Mémoires de l’assassinat et de la résurrection de César
moindremal
Sonnez, cloches du Capitole.
César entre au coliseum,
à la main l’aigle impérial.
Grande foule sur le forum
Il fait une chaleur de marbre.
Au milieu du dernier carré
des plus valeureux légionnaires
l’empereur vacille un instant.
Il n’a pas voulu tenir compte
des avertissements de l’oracle.
Dans les travées des sénateurs
des vieillards embrassent l’anneau
viril du soldat victorieux.
Ils dégoulinent de sueur.
Citoyens, l’audience est ouverte.
Otez les scellés des rouleaux !
Je, soussigné, Imperator,
de retour en gloire de mes guerres,
décrète à raison ou à tord
être roi de Rome. Par ces mots
Je signe mon arrêt de mort.
Cerné par des fauves grégaires.
qui me transpercent en souriant
avec des couteaux de boucher,
Je me tourne. De tous côté
volent des lames tachées de sang,
tandis qu’ils jouent déjà au dés
le fauteuil du commandement.
J’éprouve au milieu du massacre
le soulagement de la mort.
Fini l’insomnie du pouvoir
dans la maison des simulacres.
Adieu corps sacré de César
condamné à l’éternité.
A la lèvre un filet de bave,
assassins, je vous dévisage.
Une dernière fois, je vous défie.
Alors que vient le coup fatal,
Voleurs assemblés à ma table
Je vous abandonne ma charge.
La lune est rouge dans la flaque.
La poitrine chargée de médailles,
je tombe, debout, moi l’invincible
achevé par l’usurpateur.
Aveuglé dans cette lumière
je pénètre nu dans l’olympe.
Je vous sais effacer les traces
des éclaboussures de mon sang
sur les murs lavés à la chaux.
César est mort. Vive Brutus !
Mon fils qui ne sait pas encore
que la folie l’emportera.
La peur chevillée aux entrailles,
flamme qui jamais ne s’éteint,
dans la ronde des trahisons,
un soir tu perdras la raison,
esprit arrêté sur le seuil,
loin du théâtre des batailles.
Tous les cent ans, je me réveille
et je pense à toi, fils indigne.
Couché dans le lit des enfers,
allongé dans les fleurs du drame
j’aime à sentir monter le cri
et l’odeur de tes chairs roussies.
Salut mon fils, je me rendors
dans le doux parfum des lauriers.
J’ai gagné ma place en l’Histoire.
je baigne dans l’éternité,
Moi !