Ma Critique Théâtre : Huis-Clos
Albert Laurizan
Au théâtre Gérard Philippe à Montpellier du 20 au 22 février derniers se déroulait un spectacle de la Cie Stück Théâtre qui se nommait décidé : Huis-Clos. Titre du spectacle fidèle à l'auteur, Sartre. Un titre aussi original qu'un titre éponyme dans un certain sens. Il n'est pas question ici de prendre le nom d'un personnage, mais un des noms que le lieu qui situe la pièce peut avoir. Car le lieu de la pièce est aussi un problème dans ce spectacle. Où sommes-nous ? En Enfer ? Dans un théâtre ? Dans un huis-clos ? Les trois à la fois peut-être ? Le huis-clos en question se déroule dans la pièce entre trois personnages : Inès une lesbienne qui a un problème avec les hommes, Estelle une jeune femme assez gourmande de luxure et d'infanticide suisse et Garçin qui serait juste un lâche qui bat sa femme. Ils sont tous les trois morts et en Enfer. L'Enfer est donc un huis-clos avec d'autres congénères. On verra dans la suite de l'œuvre que ce n'est pas tant le huis-clos en lui-même qui dérange mais la promiscuité avec les autres d'où la fameuse citation de la pièce : « L'Enfer c'est les autres » !
Tout d'abord la pièce commence sur une jolie trouvaille de mise en scène. Dans la pièce au commencement les personnages sont menés un à un dans le salon par un garçon d'étage. L'ouvreuse du théâtre, qui nous fait pénétrer nous les spectateurs, se trouve à faire ce rôle de garçon d'étage se qui fait rentrer les personnages dans le huis clos à la manière de l'ouvreuse qui fait rentrer les spectateurs dans la salle de représentation, qui soi-dit au passage est à huis clos. Petit cordon ombilicale entre théâtre et réalité. Mais est-ce la réalité qui l'emporte sur le théâtre ou inversement ? Cette question soulève le désir du metteur en scène de faire immerger le spectateur dans la pièce, et non pas de faire immerger la pièce dans le spectateur. Dans le premier cas cela relève d'un certain goût pour le réalisme que je ne partage pas au théâtre, c'est au cinéma qu'incombe ce rôle. Dans le second cas en revanche il est sujet de faire faire au spectateur preuve de réflexion quant à la place de ce spectacle en notre sein intellectuel. Une réflexion interne propre à nous-même et non externe qui est l'apanage du théâtre intellectuel de Sartre. Ce désir de lien se refait sentir car même si les mots ne lui sont pas adressés directement il y a un dialogue au public. Cela se remarque notamment avec la lumière en salle qui était au début pour deux trois premières scènes successives qui font arriver les trois personnages principaux au fur et à mesure. Ces mêmes lumières se rallument lorsque le texte peut permettre un discours au public, quand ils s'adressent à Dieu ou aux autres encore sur Terre. C'est-à-dire que le comédien s'adresse non au public en tant que tel mais en tant que Dieu ou vivants, des personnages externes présents dans la pièce. Ce même lien est encore poussé outre la lumière et l'ouvreuse à travers les fauteuils de la pièce qui sont les même que ceux des spectateurs. Rouges. Et pliables. Ce qui me donne donc comme sensation que le metteur en scène a voulu nous emmener dans la représentation, et non pas emmener la représentation en nous. Pour simplifier : on observe le premier cas de réalisme. Ce qui ne me plaît pas au théâtre.
La scénographie quant à elle est dite à l'allemande, c'est-à-dire une cage de scène entourée de mur noire, sans grande distinction. Manque de réalisme qui contredit la mise en scène. Cela renforce malgré tout la claustrophobie du huis clos infernale. Par contre je n'ai pas compris une chose qu'il y avait dans la scénographie, ils ont rajouté une scène dans la scène. Une sorte de surélévation qui n'amène rien à la lecture de la pièce or prendre les damnés sur un piédestal ou bien rajouter une couche d'enfermement scénique qui montre le huis-clos. Or, pour que cette enfermement soit visible il ne doit pas y avoir de brisure du quatrième mur, que les comédiens font allégrement lorsqu'ils s'adressent au public. Aucun intérêt donc outre contredire la mise en scène. De plus cela les éloigne de nous, la scénographie trahit encore la mise en scène donc par cette élévation au-delà des spectateurs.
