette. Sur le lit, oui, mais pas dedans. Et puis, dans le canapé, sous la douche, dans la baignoire, dans l'atelier, contre le mur, …
-Euh… C'est super.
Alice savait qu'elle était rouge écarlate. Elle regarda Julia et elles éclatèrent de rire.
*
-J'ai eu une semaine difficile sans toi… Tu m'as laissée toute seule. Dis-moi un truc cool pour me remonter le moral…
-Euh… Clovis !
Elle fit une moue mi-sourire mi-boudeuse. Et se blottit contre lui. Elle inspira à fond pour se remplir de son odeur. Il la serra fort, la comprimant contre son torse. Il était parti dix jours, le temps lui avait paru ralentir au fil des jours.
-Tu m'as manqué, Clovis, c'était horrible ton absence. Je t'aime. Depuis qu'on est ado et sans doute encore plus maintenant. Et toi, est-ce que tu m'aimes ? J'ai envie de l'entendre, dis-le moi…
-Le moi !
*
Cela faisait déjà de longues minutes qu'Alice adoptait des poses relativement inconfortables sous les directives de Clovis. Elle sentait une tension dans son cou, elle essayait de penser à autre chose qu'à ses douleurs.
-Clovis, tu te souviens de notre première rencontre ?
-Euh… Au lycée ?
Mauvaise réponse. C'était à la fête d'anniversaire de Gab'… On n'était même pas dans le même lycée à cette époque… Où alors tu penses à la fois où j'ai osé te parler pour la première fois, en cours de français. Un poème de Verlaine. Ensuite tout était allé si vite…
Clovis restait concentré sur son portrait, capter la bonne lumière, adopter LE point de vue.
-Tu te souviens pas, alors ?
-Arrête de parler, s'il te plaît, tu bouges trop…
Après de longues minutes (ou d'heures ???) de pose, Clovis retrouva son sourire.
- Alors t'es nostalgique de notre rencontre, ma Merveille ?
-Non, j'y repensais seulement. Juste reprendre l'histoire du début et réaliser où l'on en est aujourd'hui.
Clovis avait posé son appareil photo et déclipsé l'objectif. Il avait déboutonné le jean d'Alice, se contentant de le glisser jusqu'aux cuisses. Il ne parlait pas mais la dévorait des yeux. Il savait la faire sourire sans prononcer un mot. Il embrassa la culotte de dentelle noire. Il mordillait le tissu, pinçant doucement la vulve au travers. Il mouillait la culotte de sa salive tiède, elle commençait à sentir la douce humidité contre son sexe. Puis il écarta le sous-vêtement, laissant émerger la vulve bombée. L'élastique de la culotte la comprimait mais accélérait la montée de l'excitation. Clovis n'eut besoin que de quelques coups de langue pour la sentir haleter. Le jean lui maintenait les cuisses serrées mais il réussit à insinuer sa langue entre les grandes lèvres maintenant brûlantes. Alice sentait son pouls battre dans sa vulve comprimée, elle avait chaud et la douceur humide des baisers augmentait la brûlure sous la peau de son sexe. Il la lécha, la lapa jusqu'à la faire soupirer et haleter de plaisir. Puis, d'une main, il défit son jean et le glissa avec son boxer sur ses cuisses, libérant une puissante érection. Il lui leva les jambes toujours ligotées dans son pantalon et les posa sur son épaule. Puis il la pénétra. Avec tendresse et fermeté. Elle fermait les yeux de plaisir, les rouvrant seulement pour plonger dans le regard ténébreux et fiévreux de Clovis. Elle était belle dans son regard, elle pouvait lâcher prise sereinement et laisser le plaisir se diffuser dans son corps en toute confiance. Elle n'eut pas à attendre longtemps avant de sentir l'onde électrique inonder son sexe et déborder le long de sa colonne vertébrale et de ses membres. Elle put juste sentir le sexe de Clovis se contracter rapidement en elle. Il avait la tête basculée en arrière, la bouche ouverte. Il était beau. Vraiment beau.
