Métro-Dodo

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Le plus difficile à affronter lorsqu'on a la tête transformée en pastèque bien mûre du fait d'une conférence conduisant à la démence... et bien c'est le métro aux heures de pointe.

Le soir, plus particulièrement, lorsque chacun rentre chez soi au pas de course, les oreilles pointées en avant, babines retroussées, l'œil vif et les muscles roulant sous la graisse.

Les couloirs se bondent de créatures allant dans un sens, dans l'autre, poussant et hurlant pour se frayer un passage entre les différentes chairs humaines. Toute la nature humaine alors se dévoile : l'instinct redevient animal, carnassier, hostile.

Lorsqu'enfin on atteint la rame par quelque miracle divin, toute la communauté se met à courir, comme poursuivie par quelque tyrannosaure s'étant enfuit des affiches placardées sur le mur, pour plonger tête la première au travers des portes coulissantes, le front perlé de sueur et la bouche entrouverte laissant s'échapper une respiration haletante de citadin sédentaire.


Malheureusement pour moi, je ne pu atteindre l'envers des portes, les galeries souterraines, que dis-je : le rêve américain.

Non, ma route s'est arrêtée au beau milieu d'un couloir.

Il y avait cette fille, là, en face de moi, qui avançait dans ma direction de sa démarche fière et sûre d'elle. Son regard noir était plongé dans le mien, j'analysais silencieusement la bête à mesure qu'elle se rapprochait de ma petite personne.

Des cheveux courts, roux, un visage trop coloré avec un piercing sous la lèvre, le tout emballé dans du papier cadeau kaki.

Selon les codes invisibles de la vie urbaine, il aurait été plausible que je me déplace sur le côté pour la laisser passer, moi, petite femme d'affaire contorsionnée dans son tailleur se forçant à garder à la tête droite. Ce que je me refusais catégoriquement de faire, venant d'entamer une thérapie pour, justement, ne plus me faire marcher dessus par les autres. Non, je ne bougerais pas. Non, je ne quitterais ma ligne pour la laisser passer.


Le choc frontal fut rude.


Un point pour elle. Un nez cassé pour moi. Pas plus ni moins.


Manger ou être mangé dit l'adage.


Je crois que je vais dire à mon psy que j'accepte la fatalité.


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