Cependant la troupe du Stück Théâtre est encore jeune et se professionnalise. Il y a donc certain problème assez récurrent constatant de leur début de parcours.
Tout d'abord le jeu des comédiens n'est pas assez précis. Certes il suffisait, mais l'énergie n'était pas mise au bon endroit, au bon moment. Ce qui fait que cela sonnait faux. Des fois c'est vrai il était juste mais toujours pas précis, ce n'était pas mirobolant mais comme je l'ai précédemment dit : suffisant. Mais le jeu, ça s'acquiert avec de l'expérience, il faut les revoir plus tard.
Au niveau de la mise en scène, il y a un problème d'incohérence entre le texte et la scène. Le texte signale par des didascalies internes, c'est-à-dire inhérentes au dialogue que la couleur des fauteuils sur scène est Bleu, Bordeaux et Vert Epinard : « Estelle : il est vert épinard Inès : Voulez vous le mien ? Estelle : Le canapé bordeaux ?» Or, ce sont ceux des spectateurs de théâtre et rouge forcément. Encore si ce n'était que cela mais ce problème se répercute encore sur Estelle lorsqu'elle déclare porter une robe bleue alors que sur scène elle est blanche. Encore pour les fauteuils l'incohérence est privilégiée pour le parti-pris de mise en scène, mais la robe blanche n'apporte rien au personnage infanticide ou à la mise en scène, sauf jurer sur le texte et faire preuve de manque de réalisme. Mais dans ce cas un gros problème se figure : Pourquoi avoir fait une mise en scène disons réaliste alors que les costumes et la scénographie jurent avec le texte ? D'autant qu'à la vu du communiqué de pièce on comprends que le metteur en scène aurait voulu tout l'inverse. Je pense que je vois tout l'inverse de ce qu'il a voulu montrer. Ce qui est pour moi un ratage de la pièce si on y voit l'exact contraire de ce qu'on a voulu y faire observer. Pour en revenir à Estelle et sa robe bleu/blanche on peut voir soit de la pureté virginale, de la paix, de la douceur qui pourrait jouer de contraste par rapport au fait qu'elle ait eu des amants malgré son mariage et qu'elle ait tué son enfant, ou alors tout simplement pour la rendre plus jolie sur scène mais alors là c'est tombé bien bas comme mise en scène ... Dans tout les cas cela n'a aucun intérêt non plus et fausse la lecture de la pièce encore une fois !
Encore une autre incohérence, mais moindre. Le bronze de Barbedienne est remplacé par une lampe halogène. Bon, soit, un bronze de Barbedienne ça coûte 180 euros au minimum et c'est une troupe en voie de professionnalisation donc on peut comprendre si ils ne roulent pas sur l'or. Ils l'ont remplacé donc par … Une lampe halogène ! Même pas par une figurine de porcelaine, ou une petite statuette toute bidonnée en métal que l'on peut trouver dans le marché aux puces de Gambetta. Non, une lampe halogène. J'ai beau essayer de trouver un rapport aucun. Goût de la modernité quand tu nous tiens.
Un dernier problème enfin que je doute être de la faute à la mise en scène c'était deux lumières sans cesse allumer au plafond de la salle. C'était assez agaçant de ne pas être dans le noir complet habituel. Deux petites lumières qui m'ennuyaient au milieu de la salle qui ne servaient à rien. Si elles servaient à quelque chose elles auraient été inutiles au-devant la salle, elles ennuyaient au mieux ceux qui étaient éloignés, au pire les exaspéraient profondément. Ce fut mon cas.
Bref, c'est hélas pour le moment la meilleure pièce 2014 que j'ai vu à ce jour. En même temps ce n'est pas très compliqué entre Paris nous Appartient, Hamlet Sonata et Le Petit Eyölf. Pas vraiment de mérite mais ils ont quand même beau débuter ils s'en sortent mieux que des professionnels.