*
Alice avait eu une journée compliquée. D'abord, la commande pour la rénovation d'un loft avait été annulée. Elle n'avait pas bien compris pourquoi le client avait fait marche arrière. Et puis l'entreprise chargée des travaux dans un appartement qu'elle rénovait, enchaînait les malfaçons. Elle rentrait relativement tôt mais totalement exténuée.
Elle entendait des voix à l'étage, dans l'atelier. Clovis, lui était encore à travailler. Il avait une grosse exposition prévue en Allemagne d'ici deux mois et cela le stressait. Il restait enfermé là-haut de plus en plus tard.
Alice se prépara une tasse de thé à la menthe et se laissa tomber en soupirant dans le canapé. Elle bascula la tête en arrière et ferma les yeux.
Vivement demain. Qu'on passe à autre chose…
Quand elle ouvrit les yeux, son thé était froid dans son mug. Les pas dans l'escalier l'avaient sortie de sa torpeur. Des bruits de hauts talons. C'était le mannequin qu'elle avait déjà croisé, celle qui avait embrassé Clovis sur la bouche. La fille regarda dans sa direction mais son regard glissa comme si elle avait été inexistante. Clovis la suivait, lui se contenta d'un petit signe de la main. Il raccompagna la fille.
-Hello ma Merveille ! Tu rentres tôt aujourd'hui.
-Pourquoi, je te dérange ? Tu voulais être tranquille avec ta pute ?
Ohlala. J'aurais pas dû dire ça…
-Tu parles de Mélissa ? Tu vas te calmer. Je te l'ai déjà présentée, il me semble.
-Non, tu ne me la pas présentée, elle fait comme ci je n'existais pas. Elle m'insupporte à me toiser quand elle passe devant moi. Elle se prend pour qui ?
-Ecoute, c'est juste un modèle photo. La discussion est close. Rien à ajouter.
Clovis tournait le dos pour aller dans son atelier. Alice se leva telle une furie et l'agrippa.
-Non, c'est pas fini. Comment je sais que tu ne la regardes pas avec désir ? Comment je sais que tu ne finis pas tous tes shootings en la baisant comme tu le fais avec moi ? Comment je sais que tu ne pars pas au bout du monde pour sauter d'autres filles ? Comment je peux savoir ?
Alice ne criait pas mais elle avait dû forcer sur sa voix, elle avait mal à la gorge, les cordes vocales en feu.
-Tu crois que ça me laisse insensible toutes ces belles femmes autour de moi ? Tu crois que je me suis fais moine quand je suis parti en voyage ?
« Parti en voyage », quand tu m'as quittée, tu veux dire ?
-Tu me rassures pas quand tu dis des trucs comme ça. Je ne sais plus quoi penser. Tu me fais douter.
Et tu me fais peur…
Alice ne put réprimer un sanglot. Elle avait la mâchoire serrée et avait mal à la tête. Elle avait envie de dormir, pour ne plus avoir à penser.
-Tu es la seule qui compte pour moi, crois-moi.
-Pourquoi t'es revenu dans ma vie ? Après tout ce temps, je veux dire ?
-Lors d'un de mes voyages, quelqu'un m'a dit que tant qu'on n'était pas mort, il n'était pas trop tard.
Ce jour-là, ils ne firent pas l'amour.
*
-Hum… Ça sent bon. Quel réveil ! Ma merveilleuse femme, toute en beauté qui nous prépare un petit-déjeuner… Je suis l'homme le plus heureux…
Alice, le visage détendu, se tourna vers lui et se blottit contre le torse viril.
-Je suis bien avec toi. Tu me fais exister. Je me sens belle quand tu me regardes.
Elle se mit sur la pointe des pieds et l'embrassa.
-Tu m'aimes ?
-Tu es tout pour moi. Avec toi, je suis un homme inspiré, un homme sexuellement chanceux et surtout je ne peux pas me passer de toi. Alice, tu es toute ma vie. Loin de toi, je m'écroule, je ne suis plus qu'un insignifiant grain de sable sur la plage immense.
Alice rit. Elle l'embrassa de nouveau. Il l'enlaça. La tête enfouie contre lui, hors de son regard, elle osa lui poser la question qui lui brûlait les lèvres :
-Tu m'as appelé « ta femme », ça veut dire qu'on va se marier ?
