Malentendu

Sophie Marchand

Elle m'a fracassé le crâne avec un objet...

KT Tunstall chante "Black horse and the cherry tree" : les "HOU HOU" vibrent dans l'air et les pigeons et tourterelles, plus inspirés que jamais, reprennent en chœur pendant que les martinets zèbrent le ciel. Je sirote mon whisky affalé sur le transat à ma place préférée.
Je ne l'ai pas entendue venir, j'aurais du pourtant.
Elle m'a fracassé le crâne avec un objet, je ne sais pas lequel, un bruit sourd, une douleur fulgurante, un éclair rouge, pas eu le temps de comprendre ce qui m'arrivait.

Maintenant, je la regarde, l'impression de flotter dans l'air, labile, c'est donc vrai ces conneries... j'en reviens pas.
C'est ça qui m'étonne le plus pour l'instant, cet état désincarné, plus que ce qu'elle vient de m'asséner derrière les oreilles
Je domine la scène, je vois celle qui fut ma maîtresse semblant soudain désemparée à côté de mon corps ensanglanté, affalé sur le sol, prostré.

Les "HOU HOU" sont couverts par son anhélation qui me parvient amplifiée.
Voilà une femme que j'ai aimée, et ce qu'elle vient de me faire subir m'apparaît comme une énigme.
Elle bredouille « salop !». Je la vois qui trifouille dans son sac, en sort une pince, "un davier" dira plus tard l'inspecteur qui ramassera cette pièce à conviction avec toutes les précautions d'usage. Elle s'acharne sur mon corps, je ne sens plus rien heureusement.
Quant au médecin, il utilisera le terme de « bistourner », j'en aurai appris jusque dans l'antichambre de la mort, quelle ironie !

Qu'aurait-elle voulu posséder de plus que ce que je lui ai donné ?
La première fois que je l'ai rencontrée, elle m'avait fait rire en citant Coluche : « Dieu a dit : Je partage en deux, les riches auront de la nourriture, les pauvres de l'appétit.” »
  C'est plutôt rare une femme avec de l'humour. Je l'avais tout de suite engagée dans mon staff.
Qu'est ce qui lui a pris ?
Je n'étais pourtant pas du genre à levrauder la gente féminine, mais qu'est ce qui lui est passé par la tête à cette folle ?

C'est ce que lui demandera également l'inspecteur en lui mettant les menottes. Elle lui répondra avec un petit sourire : « On croit que les rêves, c'est fait pour se réaliser. C'est ça, le problème des rêves : c'est que c'est fait pour être rêvé. »



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