Migale 66

therese51

CIGNA Thérèse

Thérèse CIGNA

 

7Bd Beyle Stendhal

38160 saint-Marcellin

tel 06 01 79 45 68

 

 

 

 

Migale 66

 

 

 

 

 

 

 

Je suis née un 8 mai 1945.

Mon nom est Milène Galle, mais j'aurais dû m'appeler Victoire.

 

 

 

Migale

 

 

 

 

 

 

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« La femme est la plus belle création de Dieu, surtout si elle a le diable au corps. »

 

                                                                                                                         Orson Welles

 

 

 

 

S

oixante-six ans, à la retraite, bobonne au foyer ou au panier comme vous voulez, c'est ce que mon mari a pensé. Depuis un an, il fornique dans mon lit avec ma meilleure amie. Coup classique, j'le maudis ! Je vais le lapider avec la ménagère offerte en cadeau de mariage par la belle-mère. Et pour sa pouffe : une semaine au régime de vélo sans selle ! Il ne me regarde plus, moi non plus. Son ventre bedonnant lui sert de caleçon. C'est décidé, à partir d'aujourd'hui, je lui prépare un tour à la con.

Petit remake pour tout vous expliquer.

 

20 mai 2011

Mon mari reçoit un appel de sa maîtresse. Avec toute la délicatesse masculine, il se permet de lui répondre devant moi, j'en reste baba. Coup de Trafalgar, je suis bouleversée. A cet instant, tout s'enchaîne : disputes, mots dynamites, j'envoie tout valser. Les yeux rougis, ma vie n'a plus de sens ; je suis complètement démolie. Il me bombarde de questions auxquelles je ne peux répondre.

—— Tu veux divorcer ? Tu veux vendre la maison ? On cohabite...

À qui la faute ? Je suis désespérée.

À la retraite, pour m'évader je dois trouver une issue. Alors, je suis devenue attachée de com pour mon ami Guaranis, un auteur de ma région.

 

 

 

 

23 mai 2011

Ouf ! Bouffée d'oxygène, mon exutoire. J'ai bousillé son portable, comme ça, il ne l'appellera plus devant moi, c'est insoutenable. Ce soir, j'ai rendez-vous avec des anciennes copines de boulot, sortie resto. Un peu de vin délie les langues, ça ne mange pas de pain et ça fait passer les heures.

 

28 mai 2011

Les sorties s'enchaînent, tant mieux ! Rendez-vous avec mon ami Guaranis pour voir une artiste déjantée qui présente un spectacle corrosif sur la femme dans tous ses états, non, non ce n’est pas moi. On a beaucoup rigolé.

 

19 juin 2011

Journée cafard, seule, accoudée au minibar de mon salon, je fonds.

 

15 h 30 

Mon téléphone vibre, un SMS d’une môme de quatorze ans, la fille de mon ami Guaranis :

—— Je t’aime Milène, j’aimerais qu’on devienne de meilleures amies. Sache que tu es une femme magnifique ! Tu dois avoir confiance en toi. Aucun homme ne doit te rabaisser comme le fait ton tocard de mari. A sa vue Dieu doit chialer d'avoir fait les hommes. Rappelle-toi que tu es une femme très belle, intelligente, gracieuse, et personne ne doit te faire de mal ou te faire pleurer ; tu as du goût, du style, t'es classe, roulée comme une star. Profite de la vie, car tu as plus de chance que tu ne le crois ! Je t’aime, bonne continuation. Lis ce message lorsque tu seras triste, il te rendra le sourire !

Houlala, j’ai les larmes aux yeux ! Je suis bouleversée, mais aussi réconfortée ! Je le garde précieusement.

 

12 juillet 2011

Monsieur a rasé sa barbe, on dirait le cul d'un macaque. Ce soir, pas d'invités, on va se regarder en chien de faïence.

2 h 30 du matin

J'ai mal dormi... Depuis quelques jours, nous faisons chambre à part. Je me lève pour boire, je l’aperçois dans le couloir : horreur, nos regards se croisent.

—— Il va falloir trouver une solution ! Marre de tes caprices, j'ai besoin de liberté, tu m'étouffes ! se plaint-il.

Ma vie est foutue, j'ai envie de disparaître. Trop nul, ça lui ferait plaisir. Si je meurs, il aura la maison, la maîtresse, le chien, tout pour lui. Pour ne pas débourser un rond, il serait bien capable de m'enterrer dans le jardin. Il parle de solutions. Si ça continue, il va bousiller mon karma celui-là ! Alors, pour une fois, je viens d'avoir une idée de génie, faire des prouesses pour quelques nuits d'ivresse.

J'ai tissé ma toile sur le Net, pour rencontrer sur un site bidon, quelques bouffons, des Tartufes, rien que pour ma truffe.

Les histoires d'amour du web, ce n'est pas pour les mauviettes. Guaranis dit qu'elles ne sont pas démodées, le Net vient de les ressusciter, je ne fais qu'approuver.

De nos jours, l'amour n'a jamais été autant d'actualité.

À l'aube de l'année 2012, où les Mayas prédisent la fin du monde à cause de l'alignement des planètes, moi, je me fais des plans sur la comète.

Tiens, mon homme qui voulait une solution ! Elle m'a été servie sur un plateau... C'est pas beau ?

Devenue épicurienne malgré moi, je me hâte de succomber à la tentation avant qu'elle ne s'éloigne. Comme le dit si bien mon ami le philosophe : « Nous recherchons le plaisir seulement quand son absence nous cause une souffrance. »

 

Octobre 2011

Je viens de m'inscrire sur Lovebabel (traduction méga bordel). Slogan subliminal : « En un clic, tu la niques. »

Premier rancard avec un play-boy d'une trentaine d'années. Via Grenoble, je ne perds pas de temps, j'arrive rue Palanka. J'ai juste le temps de mettre des sous dans le parcmètre et jackpot, je lève la tête, il est déjà là !

Il m'attend, sur le trottoir, juste en face de ma voiture, il a une sacrée silhouette. Beau, blond, élégant. Il s'empresse de me rejoindre.

—— Bonjour Migale, je vous trouve ravissante ! Je vous propose de faire plus ample connaissance à l'intérieur d'un bar, si vous le voulez ?

À sa vue je m'emballe. Après tout, cela n'engage rien, j’accepte.

—— Je ne pensais pas que vous viendriez, lui dis-je.

—— Je vous l’avais promis.

(Gênée). S'il savait qui se dandine du haut de ses soixante-six balais !

Dans mon esprit tout fusionne.

Arriverai-je à séduire cet homme qui pourrait être mon fils ? Que peut-il bien me trouver ?

Mon Jules, lui, ne me regarde plus. J'ai beau briquer mes ongles, gonfler mes seins, colorer mon teint, toujours pour rien...

—— Vous me plaisez beaucoup.

J'en suis la première surprise. Il est direct, ne brode pas pendant des heures.

Fini le temps des baisemains et des bouquets de roses.

La conversation continue, il m'arrose de compliments, tout ça pour me mettre au lit.

Pour le freiner dans ses élans, je lui dresse grosso modo un portrait de ma situation : mon âge, mon nom, une vie de galère pour plaire à un homme qui m'a baguée pendant trente-deux ans...

Aujourd'hui, il m'en met plein les dents en s'épinglant à ma meilleure amie.

Il m'écoute, sourit, acquiesce. Cette fois, je l'ai calmé. Il ne veut plus me bousculer ni me basculer... trop tôt. Il a raison... Je ne suis pas prête. Les relations du Net me font un peu peur.

Avant de se quitter, il me griffonne sur un bout de papier son numéro de téléphone, le glisse dans la poche de mon blazer, dépose sur mon cou, un petit bisou.

 

Trois semaines plus tard au téléphone :

—— Avez-vous réfléchi ? Pourrions-nous nous rencontrer à nouveau ?

—— Oui, pourquoi pas demain vers onze heures, dis-je sans hésitation.

—— Très bien !

Aléa jacta est ! Pourquoi hésiter ?

Toute la nuit, le film passait en boucle dans ma tête, m’empêchant de dormir.

 

Mardi 8 novembre 2011

Je saute dans ma jupe noire très sexy, enfile mes bas et jarretelles, je sors avec toutes mes dentelles. Je file à mon rendez-vous, pressée. Depuis son dernier appel, je focalise sur lui. Je me fais un sacré scénario.

Ma voiture n'a plus besoin du GPS : direction rue Palanka, c'est le nirvana !

Il est là, quel beau mec, un cadeau de Cupidon.