Clovis se contenta de ricaner et d'hausser un sourcil surpris.
-Et ce petit déj' ? C'est juste pour s'exciter le nerf olfactif ou on peut consommer ?
Comme Alice ne bougeait pas, Clovis la prit par les épaules :
-Eh ! Merveille, il y a un problème ?
-Je repense à nos disputes, ça me mine…
-Faut pas, c'est pas grave. On est ensemble, c'est le plus important, non ?
-Mais comment on fait : on oublie ? On en parle ? On s'excuse ?
-La vie c'est ça, c'est des hauts et des bas. Faut faire avec.
Clovis traça l'air de son doigt en une ligne brisée : haut-pic-bas-creux-milieu-horizontale –biiiiiiiiiiiiiiiiiip
-Si c'est plat, c'est que t'es mort.
Alice sourit, convaincue. Enfin, au moins sur l'instant, le temps d'un battement de cœur. Et c'est ce moment-là que son ventre choisit pour gargouiller, remplissant le silence d'un bruit de tuyauterie terrible.
Toujours sexy, Alice. Bravo ! La honte…
-T'as une baleine dans le ventre ou quoi ? Allez, on mange !
*
Clovis accrocha sa veste, il ne décolérait pas. Il avait préparé son laïus. Cette exposition était importante pour lui, comment avait-elle daigné ne pas venir. Il s'affala dans le canapé, bruyamment, prêt à déblatérer son amertume et sa vexation dès qu'Alice ferait son apparition.
Il tapotait l'accoudoir. Il croisa ses jambes pensant afficher clairement son mécontentement. Il se ravisa et s'accouda sur ses genoux. Puis il comprit que son speech ne servirait à rien. Le lotus avait disparu. A même le sol, à la place de la coupe de verre, une carte manuscrite.
-Eh merde ! Bordel de merde ! Putain de bordel de merde !
Il se prit la tête dans les mains. Il frappa et frappa encore la table basse. Il se fit mal aux poings.
Ce n'est que beaucoup plus tard qu'il trouva le courage de décoder les mots d'Alice.
Bonne route à toi, Clovis.
Pardon de partir comme une voleuse, j'ai peur de ne jamais pouvoir partir si tu es face à moi.
Merci de m'avoir laissée être ta muse une dernière fois. Tu es un grand artiste, je sais que j'entendrai encore parler de toi.
Au revoir,
Alice
*
- Ça fait du bien cette petite pause au soleil…
Julia, du coin de l'œil observait Alice, assise dans l'herbe, mordre à pleines dents dans son sandwich.
- Comment ça va pour toi en ce moment, c'est pas trop dur ?
- Tu veux dire, depuis que j'ai quitté Clovis ?
Julia acquiesça.
- J'existe pour moi, je me retrouve… C'est un peu bizarre d'être seule le soir mais je prends du temps pour moi… Je cohabite plutôt bien avec ma petite personne.
- En tout cas, je te trouve plus enjouée, tu t'animes plus. C'est magnifique ce qu'il a faisait de toi, les photos et tout ça. Mais c'est comme s'il t'éteignait, comme s'il te volait ton énergie vitale. Les tableaux c'est beau, mais, la vie, c'est pas de l'art…
- C'est du cochon ?
Elles rirent toutes les deux, sans se soucier des promeneurs qui souriaient en passant devant elles.
*
- Entendu, Madame Verney. Je retourne dans le salon pour prendre quelques cotes et faire des clichés. D'ici à la semaine prochaine, je vous envoie des propositions de réaménagement et de décoration. On en reparlera à ce moment-là.
- Faites comme chez vous, mademoiselle. Prenez votre temps.
Cette petite dame était vraiment gentille, une vraie grand-mère de dessins animés. Alice était heureuse quand elle travaillait pour des clients aussi gentils. Et elle savait ce qu'elle voulait, le travail d'Alice était quasiment terminé. C'était étonnant, d'ailleurs, un intérieur aussi moderne avec un physique aussi classique, pour ne pas dire démodé. Mais elle restait malgré tout stylée. Le genre de femme à la grâce et la prestance innées.
