L'une d'elles. Part 1

Maliya

"_Tu as un profil intéressant, un visage modelable, une silhouette fine donc grossissante au bon vouloir, physiquement ne t’inquiètes pas tu passes largement l’entretien ! Léa fronça les sourcils "

Léa passa l'entrée du domaine aux côtés de sa mère. La femme s'arrêta et dégagea d'un chignon serré les boucles sauvages de la jeune fille. Léa grimaça et s'écarta de sa mère.

_ Je ne suis certainement plus présentable…Arrêtes un peu.

Venant de bonne famille, mère et fille n'avaient pas l'habitude de communiquer. Mère bohème et dépravée ne savait que faire de sa fille studieuse et correcte. Dans le monde dans lequel elles vivaient, loin du quotidien de la classe moyenne, l'apparence était le point clé du bonheur, toute leur vie tournait autour du regard des autres. Et heureusement pour notre héroïne, la mère de Léa ne supportait plus de voir sa fille devenir une potiche écervelée souriant sur commande.

La femme se redressa et tira sa fille par le bras.

_C'est ton unique chance d'être quelqu'un de pétillant, ces femmes se chargeront de ton intégration dans la société, tu auras une place dont tu pourras être fière…Si seulement tu en prenais conscience. Tu verras ça sera fantastique !

Léa leva les yeux au ciel et soupira. De ses doigts osseux elle remit en place sa petite robe noire et tira son collant en se pliant en deux tout en s'assurant que chacune de ses jambes soient recouvertes équitablement du tissu extensible. Sa mère l'observa et soupira à son tour.

_Comment ai-je pu avoir une fille comme toi ?

Léa haussa les épaules et admira l'étendue du domaine. C'était un manoir entouré d'une prairie fleurie. Un grand perron aménagé d'une table en bois, de balançoires et d'un tourne disque, surplombait la prairie.

C'est un lieu idéal dans lequel peut prendre place une histoire comme la notre. Espace assez grand pour s'y perdre avec un amant, assez beau pour faire rêver nombreux d'entre nous et tout à fait hors de nos moyens.

Une femme en nuisette prenait le thé, du jazz faisait balançer ces petites jambes dénudées. Léa regarda sa montre et fût étonnée de rencontrer une femme dans cet accoutrement en fin d'après midi. Une fille plus jeune en short et chemise longue sortie sur le perron, un verre de whisky dans les mains, elles se mirent à rire ensemble.

La mère de Léa pressa le pas jusqu'à la grande porte du manoir et sonna. Les deux femmes regardèrent Léa un moment avant de se relancer dans leur conversation.

Une femme ouvrit sans se faire attendre et embrassa la joue de la femme puis celle de sa fille. La jeune fille essuya du revers de la main sa peau humide et grommela. La femme enlaça la mère de Léa en se dandinant.

_Maxime c'est un plaisir de t'accueillir ici ! Alors comme ça ta fille a décidé de suivre le même chemin que toi ?

Léa intriguée, suivit les deux femmes à l'intérieur. Après avoir traversé un couloir d'une couleur pourpre éclairé d'un lustre vénitien, elles arrivèrent dans un petit salon ouvert sur l'extérieur. Des ventilateurs accrochés au plafond battaient l'air chaud en vain. Ici encore, un tourne disque faisait percevoir un jazz dansant. La femme fit assoir Maxime et Léa sur un canapé beige recouvert de coussins oranges. La femme disparue et laissa mère et fille seules.

_Quel est cet endroit ?

_Une maison pour jeunes filles pétillantes !

Léa dévisagea sa mère.

_ ça je le sais, tu n'arrêtes pas de me le dire mais que font-elle précisément ?

Maxime lui sourit et se servit un verre de limonade mis à leur disposition.

_Oh non ! Ne me dis pas que ce sont des prostituées !

Une femme d'un certain âge, habillée d'un jean serré et d'un débardeur noir fit son entrée et coupa net Léa.

_Bien sure que non ! Notre travail est beaucoup moins rébarbatif ! Mais qu'a t-elle donc  cette jeune fille ?

Maxime se leva et alla enlacer la femme en jean.

_Camille je suis si heureuse de te voir ! Merci de prendre Léa avec vous !

La fameuse Camille sortit une cigarette et se mit à cracher une fumée grise tout en fixant Léa.

_Je n'ai pas dis qu'elle resterait, il faut avant tout qu'elle passe l'entretien.

Maxime massa ses tempes et posa la main sur l'épaule de sa fille en captant l'attention de Camille.

_Elle n'a pas besoin de cet entretien, c'est inutile, vraiment je t'assure.

La femme secoua ses bracelets métalliques et tira par la main Maxime pour l'entraîner à l'écart, elle se mit à chuchoter tout en surveillant Léa du regard.

Une fois seule, la jeune fille se leva et parcourue la pièce jusqu'à une petite bibliothèque.

Notre héroïne va se retrouver souvent seule, ne me demandez pas pourquoi, je n'en n'ai aucune idée. Les protagonistes ont souvent le melon et cela leur permet de monopoliser une page à eux tout seul sans rien partager avec un autre personnage. Je vais tenter d'y remédier mais je ne vous garantis rien.

La jeune femme en nuisette apparue.

_C'est toi la potentielle nouvelle ?

Léa se figea et sourit.

La jeune femme s'approcha de Léa et l'observa. La jeune fille mal à l'aise tira sur sa robe et se racla la gorge.

_Tu as un profil intéressant, un visage modelable, une silhouette fine donc grossissante au bon vouloir, physiquement ne t'inquiètes pas, tu passes largement l'entretien !

