_ MAAMA [24]

24.

Les fleurs fanées

L'endurci veuf enfin se souvient du temps que tu vivais. Des jours où tu traînais devant moi ton corps vivant : ta viande viable alors.  

_           Nos souvenirs m'enculent, Chérie.

Et je meure de les mâcher encore.

J'attends que tu viennes un jour les reprendre, avec ta langue : me les enlever de la bouche.

Tu les pétrirais au fond de ta gorge et puis, lascive, les cracherais loin.

Annule Marie, ce siècle qui ne t'a pas fait briller. Ecrase 2000 et toutes ses monstres-sœurs, reste à jamais cette gamine 86 qui jouait, blonde, à la vie. Au mari aux enfants.

Et qui ne savait rien encore de la mort et de la fanaison des fleurs les plus belles.

Oh tu méritais oui tant d'ardeurs, et tant de liesses : de l'amour de cœur, et des éclaboussures

à t'en rendre éternelle. 

Mais Marie, du monde tu n'as jamais rien eu. Et de lui tu n'auras jamais plus rien.

Tu n'es, tu sais : plus qu'une Marie en moins de plus. Et la Terre qui continue : tourne et tourne encore, pour une microseconde plus légère.

Hélas moi, je t'ai connu bien trop longtemps

pour t'oublier.