Nous nous retrouvons dans la chambre d’un petit hôtel. Empressé et doux en même temps, il reste silencieux. Je lui plais terriblement. Je frémis sous ses baisers, moi qui ne ressentais plus rien depuis dix ans, avec tous les inconvénients de la ménopause. Il réveille en moi un feu insoupçonné et désamorce mon point G. Pas de temps mort avec lui, il a la vigueur de son âge. J’avais oublié depuis longtemps ce sentiment de bien-être. Il s'empresse dans le verbe et le geste de m'offrir l'une de mes plus belles journées. Il me déshabille du bout des doigts, effleure ma peau, caresses subtiles, magiques. Sous ses mains, je fonds.

Qu'espérer de mieux à soixante-six ans, quand tout s'écroule autour de vous et que l'on se jure que plus jamais, un homme n'osera vous draguer, trop vieille !

Lui me butine, exquis. Il prend son temps. Pour l'instant, c'est le moment le plus précieux qu'il m'offre. Je l'accepte, et je lui donne en retour mon corps, ma flamme. Vigoureux, amoureux, il m'injecte sa jeunesse.

—— Faut pas croire que je suis une cougar ! lui dis-je en plaisantant.

—— Dommage, je me prêtais au jeu.

(Éclats de rire.)

—— Alors, dit-il, heureuse ?

Il joue les play-boys en me faisant un petit clin d'œil du film Les Bronzés. La journée s'est achevée sur ces belles paroles.

Le lendemain en sortant ma poubelle, je repensais à cette journée, les souvenirs revenaient. Il me trouvait belle, il aimait ma poitrine, ma peau douce… Trop de compliments, je suis fleur bleue, j'y crois. À mon âge entendre de telles choses redonne le moral, la joie de vivre, un vrai bain de jouvence !

Tiens ! je viens de croiser mon nouveau voisin, comme il est beau ! Tom Cruz à côté c'est que dalle. Sa beauté est une malédiction. Tous les tops modèles de la planète ne lui arriveraient même pas à la cheville. À sa vue, je suis littéralement foudroyée. Dommage, si j'avais vingt ans de moins... Oh quel galant garçon ! Il vient à ma rencontre, il se présente : Mickaël, moi Milène, il adore mon prénom, je suis confuse, c'est la première fois que je me sens toute chose.

Les jours suivants, plus de nouvelles de mon Cupidon, il fallait s’y attendre. Tant pis, c’était écrit.

J'aurais dû puiser dans la science mystique de l'amour pour le récupérer en retour. J'avais joué les boulimiques. Avec l'expérience de la vie, moi, qui croyais tout avoir appris, je me retrouvais sur le banc de l'école. L'amour doit être nourri à certaines heures, et le jour propice n'est autre que celui de Vénus : le vendredi. Dommage, je n'ai pas réfléchi. J'ai géré mes instincts et non ma faim. Pour m'y préparer, je devais projeter mes pensées sur lui aux heures où les canalisations de Vénus étaient ouvertes pour être enfin prête.

La projection amoureuse est un acte magique, et moi, je l'ai laissée prendre la fuite.

Ai-je droit à un joker ?

Je ne tiens plus en place, à force d'attendre qu'il veuille bien se manifester. Je sais que les hommes sont des menteurs, pleins de salamalecs dans leurs avances, tout ça pour quelques instants de bonheur. Mais là, il ne me laisse pas beaucoup de marge.

Je tiens quand même à lui envoyer un SMS :

—— Merci pour cet instant de bonheur qui m’a permis de tourner une page dans ma vie !

Enfin, j’ai une réponse, pas vraiment celle que j’attendais. Peut-être, me suis-je donnée le bâton pour me faire battre ? Mais qu’importe...

—— Désolé de ne pas donner de nouvelles. Mais voilà, j’ai rencontré quelqu’un avec qui j’aimerais faire ma vie. Nous deux, ce fut une relation furtive, ce n’était pas du long terme. Me comprends-tu ? Je ne souhaite plus te revoir, ce sera mieux pour nous deux.

La réponse fut libératrice :

—— Je l’ai bien compris, ne t’inquiète pas. Je ne t’importunerai plus jamais. Je te souhaite beaucoup de bonheur ! Merci encore. Je t’embrasse tendrement.

—— Merci de comprendre. Bonne continuation Migale. Au revoir.

Je pouvais continuer ma route plus sereinement. Je reconnais quand même, qu'il reste des chasseurs consommateurs, une fois la proie dévorée, ils sont rassasiés.

Bref, la nature masculine, quoi.

Bah, une page est tournée, à qui le tour ?

 Allez, c'est parti ! J'vais à la chasse.

Alain, cinquante-neuf ans, ne supporte pas qu'une vieille comme moi ait trop d'appâts.

Présentation rapide, petite psychanalyse et brèves analyses pour comprendre que nous sommes tous dans la même situation.

 

3 décembre 2011

Après une brève présentation, Alain me donne rendez-vous dans un bar, je n'ai rien à faire de ma journée, j'y vais.

En quelques minutes, je sais déjà qu'avec lui, je n'irais pas plus loin que cette conversation :

—— Faut pas rêver, tu n'es plus une midinette.

—— C'est mon problème. Pas envie de voir la réalité. Ça ne va pas durer, alors, j’me lâche. Pour l'instant c'est la récré pour moi, je m'amuse comme je peux, à toi de trouver ton joujou. Tout ça va bientôt s'arrêter.

—— Nous cherchons la même chose... un peu de câlins !

—— J'ai besoin de vivre une deuxième jeunesse avec des hommes plus jeunes aussi.

—— Dommage que je sois trop mûr pour toi...  Les jeunes hommes, comme tu dis, voudront te mettre à l'horizontale. Lovebabel n'est rien de plus, qu'un plan cul.

—— Je le sais, je ne suis pas non plus naïve.

—— Tu sais, avec moi, ce serait différent, je ne tirerais pas un coup avec toi, tu mérites mieux que ça.

Nous avons échangé quelques paroles de courtoisie, je ne voulais pas le blesser, ni lui faire espérer, alors, j'ai écourté cette discussion, et je l'ai salué poliment.

Je garde à l'esprit que les névrosés se cherchent sur le web. Je suis convaincue de l'analyse du psychologue argentin Walter Riso qui conclut ainsi :

            La femme commence par les sentiments puis en vient au sexe, tandis que          l'homme commence par le sexe, puis en vient aux sentiments. Si tout va bien,        ils finissent par se rencontrer et se fracasser en chemin *.

Pourquoi cherche-t-on l'amour désespérément ? Une honnête introspection permettrait de ne plus être en quête de l'impossible. Le grand amour passionnel est mortel, destructeur plutôt que constructeur, nombriliste, sans tenir compte du besoin réel de l'autre.

À soixante-six ans, on n’espère plus rien. Sinon la paix, la sérénité, savourer le peu d'années qu'il nous reste. Alors, je consomme l'amour, je n'ai plus le temps de chercher à comprendre le pourquoi du comment.

Consulter un psy ça mettrait des décennies et je finirais dans un asile sans pour autant trouver la solution, alors qu'elle est à l'intérieur de moi, dans mes gênes, mon éducation, mes convictions, du moins, celles que l'on m'a injectées.

Religieuse, très pieuse, sado-maso, à l'image de la religion catho : mâle, virile, un messie pour chaque famille, prêt pour tous les sacrifices. Sauf celui de sa personne ! (sic). Je ne joue pas la freudienne ou autre psychanalyste, je n'en ferai pas un bouquin, d'autres l'ont fait, plus malins.

 

*Je ne souffrirai plus par amour. Lucia Etxebarria

Lovebabel me fait prendre conscience de l'ampleur du désespoir des hommes en quête d'un bonheur, d'une mère, d'une oreille attentive, d'une amie ou petite chérie, remplaçant leur bobonne. Je deviens alors celle qu'ils affectionnent, bichonnent, papillonnent. J'en oublie, que moi aussi, j'ai le même genre de mec à la maison. Mais comme mes amants ne vivent pas sous mon toit, je finis par leur trouver des excuses, - ces mêmes excuses dont  j'accuse  mon mari, justement -.

Ce matin, j'ai rendez-vous avec Éric quarante ans, simple, courtois, un joli petit minois.

—— Bonjour à vous Migale.

—— Bonjour Éric ! C'est votre portrait sur le site ? Marié, divorcé ?

—— Divorcé. Et vous ?

—— Mariée, cocue, mais je me soigne.

—— Au moins, vous êtes directe. Ayez confiance, vous avez de sérieux atouts pour rebondir tout de suite.

—— Merci, c'est très gentil !

—— De rien, c'est sincère. Vous avez une sacrée personnalité. Vous êtes une femme avec un grand  F.

—— Je rougis.

—— Bon j'arrête. Lol. Si on se tutoyait.

—— Comme tu veux.

—— Je cherche une femme sympa avec qui je pourrai discuter et passer des moments agréables, et toi?

—— Le programme me convient.

—— J'ai hâte de faire ta connaissance.