Dans le salon, Alice sortit son mètre laser. Puis elle voulut faire quelques clichés. A peine avait-elle levé son appareil photo qu'elle se figea. Instantanément, son sourire fondit. Elle s'approcha du mur ouest. Comment n'avait-elle rien vu avant ? Une immense toile s'affichait au milieu du mur, un portrait d'elle. Un original de Clovis… Un dernier rayon de soleil faisait miroiter l'auburn des cheveux, les yeux semblaient humides presque réels.
- J'adore cette toile. Le regard de cette femme est envoûtant.
Alice ne sut que refermer la bouche. Elle n'osa pas se tourner vers l'imposante silhouette qui, maintenant, la frôlait presque.
- Ma mère l'a achetée il y a plusieurs années. Au début, je la trouvais banale mais la femme paraît presque vivante, comme si son âme était captive de la toile…
Mais je ne me suis pas présenté, Tom Verney, le fils de… ma mère.
Alice se tourna enfin vers lui, pour lui serrer la main. Elle ne put qu'articuler un « Enchantée, Alice Lévram, décoratrice d'intérieur ».
Madame Verney ferma doucement la porte sur eux, elle eut le temps de les apercevoir, immobiles, se tenant les mains. Leurs regards transparents entremêlés, leurs visages radieux tournés l'un vers l'autre.
L'autre
-J'ai eu une journée terrible… J'ai besoin de toi, remonte-moi le moral, dis-moi quelque chose de parfait...
Alors David se pencha légèrement vers elle et dans un sourire articula : « Alice ».
-Alors, raconte ta journée…
David blottit Alice contre lui et s'adossa confortablement dans le canapé.
-C'est un peu compliqué, tu ne vas pas aimer…
Surtout ne pas mentir. Ne pas mentir… Mais… ne pas tout dire…
- J'ai revu Clovis à la sortie du travail.
- Clovis, je suppose que tu parles de celui qui…
- Oui, c'est de lui dont je parle.
- En même temps, je suppose que tu ne parles pas du premier roi des Francs.
Alice ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.
Ça va bien se passer… Tu peux avoir confiance en David, il est solide.
-Il y a eu collision au coin de la rue… On est allé boire un verre. Ça m'a beaucoup perturbé. Tous les souvenirs m'ont envahie. Les bons et les mauvais, j'avais du mal à réfléchir. Il a voulu me récupérer. J'ai eu du mal à le repousser. Je suis encore chamboulée, moi qui pensais avoir tourné la page. Je suis désolée, je voudrais être honnête avec toi. C'est pas facile.
Vives les euphémismes!!!
-Ça me touche que tu me fasses confiance. Et puis, tu es là avec moi ce soir, tu as fais ton choix et c'est le plus important pour moi. C'est une preuve d'amour, non ?
-Tu es trop gentil…
-Comment on peut être TROP gentil ?
Gentil ou trop gentil. Telle est la question…
-Tu n'es même pas un peu jaloux ?
-Si, mais ça ne sert à rien de péter un câble. Tu es avec moi, c'est l'essentiel, non ? C'est pas lui que tu as choisi.
On ne va pas passer la soirée là-dessus. On en reparle demain si tu as besoin, la tête reposée et les idées claires. En attendant on va dîner, des sushis nous attendent. Et on ne parle plus de lui pour ce soir.
-Merci, tu es un amour.
Alice se mordit la lèvre, l'empêchant de fasciculer. Cette journée ne répondait à aucune logique, ni rationnelle ni émotionnelle :
*un amoureux à peine jaloux qui garde son self-control (alors même qu'elle avait couché avec son ex, ok, il n'était pas vraiment au courant…),
*un ex qui réapparaît par enchantement après trois ans et qui reprend là où il s'est arrêté (alors même qu'elle pensait avoir classé le dossier, tous les souvenirs ont jailli des tiroirs de sa mémoire et, ok, même de sous le tapis, et du coffret fermé à clé sous le matelas de l'oubli),
*et une fille coincée entre deux mecs parfaits (l'un ressurgi du passé et l'autre prévu pour le futur, et, ok, aucun pour le présent).
