Ma Vérité

Dominique Capo

Lettre de ma compagne à ses parents, quatrième partie

Je noterai encore ceci : Maman a toujours eu la mauvaise habitude de me couper la parole, quel que soit le lieu ou les circonstances. Je me rappelle des occasions où Maman nous emmenaient faire les courses. Je me souviens aussi des fois où elle nous conduisait à divers rendez-vous à Cherbourg. Dominique et moi essayions de profiter de ces moments privilégiés en sa compagnie pour lui parler de notre quotidien, de nos centres d'intérêts, des émissions TV que nous avions récemment visionnée. Nous tentions de lui faire part des livres que nous avions lu, ou des événements survenus dans la famille de Dominique. Or, systématiquement, elle interrompait nos paroles. Elle utilisait le moindre prétexte pour faire diversion. Puis, elle revenait immédiatement à des sujets qui la concernaient directement. J'avais, comme au cours de nos rassemblements familiaux, le sentiment que tout ce que je pouvais vivre en dehors de la zone d'influence de Papa et de Maman ne l'intéressait pas. Pire : elle ne voulait aborder ces thèmes sous aucun prétexte. Ils étaient considérés par elle en tant que quantité négligeable.

De son coté, Papa a souvent eu la gentillesse de nous aider à assembler des meubles, lorsque nous en achetions de nouveaux. Ainsi, lorsque Dominique a terminé son immense puzzle, c'est lui qui l'a fixé sur son panneau, qui l'a encadré, et qui l'a accroché au mur. On ne peut pas reprocher cela à Papa ou Maman. Ce qui est moins honorable, par contre, c'est ce qu'ils ont dit lorsque j'ai décidé que je voulais mener ma vie comme je l'entendais. Ils se sont exclamés que nous n'étions pas reconnaissants envers eux après tout ce qu'ils avaient fait pour nous. Comme si l'aide qu'ils nous avaient apporté avait une contrepartie. Et comme si cette contrepartie était non pas la reconnaissance - nous les avons toujours remerciés chaleureusement de leur aide - mais que nous devions être soumis à leur bon vouloir dans notre vie quotidienne pour le restant de nos jours. Dominique a trouvé une excellente formule à ce sujet : « Reconnaissance n'est pas soumission. ». J'ai l'impression que Papa et Maman ont fait l'amalgame entre ces deux notions.

Autre chose : Papa et Maman se sont persuadés que je suis soumis à Dominique ; comme une esclave vis-à-vis de son Seigneur. Progressivement, ils se sont mis à nier la réalité telle qu'elle était. Ils ont réarrangés les faits afin qu'ils correspondent à leur perception des choses. Ils en effacé certains. Ils en ont remanié d'autres qui ne les montraient pas à leur avantage, ou qui les dérangeaient. Ils en ont altéré ou grossit dans le but de démontrer que leurs motivations étaient justifiées. Pire : lorsque parfois, ils n'ont plus eu d'arguments valables à opposer – je pense notamment à Papa -, il leur est arrivé de devenir verbalement violent. Je revois encore Papa s'exclamer : « De toute façon, même quand j'ai tort, j'ai raison !!! » ou « De toute manière, j'ai toujours raison !!! ». Comment peut-on discuter avec une personne qui tient ce genre de discours.

Or, Dominique ne s'est jamais laissé impressionner par des raisonnements de cette sorte. C'est quelqu'un qui cherche en permanence à disséquer le pourquoi et le comment des paroles de son interlocuteur. Il tente de comprendre. Il analyse en profondeur les échanges qu'il a avec les autres. Papa et Maman, qui ne se sont jamais encombré à réfléchir ainsi, qui ont toujours imposé leur point de vue, sont totalement désarçonnés. Dominique se dérobant à leur manière de fonctionner les a souvent irrité de ne pas plier. Engoncés dans leurs principes, arcboutés sur leurs à-priori, ils ne se sont jamais aperçu qu'ils ne parviendraient jamais à leurs fins ainsi. Ils n'ont jamais réalisé qu'ils attisaient les tensions, plutôt que les atténuer. Ils savent que Dominique a « l'Art des Mots », qu'il sait les utiliser avec habilité et dextérité. Papa, Maman ne sont pas aussi expérimentés dans ce domaine. C'est quelque chose dont ils n'ont jamais tenu compte, et qui n'a fait qu'envenimer la situation entre eux et lui.

De mon coté, en côtoyant Dominique en permanence, j'ai appris de quelle manière celui-ci fonctionnait. Non seulement cela, mais j'ai pris confiance face à lui, afin de verbaliser mes désirs, mes opinions, mes volontés, etc. J'ai trouvé les moyens d'argumenter mes échanges avec lui. C'est d'ailleurs pour cette raison que, progressivement, j'ai pris confiance en moi face à lui. A force de multiplier ce style de conversations, j'ai réussi à faire valoir mes arguments. Je suis parvenu à lui montrer que je n'étais pas toujours d'accord avec lui. Je lui ai fais voir que je pouvais lui imposer mes points de vue. Je peux avouer, en toute honnêteté, que quand Dominique et moi ne sommes pas d'accords, je sais faire entendre ma voix. Je n'ai pas peur de m'opposer à lui. Si j'ai des choses qui ne lui plaisent pas à expliquer à Dominique, je n'hésite pas à être ferme. Ce n'est pas toujours lui qui a le dernier mot. Papa et Maman en ont d'ailleurs été les témoins directs, même s'ils préfèrent peut-être l'occulter : un jour, Dominique a voulu me dire quelque chose alors que j'étais en train de leur parler au téléphone. Je me suis affirmé vis-à-vis de lui, en lui demandant de s'éloigner, le temps que j'aie fini ma conversation. J'ai élevé la voix jusqu'à ce qu'il quitte les lieux. Et il a pris en compte la fermeté de mon ton, tandis que Papa et Maman ont parfaitement entendu l'échange que nous avions, lui et moi. Je pourrais multiplier les exemples de ce genre. Mais je suppose qu'ils ont effacé cette anecdote de leur mémoire, puisqu'elle ne correspond pas à l'image qu'ils se font de notre relation.

Signaler ce texte