——  Moi aussi !

J'ai conversé avec Éric tous les soirs, nous nous sommes attachés l'un à l'autre, puis un jour, il m'a demandé de le rejoindre chez lui : le paradis ! J'étais aux anges... la plus belle nuit, le plus beau cadeau de ma vie. Il m'a aimé, caressé, embrassé, nous n'avons pas fermé l'œil de la nuit, magique ! Rien que de penser à lui, mon corps vibre d'émotion. J'ai remercié le King du ciel de m'avoir fait découvrir les astres de la vie, d'avoir confiance en moi et de me réconcilier avec les hommes.

Non, ce ne sont pas tous des salauds, des machos, des rigolos, des gigolos,

ils sont plus fragiles que nous et s'ils pensent au sexe, c'est que dans leur tête, c'est comme à la roulette : rien ne va plus.

Les sites de rencontres pullulent, mais personne ne trouve personne. La plupart s'accrochent au « moins » de peur de n'avoir « rien ».Terrible sensation de solitude et de vide. Moi, je n'ai pas peur du « moins », je préfère de loin le « rien ». Aujourd'hui, j'ai moins que rien. Mais le « rien », c'est beaucoup mieux que « moins », car « rien » n'est pas négatif. Il laisse de la place au positif, de l'espace, du vide pour être comblé. On peut partir de « rien », de zéro ; j'aime le point zéro. Il est le point de la ligne de départ. Point final. Le « moins » n'apporte rien.

Négatif, non constructif, il est latent, pesant, insignifiant, déroutant, il empêche d'avancer ou de se poser.

Comme j'étais considérée par mon mari comme une moins que rien, j'ai voulu chercher s'il y avait mieux. J'ai rencontré des plus et des moins, le charme de l'humain et sa déchéance.

J'ai rencontré plus malheureux. J'ai enfin compris mon bonheur. À travers Lovebabel, je voyais que je n'étais pas seule en manque d'affection. Cette affection pervertie en sexe faisait de mes contacts, des traqueurs, des loups, des rapaces, des bêtes, s'affichant par milliers. Une année entière ne suffirait pas pour les consulter un par un. Leur répondre aussi. J'ai comblé mon temps, mon vide, dépendante de ce vide, que l'Homme ne peut supporter. Il nous fait tourner en rond, nous frustrant de ne pouvoir analyser cette honte d'être rejetés.

Mais qui est vraiment la victime ? Celui ou celle qui jette ? Ou  qui se fait jeter ?

En creusant dans la terre de mes souvenirs, j'arrivais à extirper les racines ancrées dans cette boue. Pourquoi j'en étais arrivée là ? Horreur, l'analyse est tombée comme une sentence. Épouser ma mère ? Oui, j'avais épousé ma mère, sous les traits d'un homme !

Elle revenait hanter ma vie avec ses reproches, ses regards accusateurs, gonfler les poches de mes yeux. Humiliant. Elle était là. Avec ses yeux bleus Mer de Glace, son rictus sur le coin de la lèvre lorsqu'elle ne me supportait plus. En épousant mon mari, je la mettais dans mon lit, dans ma marmite, affreux... Homme tyrannique !

Sur Lovebabel, J'avais rencontré Éric, jeune, gentil. En découvrant son profil,  Guaranis en profite pour me lancer :

—— Tiens, c'est ton homme avec vingt ans de moins !

Bingo ! Je retournais à la case départ. Éric, pour moi, c'est mon espoir. Il était avec une amie, mais prenait toujours plaisir à me voir.

Guaranis avec son instinct protecteur, me lance aussitôt:

—— Profite, car ça ne durera pas !

Mais moi, j'y crois ! Je sais qu'il est plus jeune et je suis à sa disposition. Chaque fois qu'il pose un rendez-vous, je réponds, je fonce, j'arrive, que faire de plus ?

Retrouver mon amour de jeunesse, rattraper le temps perdu, refaire mon passé. Et merde la psychanalyse... c'est pour les mémés !

Certes, je n'ai pas la force d'expédier mes amants comme le conseille Guaranis, même s'ils ne sont pas toujours à la hauteur. Pour Guaranis toujours, le vin rouge est meilleur que certains hommes. Moi, je préfère être caressée et m'entendre dire que je suis belle, chacun sa drogue...

J'ai dépassé les barrières à côtoyer des pervers.

Comme Tony, prêt à tout.

—— Hello ! Très intéressé par votre fiche, je souhaite faire votre connaissance. Est-ce que cela vous tente ?

—— J'aimerais quand même voir votre visage. Moi je montre mon portrait !

—— J'en ai dans mon album privé.

—— N'ayez pas peur de vous dévoiler.

—— Non, non...  Célibataire, dispo ?

—— Mariée, ça me pose des petits problèmes.

Tout d'un coup il se met à me tutoyer.

—— J'en déduis que tu es une coquine.

—— Non, une cocue, j' veux faire des rencontres.

—— T'en fais beaucoup sur Babel ?

—— Oui.

—— Et, tu fais tout ?

—— C'est-à-dire ?

—— Pas de tabous !

—— J'ai eu fait.

—— Y a longtemps que tu as commencé ?

—— Non, j'ai rencontré un homme de trente ans, il m'a proposé de coucher, j'ai accepté. Depuis je me suis libérée. Sans lui je n'aurais jamais pu.

—— Comment était-il ?

—— Secret professionnel. Lol.

—— T'as pu jouir avec lui ?

—— Quand un homme d'une  trentaine d'années de moins que toi te propose de faire l'amour, c'est déjà une jouissance. Alors, le reste se passe de commentaire.

—— Combien d'hommes t'ont baisée ?

—— Petit curieux, je ne sais pas... deux ou trois... peu importe, je ne compte pas.

—— Que fais-tu aujourd'hui ?

—— Essayage de sous-vêtements.

—— J' peux venir voir ?

—— Chiche, t'es pas cap ?

—— Oh ke si ! Rien ne m'arrête. C'est où ?

—— Rue Montorge à Grenoble.

—— Si je viens, j'pourrai tâter ?

—— Non, juste avec tes yeux.

—— J'veux mater.

—— T'es un déglingué du sexe !

—— Ouais, j'en ai jamais assez. Alors, je viens ?

—— Fais comme tu veux. Cet aprèm à 14 heures

—— J'y serai !

Je crois qu'aucun homme dans l'univers à ma connaissance n'a jamais été aussi vite que lui. Je lui laissais trente minutes, pour moi c'était mission impossible. Eh bien pour lui, si !  Dans son cas, c'était la rapidité d'exécution, un vrai Speedy Gonzales.

J'avais prévenu la vendeuse qu'un « mateur » viendrait voir mes mensurations. Je ne voulais pas l'offusquer. J'ai encore quelques bonnes manières, il vaut mieux prévenir que guérir. Elle a souri, sûrement habituée. Il faut avouer que la rue Montorge, dans le passé grenoblois des années quatre-vingt, c'était le quartier des péripatéticiennes. Alors pour elle, ce n'était qu'une bagatelle.

Tony a déboulé. J'étais dans la cabine d'essayage, beau garçon, type méditerranéen, le torse bombé, il m'a aidée à choisir en tâtant mes seins. La vendeuse faisant mine de ne rien voir. Elle allait encaisser deux cents euros de lingerie, elle pouvait garder le sourire. C'est malheureux, mais le pognon a toujours raison.

Tony n'avait pas sa langue dans la poche. Il me léchait, ça m'amusait. Je lui ai laissé très peu de temps. J'ai payé, puis, je l'ai embrassé et laissé sur le trottoir, m'excusant d'un rendez-vous de dernière minute. Il ne m'a pas cru, mais il m'a laissé partir.

Sur le tchat, Tony le zarbi me reparlait de l'après-midi, son pur bonheur. Je l'ai laissé fantasmer.

Suis très énervée ! Éric ne répond plus à mes SMS, je suis en furie. Une frappée de la coquetterie. Trimer pour être toujours au top, belle, nickel, ça suffit ! Il me fait tourner en bourrique.

Éric est si différent, je n'espérais rien, il a débarqué dans ma vie, sans bruit, juste le temps de le trouver et mon cœur s'est connecté. Lui avouer mon amour, c'est trop risqué, il s'enfuirait. Je me contente de ses appels, connections et rendez-vous à la sauvette, quand il veut bien me voir, pas le temps dit-il, peu de temps, et moi je l'attend. J' crois que je vais suivre les conseils de mon ami Guaranis, m'envoyer un Saint-Emilion dans le gosier pour l'inspiration.

Suis en colère contre tout. Elle est belle la société avec sa morale : no drog, no drink, no sex, il reste quoi ?

