MAMAN LES P’TITS BATEAUX…

Hervé Lénervé

Le charme des berceuses


 « Maman les p'tits bateaux
Qui vont sur l'eau
Ont-ils des jambes?
Mais oui, mon gros bêta
S'ils n'en avaient pas
Ils ne march'raient pas.

Allant droit devant eux,
Ils font le tour du monde,
Mais comme la Terre est ronde,
Ils reviennent chez eux… »

 Voilà ce que chantait la maman à son enfant pour l'endormir. Quand on habite un port de pêche à quelques lieues de Brest, cette comptine est de rigueur. Elle sonne, elle se propage dans toutes les chambres enfantines. Elle fait rêver les petits, leur emplissant la tête d'images poétique peuplées de vastes océans, de vents caressants, de marrées d'écumes, d'odeurs iodées dans les embruns du matin et de lumière rougissante du soir quand le disque solaire se noie dans sa sollicitude ou sa solitude. Un souffle d'aventure s'empare de leur rêve, l'appel de l'onde.

L'enfant grandi et sur les plages de galets, il pêche les crabes, il mouille ses pieds dans l'eau froide vivifiante.

L'enfant grandit encore, il en va ainsi de tous les enfants et c'est déjà le premier jour où il embarque sur un chalutier. Le métier est dur, la mer n'est pas tendre aux mains et au visage, le gamin fait ses armes, ses muscles s'endurcissent, ses traits se burinent, son caractère se forge.

Il est grand à présent, sa mère a vieilli, des rides d'inquiétude se creusent sur son visage quand elle scrute les horizons, son enfant est parti pour la pêche en haute mer, trois semaines prévues de pêche et il n'est toujours pas rentré alors que le calendrier annonce la fin du contrat. Tous les jours sa mère se fige sur la jetée à s'esquinter les yeux mouillés par les embruns ou les larmes. Elle sait que la Terre est ronde, elle l'a assez chanté à son petit, pourtant son fils n'en fera jamais le tour, il ne rentrera jamais à la maison. Une collision avec un vieux gréement emporta le bateau par les fonds, aucun des marins ne devaient jamais en revenir.

Si les Dieux sont impitoyables, les Océans le sont tout autant. Combien de marins confirmés, de rudes gaillards, de frêles enfants ne revinrent jamais au port, ne revirent jamais leur maison ?  Autant que d'épouses, de fiancées, de mères qui pleurent leurs disparus en mer.

Mesdames les mamans, arrêtez de chanter ces mensonges à vos petits pour les endormir, la mer n'est ni généreuse, ni clémente elle est une ogresse qui dévore les enfants qui s'aventurent sur ses eaux.

FIN

  • Super !
    Du coup, ça m'inspire...

    "Une plage, vierge de pas
    Du sel sur la bouche
    Et du sable dans la tête

    Un bambin, là-bas
    Défie les vagues farouches
    De ses mains ils les fouette

    Il cherche son papa
    Comme à ses trousses
    Parti en mer sans sa veste

    Il ne reviendra pas
    Comme la mousse
    Sur les vagues funestes."

    · Il y a presque 7 ans ·
    Black

    le-droit-dhauteur

    • Ouais, c’est un bon début ! Une plage large étendue, une vierge nue étendue dessus, que de vastes horizons à visiter, à déflorer… Ouais, c’est bon ça, mon coco, y’a des affaires à faire. On va s’faire du fric !

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

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