Mémoire d'un soldat de la mer
Tarsa
Vois-tu ce vieux marin
A la jambe de bois flotté
Au pantalon de toile usée
Et aux mains rouillées ?
Tu dis que ce sont ses yeux vides
Son teint livide
Et son corps flottant à la dérive
Qui t'effraye ?
De lui n'émane aucune poésie ?
Pourtant il n'est pas laid
Et tu sais la guerre lui a tout pris :
De ses illusions à sa vie !
-Ah ! Il l'avait prédit ce grand drame…
Je m'en vais te lire ses états d'âmes
Qu'il a confié au papier
Avant de perdre pied :
« L'on se noie en la vie
Aussi bien qu'en la mer
Les deux sont orages
Tempêtes sauvages
Et de la mer découle la vie
Et de ma vie, ne vis-je que la mer
Ah la mer, ah la guerre…
Tu m'enterres, oh que je saigne
Les vagues déferlent : épaisses et rouges
La traitre mitraille tue, plus rien ne bouge
Tandis qu'en mer, la houle infinie
Berce à jamais mon corps endormi »