J'attends. J'attends un appel, un signe, mais rien. Toujours rien. Encore ce rien, à devenir dingue. Le lion en cage a plus d'espace dans sa vie que moi. Je suis à l'étroit. L'amour expérimental, vivisection garantie : greffer le visage d'un autre dans mes entrailles, armures fragiles, où l'épée de la destruction vient tout à coup me transpercer. Dire que tout est fini. Marre de porter, supporter, faire semblant, croire que demain... Oui, demain sera un autre jour.  Fichtre ! Appeler ça de l'amour ? J'ai rien trouvé dans le dico pour définir ce mot. La liste est longue, indéfinissable, exécrable. Dès que l'on se surprend à aimer, c'est pour le pire. Où est le meilleur ? Dans l'imaginaire ? La faute à Voltaire ! Il m'a foutu par terre, la tête dans le caniveau, la faute à Rousseau. J’n’ai vraiment pas de bol. Chercher l'espoir. J’n'ai plus rien à boire. Eh hop ! C'est pour mézigue, je viens de terminer la cuvée du patron.

Non, je ne suis plus rigolote ! Je ne suis pas une pute ni juste bonne pour faire la pluche. Prise dans mon propre piège, il ne me reste de la bouteille que le bouchon en liège.

Éric, appelle-moi, suis prête à boire un kawa avec toi !

Non, c'est James.

Comment ne pas parler de James, mon énième amant ? Sur le site, n'apparaissaient que ses yeux bleus mystérieux. J'ai voulu percer le mystère anglais. J'aime Agatha Christie ! « Encore une énigme », me dis-je. Je suis curieuse, envie de chercher les autres parties de son visage.

Pour cela, il me pose un rendez-vous : ancienne patinoire de Grenoble. Il aime les thrillers. Impossible de se garer, la voie est à sens unique, le boulevard blindé, les parkings saturés. Il est si moche que ça, qu'il n'ose pas se montrer ?

Enfin, j'y suis arrivée, il n'a pas cherché à me téléphoner. J'aurais dû acheter une bombe lacrymogène. On ne sait jamais, l'humour anglais est un peu noir. Je suis devant l'entrée de la billetterie du bowling, un homme s'avance. C'est lui, je le reconnais à ses yeux. Les mêmes que sur la photo avec une frimousse de baroudeur, il me rappelle un chanteur... Lavilliers !

Nous cherchons un bar, une brasserie, tout est fermé. Alors, il me propose de prendre une tasse de café chez lui. Ce n’est pas le roi du café, mais il est si prévenant, attendrissant.

Nous en venons rapidement au flirt, et plus… Encore une fois surprise qu’un garçon de trente-quatre printemps me regarde ainsi. Nous restons une bonne partie de l’après-midi à faire l’amour. Gentil garçon ! Il a du savoir-vivre, beaucoup de gentillesse, bah, il n'est pas très musclé et ce n'est pas non plus un Apollon, mais bon...

La soirée arrive, il me raccompagne jusqu'à ma voiture et nous nous quittons (en) bons amis.

Quelques jours plus tard, nous nous écrivons des mails. Je viens de m’inscrire sur un autre site de rencontres, lui aussi ! On se retrouve. Nous correspondons de temps en temps. Nous aimons parler ainsi. Un jour où j’avais des doutes sur mon physique (celui de la soixantaine bien tassée), il me rassure et m’explique que si j’étais restée un peu plus tard ce dimanche-là, je l’aurais encore inspiré sans problème.  Il me propose de faire un tour du côté de chez James. Il m'invite à passer la journée chez lui. Il m'a concocté un festin avec trois notes : café, encens épicé, lumière tamisée.

Au programme de la journée :

- Huile de massage

- Baisers

- Caresses

James me masse de la nuque aux chevilles, inlassable parcours qu'il fait pendant deux heures. Un vrai délice, je suis le centre de toutes ses attentions. Encore une situation que je n’avais pas savouré depuis longtemps. De nouveau, il se lance dans des caresses plus intimes.

James est un artiste ! Explore chaque partie de mon corps, en prend soin, me sculpte avec ses mains, va et vient. Divin !

Il ne fera pas l'amour, inutile.

Je m'endors, j'oublie le temps... et lorsque je me réveille, il est à mes côtés, m'offrant son plus beau sourire.

—— J'ai une petite faim, ça te dit un resto indien ?

—— Ah oui, bonne idée !

—— Allez hop, saute dans ta jupe, on file !

Aussitôt dit aussitôt fait. En moins de deux, je suis sur mon trente et un.

Direction Grenoble. Il connaît le chemin les yeux fermés. Je ne suis sûrement pas la première à venir ici... Mais je m'en fiche.

À la fin de la soirée, il règle la note. On se quitte comme sur le quai d'une gare, en faisant nos adieux d'un signe de la main. Il est tard. Je dois rentrer.

La maison est vide. Mon mari est resté dormir chez son cousin. Je prends une douche. Ce soir, je dors seule dans mes draps glacés. Dans mon lit, je réfléchis. Comment pourrai-je oublier ces moments de douceur et de tendresse ? C’est un véritable Rodin. Des rencontres comme celles-ci, on ne peut pas les zapper.

Nous reverrons-nous un jour ? L’avenir nous le dira.

Même sur des sites où on chasse pour le plaisir instantané, on peut vivre de très belles histoires dignes de Camille Claudel.

Les artistes sont sur Vénus, moi bien sur Mars.

Pas moyen de dormir, je vais faire un tour dehors, prendre l'air.

Oups ! Mickaël mon voisin, que fait-il à une heure pareille ? J'essaie de me cacher mais trop tard, il me fait un signe de la main, je réponds, il s'approche... Oh non ! Pitié, je ne suis pas présentable, non, non Mickaël, s'il te plaît, tu vois bien que je suis moche. Rien à faire, il est à deux pas de ma porte d'entrée, il se fiche éperdument de ma tenue, il me parle... des banalités, mais doucement, sûrement, il cherche à savoir qui je suis.

Alors, je me laisse aller, déballant  ma vie de A à Z, il m'écoute, donne l'impression de s'y intéresser... Je ne suis pas à l'aise, je baille m'excusant d'avoir sommeil. Je ne veux plus qu'il me voit ainsi, je suis pitoyable ! Gentil, il me souhaite une bonne nuit.

Flash-back pour parler de ma rencontre avec un personnage pittoresque : Bilidje.

Discussion en binôme avec lui et nouveau, j'ai fini par trancher, besoin de rigoler.

 

16 décembre 2011 toujours

 Bilidje enchaîne :

—— Bonjour Princesse d'un songe d'été?

—— Bonjour.

—— Serais-tu disponible ?

—— Peut-être !

—— Hum ! Joueuse. Tu n'as pas le temps de me consacrer une petite photo. Tu es trop occupée ?

—— Ça dépend, dis-je. Je prends mon temps.

—— Normal, je te trouve très élégante.

—— Merci !

—— J'aimerais t'offrir un verre, est-ce possible?

—— Oui.

—— Je connais les gazelles, je peux t'envoûter par mes charmes orientaux. Thé à la menthe et petits gâteaux.

(Rires.)

    —— Tu vois, je suis drôle,  ajoute t-il, je suis un un clown qui jongle avec les mots et les gâteaux, j'te jure, j' te ferai des makrouts à la cannelle. Alors, veux-tu faire un tour dans ma caverne d'Ali Baba ?

—— Pourquoi pas ?

—— Ne réfléchis pas trop longtemps, le chameau va partir et tu ne seras pas du voyage.

—— Canaille !

—— Comment ne pas l'être avec une femme comme toi ? Je suis un homme multicarte, j'ai plus d'un tour dans mon sac. Je veux te faire rêver, comme dans les contes des mille et une nuits. Tu seras ma Shéhérazade. Non, je n'exagère pas, je te devine à travers tes non-dits.

—— Poète ?

—— Oui, beaucoup.

Oh, non ! Pensais-je, les hommes deviennent très virtuels, dans la réalité ils ne sont bons que pour descendre la poubelle.

—— Veux-tu boire un thé en ville dès que possible ?

—— Oui, mais aujourd'hui je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai un rendez-vous...

—— D'amour ?

—— Non, pas d'amour.

—— Ouf, je m'en serais voulu de ne pas t’avoir connu avant un autre.

—— Je dois t'avouer que je ne suis pas le genre de femme à m'emballer juste pour un thé à la menthe et deux loukoums à la rose.

—— Je sais, on est plus dans les contes de fées. Surtout à notre âge. Faut pas rêver.

—— Du moins, faut plus rêver. Je l'ai fait pendant des années et ça m'a coûté.

—— Je sais, on le fait tous...

—— Ouais, c'est bien dommage d'ailleurs que vous les hommes, n'arriver plus à faire rêver les femmes, et nous les femmes, croyons toujours au prince charmant.

—— Je te sens contrariée aujourd'hui princesse ?