Pour certains le présent n'existe même pas : le passé peut être évoqué, caché ou manipulé ; le futur peut-être rêvé, appréhendé ou attendu. Mais le présent, le temps d'un souffle, disparaît, le temps de prendre conscience qu'on le vit et c'est déjà du passé, on veut le toucher du bout du doigt mais il est encore futur et dès qu'on le touche, l'instant explose telle une bulle de savon. Voilà le présent d'Alice, un sourire serein et rassurant pour l'avenir devant elle et des souvenirs puissants et déstabilisants qui la tiraient en arrière.
Alice laissa échapper une larme acide qui roula lourdement le long de sa joue, éclata sous son menton.
-Peut-être qu'à un moment, il avait le droit de ruiner ton rouge à lèvres, mais le laisse pas ruiner ton mascara à présent.
David la serra fort contre lui. Alice sentait presque son corps morcellé, brisé par Clovis, se reconstituer morceaux après morceaux. La vie après la fin d'une histoire d'amour c'est un puzzle de plusieurs milliers de pièces qu'on sait pertinemment ne jamais pouvoir reformer, mais que l'on s'évertue à recréer centimètres après centimètres, à l'aide de rustines plus ou moins solides. David, ce tuteur de résilience : solide et persistant.
-Allez, te fais plus de sushis. On va manger.
*
Alice savourait le jet d'eau chaude qui ruisselait sur son visage, emportant entre ses gouttes larmes et traces de baisers. De la cabine de douche montait un brouillard de vapeur chaude à l'odeur de gel lavant au thé vert et à la coco. Avec la mousse, dégoulinaient les souvenirs de Clovis. Mais sous ses mains, elle retrouvait un peu les caresses de l'après-midi à l'hôtel… Elle souriait, laissant vagabonder ses doigts autour de ses seins, dans le creux de ses hanches, entre ses cuisses.
Elle secoua la tête, ses cheveux mouillés s'ébouriffant tout autour de son visage, espérant remettre ses idées en place. Cadenasser le passé dans des boîtes hermétiques, le Clovis d'aujourd'hui dans une boîte en plexi : pouvoir activer le fantasme à volonté en le gardant sous contrôle. Ce n'était pas le moment de gaffer auprès de David.
Clovis pour le fun et David pour l'avenir… Je dois penser à David !
Alice sursauta en ouvrant la porte de douche. Son cœur s'emballa, enflammant ses tempes.
-Tu m'as fais peur…
Depuis quand David était-il là, adossé au mur, à la regarder sous la douche ? Il s'approcha d'elle, silencieux. Et l'embrassa à pleine bouche, ne se préoccupant pas que le corps mouillé d'Alice ne détrempe sa chemise ou son jean.
Avec des bruits de succion avide il se délecta, léchant de tout son soûl les tétons encore humides et chauds, enfouissant son visage dans les attributs moelleux. Puis, ne pouvant contenir plus longuement son excitation, il passa sa main dans le creux du genou d'Alice, lui souleva la jambe et enfonça sa verge raidie dans le vagin ainsi écarté. Elle dut s'agripper aux épaules de David pour ne pas perdre l'équilibre. A chaque coup de reins, elle était soulevée de terre. Elle coulissait sur le pénis bandé, montant et descendant, jouissant et soupirant en un rythme soutenu. Puis, dans un râle sourd, il lui lâcha la jambe et s'appuya, hors d'haleine, contre le mur carrelé.
Alice se trouva écrasée sous le torse épuisé de David. Son amoureux avait joui trop vite en elle, elle était essoufflée de plaisir mais elle n'avait pas atteint l'orgasme.
Elle n'eut pas le temps de reprendre ses esprits que, déjà, son amant se redressait dans un dernier effort. Sans qu'elle n'ait eu le temps de réaliser, il l'avait allongée sur le carrelage glacé de la salle de bains. Il s'agenouilla au-dessus d'elle, ses testicules caressant les seins contractés de froid. D'une main puissante, il lui souleva la tête et lui enfonça son pénis dans la bouche. Elle voulut protester mais le geste était péremptoire.
