Ma chambre mouvante
Yeza Ahem
Il est des lieux qui symbolisent des étapes de notre vie. Ma progression, dans la petite maison attenante à la non moins petite demeure de mes grands-parents, en est une.
Toute petite, je couchais dans la chambre, à l'étage. Ma mère, ou ma grand-mère, dormait en-dessous, dans un lit de camp entre porte, fenêtre et cheminée, au cas où...
Chaque soir, je dépassais la cheminée et tournais à droite pour gravir les 8 ou 10 marches en bois, dont l'une craquait et servait de signal aux oreilles maternelles. Le long du mur, à gauche de l'escalier, une simple étagère ployait sous des Bibliothèques Rouge, Rose ou Verte et les romans lus par les générations passées. En haut, une porte à la poignée oblongue à tourner. Une fois ouverte, apparaissait le sol : lattes de bois ? Moquette orange ? Je ne sais plus et me mélange.
Contre le mur de droite, un grand lit. Mais il n'était pas pour moi. Pas encore. A gauche, une porte-fenêtre à ouvrir avec une espagnolette. En face, dans l'angle gauche, une armoire à la stature normande, sombre. Quand j'en tourne la clé, les battants s'ouvrent en grinçant. Les rayonnages supportent des draps, des couvertures, et mes vêtements à moi. En bas, un, non deux tiroirs ; je ne sais plus. Je sais que je les ai ouverts, fouillés. Mais je ne sais plus ce qu'ils renfermaient.
J'entrais et me tournais face au grand lit. A droite, dans un renfoncement, un autre lit. Mon petit lit. Ma tête tournait le dos à la fenêtre pour que le soleil qui transperçait le volet ne puisse passer le filtre de mes paupières. Entre le grand lit et le pied de mon lit, près du mur, le seau. C'était l'objet le plus gênant et dégoûtant pour la petite parisienne que j'étais, vidé chaque jour par ma grand-mère. Au mur ? Je ne sais plus. Mais vieux. Et puis, près de la fenêtre, une chaise. C'était tout mais c'était mon espace : au bout, en haut, sans aucun passage. C'était mon lieu, mon refuge, mon "chez moi" des vacances.
Et puis j'ai grandi.
J'ai été dans une autre chambre, qui avait été celle d'une autre, avant de revenir dans la mienne, mais plus vraiment la même. Le renfoncement où se trouvait mon petit lit et mon seau avait été avantageusement remplacé par une cloison dissimulant un cabinet de toilette, alliant donc un cabinet et de quoi faire ma toilette. Je pouvais donc investir le grand lit, et plus personne ne dormait en dessous, au cas où... Car ça y était : j'étais grande !
Licence CC : BY-NC-SA
Mouvant ou émouvant. J'ai mis un cdc car le style est nickel. Pas de pot hein ?:)
· Il y a presque 9 ans ·erge
Merci ! C'est vrai que j'ai beaucoup de tendresse pour ce lieu qui a disparu...
· Il y a presque 9 ans ·Yeza Ahem