—— Un peu, ça ira mieux demain.

—— Alors demain, passe-le avec moi. Je saurai effacer toutes tes contrariétés, j’ai des mains magiques.

—— Des promesses.

—— Bien sûr, je te promets des songes, ma douce nuit étoilée.

—— Je vais y réfléchir !

Je me déconnecte, je ne désire pas le rencontrer. Éric m'obsède, son visage est gravé dans ma tête, je cherche à travers d'autres à l'effacer, mais rien n'y fait. Lovebabel, pour moi est un moyen d'exister. Je vais écrire, oui, faire de la chick lit, pour les poulettes de la littérature. Justement, j'en suis une. J'ai besoin de rêver au prince charmant, être une celibattante. Le mien n'est pas charmant et il n'a pas le look d'un Dom Juan. Je ne lui ai pas laissé le temps de me faire des enfants, heureusement. Je sais, c'est pour ça que j'en suis là. Il est aigri à cause de moi, je n'ai pas assuré de descendance. Franchement, quand je le regarde tous les matins devant son bol de chicorée et sa tranche de pain, il n'a pas bonne mine. Alors, avoir la même chose, multipliée par deux ou quatre, non merci ! Je n'avais pas l'intention de faire des multiplications. Aujourd'hui il me maudit, oui, je le sais. Je l'ai puni, je veux bien le reconnaître, c'est ainsi. Alors, il se venge comme il peut. Hé hop ! Il vient de me surprendre à chatter, il m'a insultée. Et moi, dans tout ça, j’ai le droit de ne rien dire. Quatorze mois qu'il fait le kakou avec ma meilleure amie ! Il est arrivé dans ma vie en jouant de la flûte et maintenant il me traite de pute, menace de casser le cochon et de séparer le jambon du saucisson. J'm'en fous d'son fric. Il a la trouille d'être seul le soir devant sa télé. Et moi, depuis des mois qu'il me laisse, me délaisse, seule avec son clebs : son portrait craché, j’peux plus supporter. Il voudrait que je me taise, sois aveugle, adopte la politique de l'autruche, alors qu'il me prend pour une cruche ! Pauvre pomme, il ne lui reste que la photo de cette conne.

Aujourd'hui, pour moi, c'est le temps de rire. Si je continue à vivre ainsi, je vais mourir de rire.  Maintenant, il pleure, son ego en a pris un coup. Il pensait que j'allais passer le reste de ma vie à écouter ses boutades, supporter ses beuveries, m'insulter devant ses potes, me traiter de moins que rien avec sa tronche de bouledogue, boudeur, menteur et usurpateur. Je ne fais plus rien pour lui plaire, je fais tout pour lui déplaire. Il s'accroche, résiste, préfère m'insulter que d'me plaquer.

Alors, je joue avec ses nerfs. Le divorce coûte trop cher. Sa maison c'est un cauchemar : balayer, astiquer, nettoyer, laver, faire à manger.. je mets en boucle cette chanson pour le faire tourner en rond. Il ne m'a jamais fait danser, j'aurais tant aimé.

Ce soir, il va chez son frère, faire sa tête d'enterrement... Ah, si c'était le mien !

Pendant que le chat n'est pas là, je vais danser avec ma souris. Je me connecte à nouveau, regarde mes mails et oh surprise ! Mes amants s'emmêlent.

Discussion avec un type hyper grave, un « piedopathe », je ne savais même pas que ça pouvait exister, et pourtant... très amusant.

 

 

 

Lundi 19 décembre 2011

Chouchou :

—— Sais-tu ce qui me ferait bander ?

Migale :

—— Non ?

—— Que tu prennes tes pieds en photo sous plusieurs angles (dessus, dessous, de côté) que tu me les envoies par mail, ou MMS.

—— Tu fais une fixette sur les pieds ?

—— On peut dire ça comme ça. Ma proposition te gêne ?

—— Non, je la trouve originale, peu banale. Je te les envoie par mail, je préfère.

—— OK je te laisse mon adresse : chou@msn.com. Peux-tu me les envoyer tout de suite ?

—— Ça urge. Exigeant avec ça.

(Rires.)

Cinq minutes plus tard. Chouchou rapplique :

—— J'adore tes photos, tes pieds sont extra, j'aimerais bien les embrasser, les caresser.

—— Ouais...

—— Je sais que tu habites un peu loin, mais j'aimerais que tu viennes pour que je les sente...

Je le trouve très grave. Je stoppe immédiatement la conversation. Je  le laisse avec sa pathologie.

Nouvelle recrue, de plus en plus jeune. Jusqu'à quel âge vais-je aller ?

Quand mon terminus arrivera, je garderai en moi tous ces profils accrochés dans ma mémoire. Certes, mon icône d'épouse parfaite en a pris un coup sur la tête. Je croque le fruit défendu, j'avale aussi les pépins.

Eh hop, un petit nouveau ! Greg, un beau gosse de vingt-huit ans.

 

Mardi 20 décembre 2011

Je fais dans la conso : un homme ça va, deux bonjour les dégâts.

Greg :

-              Bonjour, je cherche une femme juste pour un soir.

Migale :

—— Hello, j'accepte !

—    Que cherches-tu avec les mecs ?

—— Un ami-amant, confident... (Rires.)

—— Tu es une vraie cougar ?

—— Non ! Personnellement, j'avais bien précisé après trente ans.

—— Tu ne fais pas d'exception ?

—— Peut-être...

—— Quand es-tu libre ?

—— Pour l'instant, je ne me précipite pas, je ne veux pas être bousculée, mode zen. ça te pose un problème ?

—— Oui, j'ai très envie !

—— De Koi ?

—— J'veux toujours faire l'amour...

—— Justement, je ne veux pas aller si vite, il faut se désirer.

—— L'appétit vient en mangeant, j'ai de quoi te faire hurler ma belle. Dis-moi quand tu veux qu'on se voit.

—— Je veux te connaître un peu avant...

—— Pas l'temps. Tu as de sacrées jambes de diva. Allez, laisse-toi câliner. J'te fais gratis, je ne te demande rien...

—— Greg, je ne suis pas celle que tu crois. Je ne suis pas une cougar !

—— OK ! Si t'es pas prête, on s'quitte, j'ai d'autres chats à fouetter.

—— Va jouer avec les minettes de ta rue ! C'est pas un problème pour moi.

-     OK !  J’ai d’autres chattes à mater.

L'avantage du Net, c'est qu'on peut vite envoyer valdinguer les gens sans se prendre un taquet.

 

21 décembre 2011

Lolo : trente-deux ans

Il me fait du rentre-dedans.

Lolo :

—— Cherche woman comme toi.

Migale :

—— Pourquoi ?

—— J'te trouve mature, bien foutue, avec le kit prêt à l'emploi.

—— Et qui te dit que c'est OK ?

—— J'sais pas, faut voir, j'ai trente-deux ans et toi ?

——    T'as pas une idée de l'âge que j'ai ?

—— Non !

Soupir, que choisir ? J'ai trois possibilités : autoriser l'accès, accepter, refuser…

Pourquoi j'ai accepté ? Peur de m'ennuyer sans doute. Je prends le goût du risque. J'accepte.

Lolo :

—— Tu cherches koi ?

—— Aventure, pourvu ke ça dure, et toi ?

—— Je viens de voir ton profil, très sexy !

—— Merci ! T'as pas répondu…

—— Trop cool, une super nana comme toi c'est la baraka. Allez, l'un et l'autre on n'est pas loin, je veux te rencontrer, on ira boire un verre OK !

—— Pourquoi pas ?

—— Peut-être plus ?

—— Tu ne veux quand même pas que je te saute dessus tout de suite ?

—— Sniff ! Ce serait avec grand plaisir.

—— Lolo, franchement !

—— Sniff...

—— Tu ne me connais pas et tu t'affoles déjà...

—— Ben oui... J'peux te poser une question indiscrète ?

—— Essaie toujours.

—— T’aime koi ?

—— Faire l'amour ! Pourquoi ?

—— Non, des détails.

—— Pas de détails, petit curieux...

—— Fellation ?

—— Non !

—— Zut !

—— Je ne suis pas sur Lovebabel pour faire le tapin, je n'accepte pas n'importe koi avec n'importe ki.

—— Non, non, je ne voulais pas dire ça...

—— Les hommes s'imaginent que les femmes sur Lovebabel acceptent tout. On cherche simplement une aventure c'est tout !

—— Suis open, j’veux bien être ton boy.

—— Lol. Une vieille de soixante-six ans te ferait bander ?

—— No problem ! J'ai connu une femme de quarante ans...

—— J'en ai vingt-six ans de plus qu'elle.

—— Et alors ? Pas d'importance l'âge, l'expérience c'est ça le fun... Et toi, tu es une bombe ?