Léa fronça les sourcils et se toucha le visage.

La jeune fille en short apparue à son tour et se servit un second verre d'alcool. Elle tourna son visage vers Léa et sourit.

_Alors Prune tu ne fais pas les présentations ?

Prune prit par les épaules Léa et la secoua.

_Mélie voici Léa ! C'est notre petite nouvelle !

La jeune fille en short acquiesça les yeux grands ouverts.

_Waou félicitation !

Léa s'écarta de l'emprise de Prune et croisa les bras.

_Je ne comprends pas ce que je fais ici mais je ne vais certainement pas rester ! Pouvez vous m'expliquer à quoi va servir mon physique si parfait ?

Mélie posa son verre d'alcool et s'approcha de Léa les lèvres serrées.

_Tu n'es pas si parfaite d'une part…Mais on ne t'a rien expliqué ?

Prune haussa les épaules.

_Nous sommes des imposteurs professionnels, oui le mot féminin n'existe pas, s'exprima ironiquement Mélie. On prend le physique de n'importe quelle femme de ce monde à leur demande, et nous les remplaçons pour toute sorte d'événement qu'elles ne veulent pas vivre.

_Sauf l'accouchement ! S'exclama Prune en riant. C'est un gagne pain bien plus amusant qu'être secrétaire !

_ Ou ambassadrice, ou cadre…Continua Mélie.

Léa écarquilla les yeux.

_Vous vous foutez de moi…

Prune infirma de la tête avec très grand sérieux. Maxime et Camille réapparurent, Mélie enlaça Maxime en lui garantissant son admiration envers sa carrière d'imposteur. Léa se précipita vers sa mère et lui tira le bras.

_Ne me dis pas que je vais rester ici ? C'est ça la carrière que tu prévois pour ta fille ? Imposteur ?

Maxime entraîna sa fille dans le salon, où le disque avait cessé de tourner. Elle caressa le visage de Léa en tripotant son collier de perle d'une autre main.

_Avant de devenir princesse du Compté de GreenWensh, je n'avais personne et ces femmes sont devenues ma famille, elles m'ont appris à grandir…Elles ont fait de moi une femme au mille et une facette, une femme accomplie. Je souhaite la même chose pour toi.

Maxime enlaça sa fille puis alla voir les trois autres femmes pour leur faire ses adieux. Une fois cela fait, elle passa à côté de Léa et s'inclina. Maxime quitta le manoir sans un mot de plus. Léa se retrouva seule, elle s'assit dépitée dans le canapé. Camille vint à elle.

_L'entretien est dans une petite heure, Prune et Mélie vont te préparer. Tout va bien se passer. Les filles ! Appela Camille d'un ton sec.

Les jeunes femmes accoururent et prirent par le bras Léa incapable de sortir un mot. Camille remit le disque en route et quitta la pièce en se dandinant en rythme.

On monta la jeune fille à l'étage, par surprise c'était une immense pièce sans séparation où les lits étaient éparpillés, défaits. Des armoires de costumes étaient ouvertes et débordées de tissus colorés, de robes splendides et de chapeaux de toutes formes. Le sol était recouvert de tapis brodés sur lequel il était agréable de marcher pied nu. Derrière un rideau de soie se trouvait une baignoire à deux places, des miroirs dorés et une multitude de savons colorée. Léa compta six lits, Prune se dirigea vers l'armoire et en sortit un jean moulant et une chemise blanche.

_Où sont les trois autres ? demanda Léa.

_Elles sont en mission, mais elles ne vont pas tarder à rentrer, répondit Mélie en prenant dans le fouillis deux petites pinces noires.

Prune lança les affaires à Léa en l'incitant de se changer derrière le rideau, la jeune fille obéit en identifiant sa nouvelle tenue.

Une fois habillée, Mélie enleva le chignon de Léa et de sa main ébouriffa la cascade de cheveux bruns.

_Tu es prête, assis toi sur un des lits le temps que nous nous changions !  S'enthousiasma Prune.

En deux trois mouvements et beaucoup d'agitation, les deux jeunes femmes trouvèrent des tenues adéquates selon leur critère et y ajoutèrent une touche de rouge à lèvre. En une fraction de minutes, la pièce calme devint un tourbillon de préparatif où les vêtements volaient et où les produits de beauté voltigeaient. Mélie et Prune chantaient en cœur un célèbre morceau joué par Billie Holiday tout en frappant dans leur main simultanément. Léa ne pu s'empêcher d'être amusée par tant de vie, jamais il ne lui était arrivé pareil excitation. Elle se souvenu soudainement de l'entretien et fut prise de panique. Sa vie n'avait été qu'une succession de réussite scolaire, de diplômes mais à 23 ans elle n'était personne et personne ne savait qui elle était. Cette frénésie qui habitait les filles de cette demeure lui parût à son plus grand étonnement enviable. Elle se leva et se mit tout naturellement à frapper dans ses mains avec Prune et Mélie en essayant de bouger ses pieds de façon harmonieuse. Les deux jeunes femmes ravies de cette initiative reprirent de plus belle le refrain jusqu'à ce qu'une cloche sonne dans toute la pièce. Les jeunes femmes se figèrent et ajustèrent leur tenue. Prune s'assura que sa jupe en velours soit à une hauteur convenable quant à Mélie elle ajusta les poches de sa salopette qui sortaient légèrement. Léa dégagea ses cheveux de ses yeux et attendit que les deux jeunes femmes la prennent par la main et l'entraînent au rez de chaussée.

A suivre...

 

 

 

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