- T'as vu comment tu me fais bander dur ? Je t'aime Alice. Je ne veux pas te perdre. J'en deviendrais fou.
De sa main libre, il caressait la vulve vulnérable. Il y étala le foutre qui en coulait. Il enduisit chaque lèvre, chaque repli de cette humeur visqueuse, s'attardant adroitement sur le clitoris. Alice se mit à lécher, sucer, embrasser, aspirer, avaler, téter le sexe qui raidissait encore dans sa bouche. Plus elle s'activait dans sa réponse, plus il la caressait. Elle s'arc-bouta pour accueillir une onde violente, l'orgasme contracta subitement tout son bas-ventre, l'électrisant, avant de la submerger complètement. Le sexe dans sa bouche étouffa le hurlement d'extase. Il se retira pour qu'elle puisse respirer.
Elle n'eut le temps que de quelques inspirations essoufflées que, dans un sourire, David entrait déjà entre ses cuisses. Son pénis était toujours dur et tendu. Il lui plia les jambes puis, sans plus de précautions, la fit pivoter autour de son sexe. Il la fit se mettre à quatre pattes. Il enfonça ses doigts dans les seins qui ballottaient et s'activa dans la vulve douce. Alice était inconfortable, elle espérait que ça finisse vite. David, comme pour la rappeler à l'ordre, lui saisit les cheveux et lui tira la tête en arrière. Elle geignit. Au moment de jouir, il se retira et, dans un flot d'insultes à peine articulées, lui éjacula entre les fesses. Il prit soin de lui enduire méticuleusement les fesses de son foutre chaud. S'attardant avec malice sur son anus. Un orgasme aussi fulgurant qu'inattendu la parcourut.
C'était la première fois qu'ils faisaient l'amour hors du lit. Et, pour le moins que l'on puisse dire, c'était bestial. Alice échevelée et transie de froid, ne savait plus quoi dire ou faire. Elle resta de lourdes secondes immobile, assise sur le carrelage.
*
Quelques minutes auparavant, le téléphone d'Alice avait vibré du fond de son sac à main. David, craignant que ce ne soit Clovis, il avait plongé dans les méandres du sac. Et parmi l'étui à lunettes, les clés, les carnets de croquis, il avait trouvé le téléphone, mais il avait également découvert le petit écrin de velours sombre… Ce Clovis avait osé la demander en mariage ?!?
C'est ainsi qu'il avait déboulé dans la salle de bains. Pour s'expliquer. Ou pour hurler. Mais Alice était déjà sous la douche, hypnotisée par la cascade chaude qui ruisselait sur elle. Alors il l'avait attendue. Et la regarder se savonner avait transformé sa colère en désir.
*
Le lendemain, David était allé à la bijouterie. Il n'avait pas trouvé de bague de fiançailles à son goût. Anneaux trop classiques, sans ce petit je-ne-sais-quoi qui aurait convenu à Alice. Alors même si la situation urgeait, il se rabattit sur internet. Il prit du temps pour choisir une bague très fine (le modèle « OM » ॐ, ce symbole sanskrit qui représente les 4 états de conscience et le monde des illusions : vibration vitale), une pierre rouge profonde (le grenat censé aider les personnes perdues à trouver leur chemin…) montée sur de l'or rose. Plus que deux semaines de patience… David espérait ne pas se faire coiffer au poteau par ce Clovis.
*
-Tu m'aimes ?
-Bien sûr… Je ne sais pas comment je pourrais te le prouver ? Tu me le demandes tous les jours.
-Je ne sais pas, tu pourrais le crier sur tous les toits, que tout le monde soit au courant…
Trois mots, sept lettres, une respiration… La phrase qu'elle voulait entendre, pour laquelle elle basculait.
David se pencha vers Alice, lui rabattit délicatement une mèche de cheveux derrière l'oreille et lui susurra « Alice, Je t'aime ».
Comme elle laissait affadir son sourire, il justifia :
-C'est toi mon monde, mon univers, ma vie.
*
A suivre...