—— C’était comment avec l'autre ?

—— Curieuse ?

—— Oui, un peu …

—— Trop d'la balle. Elle m'a fait un truc d’ouf, hard. J'peux même pas t'le raconter.

—— Dis toujours.

—— Le top. On a fait ça chez elle. Trop bien… L'extase ! Elle m'a caressé pendant des heures, j'étais nu, assis sur une chaise, ficelé, puis, sans hésiter elle m'a fait une fellation...

—— Tu as l'air d'en garder un très bon souvenir ?

—— Oh, oui ! Vous les wifes après quarante ans vous êtes au zénith... Jamais je ne pourrais avoir autant avec une fille de mon âge...

—— Continue...

—— Franchement, je n'avais jamais vécu ça auparavant... Elle avait un tel acharnement, j'ai cru qu'elle allait me bouffer tout cru.

—— Elle t'a épuisé ?

—— Putain, jamais de ma vie je n'ai eu autant, une tuerie !

—— Houlala, ça te donne des idées, tu voudras recommencer ?

—— Pas avec elle, avec toi !

—— Pourquoi, puisque t'as vécu le summum avec elle ?

—— Oui c'est vrai... mais ce n'est pas le style de femme que j'ai envie de revoir.

—— Envie de changer ?

—— Oui !

—— Greg, J'ai passé une nuit avec mon amant, pour l'instant, lui seul m'apporte ce dont je rêve.

—— Suis pas égoïste, je partage.

—— Pas moi, j'aime l'exclusivité.

—— Comment s'appelle-t-il ?

—— Éric !

—— T'es amoureuse ?

—— Oui, mais je ne peux pas le lui dire. Il a déjà une copine et moi-même je suis déjà mariée !

—— C'est le bordel !

—— Non, moi suis cocue et lui, il a juste une amie. On s'est trouvé sur le site, du pur hasard.

—— D'ailleurs, je m'en fous, pourvu que j't'ai dans mon lit, ton mari, j'm'en balance, j'te veux, point barre.

—— Tu es tenace.

—— Oui, des femmes comme toi, ça court pas les rues, il est con ton mec, il ne se rend pas compte qu'il a une superbe femme. Je ne comprends rien. Moi, je saurais te garder. Tu veux k'je vienne ? J'te prends de tous les côtés.

—— Merci trop aimable, je suis occupée aujourd'hui.

—— Ah, t'as trouvé quelqu'un ?

—— Non je vais avec un ami qui a écrit un livre. Séance de dédicace aujourd'hui, je l'accompagne.

—— Donc pas dispo pour le fun ?

—— Non.

—— Merde !

—— Lol.

—— Jusqu'à kel heure t’es prise ?

—— Tard ! 18 heures. Triste ?

—— Oui, j'avais deux heures devant moi.

—— Pourquoi faire ?

—— Devine ?

—— Greg,  je pense qu'il y a un malentendu, j'ai apprécié ta franchise, mais je ne suis pas certaine de pouvoir donner ce que tu attends de moi.

—— Pourquoi ?

—— Je ne suis pas encore assez libre dans ma tête pour accéder à toutes les folies, je respecte mon corps et...

—— Écoute, pas de blablabla, va droit au but !

—— Je ne tiens pas à te rencontrer...

—— Pas grave, quand tu voudras, tu sais ou me trouver bébé  !

—— Merci pour ta compréhension, j'apprécie !

Soulagée de l'avoir quitté, je ne veux plus perdre mon temps avec ce genre de spécimen.

 

 

22 décembre 2011

 Éric m'a envoyé un sms, il veut me voir, alors je cours,  je vole.

Éric me suffit, jamais assez de lui. Il me plaît terriblement. Peur qu'il s'échappe, j'accepte de venir à n'importe quelle heure. J'ai découché de chez moi pour lui. Simplement pour lui faire un café à quatre heures du mat, griller deux tartines et pouvoir me coucher dans son lit encore chaud avec son odeur... Malheur ou pur bonheur, ça dépend comment on voit les choses. J'ai prévenu simplement mon mari, comme il le fait aussi, un message pour dire que je ne rentre pas ce soir. La messagerie est notre meilleure amie. Elle ne nous trahit pas, répète mot à mot avec la même hypocrisie, comme l'autre...

Éric est mon dernier joker, s'il s'en va de ma vie, je n'aurai plus envie de chercher ailleurs un autre prétendant, non, je ne pourrai pas. Je l'aime. Je ne peux pas le lui dire, ce serait me trahir et il me quitterait sur-le-champ, il ne veut pas d'exclusivité. Je suis pour l'instant sa préférée, jusqu'à quand ? Je compte les minutes sans lui. J'attends son coup de fil. J'attends… Éric bien entendu... Il a une autre amie qui partage son lit. Ménage à trois ou quatre, peu importe. Le cœur est élastique, on peut y mettre beaucoup de monde. Mais moi, je voudrais être la seule dans sa vie. Il est bien plus jeune, et il n'hésitera pas à me laisser. En m’inscrivant sur le site, je connaissais les dangers, le pire est celui de s'attacher.

Les hommes ne pensent qu'à s'amuser, comme moi, blasés d'avoir trop aimé. Je cherche toujours quelqu'un d'autre pour me faire patienter et pour rendre mes jours  moins monotones. Je préfère passer mon temps sur mon ordi, que de contrôler tous les coups de fil d'Éric. Ils sont peu nombreux et je ne veux pas le harceler. Il veut être libre de choisir, de me faire patienter, ça commence à m'user. Il a quarante ans, moi soixante-six, on ne voit pas les choses sous le même angle...

Mignon comme il est, il n'aura pas de mal à me remplacer. Et si pour le moment le vent tourne de mon côté, dans peu d'années, il me soufflera dans le dos et je risque de prendre un sacré coup de froid.

Alex, avec qui j'avais rendez-vous le soir, m'a posé un lapin. Il ne m'a pas laissé son téléphone, ne s'est pas excusé, enfoiré !

J'ai attendu une heure dans un bar, les hommes pour la plupart me regardaient de biais.

Malgré mes strass et mes paillettes, je ne brillais pas. Maudissant Alex, le crucifiant sur un poteau de bois. La semaine suivante, comme par enchantement, Alex ressuscitait.

Alex :

—— Coucou !

Migale :

—— Pourquoi n'es-tu pas venu samedi soir, comme prévu ?

—— Problème informatique, mon disque dur a cramé, et comme je n'avais pas ton tel, je n'ai pas pu te prévenir à temps. Ça paraît con mais c'est la vérité... Suis réellement désolé.

—— Et tu n'as même pas essayé de venir malgré tout ? Lui demandais-je agacée.

—— Je ne savais pas si tu maintiendrais le rendez-vous...

—— La preuve que si !

—— Désolé, je ne cherche pas à me justifier, je m'excuse.

—— Pour accepter tes excuses, il va falloir faire mieux que ça !

—— Lol. OK, je t'invite et tu me fais casquer à cause du rendez-vous manqué, comme ça on sera quitte.

Franchement, c'est nul. Je lui réponds :

—— Je me déplacerais que si j'ai ton numéro de phone !

—— Promis je te le donne. C'est celui du travail, je te dirai quand tu pourras téléphoner.

—— Tu n'as pas de tel perso ?

—— Non, j'ai juste celui de ma boîte. Mais tu peux appeler, ce n'est pas un traquenard. Je fais gaffe, car je ne suis pas seul.

—— Alex, dans ton profil, tu as mis célibataire.

—— Mon couple bat de l'aile, je vis seul maintenant. Je n'ai pas menti. En colère ?

—— Oui,  je suis franche, moi !

—— Je comprends, je peux me rattraper en te proposant un autre rdv ?

—— Pas tout de suite, je vois mon amant.

—— Ah, tu as quelqu'un ?

—— Oui !

—— Tu ne cherche pas l'exclusivité à ce que je vois !

—— En effet, non !

—— Je ne comprends pas ton attitude, tu peux me remplacer comme tu veux et tu me fais un caprice parce que je n'ai pas pu venir...

—— Tu appelles ça un caprice ?

—— Madame est énervée !

—— Oui ! Et je te trouve un peu léger, je crois que nous allons arrêter-là, pas la peine de convenir d'un autre rendez-vous. Désolée !

J'ai quitté Alex, sans regret. Je ne suis pas rancunière, mais un peu fière, ma dignité en priorité. Alex aurait dû être un peu plus galant.

J'ai modifié mon profil, ajouté des photos presse people, je trouvais ça très drôle.

 

24 décembre 2011

Paul a mordu à l'hameçon.

Lui aussi, un artiste à ses heures nocturnes... Le tatouage en bas de mes reins l'a bouleversé en moins que rien.

J'ai été gâtée pour mon réveillon de Noël, il m'a écrit un poème.

