Ma dernière lettre

Mon cher amour, 

Je t'écris cette lettre avec le cœur léger. Je veux que tu la lises de la même façon. S'il est une chose que je veux que tu gardes de moi, ce sont les moments passés ensemble et tout ce qui a fait de notre vie une réussite émotionnelle, sexuelle et sentimentale. 

Pour te donner du courage et l'exemple de ce que j'attends de toi, j'ai retranscrit ici mon souvenir le plus important de nous. Il résonne en moi de façon très vive. Il ne s'agit pas d'un bel instant, non. Mais il reflète qui nous étions et comment s'est passé notre mariage. C'est le souvenir que j'emmène avec moi là où je vais. Revivre cet après-midi me réchauffe le cœur, quoi que tu en dises. 

Nos premières vacances, dans le sud-est de la France. On se connaissait depuis à peine 2 mois ! Ce devait être en septembre, la lumière était encore claire sans être agressive. On choisissait parmi les étals ce qu'on allait manger le soir-même. Toi, tu déambulais distraitement. Tu regardais les présentoirs sans savoir ce que tu voulais. Nous avons mis longtemps à choisir et encore plus longtemps à rentrer, par la plage. Il n'y avait plus grand monde à cette époque tardive de la saison. Le scooter était garé bien loin et tu te plaignais du sable chaud. Je ne disais rien, j'avais déjà quitté le marché en rogne. Sur le chemin de la maison, tu m'as demandé de nous arrêter en haut d'une colline qui surplombait la mer. Tu voulais voir le rayon vert, ce dernier rai de lumière générée par le soleil lorsqu'il termine enfin son déclin. Je n'y croyais pas à ce truc, c'était trop difficile à voir. Tu as insisté et j'ai obtempéré, sans oublier d'exprimer mon mécontentement. Combien de temps allions-nous mettre avant de dîner ? Oui, je dois l'avouer, cette question me taraudait particulièrement. On a attendu les vingt longues minutes qui nous séparaient du coucher du soleil. Ça n'a servi à rien. Tu n'as rien vu, parce qu'il n'y avait rien à voir. On s'était retrouvés là, pantois, à ne rien dire, devant le ciel s'assombrissant, la température baissant et le temps passant. J'ai posé ma main sur ton dos pour t'inviter à rentrer. Cette journée avait tout de même été très compliquée… Et puis, d'un coup, tu t'es tournée vers moi et tu m'as surpris, ça oui... Comme ça se reproduira plusieurs fois dans la suite de notre union d'ailleurs. Là, c'était une bonne surprise. Est montée en toi, sur le talus, au bord de la route, une envie animale, un désir divin et d'un nouveau genre. Tu m'as frappé, puis je t'ai frappée. Je n'ai pas pu me contenir bien longtemps ce jour-là. Je sais que tu te souviens des détails. Ta cuisse en témoigne toujours…

De cet instant, je dois te l'avouer, est né quelque chose en moi. Tout a commencé là-bas. Cette façon de se toucher m'a plu, je l'ai vécue comme une catharsis. Avant ça, je ne savais pas ce que j'aimais. 

Cette étincelle s'est vite muée en petit feu puis en incendie et, tu sais, parfois il me prenait tout le corps. Je le sentais jusqu'au bout de mes doigts, comme un virus qui se propage et finit par occuper tout ton être. Je ne regrette rien. J'étais malade et personne ne voulait me soigner, même pas toi. Je devais éteindre ce qui me brûlait et la seule manière que j'avais de le faire était d'être dur et violent, oui. Aujourd'hui, je meurs pour ça. 

S'il te plaît, ne me regarde pas et considère cette lettre comme la dernière image de moi. Tout n'était pas heureux chez nous. Nous n'avons pas appris de chaque erreur. Il y a eu de grandes crises. Mais aujourd'hui, qu'importe ? Elles n'existent plus. Elles partent avec moi. Ce qui reste avec toi mon amour sont les traces du mien. 

Bonne chance pour la suite, 

Je serai toujours là,

A.