Paul prend son pied en m'écrivant des vers. J'ai aimé. Dois-je m'en contenter ?

Paul m'a écrit de longues pages de poèmes, l'inspiration déborde. Je m'étonne de faire autant d'effet.

Hélas, mon cœur est coincé dans des barbelés. Qui suis-je ?

Femme fatale ? Avec des porte-jarretelles ? Une vraie mygale ? Prendre au piège toutes sortes d'hommes et croquer avec eux la pomme ? L'interdit, sans limites, mon âme est rongée par les regrets. J'essaie en vain d'oublier, pas moyen. Ni fleurs, ni poèmes ne peuvent enterrer ma peine… Oui j'aime Éric... Pourquoi chercher ailleurs ce que l'on a déjà chez soi ? À travers lui, j'ai voulu effacer trente-deux années de ma vie. Il ressemble tellement à mon mari. Il est ma jeunesse, mon amour interdit, comme je voudrais être pendue. Me punir d'avoir osé mordre la bande d'arrêt d'urgence. Mais sur cette autoroute où les hommes passent et repassent à une vitesse vertigineuse, je ne peux plus reculer ni faire demi-tour. Lui pardonner, impossible, m'humilier, possible...

La culpabilité devrait être abolie comme l'interdit, ce sont des mots inventés par les hommes.

 

1er janvier 2012

Mon jeune voisin, Mickaël est venu me souhaiter ses meilleurs vœux, adorable !

 

2 janvier 2012

Pauvre de moi, suis-je veinarde ou malchanceuse ? Comme le dit Eugène Labiche : « Le veinard est celui qui arrive à tout ; le malchanceux est celui à qui tout arrive. »

Conclusion de Labiche : suis une quiche.

Toute contente de moi j'ai voulu faire une BA. J'ai invité une amie à venir avec moi pour faire la connaissance d'un gars super que j'ai rencontré sur le Net. Elle m'a fait un nettoyage à sec. Évidemment, le super mec lui a fait la fête. Ils ont discuté tous les deux, j'ai fait la chandelle au milieu. Elle avait des atouts convaincants : yeux de biche, lèvres pulpeuses et décolleté « Silicone vallée ». J’n'arrivais pas à décoller du banc. Oui, j'étais sur le cul ! Mon play-boy acquiesçait à tout ce qu'elle disait, souriait, répondait : « oui, oui, toujours oui... » J'ai bien vu, qu'elle lui plaisait. Jamais, plus jamais, j'irai à un rendez-vous galant accompagnée. Terminé, je ne jouerai plus mère Térésa avec les copines, ça fait déjà deux fois... Jamais deux sans trois... Je n'ai pas assez pris de coups de bâtons, je n'ai toujours pas tiré de leçon. Journée foutue, elle m'a décapitée. Tout le long du trajet elle m'a remerciée de lui avoir présenté un super ami... Moi, j'avais rien saisi. J'avais confiance en elle, je voulais savoir ce qu'elle pensait de lui, si j'étais faite pour lui. Pouvais-je croire enfin que j'allais rencontrer le type bien ? Je crois encore au conte ; faut que j'arrête de regarder la télé.

Mon amie m'a ramenée à la réalité, il ne faut jamais faire confiance à sa meilleure amie, elle peut devenir la pire ennemie.

Lovebabel m'a écœurée comme le miel, brûlé la gorge de ce goût trop sucré, l'envers du décor, mon ami avait encore raison : Guaranis, m'a expliqué que pour les hommes je me suis mise en quatre. C'était le moment de tout arrêter, assez de jouer, fallait bien que ça se termine, mais j'aurais préféré en beauté... Baissez le rideau ! Le spectacle est terminé. À l'aube de mes soixante-sept ans, je prends les devants, plus question de m'acoquiner avec des jeunots en mal d'amour aussi paumés que moi. J'ai compris que je leur ai tout appris : l'amour, le désir, le sexe... Je m'offrirai le petit dernier, le jour de mon anniversaire, le 8 mai 2012 à midi, l'heure où je suis venue au monde. Il sera le cadeau de ma dernière galère, je ferai un vœu, ce sera ma dernière prière. Trop vieille pour aller guincher le soir après minuit dans les bras du premier dandy, tout ça, pour effacer de ma mémoire Éric qui valsait avec moi, m'appelant au dernier moment pour boucler son emploi du temps. J'ai mis le temps pour comprendre, à mon âge on prend le temps de supporter, de rêver, d'imaginer, mais il ne nous reste justement pas assez de temps.

 

6 janvier 2012

Sortie au resto en catimini, anniversaire de Guaranis, mon ami a pris de la bouteille, cinquante et un ans, l'âge du Pastis. Dans une petite rue du centre ville, le patron nous a concocté un couscous. C'était super sympa.

Dans la soirée, nous avions discuté des dates d'anniversaire, mon ami est très sensible au monde cosmique.

 

 

8 janvier 2012

Suis dopée, j’n'arrive pas à me déconnecter, Lovebabel, c'est vraiment le bordel. Pour me changer les idées, je vais regarder la télévision. Dans mon esprit défilent les visages d'Éric et bien d'autres.

Je voudrais bien les effacer, mais je n'ai rien pour m'occuper. Une activité sportive ; cloîtrée chez moi ; partir en vacances au club MED... J'ai plus goût à la vie...

Je ne craquerai pas. Je ne titillerai pas le goujat ; il ne mord plus à l'hameçon... Faut dire que je n'ai plus d'appât.

OK ! Comme promis j'attendrai le 8 mai.  Que vais-je pouvoir faire de tout ce temps ? Sinon que de le tuer avant qu'il ne me tue ?

 

10 janvier 2012

Cinq heures du mat, j'ai des frissons, je claque des dents, j'enfile mon pantalon.

J'attends...

Mercredi 11 janvier 2012

Période de sevrage, pas de Lovebabel.

 

Jeudi 12 janvier 2012

Je reçois des coups de fil de prétendants... Je ne réponds pas... Je tiens bon.

 

Vendredi 13 janvier 2012

Aujourd'hui, super cagnotte du loto plus de treize millions d'euros à empocher, je vais jouer, qui sait, je vais peut-être gagner.

À demain !

J'étais la première à l'ouverture du bureau de tabac. J'ai déniché sur le Net un site qui donne directement les numéros de chance pour gagner dans la vie... Pour ne pas le citer : www.voyance-piegeakon.com.

J'ai fait le calcul avec ma date de naissance et le jour « d'aujourd'hui » voici les numéros sélectionnés : 1 numéro de chance, puis 3 34 36 39 45. Poil au nez.

Résultat ce soir 19 heures, même pas peur.

 

Vendredi 13 janvier 2012

19 heures.

Y'en a qui croient encore au Père Noël. J'ai perdu turlututu ! Personne n'a gagné ! Faut pas charrier, la probabilité pour gagner est infiniment petite, même en jouant toutes les minutes tous les jours, j'avais une chance sur des millions. Pour ce qui est d'empocher le pognon, ce n'est pas la peine de sortir la calculette, suis vraiment trop bête.

Il ne me reste plus que la Saint-Valentin. Quelqu'un va peut-être me téléphoner et m'inviter ? Eh oui j'y crois.

 

14 janvier, 15, 16, 17, 18,19... Jusqu’à la fin janvier

Rien.

Enfin un coup de fil, de Guaranis, invitation pour voir un spectacle de danse, Au plus près du monde, sympa... Moi, je suis plutôt au plus près de la fin, enfin prête ! 16 h 15, je n’ai pas intérêt à être en retard, Guaranis va se fâcher... Merci à toi mon ami, je n'aurai pas à tuer l'ennui... Mourir d'ennui. Épicure a encore raison, je vais devenir son adepte, oui j'y crois, la mort n'est pas une fin de soi, mais une fin en soi.

 

Mardi 14 février 2012

Aujourd'hui c'est la Saint-Valentin, mon mari tire sa gueule de chien, à mon avis, ce soir c'est télé, Canigou et au lit. J'ai décidé de me fêter la Saint-Valentin. J’ai déposé sur ma table : deux bougies, du champagne et invité un Valentin pour un dîner aux boudins et me suis vêtue de ma robe noire en satin.

Mon mari a décidé de retrouver sa bien-aimée, et voilà, encore seule pour cette soirée. J'ai mis de la musique : La Callas, histoire de pleurnicher, j'ai parlé à l'homme invisible que j'ai surnommé Valentin. Mais ce soir, je suis seule avec mes deux couverts, le boudin, le champagne … Galère.

À fond la musique, à fond le champagne, à fond le cafard, à fond les mouchoirs, à fond une vie sans histoire, au fond dans le noir.

 

Février – mars – avril

Pas un seul coup de fil.

 

Mardi 8 mai 2012

Il est midi. Comme promis je me jette comme un dingo sur Lovebabel. Ce sera la dernière fois, juste pour mon anniversaire, je m'offre un Brad Pitt.

—— Bonjour Migale !

« Tiens », me dis-je « Encore un qui a mordu à l'hameçon ». Il n'y a pas de photo à son profil, il se cache pour ne pas montrer sa face.

—— C'est une belle journée, aujourd'hui ! enchaîne-t-il tout de go.

—— Oui ! répondis-je, c'est mon anniversaire aujourd'hui !

—— Joyeux anniversaire Migale, c'est ton jour de chance...

Il me tutoie. On n’a pas élevé les cochons ensemble. Je fais du mimétisme, le tutoie aussi.

—— Bonjour, quel est ton nom bel inconnu ?

—— Aladiah !

—— Joli, ça me fait penser à Aladin...

—— Oui, c'est pareil, je suis ton génie.

Hum ! Il fait dans l'humour en plus de ça.

—— Alors tu as une lampe magique ?

—— Bien sûr ! Fais trois vœux...

—— Très drôle ! Tu joues avec les mots ou  bien avec moi ?

—— Non, je suis sérieux ! Quel est ton vrai nom Migale ?

—— Je ne te le dirai pas !

—— Tu t'appelles Milène.

Je reste bouche bée, comment a-t-il pu deviner ? Il m'impressionne, qui est cet homme ?

—— On ne peut rien te cacher.

J'essaie de garder la face.

—— Tu es née le 8 mai 1945 à midi, le jour de la victoire.

—— Tu es bien informé !

—— Je voudrais te rencontrer aujourd'hui, Milène. Je veux fêter ton anniversaire avec toi, mademoiselle Victoire !

Là, c'est trop. Je suis née le 8 mai 1945 à midi, j'aurais dû m'appeler Victoire, mon père a changé mon état civil, et lui, ce type, que je connais de nulle part, vient de sortir mon prénom des placards !

—— Alors Victoire, c'est d'accord ?

Il m'irrite de plus en plus. Intriguée, j'accepte.

—— OK ! Maintenant... Sinon ce sera trop tard ! Je lui lance un défi.

—— Pas de problème, où veux-tu que nous nous rencontrions ?

—— Je suis seule comme d'hab, alors je joue mon dernier joker, viens chez moi...

J'étais persuadée dans mon for intérieur qu'il refuserait.

—— OK, j'arrive !

Andouille, quelle andouille ! Il vient de se déconnecter et je n'ai pas pu lui laisser mon adresse. Il se paie ma tête. C'est un psychopathe, un killer, un frapadingue !

Il a dû regarder Orange mécanique celui-là !

Dommage, il commençait à m'amuser. Du coup j'ai arrêté mon ordi, tant pis, pas de Brad ni de Clooney pour mon anniv...

On sonne à l'interphone, tiens, je n’attendais personne.

—— Bonjour Milène, c'est moi !

—— Qui, moi ?

—— Aladiah !

Terrifiée, soudainement je me mets à trembler. Je suis tombée sur un fou, on m'avait prévenue que sur ce site il n'y avait que des tarés, je n'ai pas voulu écouter.

Maintenant, je vais le payer. Mon mari n'est pas là, le chien est enfermé dans le garage, trop tard ! Qu'est-ce que je fais ? J'appelle les flics, les voisins, non, il faut que je me calme ! Il ne peut pas entrer, le portail est verrouillé, je vais aller voir, qui sait ? Peut-être... Une surprise m'attend ?

Timidement, j'ouvre la porte et me dirige vers mon portail électrique. Je sais que je peux le voir sans être vue...  J'aperçois sa silhouette à travers les lamelles de bois.

Surprise ! Il a l'air d'être plutôt beau mec avec beaucoup de classe, grand, éblouissant, bouleversant.

—— Bon, tu vas te décider à m'ouvrir !

Oups, il me voit. Bon, il faut que je prenne mon courage à deux mains. J'appuie sur la télécommande et le portail s'ouvre…

—— Mikaël !

Mon voisin ! Ça c'est une surprise. Je ne l'avais pas reconnu à travers le portail.

—— Surprise, n'est-ce pas ? Me dit-il en riant.

Je ne sais pas quoi faire. Le faire entrer ?

—— Quelle belle journée...

—— Euh... entre...

—— Tu as l'air étonnée de me voir.

—— Oui !

 —— Je suis Aladiah sur Lovebabel, tu comprends mieux maintenant ?

—— Oui ! répondis-je estomaquée.

Il s'est assis en admirant le paysage.

——  Mikaël, veux-tu boire quelque chose ?

——  Avec plaisir, un café s'il te plaît.

—— Avec du sucre ?

—— Non merci.

Qu'est-ce qu'il a à me dévisager ?  Je ne sais plus quoi lui dire.

—— Tu n'aurais jamais pensé que ton voisin puisse se connecter sur le même site que toi ?

—— C'est tout à fait ça !

Confuse, je suis allée préparer le café, le temps de reprendre mes esprits. A quoi joue-t-il ?

Quelques minutes plus tard, je le retrouve sur ma terrasse.

—— Bon anniversaire Milène, tu vois j'ai réalisé un de tes vœux !

—— Ah, lequel ?

——  Celui de rencontrer l'homme idéal.

Je souris. Mikaël a trente ans, beau, intelligent, bien sur tous rapports, il connaît tout de ma vie, pour avoir conversé des heures entières avec moi, le soir, quand mon mari n'était pas là. Je n'aurais jamais imaginé un seul instant que je pouvais l'intéresser.

—— Je m'excuse de t'avoir effrayé, dit-il, je vais tout t'expliquer !

—— Je t'écoute !

—— Mon pseudo est Aladiah, c'est mon nom sur Lovebabel, et c'est aussi le nom de ton ange Milène. Dès que je t'ai vu la première fois, j'ai su tout de suite que j'étais amoureux. Seulement, je n'ai jamais osé te l'avouer, à cause de notre différence d'âge. Mais dès que j'ai su que tu avais eu des relations avec des hommes plus jeunes, alors, je me suis mis à rêver, et j'ai pensé que moi aussi je pouvais avoir ma chance avec toi. Je veux être ton ange gardien. Je me fous de ce que les gens peuvent penser...

—— C'est une plaisanterie !

Je n'en crois pas mes oreilles.

—— À ton avis ? Crois-tu que j'ai envie de jouer avec toi ?

—— Je n'en sais rien et je me pose la question !

—— Je suis sincère Milène, je t'aime vraiment ...

—— C'est  impossible !

—— Pourquoi ?

—— Tu n'es pas sérieux, tu es jeune, beau, tu...

——  Je viens de t'avouer mes sentiments, cesse de tourner autour du pot.

Je n'ose plus penser.

——  Cesse de trouver des excuses.

—— Tu as raison. Je ne sais plus quoi dire ! dis-je en souriant.

—— J'ai vu ta peine durant de longs mois, j'ai entendu tes pleurs, seule dans le noir, j'étais là près de toi... juste à côté... Je t'aime vraiment, tu peux me croire !

Je me sens apaisée, jamais je n'avais été aimée ainsi, dois-je l'accepter ?

—— Tu voulais un Dom Juan pour ton anniversaire, je suis venu. C'est moi, l'homme de ta vie, l'ange de tes nuits, le prince de tes rêves, je peux abréger toutes tes souffrances.

—— C'est tellement beau tout ce que tu me dis !

—— C'est vrai !

—— J'avoue que je ne sais plus...

—— L'amour ne peut pas se commander, on ne peut pas forcer quelqu'un à aimer. Si tu le veux, je peux te rendre heureuse.

—— Je ne suis pas libre, et toi tu as un            avenir à construire.

—— Peu importe, rien ne presse, je veux simplement être avec toi, vivre au jour le jour sans me poser de questions.

—— D'accord Mikaël, si tu vois les choses ainsi, j'accepte. Tu es le plus beau cadeau de ma vie ! J'ai cherché le bonheur sur Lovebabel  alors qu'il était tout près de moi...

—— Eh oui !

J'ai fermé les yeux, heureuse. Il a déposé sur ma bouche un baiser parfumé, un avant goût de l'été.

Quand j'ai ouvert mes yeux, Il souriait. Ce regard,  jamais je ne l'oublierai ! Si bleu, un océan de paix, limpide,  je m'y serais volontiers plongée éternellement.

—— Jamais plus je n'aurai vingt ans, tu le sais.

—— Je t'offre la possibilité de les avoir avec moi.

—— Petit fou !

—— Oui, d'amour !

 

Mikaël m'a pris dans ses bras, ce que j'ai ressenti, était indescriptible !

Aujourd'hui, c'est le plus beau jour de ma vie.

Merci Aladiah ! Mon ange gardien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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